13. Sécurité alimentaire et assistance alimentaire

Documents d'information technique
Résumé analytique
© FAO, 1996


Table des matières

Remerciements
Résumé analytique

1. INTRODUCTION

Les diverses formes del’insécurité alimentaire et de la faim
Géographie de la faim
Les niveaux actuels de la sécurité alimentaire et le rôle de l’assistance alimentaire

2. L'ASSISTANCE ALIMENTAIRE POUR MAINTENIR ET AMÉLIORER LA VIE

Les bases de l’assistance alimentaire
L’assistance alimentaire pour le développement humain
L’assistance alimentaire poir accroître la production agricole et créer des revenus
L’assistance alimentaire et les femmes: renforcer la sécurité alimentaire des ménages
Assistance directe aux victimes de la faim chronique
Formes indirectes d’assistance
Protection des marchés locaux de produits alimentaires

3. L'ASSISTANCE ALIMENTAIRE POUR SAUVER DES VIES

Crises et aide alimentaire
Rapidité d’intervention pour sauver des vies
Préparation aux catastrophes et prévention des crises
Le rôle des organisations non gouvernementales et des groupes civils

4. LE FINANCEMENT DE L'ASSISTANCE ALIMENTAIRE

Assistance alimentaire nationale
Aide alimentaire internationale

5. BESOINS D'ASSISTANCE ALIMENTAIRE

Projection des futurs besoins d’assistance alimentaire
Mobiliser les efforts pour faire face aux besoins futurs d’assistance alimentaire

BIBLIOGRAPHIE

 


Remerciements

La préparation de la documentation technique du Sommet mondial de l’alimentation a mobilisé, outre le personnel de la FAO, un nombre considérable d’experts appartenant à la communauté scientifique internationale, ou provenant d’institutions internationales et de cercles gouvernementaux ou non gouvernementaux, de la FAO. A la FAO, le travail a été suivi par un Comité intérieur de lecture, composé de fonctionnaires choisis à titre personnel, et conduit de manière que l’ensemble de la documentation réponde à des critères appropriés de qualité et d’homogénéité.

Le présent document a été établi par Chimimba David Phiri, avec le concours de Barbara Huddleston, tous deux de la FAO. Rachel Bedouin, Amde Gebre-Michael et Jacques Vercueil ont apporté leurs précieux commentaires aux divers stades de la préparation de ce document. Certaines sections s’inspirent de très près de l’analyse du rôle de l’aide internationale et des problèmes qui s’y rattachent, faite dans le document Le scandale de la faim dans un monde qui regorge d’aliments: l’aide alimentaire a de quoi faire, préparé par le Programme alimentaire mondial (PAM) et largement diffusé au cours de la préparation du Sommet mondial de l’alimentation. Après un premier examen effectué par des collègues invités et le Comité de lecture, une première version a été envoyée, pour observations, aux organisations intergouvernementales (OIG) et aux organisations non gouvernementales (ONG), ainsi qu’à d’autres lecteurs tout aussi compétents de la FAO, d’institutions internationales partenaires et à d’autres centres d’excellence pertinents. Des observations et des avis très appréciés ont été reçus de Diane Spearman (PAM); Hans Singer (Institut d’études du développement, Université du Sussex); M. Kassa (Université du Caire); Pieter Bukman (Pays-Bas); A.N. Hersi (Banque asiatique de développement) et de Duncan MacLaren et Karel Zelenka (Caritas Interna-tionalis); ainsi que de Russ Kerr et de ses collègues (Organisation internationale de perspective mondiale).

Le Secrétariat de la FAO, tout en étant reconnaissant pour les contributions qu’il a reçues de tous ses lecteurs, assume la pleine responsabilité du contenu du document.


Résumé analytique

On définit ici l’assistance alimentaire comme l’ensemble des initiatives prises par les gouvernements, souvent en collaboration avec des organisations non gouvernementales et des membres de la société civile et, lorsque nécessaire, avec l’aide extérieure, pour améliorer le bien-être nutritionnel de leurs citoyens qui, sans cela, n’auraient pas accès à une nourriture suffisante pour mener une vie saine et active. On identifie les principales catégories de personnes qui ont besoin d’une assistance alimentaire en insistant sur les principaux moyens d’en assurer l’efficacité.

Ceux qui sont chroniquement sous-alimentés sont ceux qui ont un revenu bas et incertain, des avoirs limités, peu de compétences commercialisables et un pouvoir d’achat insuffisant, et qui n’ont personne de haut placé pour les défendre. La faim est débilitante: manifestation de la pauvreté, elle est elle-même une cause de pauvreté. En portant remède à la faim qui sévit actuellement, on contribue à éradiquer la pauvreté et on progresse vers la sécurité alimentaire. L’assistance alimentaire apportée à des individus qui en ont un besoin critique à des stades particuliers de la vie (nouveau-nés, enfants en bas âge et femmes enceintes et mères allaitantes) ou à certaines époques de l’année, contribue effectivement à plus longue échéance à leur sécurité alimentaire. Et, bien sûr, pour ceux qui sont éprouvés par des catastrophes naturelles ou des crises d’origine humaine, la survie vient avant toute autre considération et l’assistance alimentaire offre l’unique espoir.

La faim existe même au milieu de l’affluence et sévit dans les villes comme dans les campagnes. Néanmoins, elle est plus répandue et plus grave dans les sociétés pauvres et parmi ceux qui connaissent le moins l’abondance. La majorité de ceux qui en souffrent vivent dans des pays à faible revenu et à déficit vivrier où la population est encore essentiellement rurale. Il s’agit surtout de pays d’Afrique et d’Asie du Sud.

Le tableau ci-après présente les estimations de la population vivant au-dessous du «seuil de la faim» dans les pays en développement (93 pays représentant 95 pour cent du total) et illustre quelques dimensions du problème:


Tableau: population totale et population sous-alimentée des pays, selon les disponibilités énergétiques alimentaires (DEA) moyennes par habitant

Ces estimations, qui rendent compte de la situation présente ou escomptée, prennent en considération les efforts entrepris pour améliorer la situation alimentaire, à savoir l’effet positif de politiques et d’initiatives visant directement et indirectement à réduire la pauvreté et ses conséquences, et elles font donc apparaître la dimension de la tâche restante, maintenant et dans l’avenir. Toutefois, dans la mesure où elles ne montrent pas la très grande fréquence de la malnutrition autre que la sous-alimentation chronique et où elles ne font pas apparaître le caractère essentiellement saisonnier ou temporaire des pénuries alimentaires ni la malnutrition liée aux situations d’urgence, elles sous-estiment l’ampleur de la tâche à venir.

La faim dans le monde est un problème local. C’est aux gouvernements qu’il appartient en dernier ressort d’assurer la sécurité alimentaire de tous leurs citoyens. A l’échelle de la planète, le volume des ressources provenant de sources intérieures (publiques et privées) dépasse de loin celui des ressources fournies par l’aide alimentaire internationale. Dans les pays en développement, la part des programmes d’assistance alimentaire dans les dépenses totales des gouvernements est rarement inférieure à 5 pour cent; elle a même atteint 45 pour cent (en Egypte en 1980-1981). Dans de nombreux pays développés, des sommes encore plus grandes sont consacrées à des programmes nationaux d’assistance alimentaire. Le Gouvernement fédéral des Etats-Unis, par exemple, a dépensé en 1995 quelque 38 milliards de dollars EU pour les 16 programmes d’assistance alimentaire administrés par le Département de l’agriculture des Etats-Unis. L’aide alimentaire internationale, lorsqu’elle a atteint son maximum en 1988, se chiffrait quant à elle à moins de 4 milliards de dollars EU. Même dans les pays où l’aide alimentaire extérieure représente une proportion notable de l’assistance alimentaire totale, les ressources nationales sont habituellement mobilisées en premier pour sauver les vies des victimes de situations d’urgence.

Dans les pays développés comme dans les pays en développement, les programmes nationaux d’aide alimentaire ont généralement été amputés pendant les années 80 et 90. Les politiques associées à la stabilisation macroéconomique dans de nombreux pays en développement ont fait monter les prix des produits alimentaires en raison des réalignements des taux de change et de la réduction des subventions pour l’alimentation. Les coupes effectuées dans les dépenses et les services sociaux ont affecté les pauvres qui sont les plus tributaires du soutien du secteur public; les ajustements économiques ont entraîné une augmentation du chômage dans des secteurs particuliers ou à l’échelle globale et une réduction du revenu de beaucoup. Récemment, on a commencé à insister à nouveau à l’échelle internationale sur la réduction de la pauvreté et la mise en place de dispositifs de protection sociale pour ceux qui ne sont pas en mesure de tirer parti des possibilités offertes par des programmes de réforme économique.

La faim locale est un problème mondial. Le droit de chacun à la nourriture est énoncé dans un certain nombre de déclarations et de pactes des Nations Unies. Donnant suite à des considérations humanitaires fondamentales, la communauté internationale apporte une aide alimentaire pour aider à combattre la faim. Mais l’aide alimentaire a également diminué, tombant de presque 17 millions de tonnes (en équivalent céréales) en 1992-1993 à environ 9 millions de tonnes en 1994-1995, et de plus de 11 millions de tonnes à environ 6 millions de tonnes dans le cas des pays à faible revenu et à déficit vivrier. Dans l’intervalle, l’accroissement du nombre et de la complexité des situations d’urgence a eu pour résultat d’accroître la part revenant aux secours (de 30 à 50 pour cent en deux décennies) dans l’aide alimentaire totale. En outre, l’aide alimentaire devient de moins en moins un moyen d’écouler les excédents des pays industrialisés; elle prend de plus en plus la forme d’achats en numéraire de produits alimentaires dans des pays en développement, et elle doit maintenant soutenir la concurrence d’autres formes d’assistance au développement dans des budgets d’aide restreints.

Outre la tendance générale à restreindre les budgets, une importante raison qui explique les modifications observées dans la structure et le volume aussi bien des programmes nationaux d’assistance alimentaire que de l’aide alimentaire a été la perception générale que certains programmes passés ont été un gaspillage inefficace. De fait, des programmes d’aide alimentaire mal conçus et mis en œuvre peuvent avoir des effets pervers sur le développement et la sécurité alimentaire future: ils peuvent entraîner une instabilité financière, faire baisser la production intérieure, manquer les bénéficiaires visés, créer une dépendance à l’égard de l’aide avec des habitudes alimentaires calquées sur l’étranger. Tout simplement, l’abus de l’assistance alimentaire peut être contre-productif.

Les programmes futurs d’assistance alimentaire devront être mieux conçus et devenir plus efficaces, afin de faire davantage avec peu de ressources. Le principe de base, qui est d’atteindre au juste moment ceux qui en ont le plus besoin et de manière à avoir des effets durables tout en apportant une aide à court terme, se traduit en trois objectifs.

Le premier objectif – à n’importe quel moment – est d’apporter des secours rapides, appropriés et suffisants. Les principales victimes des situations d’urgence sont les femmes et les enfants. Il faut faire participer les femmes à la conception et à la gestion de l’assistance alimentaire, et il faut qu’elles en deviennent les bénéficiaires directes. Les interventions d’urgence doivent se transformer progressivement, dès que possible, en aide au relèvement après la crise, afin d’améliorer la faculté de récupération des ménages et des économies rurales et permettre au développement de s’implanter. Là où l’agriculture se révèle être la meilleure ou la seule voie possible pour soulager l’insécurité alimentaire après la crise, l’assistance alimentaire pour le redressement de ce secteur peut stimuler sa relance dans la période consécutive à une situation grave.

Ceux qui ont chroniquement faim ne peuvent guère réaliser leur potentiel humain ou économique. Le deuxième objectif est donc d’apporter une assistance alimentaire à ceux qui, sans cela, n’auraient pas accès à ce moyen de vie essentiel, en portant une attention spéciale à ceux qui ont des besoins critiques à certaines époques de l’année ou à certains stades du cycle biologique.

Le troisième objectif est de faire de l’assistance alimentaire un outil de développement, en mettant au premier plan la population. Les interventions permettant d’améliorer le statut nutritionnel peuvent bénéficier à ceux qui ont faim sur le plan de la santé, de l’éducation, de l’acquisition de compétences et de la création de revenu. En ce sens, l’assistance alimentaire relève de la médecine préventive.

Dans certains pays et dans certaines conditions, les efforts entrepris à l’échelle nationale ne peuvent suffire. Le tableau montre les limites de la redistribution dans les pays où les DEA moyennes sont très faibles. Si l’assistance alimentaire additionnelle était entièrement axée sur des individus qui en ont besoin et entièrement consommée par eux sous forme de produits alimentaires, le pouvoir d’achat à transférer à ceux qui sont mal nourris équivaudrait en moyenne, à l’échelle mondiale, à quelque 13 dollars EU par personne et par an. L’effort requis pour éliminer la faim actuelle et pour l’empêcher dans l’avenir dépasse de loin les ressources qui lui sont actuellement consacrées. Mais on ne peut dire qu’il soit impossible à l’échelle mondiale. Cela devrait encourager tous les gouvernements et leurs partenaires engagés dans des programmes d’aide humanitaire et sociale à redoubler d’efforts pour identifier ceux qui ont faim et les lieux où ils se trouvent, et pour concevoir des programmes ayant un bon rapport coût-efficacité en vue de leur apporter directement une assistance alimentaire. Le flux de ressources nationales et internationales dans des programmes restructurés d’assistance alimentaire accélérerait lui-même le moment, au XXIe siècle, où la nécessité de tels programmes se ferait nettement moins sentir.