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3. MESURES ET METHODES D'AMENAGEMENT


3.1 Options possibles de régulation de la pêche
3.2 Limitation de l'accès
3.3 Gestion en partenariat

(i) Comme indiqué au paragraphe 1.4, le seul mécanisme disponible pour maintenir la biomasse et la productivité d'une ressource au niveau souhaité, au moins pour la pêche de capture, consiste à limiter la mortalité de pêche en réglementant le volume des prises, le moment de la capture et la taille et l'âge au moment de cette capture. Pour réguler la mortalité par pêche, on peut employer diverses méthodes dont chacune aura des implications et donnera des résultats différents sur l'efficacité de la régulation de la mortalité, l'incidence sur les pêcheurs, la faisabilité du suivi, du contrôle et de la surveillance et d'autres aspects de l'aménagement des pêcheries. Les principales possibilités offertes sont indiquées ci-après.

(ii) Pour la pêche continentale, particulièrement dans les cours d'eau et les petits plans d'eau, il est souvent possible d'intensifier ou d'améliorer la production halieutique. Pour ce faire, on peut par exemple procéder à un repeuplement approprié responsable du plan d'eau avec des individus supplémentaires d'espèces déjà présentes, à une fertilisation accrue visant à améliorer la production primaire ou secondaire sans modifier les écosystèmes et la biodiversité et à l'élimination des espèces prédatrices ou parasites. Il s'agit là d'étapes intermédiaires entre la pêche de capture naturelle et la pêche de culture simple. On ne s'étendra pas dans les présentes directives sur les principes et les méthodes d'intensification ou d'amélioration de la pêche continentale, mais cette question sera traitée dans les directives techniques sur la valorisation des pêcheries et le développement de l'aquaculture.

(iii) Lorsqu'un stock est exploité dans des zones relevant de la juridiction de plusieurs autorités d'aménagement des pêcheries, notamment un stock transfrontières ou fortement migratoire, il y a lieu de s'efforcer de s'assurer que les mesures d'aménagement sont compatibles d'une juridiction à l'autre. Faute de quoi, ce qui peut se produire c'est qu'aucune des autorités d'aménagement ou utilisateur n'atteigne ses objectifs propres (7.3.2).

(iv) Le volume ou la masse totale de poisson capturé pendant une période donnée dépendra de la concentration du poisson dans la zone de pêche, de l'effort de pêche déployé pendant cette période et de l'efficacité des engins de pêche utilisés. Cette corrélation montre qu'on peut utiliser diverses méthodes pour réguler la prise totale et donc la mortalité par pêche infligée à un stock.

Dans la plupart des cas, la pêche est régulée par une combinaison de plusieurs des catégories susmentionnées de mesures de contrôle.

(v) Quelle que soit la combinaison de mesures d'aménagement retenue, le plus important reste de décider si l'accès aux ressources sera libre ou limité (voir section 3.2). Le concept décrit aux paragraphes 1.4 et 1.5.2 selon lequel il faut éviter dans une pêcherie un effort et une capacité de la flotte excessifs, associés au fait que les ressources halieutiques sont généralement surexploitées parce que la capacité de pêche dépasse la capacité nécessaire à long terme, implique qu'il faudra imposer une limitation à l'effort total dans le cadre de l'accès à une pêcherie, tout en veillant à ce que cette procédure soit équitable.

3.1 Options possibles de régulation de la pêche


3.1.1 Mesures d'ordre technique
3.1.2 Contrôle des moyens de production (effort)
3.1.3 Contrôle de la production (captures)
3.1.4 Quelques considérations générales

3.1.1 Mesures d'ordre technique

(i) Les restrictions appliquées aux engins de pêche touchent au type, aux caractéristiques et au fonctionnement de ces engins. Certains ont été purement et simplement interdits pour i) éviter de renforcer la capacité d'exploitation par suite d'un renforcement de l'efficacité des engins, ii) éviter une incidence non désirée sur les tailles, les espèces ou les habitats critiques de poisson ne faisant pas l'objet d'une exploitation commerciale ou, très souvent iii) éviter l'introduction d'une nouvelle technique susceptible de modifier notablement la répartition actuelle des droits d'exploitation (particulièrement lorsque de nouveaux participants seraient ainsi amenés à intervenir). La régulation des caractéristiques des engins telles que le maillage ou les dimensions des ouvertures des filets ou des pièges vise généralement à contrôler la mortalité par pêche imposée à tel ou tel élément de la ressource, notamment les individus de petite taille, par exemple les juvéniles des espèces visées ou les poissons des espèces pêchées accidentellement. Les restrictions appliquées aux engins peuvent également viser à réduire le total des prises en réduisant l'efficacité potentielle du pêcheur. C'est l'effet qu'a l'interdiction dans certaines pêcheries d'employer des appareils de plongée autonomes pour la pêche des espèces sessiles de fond. Les restrictions en matière d'engins de pêche jouent un rôle important dans l'optimisation de l'exploitation d'un stock ou d'une ressource. Toutefois, l'expérience a montré qu'elles ne suffisent pas à assurer la durabilité du stock. Par ailleurs, empêcher d'améliorer l'efficacité se traduit souvent par une augmentation du coût de la pêche par rapport aux autres flottes et peut donc pousser à accroître les prises afin de maintenir le niveau de revenu.

(ii) Les restrictions concernant les engins de pêche visent généralement des espèces précises. C'est ainsi qu'un maillage conçu pour capturer des individus matures d'une espèce de petite taille capturera néanmoins des individus immatures d'une espèce de grande taille également présente sur le lieu de pêche. Le recours à des dispositifs auxiliaires tels que les appareils de réduction des prises accessoires, les appareils d'exclusion des tortues et les grilles peut être un élément fondamental de l'aménagement responsable des pêcheries lorsque, par exemple, des espèces surexploitées ou menacées sont pêchées accidentellement ou que la pêche a une incidence néfaste sur les communautés aquatiques, auquel cas ces dispositifs doivent être utilisés chaque fois que nécessaire par les autorités responsables de l'aménagement des pêcheries (7.2.2g)).

(iii) Les restrictions géographiques et saisonnières peuvent servir à protéger un élément d'un stock ou d'une communauté tel que les adultes frayant ou les juvéniles. Comme dans le cas des engins, ces restrictions ont un rôle important à jouer mais, à la différence, elles peuvent servir à réguler la mortalité globale par pêche infligée à une ressource. Toutefois, l'autorité chargée de l'aménagement devrait vérifier l'effort disponible et préciser des zones ou des saisons de fermeture permettant d'éviter que l'effort déployé dans les créneaux d'ouverture ne dépassent les seuils d'exploitation durable de la ressource et que les restrictions dans certains créneaux ne se traduisent simplement par un transfert de l'excès d'effort dans d'autres zones où le niveau souhaitable serait du même coup dépassé. Dans les systèmes d'accès libre, ces mesures peuvent donner lieu aux mêmes problèmes socio-économiques que toutes les autres mesures de contrôle.

(iv) Les zones marines protégées peuvent jouer un rôle fondamental pour maintenir une pêche durable. Dans le cas particulièrement des espèces territoriales ou aux modes de vie relativement stationnaires, les zones marines protégées peuvent servir à préserver la biomasse des reproducteurs au-dessus des seuils (fondés sur des points de référence biologique) nécessaires pour assurer un recrutement durable. Les zones marines protégées peuvent également jouer un rôle important dans la préservation des habitats critiques ou la protection des stades vulnérables du cycle de vie des espèces. Les autorités responsables doivent veiller à ce que l'emplacement et l'étendue des zones marines protégées soient définis en fonction d'objectifs clairement définis, permettent d'y répondre et soient convenablement surveillés et contrôlés.

(v) En plus de leur rôle de conservation des ressources, les restrictions géographiques et saisonnières peuvent servir à réduire ou à éliminer les conflits entre les différents segments du secteur des pêches (par exemple flottes artisanales, industrielles et étrangères) ou entre ce secteur et d'autres utilisateurs. En compartimentant les pêcheurs ou d'autres groupes d'intérêt en créneaux temporels ou spatiaux selon la nature de l'usage qu'ils font des ressources ou de leur mode de pêche, on peut réduire leurs interactions et donc également le risque de conflit (7.6.5). Ce compartimentage revient cependant à procéder implicitement à une allocation et des conflits peuvent surgir si certains utilisateurs considèrent que cette allocation n'est pas équitable.

(vi) Tant les spécifications des engins de pêche que les restrictions géographiques et temporelles peuvent entraîner un manque de rentabilité et des distorsions économiques car elles peuvent en fin de compte ramener la CPUE au-dessous d'un niveau qui sans cela pourrait être atteint. Ces mesures doivent donc s'inscrire dans une stratégie d'ensemble élaborée en consultation avec les groupes d'intérêt. Il faut réunir une bonne information scientifique fondée sur l'évaluation des stocks et des études et projections socio-économiques pour guider le choix des mesures techniques dans le cadre d'une étude d'ensemble. Il convient, s'il y a lieu, d'utiliser explicitement des points de référence biologique, par exemple pour l'analyse du rendement par recrue.

(vii) Les restrictions concernant la taille minimum et la maturité peuvent également permettre de réduire la mortalité par pêche à des stades du cycle biologique des stocks considérés comme nécessitant une protection particulière. Lorsque pour appliquer ces réglementations (telles que la taille minimum admissible au débarquement) il faut rejeter les individus capturés à l'eau, l'autorité chargée de l'aménagement devrait évaluer les chances de survie des individus rejetés pour s'assurer de l'efficacité de ces mesures.

3.1.2 Contrôle des moyens de production (effort)

(i) Les contrôles des moyens de production peuvent inclure la restriction du nombre d'unités de pêche, c'est-à-dire du nombre de licences ou de permis délivrés, une restriction sur le temps que les unités peuvent passer à pêcher, sous la forme par exemple de quotas individuels d'effort, et une restriction sur la taille des navires et/ou du matériel.

(ii) Fixer une limite appropriée à l'effort de pêche et donc à la mortalité par pêche est considéré comme très important pour assurer une pêche responsable, une question qui a été traitée aux sections 1.4 et 1.5. Pour garantir une pêche responsable, l'autorité chargée de l'aménagement doit avant tout limiter à un degré ou à un autre l'effort de pêche, indépendamment des autres mesures de contrôle en place. L'expérience a montré que faute d'une limite imposée à la capacité de la flotte (et de mécanismes permettant de stabiliser cette capacité et de compenser les progrès techniques), il n'est pas possible de contrôler vraiment l'effort déployé par l'industrie. En revanche, lorsque des droits d'accès bien établis et bien définis sont prévus, les détenteurs de ces droits ajustent leurs moyens de production (en termes de capacité et d'effort), à des niveaux appropriés dans leur propre intérêt économique. L'excès de capacité est en règle générale lié à une situation de pêche d'accès libre et tend à diminuer lorsqu'un droit d'exclusivité a été établi.

(iii) Les problèmes les plus sérieux qu'implique le seul recours au contrôle des moyens de production pour assurer la régulation de la pêche tiennent aux difficultés rencontrées pour déterminer la part qui revient effectivement à chaque unité de pêche dans l'effort de pêche. Même au sein d'une même pêcherie il existe d'une flotte à l'autre de grandes différences, entre autres, de taille des navires (lorsqu'il y a des navires), de nature du matériel et des auxiliaires techniques et technologiques utilisés, de qualité de l'entretien des navires et des engins, de compétence et de stratégie du patron de pêche. Ces différences rendent très difficile l'évaluation de l'effort effectivement déployé dans le cadre d'une pêcherie.

(iv) En théorie, si on dispose de données suffisantes, il est possible de déterminer l'efficacité relative de chaque navire et de chaque flotte en comparant l'histoire des prises par unité d'effort dans la base de données correspondant à la flotte. Dans la pratique toutefois, le manque de données et les constants changements, souvent liés à un renforcement de l'efficacité, rendent difficile ce genre de calcul. D'où l'importance pour l'autorité chargée de l'aménagement de rassembler des données pertinentes sur les prises et l'effort de pêche (voir les sections 2.3.2 et 2.4.2). Procéder à des expériences, particulièrement à une échelle temporelle et spatiale réduite, pour comparer l'efficacité du matériel en collaboration avec l'industrie peut aider à comparer les unités d'effort.

(v) Si l'on réussit à surmonter les problèmes que posent la définition de l'effort, le calcul de l'effort convenant à une ressource donnée et le suivi des changements enregistrés dans l'effort effectivement déployé, cette démarche présente plusieurs avantages par rapport à une réglementation fondée sur le contrôle de la production, particulièrement lorsque ce contrôle est grossier ou primaire. Le contrôle de l'effort de pêche peut également être souhaitable si l'on veut éviter les problèmes d'excès de capacité même lorsque des contrôles de production sont en place.

3.1.3 Contrôle de la production (captures)

(i) Le contrôle de la production est une mesure d'aménagement très répandue dans les pêcheries, particulièrement les grandes pêcheries et l'extension de son application suscite même un intérêt grandissant, en association avec la limitation d'accès depuis que les quotas individuels transférables suscitent un grand intérêt.

(ii) Le contrôle de la production ou des prises permet, en théorie, de calculer et de faire respecter le volume optimal de capture pouvant être prélevées sur un stock au moyen d'une stratégie d'exploitation donnée. Si l'on est bien renseigné sur la dynamique du stock et sa réaction à la mortalité par pêche, on peut, en théorie, évaluer les prises qui conviennent pour atteindre les objectifs souhaités. Les contrôles de prises supposent d'ordinaire de fixer un total admissible de capture qui est ensuite réparti en quotas individuels par pays intervenant dans la pêche (dans le cas des pêches internationales), par flotte, par entreprise de pêche ou par pêcheur (par exemple dans le cas de quotas individuels).

(iii) En théorie, grâce au contrôle des prises il n'est plus besoin d'évaluer, aux fins de contrôle, l'efficacité de toutes les unités composant la pêcherie et de suivre, en y réagissant, l'évolution à terme de l'efficacité de la pêcherie, évaluation et suivi qui sont à la base du contrôle de l'effort de pêche. Toutefois, ces évaluations continueront, de temps en temps, de s'imposer pour faciliter l'adaptation de la capacité globale de la flotte aux progrès technologiques. Faute de quoi, les renforcements non contrôlés de la capacité encourageront encore à la surexploitation et à l'établissement de fausses déclarations.

(iv) Le contrôle des prises pose également des problèmes d'application.

3.1.4 Quelques considérations générales

(i) Il ressort de ce qui a été dit au paragraphe 3.1 que les effets, les avantages et les inconvénients des méthodes de contrôle de la pêche varient selon la méthode appliquée qui, de ce fait, sera plus ou moins appropriée selon le cas. Il n'existe pas une seule et unique bonne démarche pour contrôler la pêche et les responsables de l'aménagement des pêcheries devront choisir une option ou, généralement, une combinaison d'options qui convienne le mieux à la nature de la pêcherie et aux objectifs des groupes d'intérêt (7.6.4).

(ii) En plus de ces considérations qui ont un effet direct sur la ressource visée et sur les groupes d'intérêt, l'instance responsable doit bien saisir les effets indirects de la pêche et doit prendre des mesures et choisir des approches qui réduisent au minimum les effets néfastes tels que le gaspillage, les rejets, les captures par engins perdus ou abandonnés, les captures d'espèces non visées (prises accessoires) et d'autres répercussions négatives sur les espèces associées aux espèces visées et qui en dépendent. Il faut faire particulièrement attention à la présence parmi les organismes concernés d'espèces menacées d'extinction (7.6.9).

(iii) La reconstitution du stock est une obligation prévue par le Code (par exemple 6.3; 7.2.1; 7.2.2e); 7.5.5) lorsque, d'après l'information disponible, il semblerait que la taille du stock en soit à un niveau ou s'approche d'un niveau où la reproduction risque d'être gravement menacée. A pareil stade, un programme de reconstitution explicite peut s'imposer, pendant l'exécution duquel l'obtention de rendements optimaux tels que définis par d'autres objectifs devra passer au second plan pour éviter que la période de reconstitution du stock ne se prolonge indéfiniment. Un tel plan de reconstitution exige, bien entendu, que soient définis les points de référence limite fixés à la surexploitation ou à l'épuisement de la ressource, un moyen de surveiller la reconstitution, une trajectoire de reconstitution à suivre et une transition vers une stratégie de pêche à rendement optimal. Il convient de souligner l'avantage qu'il y a à recourir à un recrutement inhabituellement favorable pour accélérer la reconstitution au lieu d'assurer un "rendement exceptionnel".

3.2 Limitation de l'accès


3.2.1 Problèmes liés à l'accès libre
3.2.2 Considérations liées à la limitation d'accès

3.2.1 Problèmes liés à l'accès libre

(i) L'expérience acquise dans le monde entier dans les pêcheries et avec d'autres ressources en liberté a montré que les systèmes d'accès libre qui donnent à tous ceux qui le désirent le droit d'exploiter la ressource concernée peut avoir des conséquences graves. En l'absence de tout contrôle, les systèmes d'accès libre aboutiront systématiquement à une surexploitation des ressources et à une baisse de recettes pour tous les participants. C'est ce que l'on a constaté dans pratiquement toutes les pêcheries d'accès libre, depuis les pêcheries artisanales jusqu'aux grandes pêcheries industrielles nationales ou internationales, une situation qui a été surnommée la "tragédie des communs".

(ii) Un contrôle de l'exploitation globale en fonction par exemple du total admissible de capture ou bien d'une limitation de l'effort total que l'on impose en réglementant la durée de la saison de fermeture permet certes de protéger la ressource mais entraîne couramment de graves distorsions socio-économiques. D'une manière générale, les systèmes d'accès libre se caractérisent par une course à l'exploitation qui fait que tous les participants s'efforcent de capturer la plus grande part possible de la ressource, qu'il y ait ou non réglementation, avant que leurs concurrents ne le fassent.

(iii) Avec une réglementation globale, cette course à l'exploitation amène à un raccourcissement des saisons de pêche, à une mauvaise qualité du produit et à une disponibilité sporadique, à une capacité de récolte et de transformation excessive et à une augmentation des coûts qui produit des effets socio-économiques néfastes. Normalement, c'est la société qui prend à sa charge les coûts à long terme très élevés de cette situation sous la forme de subventions, de régimes d'indemnisation du chômage, d'un relèvement des entreprises à la suite de leur effondrement, de subventions pour encourager le déploiement à l'étranger de l'excédent de flotte, etc.

(iv) Les raisons ci-dessus expliquent en grande partie l'état actuel des pêcheries dans le monde marqué par une forte proportion de stocks surexploités et par une rentabilité généralement faible (voir négative). On estime d'habitude que, pour assurer une pêche rentable et responsable, il est essentiel de limiter l'accès. Associée à divers types de droits d'usage (et de droits de propriété), cette norme s'est imposée dans la plupart des systèmes de réglementation de l'utilisation des ressources terrestres.

3.2.2 Considérations liées à la limitation d'accès

(i) Les régimes des droits d'usage se répartissent en quatre catégories principales:

Dans la pratique, dans la plupart des systèmes de droit d'accès appliqués dans le cadre de pêcheries nationales, c'est l'Etat qui reste propriétaire (propriété domaniale) de la ressource, encore que dans les pêcheries continentales la propriété privée intervient énormément. Lorsque l'Etat est le propriétaire, il est parfois prévu que dans certaines conditions les usagers doivent payer pour obtenir sous une forme ou sous une autre un droit d'accès ou d'exploitation ou bien que l'accès est limité à un certain nombre de pêcheurs, d'entreprises de pêche, de coopératives de pêche, de communautés traditionnelles ou d'autres utilisateurs ou groupes d'utilisateurs bien définis. Lorsqu'on entreprend de réglementer une pêcherie jusque-là non réglementée, il ne faut pas partir de l'idée qu'aucun droit d'accès traditionnel n'a encore été attribué et il est essentiel de bien établir la preuve de ces droits traditionnels.

(ii) Il y a beau avoir toute une gamme de possibilités pour mettre en place des systèmes de droit d'accès, il existe quelques grands principes dans ce domaine. Quatre éléments fondamentaux doivent être pris en considération au moment d'étudier la nature des droits d'accès en vue de leur limitation: la nature des bénéficiaires, la méthode initiale d'allocation, le caractère cessible ou non de ces droits et la durée du droit attribué. Ces questions font l'objet des quatre paragraphes suivants dans lesquels est traité essentiellement l'octroi du droit d'accès par l'Etat ou l'autorité à laquelle l'Etat a délégué sa responsabilité mais pas l'octroi du droit de propriété.

(iii) L'Etat, l'autorité régionale ou l'autorité locale peut attribuer un droit d'accès à une communauté, à un particulier ou à une entreprise ou encore à un navire. En règle générale, l'attribution des droits d'accès à une communauté a des buts sociopolitiques tels qu'assurer l'emploi ou le revenu ou bien maintenir le peuplement de zones reculées, encore qu'il n'y ait pas de raison pour qu'une communauté ne puisse se révéler aussi rentable économiquement qu'une entreprise privée. L'attribution de droits d'accès à des particuliers ou des entreprises, lorsqu'elle s'associe à la transférabilité, doit normalement aboutir à une plus grande rentabilité économique, même si elle risque de s'accompagner d'une perte de possibilités d'emploi liée à la rationalisation économique et qu'elle risque d'altérer les droits d'usages des communautés côtières. Un des buts de l'attribution de droits de pêche aux navires peut, entre autres, viser à défendre l'emploi dans la mesure où le quota est attaché au navire. On évite ainsi de réduire la flotte par souci de rationalisation économique mais en revanche on réduit pas la surcapacité lorsque ce problème se pose.

(iv) Lorsqu'un Etat ou une autorité chargée de l'aménagement des pêcheries passe d'un système d'accès libre à celui d'accès limité, la plus grande difficulté est presque certainement de déterminer auxquels des utilisateurs antérieurs il faut accorder l'accès et auxquels il faut le refuser. On peut entre autres régler ce problème en prévoyant une loterie qui évite d'éventuels problèmes de favoritisme ou de partialité dans les décisions, mais qui ne permet pas de s'assurer que ce sont les utilisateurs les plus responsables et les plus efficaces qui continueront de pêcher. Une autre démarche consiste à vendre ou à mettre aux enchères les droits d'accès. Lorsque l'objectif principal de la pêcherie est la rentabilité économique et qu'aucune considération d'équité n'intervient, il peut s'agir là de la bonne méthode. Mais si la pêcherie se compose de personnes dont la situation économique est très variable, cette approche favorisera manifestement les plus nantis. Finalement, l'accès peut être octroyé en fonction d'un choix de critères précis tels que la preuve d'une longue participation à la pêcherie, les résultats obtenus - par exemple des prises dépassant certains critères minimums - des antécédents attestant un esprit responsable en matière de pêche ou dans le domaine social, etc. Dans tous les cas, par souci d'équité dans l'attribution des droits, il convient que tous les pêcheurs actuels participent au processus. Une attention particulière doit être accordée à ceux pour lesquels la pêche est une tradition de longue date, particulièrement, s'il y a lieu, aux populations autochtones et aux communautés locales dont la subsistance dépend étroitement de la pêche (7.6.6).

(v) La question de savoir si les droits doivent être ou non transférables est également importante si l'on veut assurer une pêche responsable. La première réaction des gouvernements, lorsqu'ils cherchent à restreindre la liberté d'accès, a souvent été d'établir des droits non transférables, mais l'expérience a montré que cette approche créait des problèmes. En général, la cessibilité des droits encourage l'évolution de la pêcherie (notamment le changement des protagonistes et un rajeunissement du secteur). Il s'ensuit également une plus grande rentabilité économique car les pêcheurs les plus efficaces peuvent ainsi obtenir un accès plus large sous l'effet des lois du marché. Par ailleurs, la transférabilité des droits assure un dispositif qui permet l'accès de nouveaux arrivants à la pêcherie ce qui, dans des conditions d'accès limité sans cessibilité, serait problématique. L'inconvénient est qu'il peut s'ensuivre la constitution de monopoles. Lorsqu'on poursuit des objectifs sociaux importants, notamment assurer l'emploi à des communautés, la transférabilité peut gêner les progrès dans ce sens. Comme pour beaucoup d'autres inconvénients liés aux droits d'accès, il est possible d'adopter des dispositions légales qui évitent ou réduisent au minimum ces inconvénients-là.

(vi) Le dernier point traité ici est celui de la durée des droits qui seront octroyés. En règle générale, l'octroi de droits d'accès présente l'avantage d'encourager le sens de la propriété qui devrait lui-même se traduire par un sens plus développé de la responsabilité à long terme vis-à-vis des ressources et de la pêcherie et donc par une pêche plus responsable. Il en est particulièrement ainsi si l'usager peut céder ses droits (sur une ressource qu'il a contribué à améliorer) à ses descendants ou tirer profit de cette amélioration au moment de sa retraite. L'intéressé est d'autant plus encouragé dans ce sens que le droit ainsi acquis a une durée plus longue car il prend conscience qu'il retirera des bénéfices d'une attitude responsable ou paiera le prix pour une attitude négative notamment à l'égard de la santé de la ressource. Des droits de longue durée permettent également aux détenteurs d'obtenir plus facilement un financement pour leurs opérations. Toutefois, particulièrement s'ils ne sont pas transférables, les droits de longue durée empêchent l'entrée de nouveaux arrivants et font qu'il risque d'être difficile d'annuler des décisions initiales erronées en matière d'attribution. Cela étant, dans l'ensemble, l'octroi de droits à long terme dans un système d'accès limité reste généralement l'option à préférer si le souci est d'assurer une pêche responsable.

(vii) Manifestement, comme dans le cas du contrôle de la pêche, il est possible de mettre en place un système de droits d'accès qui réponde au mieux aux objectifs concrets de la pêcherie en cause, y compris les objectifs macropolitiques et macroéconomiques. Le système qui sera finalement adopté pour une pêcherie donnée doit être soigneusement négocié avec les candidats potentiels et être arrêté, dans toute la mesure du possible, par voie de consensus. Malgré tout le soin que l'on mettra à élaborer le système, il faut prévoir qu'il y aura des différends et il convient donc de prévoir une procédure de recours équitable. Quoi qu'il en soit, en dernière instance, les avantages que présente pour les utilisateurs, les ressources et l'Etat un système d'accès limité par rapport à un système d'accès libre justifieront amplement d'accepter les difficultés rencontrées pour mettre en place le premier.

3.3 Gestion en partenariat

(i) Un aménagement responsable des pêcheries implique de s'efforcer de faire cohabiter des intérêts de toute une série de parties qui sont souvent concurrents voire antagoniques. Il s'agit aussi de se rendre compte que l'efficacité et l'applicabilité des mesures d'aménagement dépendent souvent étroitement de l'appui obtenu des parties intéressées. Dans de nombreux cas, il sera nécessaire de faire appel à divers arrangements ou mécanismes de collaboration entre les Etats et les parties intéressées plutôt que de laisser entièrement aux administrations toutes les attributions en matière d'aménagement (voir section 1.6). La responsabilité des décisions sur la réglementation et les mesures d'aménagement n'en incombe pas moins d'ordinaire en dernier ressort à l'autorité d'aménagement.

(ii) La gestion en partenariat comprend les divers arrangements officiels de partage des attributions et des responsabilités relatives à l'aménagement des pêcheries entre l'autorité d'aménagement et des institutions soit publiques, telles qu'une collectivité locale, soit privées telles qu'un groupe de parties intéressées. Il en découle que la gestion en partenariat aura normalement un caractère décentralisé et spécifique à la situation. Elle traduit souvent un souci d'efficacité et d'équité au niveau de l'Etat ou de l'autorité d'aménagement, associé à une capacité bien établie d'autogestion, d'autorégulation et de participation active de la part des parties intéressées. La décision de recourir à des méthodes de gestion en partenariat et l'étendue des pouvoirs de co-gestion délégués aux parties intéressées doivent dépendre tant des caractéristiques de la pêcherie concernée que de la capacité des institutions décentralisées ou locales d'assumer l'autorité ainsi déléguée. Il faudra peut-être également que l'autorité d'aménagement des pêcheries apporte son concours aux partenaires auxquelles ces pouvoirs sont délégués, notamment sous la forme d'un soutien administratif.

(iii) Dans le contexte des pêcheries internationales où les parties intéressées sont le plus souvent les Etats membres d'une institution intergouvernementale d'aménagement des pêcheries, l'utilité pour l'autorité d'aménagement de déléguer son pouvoir de décision et ses responsabilités à d'autres groupes de parties intéressées ou de les partager avec eux peut s'avérer moindre. Pourtant, il pourrait être souhaitable de prévoir, sous une forme ou sous une autre, des arrangements permettant d'assurer dans une certaine mesure une gestion en partenariat. Par exemple, on pourrait veiller, dans le souci d'une pêche responsable, à ce que des conseillers de l'industrie participent aux réunions des autorités responsables (7.1.6). D'autres types de partenariat peuvent s'avérer souhaitable dans le cadre d'arrangements aux termes desquels un petit nombre d'Etats participent à la gestion d'une pêcherie bien délimitée comme c'est le cas de certains lacs internationaux ou de stocks partagés à l'intérieur d'une baie ou d'un petit golfe.

(iv) Les arrangements de gestion en partenariat peuvent présenter un intérêt tout particulier pour la pêche artisanale où l'autorité d'aménagement n'est pas toujours en mesure d'assurer un service effectif à moindre coût. La gestion en partenariat peut également être réclamée par les groupes d'intérêt lorsque ceux-ci ont à leur charge les frais de gestion. Ce type d'arrangements englobent toute une série possible d'interventions de l'Etat à un degré ou à un autre. A une extrémité de cet éventail, il peut simplement s'agir de reconnaître officiellement l'existence d'un système d'aménagement des pêcheries au niveau local, par exemple un régime traditionnel ou coutumier, sans qu'il soit fait appel à aucune intervention ou aucun appui de l'Etat. A l'autre bout de l'éventail, la délégation de pouvoirs dans le cadre de l'arrangement en partenariat peut comprendre un soutien important de l'Etat sous la forme d'un appui financier et logistique de toutes les opérations depuis l'élaboration jusqu'à l'exécution et le suivi du plan d'aménagement. A l'intérieur de cette fourchette, diverses attributions, responsabilités et fonctions pourraient être déléguées, y compris, par exemple, le choix de mesures d'aménagement appropriées, l'attribution ou l'enregistrement des droits de pêche et la mise en application des règlements de pêche locaux.

(v) Dans le cadre du processus de préparation du plan d'aménagement des pêcheries, l'autorité responsable doit déterminer et étudier les situations pour lesquelles une gestion en partenariat d'un type ou d'un autre devrait normalement constituer une option de politique générale, efficace et viable. Pour ce faire, il convient d'évaluer cas par cas quel type d'arrangement en partenariat est susceptible de produire les résultats à long terme souhaités. Cette décision doit tenir compte de critères tels que la possibilité:

(vi) Toutefois, il ne faut pas perdre de vue les difficultés fréquemment liées à la gestion en partenariat particulièrement à ses débuts. Il faudra par exemple s'attendre à:

(vii) A l'instar de toute opération complexe, l'établissement et l'application d'arrangements en partenariat doivent se faire, comme dans le cas d'autres mécanismes de gestion, suivant une approche structurée faisant appel à de la recherche, à des consultations, à des prises de décisions et à des réformes institutionnelles. La démarche doit être assez souple pour pouvoir s'adapter aux situations, au pays, aux pêcheries et aux communautés de pêcheurs concernées. Il faut également prévoir une mise en application progressive qui sera éventuellement fonction de l'accumulation par les groupes d'intérêt et leurs responsables de connaissances formelles sur les questions sociales, économiques et environnementales pertinentes.

(viii) Pour gérer des pêcheries au niveau local, il faudra un instrument juridique univoque permettant de définir clairement le rôle et les fonctions respectifs de l'autorité locale et des groupes de gestion concernés (par exemple coopératives, comités d'utilisateurs, communautés traditionnelles). Cet instrument doit également délimiter nettement l'unité d'aménagement des pêcheries ou le territoire physique sur lequel le groupe de gestion exercera ses fonctions. Le territoire doit, dans toute la mesure du possible, coïncider avec la zone d'activité effective du groupe concerné.

(ix) Au sein du groupe de gestion, il importe également de veiller à ce que les conditions d'adhésion soient explicites et qu'elles tiennent compte, s'il y a lieu, de la cohésion socio-économique du groupe. Dans toute la mesure du possible, le groupe de gestion ne doit pas être trop grand pour ne pas rendre trop difficiles la consultation et la prise de décisions.

(x) Il faut également prévoir des mécanismes pour vérifier de temps à autre que les avantages sociaux et économiques que procure le système d'aménagement en partenariat sont égaux ou supérieurs aux coûts d'investissement des activités s'y rapportant et que ces coûts sont équitablement répartis entre les participants au programme de gestion. Ces mécanismes pourraient s'inscrire dans un arrangement de coordination plus large au sein duquel les groupes d'intérêt concernés et les représentants de l'autorité d'aménagement seraient représentés pour suivre l'application de l'arrangement de partenariat ou de co-gestion, aider à résoudre les conflits et établir des règles.


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