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Chapitre 1 - L'aménagement des pêcheries par Kevern L. COCHRANE


Département des pêches de la FAO

1 POURQUOI AVONS-NOUS BESOIN DE CE GUIDE?

Le poisson et les pêcheries font partie intégrante de la plupart des sociétés et contribuent grandement à la santé et au bien-être économiques et sociaux dans de nombreux pays et régions. Selon les estimations, environ 12,5 millions de personnes se livrent à des activités liées à la pêche et, ces dernières années, la production mondiale des pêches de capture s'est située aux alentours de 85 à 90 millions de tonnes. Les produits de ces pêcheries sont utilisés de façons très diverses, allant de l'alimentation de subsistance au commerce international d'articles très recherchés et de haute valeur. La valeur du poisson commercialisé au niveau mondial est de l'ordre de 40 milliards de dollars EU par an.

Malgré l'importance et la valeur considérables des pêcheries, ou plus exactement à cause d'elles, les ressources halieutiques de la planète souffrent des conséquences conjuguées de l'exploitation massive et, dans certains cas, de la dégradation de l'environnement. La FAO (2000) a estimé que, en 1999, 47 pour cent des 441 stocks sur lesquels on disposait d'informations étaient pleinement exploités, 18 pour cent surexploités, 9 pour cent épuisés et 1 pour cent en train de se reconstituer. Ce schéma correspond en gros aux statistiques du même ordre provenant de certaines régions. Par exemple, le Service national des pêcheries marines des Etats-Unis d'Amérique a estimé en 1998 que 30 pour cent des stocks qui se trouvaient dans les eaux du pays et pour lesquels on avait des informations étaient surexploités. En ce qui concerne les eaux de la Communauté européenne, on a estimé que 57 pour cent des stocks faisaient l'objet d'une «exploitation intensive» en 1990. Partout ailleurs dans le monde, la situation des stocks de poissons est vraisemblablement analogue à celle de ces régions.

Cette situation inacceptable tient à de nombreuses raisons, mais les motifs essentiels se résument tous en une mauvaise gestion des pêcheries dans la plupart des pays. La responsabilité de la diminution des stocks, ainsi que du fléchissement du rendement économique et du marché de l'emploi dans les pêcheries, doit être partagée entre les pêcheurs, les autorités d'aménagement des pêcheries, les experts des pêches et tous ceux qui contribuent à la dégradation de l'environnement. Les problèmes fondamentaux ne sont pas tous du domaine de l'aménagement des pêcheries, mais le gestionnaire des pêcheries est la personne qui, le plus souvent, est la mieux placée pour observer et noter ce qui se passe dans les pêcheries sous sa juridiction, déterminer la cause ou les causes sous-jacentes des problèmes, y remédier quand c'est de son ressort et, dans les autres cas, attirer l'attention tant des parties concernées par les pêcheries que de ceux dont la responsabilité s'étend aux causes extérieures. Cependant, il arrive trop souvent que le gestionnaire des pêcheries connaisse mal la situation des ressources, ou n'agisse pas de façon assez efficace alors que les pêcheries se détériorent et s'enfoncent de plus en plus dans la crise, ou bien les deux. Il s'agit rarement, voire jamais, d'un choix délibéré, mais plutôt du résultat d'un manque d'informations, d'une compréhension imparfaite de la nature des tâches que comporte la gestion des pêches, ainsi que d'une insuffisance de ressources, de structures et d'appui pour résoudre les problèmes et utiliser les ressources avec discernement et efficacité.

Le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable a été préparé pour répondre à la préoccupation mondiale face à la surexploitation évidente des stocks de poissons dans le monde entier, et pour recommander de nouvelles approches en matière d'aménagement des pêcheries, qui prennent en compte les impératifs de conservation et de protection de l'environnement ainsi que les aspects sociaux et économiques. Le Code a été élaboré par la FAO et dans le cadre de l'Organisation, et a été accepté en tant qu'instrument volontaire à la vingt-huitième session de la Conférence de la FAO en octobre 1995. Outre cinq articles constituant une introduction et un article sur les Principes généraux, le Code comprend six articles thématiques: Aménagement des pêcheries, Opérations de pêche, Développement de l'aquaculture, Intégration des pêches dans l'aménagement des zones côtières, Pratiques post-capture et commerce, Recherche halieutique. Il contient les considérations essentielles en matière de pêche responsable et fournit des directives sur la façon de les prendre en compte pour garantir une pêche durable et responsable. Par la suite, la FAO a produit un certain nombre de Directives techniques sur les différents aspects du Code, notamment les Directives techniques de la FAO pour une pêche responsable n° 4: Aménagement des pêcheries, qui vise en particulier l'article 7 du Code: Aménagement des pêcheries. Au moment de l'impression de ce guide (2005), les Directives techniques ci-après ont déjà été publiées:

n° 1 Opérations de pêche
n° 1 suppl. 1 Opérations de pêche - Systèmes de surveillance des navires par satellite
n° 2 L'approche de précaution appliquée aux pêches de capture et aux introductions d'espèces
n° 3 L'intégration des pêches dans l'aménagement des zones côtières
n° 4 Aménagement des pêcheries
n° 4, suppl. 1 Aménagement des pêcheries - Conservation et gestion des requins
n° 4, suppl. 2 Aménagement des pêches - L'approche écosystémique de la pêche
n° 5 Développement de l'aquaculture
n° 5, suppl. 1 Développement de l'aquaculture - Bonne pratique de fabrication des aliments aquacoles
n° 6 Pêches continentales
n° 7 Utilisation responsable du poisson
n° 8 Indicateurs pour le développement durable des pêcheries marines
n° 9 Mise en œuvre du plan d'action international visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée

Le présent guide a été préparé pour compléter le Code de conduite et les Directives techniques pour une pêche responsable n° 4 (FAO, 1999), en vue de fournir aux gestionnaires une information complémentaire et plus détaillée sur l'étendue de leurs tâches et la façon de mener à bien leurs fonctions d'aménagement des pêcheries. Il ne peut pas traiter en détail toutes les questions mentionnées à l'article 7 du Code, cet article traitant directement de l'aménagement des pêcheries, mais il s'intéresse surtout aux aspects directement liés à l'aménagement stratégique et opérationnel des pêcheries et des ressources dont elles dépendent. Il s'agit là de domaines dont le gestionnaire des pêcheries a généralement la charge et la responsabilité directes.

2 QU'EST-CE QUE L'AMÉNAGEMENT DES PÊCHERIES?

Il n'existe pas de définition claire et universellement acceptée de l'aménagement des pêcheries. Nous ne souhaitons pas nous engager dans une discussion cherchant à préciser ce qu'est exactement ou ce que n'est pas l'aménagement des pêcheries, mais nous utiliserons ici la définition donnée dans les Directives techniques pour en résumer les tâches: «Processus intégré de rassemblement de l'information, d'analyse, de planification, de consultation, de prise de décisions, de répartition des ressources et de formulation et d'application des règlements ou des règles qui régissent les activités halieutiques - s'appuyant s'il y a lieu sur des mesures d'exécution - visant à maintenir la productivité des ressources et à assurer la réalisation des autres objectifs de la pêche.»

FIGURE 1.
Représentation schématique des fonctions et responsabilités d'une autorité d'aménagement des pêcheries en ce qui concerne la pêche, et interdépendance de ces fonctions.

On peut voir d'après cette description que l'aménagement des pêcheries comprend tout un ensemble complexe et varié de tâches, dont l'objectif sous-jacent est de tirer des avantages optimaux durables des ressources. Ces tâches sont résumées à la figure 1.

Ces dernières années, on a largement cherché de passer d'une gestion des pêcheries axée essentiellement sur une seule espèce ou une seule pêcherie isolée à une gestion tenant compte de l'écosystème. Cette approche élargie a été appelée gestion écosystémique des pêches et a été examinée à la Conférence de Reykjavik sur la pêche responsable dans l'écosystème marin (1-4 octobre 2001), organisée conjointement par la FAO et les Gouvernements islandais et norvégien. La Conférence a approuvé la Déclaration de Reykjavik[1], qui affirmait que le fait d'inclure des considérations relatives à l'écosystème supposait une préservation plus efficace de l'écosystème et une exploitation durable. Elle réaffirmait également les principes du Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable.

En écrivant ce guide, les auteurs ont implicitement accepté la gestion écosystémique comme principe inhérent à l'aménagement des pêcheries et, bien que ce terme ne soit pas explicitement mentionné dans le guide, ses principes et ses prescriptions dans l'aménagement des pêcheries sont incorporés et examinés tout au long de l'ouvrage.

3 LES PRINCIPES OPÉRATIONNELS DE L'AMÉNAGEMENT DES PÊCHERIES

Le schéma ci-dessus donne un aperçu complexe et peut-être confus de toutes les tâches qui doivent être prises en compte par le responsable des pêcheries. On peut réduire en partie cette complexité en essayant de mettre en relief les principales questions fondamentales. Essayer de simplifier un sujet comporte à la fois des avantages et des risques, et une trop grande simplification peut amener à négliger des détails importants. Cependant, la simplification peut aider à mieux comprendre les principes importants et à mettre en lumière les vastes domaines qui requièrent de l'attention. En se fondant sur les considérations ci-dessus, on peut identifier un certain nombre de principes fondamentaux qui peuvent servir à attirer l'attention sur les premières étapes d'un aménagement efficace des pêcheries (tableau 1).

Les écosystèmes halieutiques étant par nature intégrés, ces principes ne peuvent pas être pris isolément lorsqu'on examine comment aménager au mieux les pêcheries. Leurs implications et conséquences se chevauchent, se complètent et se confondent, ce qui fait de l'aménagement des pêcheries une tâche difficile et ambitieuse. Néanmoins, les répercussions des principes concernant les pêcheries sont responsables de la nature et des tâches fondamentales de l'aménagement des pêcheries, d'où la structure générale de ce guide (tableau 1).

4 QUI EST LE GESTIONNAIRE DES PÊCHERIES?

Les Directives techniques pour une pêche responsable (FAO, 1999) indiquent que les institutions responsables de l'aménagement des pêcheries ont deux grandes composantes: l'autorité chargée de l'aménagement des pêcheries et les parties intéressées. Les pêcheurs et les entreprises de pêche sont habituellement les principaux participants parmi les parties intéressées. L'autorité responsable de l'aménagement des pêcheries est l'entité qui a reçu de l'Etat (ou des Etats dans le cas d'une autorité internationale) le mandat d'exercer des fonctions de gestion précises. Dans de nombreux pays, cette autorité est le Département des pêches ou, s'il s'agit d'un vaste Département, la Division des pêches. Cependant, une autorité d'aménagement des pêcheries peut ne pas dépendre directement du gouvernement central, mais par exemple de la province ou de la région, ou bien elle peut être parastatale ou privée. N'importe lequel de ces arrangements peut fonctionner de façon efficace, à condition de pouvoir opérer dans un cadre juridique approprié et de disposer des ressources nécessaires pour mener à bien ses fonctions.

TABLEAU 1 Suggestions concernant les principes fondamentaux de l'aménagement des pêcheries (modifié de Cochrane, 2000)

Principe

Fonction de l'aménagement

Chapitres pertinents

1.

Les stocks et communautés halieutiques sont limités, et la production biologique limite le rendement potentiel de la pêcherie.

Le rendement potentiel doit être évalué et les contraintes biologiques identifiées.

1 et 5

2.

i) La production biologique d'un stock est fonction de la taille du stock.
ii) La production biologique est aussi fonction de l'environnement écologique. Elle est influencée par les changements, naturels ou provoqués par l'homme, qui ont lieu dans l'environnement.

i) Des points de référence cibles doivent être établis par le biais de la collecte des données et de l'évaluation des pêcheries.
ii) Les incidences sur l'environnement devraient être identifiées et surveillées, et la stratégie d'aménagement ajustée en conséquence.

1 et 5

3.

La demande de ressources halieutiques pour la consommation humaine est fondamentalement en conflit avec la nécessité de maintenir des risques suffisamment faibles pour la ressource. En outre, la technologie moderne donne aux hommes les moyens d'exploiter la biomasse de poissons à des taux bien supérieurs à ce qu'elle peut produire, et le désir de retirer des avantages de cette biomasse fournit la motivation.

Des buts et objectifs réalistes doivent être fixés.

 

2 à 5 et 9

Pour atteindre les objectifs, il faudra inévitablement contrôler l'effort et la capacité de pêche. 5, 6 et 8

4.

Dans le cas d'une pêcherie multispécifique, dont la description englobe presque toutes les pêcheries, il est possible de maximiser ou d'optimiser le rendement de toutes les pêcheries en même temps.

Des buts et objectifs réalistes doivent être fixés pour les divers écosystèmes, de façon à tenir compte des interactions entre espèces et pêcheries.

2 à 5

5.

L'incertitude règne dans le domaine de l'aménagement des pêcheries et rend difficile une prise de décisions avisées. Au plus l'incertitude est grande, au plus l'approche devrait être conservatoire (à mesure que l'incertitude augmente, le rendement réalisé en tant que proportion du rendement moyen maximal estimé devrait diminuer).

L'évaluation des risques et l'aménagement doivent se faire en élaborant et en mettant en oeuvre des plans, mesures et stratégies d'aménagement.

5 et 9

6.

La dépendance à court terme de la société à l'égard d'une pêcherie déterminera la priorité relative des buts sociaux et/ou économiques par rapport à une utilisation durable.

Les pêcheries ne peuvent pas être aménagées de façon isolée; il faut les intégrer dans la politique et la planification des zones côtières et des pêcheries, ainsi que dans les politiques nationales.

5 à 7 et 9

7.

Un sentiment de propriété et un intérêt à long terme dans la ressource manifestés par ceux qui y ont accès (particuliers, communautés ou groupes) contribuent tout particulièrement à assurer une pêche responsable.

Un système de droits d'accès efficaces et appropriés doit être mis en place et appliqué.

6 à 8

8.

Une véritable participation au processus d'aménagement de la part d'utilisateurs parfaitement informés est conforme au principe démocratique; elle aide à identifier les systèmes de gestion acceptables et encourage le respect des lois et des réglementations.

La communication, la consultation et la cogestion devraient être à la base de toutes les étapes de l'aménagement.

7 à 9

Alors, au sein de cette autorité, qui est le gestionnaire des pêcheries et à qui le présent guide s'adresse-t-il? En fait, bien que nous ayons utilisé de façon délibérée ce terme dans le titre, nous laissons entendre que, dans l'aménagement moderne des pêcheries, il est rare qu'une seule personne remplisse les fonctions de «gestionnaire des pêcheries». Le chef de l'autorité, par exemple le directeur des pêches, peut avoir la responsabilité d'ensemble de la mise en place de la gestion des pêcheries et, tout en étant chargé et responsable des avis transmis de son Département au décideur politique, il peut jouer un rôle de coordination globale. Cependant, il est peu probable, et généralement peu conseillé, que cette personne porte seule la responsabilité de recevoir l'information, formuler des avis, prendre des décisions et les faire appliquer. L'aménagement des pêcheries est une discipline complexe aux multiples facettes, qui exige des contributions de différents domaines. Il ne faut donc pas s'attendre à ce qu'une même personne remplisse seule ces fonctions. En outre, comme expliqué ci-dessus et indiqué au paragraphe 7.1.2 du Code de conduite, les parties légitimement intéressées devraient être associées au processus d'aménagement.

La façon peut-être la plus exacte de définir le «gestionnaire des pêcheries» est de dire que c'est l'autorité d'aménagement considéré comme un tout, y compris les experts techniques, les unités de suivi, de contrôle et de surveillance, les unités administratives, l'organe exécutif de l'autorité officielle, les mécanismes de consultation, l'organe consultatif lorsqu'il existe, et le dirigeant politique responsable, qui est souvent un ministre. Chaque membre de ces organes fonctionnels est, dans une certaine mesure, un gestionnaire des pêcheries, et ce guide s'adresse à eux tous. Il ne vise pas à entrer dans les détails techniques et opérationnels de chacune de ces fonctions ou tâches; il faudrait pour cela toute une série de guides. Il cherche au contraire à donner une idée globale de la façon dont les différentes fonctions devraient agir les unes sur les autres au sein d'une autorité d'aménagement des pêcheries pour développer des objectifs, stratégies et plans d'aménagement appropriés, et à montrer comment encourager tous ceux qui prennent part à une pêcherie à collaborer et appliquer la stratégie convenue.

5 QU'EST-CE QUI CONSTITUE UNE AUTORITÉ D'AMÉNAGEMENT?

La responsabilité de l'aménagement des pêcheries incombe à l'organisation ou l'arrangement concernant les pêches qui a été désigné. Dans le présent guide nous l'avons appelé sans distinction autorité d'aménagement des pêcheries. Conformément à la pratique dont il est fait usage dans les Directives techniques sur l'aménagement des pêcheries (FAO, 1999), le terme est utilisé ici au sens large pour décrire l'entité juridique qui a reçu de l'Etat le mandat d'exercer des fonctions spécifiques d'aménagement des pêcheries. Dans la pratique, il peut s'agir d'un ministère national ou provincial, d'un département au sein d'un ministère, ou d'un organisme qui peut être gouvernemental, parastatal ou privé. En cas de ressources communes, il devrait être international.

Le domaine de compétence, la zone géographique, les ressources halieutiques et les pêcheries dont telle autorité d'aménagement est responsable doivent être, dans chaque cas, clairement spécifiés dans la législation appropriée. La tâche d'une autorité est variée et complexe et, en conséquence, les autorités d'aménagement des pêcheries sont normalement divisées en structures institutionnelles d'appui, à savoir les institutions chargées de l'aménagement des pêcheries. Ces institutions doivent assumer les tâches et les fonctions fondamentales d'aménagement des pêcheries telles que décrites à la section 2 et présentées à la figure 1 de ce chapitre. La structure et les mécanismes institutionnels proprement dits peuvent différer d'une autorité à l'autre, et il ne serait pas opportun que nous tentions dans ce guide de prescrire quelque ensemble précis de caractéristiques qui représenteraient la structure et les mécanismes institutionnels «les meilleurs». La solution la meilleure dans chaque cas dépendra en grande partie des circonstances et du contexte particuliers. Il est cependant toujours vrai qu'il est essentiel que les différentes institutions s'occupant de l'aménagement d'une ou de plusieurs pêcheries puissent avoir une action réciproque efficace, ce qui nécessite de bons moyens de communication et une rétro-information satisfaisante. Les institutions doivent aussi être considérées par les différentes parties intéressées comme légitimes.

Le besoin de collaboration entre l'autorité et les parties intéressées est aussi importante que la collaboration entre les institutions au sein de l'autorité. Le chapitre 7 se penche longuement sur cette question. Il examine aussi les préalables à un partenariat efficace entre l'autorité d'aménagement et les parties intéressées, ainsi que les différents types de partenariats qui peuvent être pris en considération.

Il est courant, et souvent souhaitable, que le gouvernement national délègue l'ensemble ou une partie des fonctions d'aménagement des pêcheries au gouvernement local ou à des groupes plus petits, par exemple les communautés de pêcheurs. Dans ces cas-là, il faut absolument préciser quelles sont les responsabilités et les fonctions de l'autorité locale ou du groupe de moindre importance, de même que la zone géographique concernée. Les institutions au sein de l'instance locale doivent suivre les mêmes principes que lorsqu'il s'agit d'une instance nationale, comme il est suggéré ici.

Le Code de conduite précise que l'aménagement des pêcheries devrait concerner le stock dans la totalité de sa zone de distribution (paragraphe 7.3.1) et donc que les Etats devraient coopérer en vue d'assurer l'aménagement des stocks transfrontières, des stocks chevauchants, des stocks de poissons grands migrateurs et des stocks de la haute mer lorsque ceux-ci sont exploités par deux ou plusieurs Etats (paragraphe 7.1.3). Les règles générales de coopération en faveur de la conservation desdits stocks de poissons sont prévues dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 et dans l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons signé en 1995 (voir tableau 2 à la fin du chapitre). Les responsabilités, les fonctions et la structure des autorités internationales ou régionales chargées des pêcheries ne sont en général pas très différentes de celles des autorités nationales.

6 BUTS ET OBJECTIFS: QUI EN A BESOIN DANS UNE PÊCHERIE?

Le but prioritaire de l'aménagement des pêcheries est l'utilisation durable à long terme des ressources halieutiques (Code de conduite, paragraphe 7.2.1). Pour y parvenir, il est essentiel d'adopter une approche dynamique, et il faudrait chercher activement les moyens d'optimiser les avantages découlant des ressources disponibles. C'est cependant rarement le cas, et l'aménagement des pêcheries est encore le plus souvent pratiqué comme une activité réactive, où les décisions sont prises et les actions menées dans une large mesure pour répondre aux problèmes et aux crises. Les décisions qui en découlent ne sont alors généralement que de simples tentatives pour résoudre les problèmes immédiats, sans tenir compte comme il le faudrait d'une perspective plus vaste et d'objectifs à plus long terme. Une telle approche peut permettre de contenir l'insatisfaction à un niveau suffisamment bas pour éviter un conflit majeur, mais il est très improbable qu'elle aboutisse à la meilleure utilisation possible des ressources marines exploitées dans la pêcherie.

La première étape d'un aménagement dynamique des pêcheries consiste à décider ce que l'on entend par optimisation des avantages de chaque pêcherie. Qu'est-ce que l'Etat ou l'ensemble des parties légitimement intéressées peuvent-ils considérer de façon unanime comme des avantages optimaux? La politique nationale des pêches peut en donner une description générale, qui doit servir de point de départ pour déterminer les objectifs spécifiques de chaque pêcherie. Il se peut qu'il faille adapter à une pêcherie particulière les buts généraux indiqués dans la politique des pêches, mais les buts de chaque pêcherie devraient être conformes à la politique.

En règle générale, les buts de l'aménagement des pêcheries peuvent être répartis dans quatre sous-séries, à savoir les buts biologiques, écologiques, économiques et sociaux, ces derniers comprenant des objectifs politiques et culturels. On pourrait à juste titre considérer les buts biologiques et économiques comme des obstacles à l'obtention des avantages économiques et sociaux désirés, mais par souci de simplicité et de cohérence avec la terminologie le plus souvent utilisée dans l'aménagement des pêcheries, nous les considérerons dans ce guide comme des buts. Les exemples de buts dans chacune de ces catégories comprennent:

Il est important d'identifier ces buts pour préciser comment les ressources halieutiques seront utilisées au profit de la société, et ces buts devront être convenus et consignés à la fois au niveau politique et pour chaque pêcherie. Faute de tels buts, rien n'indique comment la pêche devra être pratiquée, ce qui conduira fort probablement à des décisions au cas par cas, à une utilisation des ressources inférieure à l'optimum (d'où une perte d'avantages) et à une plus forte probabilité de conflits graves vu que différents groupes d'intérêt luttent pour obtenir une plus large part des avantages. Tel est souvent le cas dans les faits, et on a observé que l'une des grandes causes d'échec dans l'aménagement des pêcheries était l'absence fréquente d'objectifs clairs et précis.

Si fixer des buts constitue une première étape essentielle, les buts mentionnés ci-dessus ont deux limites évidentes. Tout d'abord, il est clair qu'ils se contredisent car il est impossible, par exemple, de minimiser les incidences de la pêche sur l'écosystème tout en maximisant les revenus nets. De même, il est fort probable que des stratégies d'aménagement visant à maximiser les revenus nets ne maximiseront pas les possibilités d'emploi. On doit trouver un compromis entre ces objectifs avant de pouvoir mettre au point une stratégie d'aménagement efficace. La seconde limite des objectifs est qu'ils sont trop vagues pour vraiment aider le gestionnaire. Par exemple, on ne peut «minimiser» les incidences de la pêche qu'en ne pêchant pas du tout, ce qui probablement n'est pas dans l'intention de ceux qui ont fixé le but. Maximiser les perspectives d'emploi pourrait signifier permettre à autant de pêcheurs que possible de participer, qu'ils puissent ou non vivre de la pêche, ou pourrait signifier maximiser le nombre de pêcheurs qui pourraient encore en tirer un revenu acceptable, ou beaucoup d'autres objectifs de ce genre. Bien trop de choses sont laissées à la discrétion du gestionnaire avec des buts de ce genre.

Il est donc nécessaire de mieux préciser les buts et de définir des objectifs opérationnels pour chaque pêcherie (figure 2). Les objectifs opérationnels sont très précis et sont formulés de manière telle qu'ils devraient être réalisables simultanément dans une pêcherie donnée. En d'autres termes, il faut s'être mis d'accord sur les compromis entre buts biologiques, écologiques, économiques et sociaux, et avoir résolu les problèmes de concurrence et de contradiction. La mise au point d'objectifs opérationnels est examinée au chapitre 5, mais pour illustrer la différence entre grands buts et objectifs opérationnels nous pouvons citer deux exemples d'objectifs tirés du chapitre 5, à savoir:

Avec ce genre d'objectifs opérationnels, tout observateur, notamment le gestionnaire, peut savoir si les objectifs sont ou non en train d'être réalisés, et par conséquent si la stratégie d'aménagement est ou non appropriée et mise en œuvre de façon satisfaisante. On peut aussi se servir facilement de ces objectifs opérationnels comme base pour les points de référence, qui sont essentiellement des objectifs opérationnels exprimés de manière telle qu'ils peuvent être estimés ou simulés lors de l'évaluation des pêcheries (figure 2). Une fois que les objectifs opérationnels ont été convenus, on peut mettre au point une stratégie d'aménagement, constituée de toute une série de mesures de gestion différentes, afin d'atteindre ces objectifs.

Tout cela peut paraître compliqué, mais c'est en réalité ce que font la plupart des gens lorsqu'ils établissent leur propre budget. Nous avons presque tous des désirs et des besoins, réalistes mais exprimés de manière imprécise, qui correspondent à notre mode de vie, et nous connaissons la nature de la ressource (en l'occurrence notre revenu net). Ces désirs et ces besoins représentent les buts de notre budget, mais ils se disputeront tous la même ressource, notre revenu net, et il y aura donc probablement des conflits à régler. Ainsi, nous devons modifier nos buts et les exprimer de façon plus précise; nous définissons des objectifs opérationnels, en précisant ce que nous pouvons réellement obtenir en matière de nourriture, logement, éducation, etc. Il nous faut ensuite choisir notre stratégie budgétaire, c'est-à-dire voir comment nous pouvons atteindre ces objectifs, par exemple quel type et quelle quantité d'aliments ou de vêtements nous devrions acheter, quel type de logement nous pouvons envisager, si nous pouvons prévoir des vacances annuelles, etc.

FIGURE 2
Liens hiérarchiques entre les différentes intentions (politiques, buts, objectifs), les normes (points de référence et indicateurs) et les actions (stratégie et mesures d'aménagement). Ces différents aspects, ainsi que d'autres informations comme le suggère le chapitre 9, devraient figurer dans le plan d'aménagement.

Il est évident que nos objectifs opérationnels doivent correspondre au rendement que nous pouvons attendre de la ressource (notre revenu). Normalement, le processus visant à fixer des objectifs réalistes exigera des compromis; la plupart d'entre nous trouvent, par exemple, qu'ils ne peuvent pas consacrer autant d'argent qu'ils le voudraient aux loisirs ou aux vacances et payer en même temps le loyer ou le crédit de l'appartement. Ainsi, nous devons nous fixer des priorités et faire des compromis jusqu'à ce que nous parvenions finalement à des objectifs réalistes, qui permettent un équilibre entre nos désirs et notre revenu, et qui nous servent vraiment de guide sur la façon de gérer nos finances mois après mois et à long terme. A la fin, nous devrions avoir une stratégie de gestion financière réalisable qui, sauf événements inattendus, aura des résultats prévisibles. Si nous avons bien fait nos calculs, de façon responsable, la stratégie devrait nous permettre de profiter d'un mode de vie raisonnable, sans que nous soyons menacés par la faillite. Il y a peu de différence avec la tâche fondamentale et les aspirations globales du gestionnaire des pêcheries!

7 PLANS, MESURES ET STRATÉGIES D'AMÉNAGEMENT

Il existe une profusion de termes à propos de l'aménagement des pêcheries qui, à moins d'être bien compris, peuvent ajouter de la confusion à un contexte déjà confus. Dans ce guide, outre les termes «buts» et «objectifs opérationnels», les termes plans d'aménagement, mesures d'aménagement et stratégies d'aménagement apparaîtront maintes fois, et nous devons préciser ce que nous entendons par chacun d'eux et comment ils diffèrent.

Les Directives techniques sur l'aménagement des pêcheries (FAO, 1999) définissent le plan d'aménagement comme «un arrangement officiel ou officieux entre l'autorité chargée de l'aménagement des pêcheries et les parties intéressées, qui identifie les partenaires dans le domaine des pêches et leurs rôles respectifs, présente en détail les objectifs pour la pêche et fixe les normes et règlements qui s'y appliquent et fournit d'autres détails concernant la pêche qui relèvent de la tâche de l'autorité chargée de l'aménagement». Un plan d'aménagement bien formulé devrait être préparé pour chaque pêcherie, et le Code de conduite (paragraphe 7.3.3) précise: «Les objectifs à long terme devraient être traduits en mesures de gestion formulées dans un plan d'aménagement des pêcheries ou autre cadre d'aménagement.» Etant donné l'importance qu'ont les plans d'aménagement pour les pêcheries, le dernier chapitre du guide, soit le chapitre 9, est consacré à leur élaboration.

Comme expliqué dans la section précédente, la politique des pêches se traduit en buts, et ces buts se traduisent à leur tour en objectifs qui indiquent de façon précise ce que l'on escompte obtenir de la pêcherie. Les objectifs sont réalisés grâce à la mise en œuvre d'une stratégie d'aménagement qui sera aussi le pivot d'un plan d'aménagement. La stratégie est la somme de toutes les mesures d'aménagement choisies pour atteindre les objectifs biologiques, écologiques, économiques et sociaux de la pêcherie. Il est possible que, dans une pêcherie monospécifique, la stratégie d'aménagement se réduise à une seule mesure d'aménagement, par exemple le total admissible de capture (TAC), mais dans la pratique la plupart des stratégies d'aménagement se composent d'une certain nombre de mesures d'aménagement, qui comprennent des mesures techniques, des contrôles des moyens de production et de la production et un système de droits d'usage. Cependant, une stratégie d'aménagement efficace ne devrait pas comporter trop de mesures d'aménagement, au point que leur application et le contrôle de cette application deviennent trop difficiles, voire pratiquement impossibles.

Une mesure d'aménagement est l'outil le plus petit de la panoplie du gestionnaire des pêcheries; il s'agit de tout type de contrôle mis en œuvre pour aider à atteindre les objectifs. Les mesures d'aménagement sont classées en mesures techniques (chapitres 2 et 3), contrôles des moyens de production (effort) et de la production (captures) (chapitre 4), et tous droits d'accès concernant les contrôles des moyens de production et de la production (chapitre 6). Les mesures techniques peuvent être subdivisées en réglementations sur les types ou la conception des engins (chapitre 2), ainsi que sur la fermeture de zones et de saisons (chapitre 3). Le maillage légal minimal, la fermeture saisonnière de la pêche, le total admissible de capture, la limite du nombre total de navires dans une pêcherie et le système d'octroi de licences visant à respecter cette limite sont autant d'exemples de mesures d'aménagement. Une bonne partie de ce guide est destinée à aider les gestionnaires à examiner et choisir différentes mesures d'aménagement pour une pêcherie donnée.

8 CONSIDÉRATIONS ESSENTIELLES RELATIVES À L'AMÉNAGEMENT DES PÊCHERIES

Si les ressources biologiques de la mer étaient illimitées et indestructibles, nous pourrions laisser les gens les utiliser librement et en abuser à volonté. Cependant, tel n'est pas le cas, et c'est pourquoi nous devons gérer les pêcheries pour veiller à ce que les ressources soient utilisées de façon responsable et durable, et que les avantages potentiels ne soient pas dissipés inutilement et vraisemblablement perdus à tout jamais. La production et le rendement des pêcheries sont limités par un certain nombre de facteurs, qu'on peut classer en considérations biologiques, écologiques et environnementales, technologiques, sociales et culturelles, et économiques. S'y ajoutent souvent aussi des considérations imposées par d'autres utilisateurs des fonds de pêche et des zones voisines. Ces considérations sont étudiées de façon très détaillée dans les Directives techniques sur l'aménagement des pêcheries (FAO, l999). Certaines questions clés sont examinées immédiatement ci-après, mais le lecteur se référera aux Directives techniques pour plus de détails. Le présent guide traite également plusieurs de ces sujets dans les chapitres qui suivent.

8.1 Considérations biologiques

Les ressources biologiques aquatiques, en tant que populations ou communautés vivantes, sont capables de se renouveler en permanence grâce à la croissance en taille et en masse des individus et à l'augmentation de la population ou de la communauté par le biais de la reproduction (qui conduit à ce qu'on appelle souvent «recrutement» dans le domaine des pêches). Dans une population à l'équilibre, les processus additifs de croissance et de reproduction équivalent en moyenne au processus de perte qui correspond à la mortalité totale. Dans une population non exploitée, la mortalité totale n'est représentée que par la mortalité naturelle, due par exemple à la prédation, à la maladie, ainsi qu'à la mort entraînée par des modifications radicales de l'environnement. Dans une population exploitée, la mortalité totale comprend la mortalité naturelle à laquelle s'ajoute la mortalité par pêche; la tâche essentielle des responsables de l'aménagement des pêcheries est de veiller à ce que la mortalité par pêche ne dépasse pas ce que la population peut supporter, en plus de la mortalité naturelle, sans qu'il y ait préjudice à la durabilité et à la productivité de la population. Il faut pour cela non seulement que la population totale soit maintenue au-dessus d'une certaine abondance ou biomasse, mais aussi que la structure d'âge de la population reste dans une situation lui permettant de garder le niveau de reproduction, donc de recrutement, nécessaire pour compenser les pertes dues à la mortalité. En outre, l'exploitation pendant une longue période de certains segments choisis d'un stock, par exemple les spécimens de grande taille ou qui frayent à une période ou un endroit précis, à l'intérieur d'une saison ou d'une zone de frai plus vastes, peut réduire la fréquence de certaines caractéristiques génétiques qui engendrent cette caractéristique ou ce comportement. Cela a pour effet de réduire l'ensemble de la diversité génétique du stock, ce qui peut porter préjudice au potentiel de production de la population et amoindrir la résilience de la population à la variabilité et aux modifications de l'environnement. Les responsables des pêcheries doivent être conscients de ce danger et éviter de maintenir des pressions sélectives de ce genre pendant une période prolongée.

Etablir un niveau et des tendances de mortalité par pêche appropriés n'est pas une tâche facile car il est difficile d'estimer les taux d'abondance et de dynamique des populations, ainsi que la variabilité de ces taux. Le gestionnaire des pêcheries doit toutefois avoir des connaissances suffisantes pour prendre les bonnes décisions. Le Code de conduite précise (paragraphe 7.2.1): «les Etats [...] devraient, entre autres, adopter des mesures appropriées, fondées sur les données les plus fiables disponibles, qui soient conçues pour maintenir ou rétablir les stocks à des niveaux capables de produire leur rendement constant maximal, eu égard aux facteurs environnementaux et économiques pertinents» et plus loin (paragraphe 7.5.2, qui concerne l'approche de précaution): «En mettant en œuvre l'approche de précaution, les Etats devraient tenir compte, entre autres, des incertitudes concernant la taille et la productivité des stocks, les niveaux de référence, l'état des stocks du point de vue de ces niveaux de référence». Le chapitre 5 du présent guide traite de ces questions.

Les gestionnaires des pêcheries doivent aussi respecter la structure de stock des ressources. Les populations ichtyques sont souvent constituées d'un certain nombre de stocks différents, chacun d'entre eux étant en grande partie isolé des autres sur le plan génétique, en raison de différences de comportement et de distribution. Les différents stocks reflètent aussi la diversité génétique, et si un stock particulier est exploité jusqu'à épuisement ou presque, cette diversité génétique risque d'être perdue. Le stock ne sera pas facilement reconstitué à partir d'autres stocks en raison de l'isolement génétique, et donc la production qu'il générait sera elle aussi perdue, d'où une perte définitive, ou tout au moins à long terme, des avantages. La gestion des pêcheries devrait donc essayer de traiter chaque stock séparément et de garantir une exploitation durable de chaque stock et pas seulement de la population prise dans son ensemble. A cet égard, le Code de conduite précise (paragraphe 7.3.1): «Pour être efficace, l'aménagement des pêcheries devrait couvrir le stock unitaire dans la totalité de sa zone de distribution et tenir compte des mesures d'aménagement précédemment convenues, établies et appliquées dans la même région, de tous les prélèvement effectués, ainsi que de l'unité biologique et autres caractéristiques biologiques du stock.»

8.2 Considérations écologiques et environnementales

L'abondance et la dynamique d'une population représentent une contrainte importante pour les pêcheries, mais les populations aquatiques ne vivent pas de façon isolée. Elles existent en tant que composantes d'un écosystème souvent complexe, comprenant des composantes biologiques qui peuvent se nourrir de tel stock ou de telle population, ou être nourries par ce stock ou cette population, ou lui faire concurrence. Même les populations qui ne sont pas directement reliées par le réseau alimentaire peuvent s'influencer indirectement par le biais de leurs interactions directes avec les prédateurs, les proies ou les concurrents des autres. La composante physique de l'écosystème, l'eau elle-même, le substrat, les apports d'eau douce ou de nutriments, et autres processus non biologiques, peuvent aussi être très importants. Différents substrats peuvent être essentiels pour la production d'organismes alimentaires, pour l'abri, ou comme lieux de ponte ou d'alevinage.

L'environnement des poissons est très rarement statique, et les conditions, notamment celles de l'environnement aquatique, peuvent varier fortement au fil du temps, qu'il s'agisse de la variabilité horaire telle que les marées, ou de la variabilité saisonnière par exemple dans la température de l'eau et les courants, ou encore de la variabilité décadaire comme dans le cas des anomalies et des modifications de régime entraînées par El Niño. Ces modifications influent souvent sur la dynamique des populations ichtyques, ce qui entraîne la variabilité des taux de croissance, du recrutement, des taux de mortalité naturelle, ou de toute combinaison de ceux-ci. La variabilité peut également avoir des répercussions sur la quantité de ressources halieutiques accessibles aux engins de pêche, ce qui affecte non seulement les bons résultats de l'industrie halieutique, mais aussi la façon dont les spécialistes des pêches peuvent interpréter les informations sur les captures et les taux de capture provenant de la pêcherie.

La modification de toute composante biologique, chimique, géologique ou physique de l'écosystème peut avoir des répercussions sur la population et la communauté des ressources. Certains de ces changements peuvent échapper au contrôle de l'homme, par exemple les résurgences qui enrichissent certains écosystèmes côtiers ou les anomalies de température de grande envergure, mais il faut quand même en tenir compte dans la gestion de la ressource. D'autres changements, tels que la destruction des habitats côtiers au profit du développement, ou les effets directs de la pêche sur le substrat ou sur d'autres espèces affectant les ressources, sont dus à l'action de l'homme. Dans ces cas-là, le gestionnaire des pêcheries devrait tenir compte de leurs répercussions sur la ressource et, de concert avec d'autres organismes pertinents et parties concernées, prendre les mesures nécessaires pour réduire au minimum leurs effets sur l'écosystème de la pêcherie.

Le gestionnaire doit aussi prendre en compte les effets de la pêche sur l'écosystème dans son ensemble (Code de conduite, paragraphes 7.2.2 g) et 7.6.9). Il existe quatre types d'effets de la pêche sur l'écosystème: les effets directs sur les espèces visées; les effets directs sur les prises accessoires, y compris les rejets et la mortalité accessoire (voir chapitre 2); les effets indirects sur d'autres organismes transmis par la chaîne alimentaire, c'est-à-dire en modifiant l'abondance des prédateurs, proies ou concurrents d'une population; enfin, les effets directs de la pêche sur l'environnement physique ou chimique. Le gestionnaire doit être conscient de ces effets potentiels et avoir recours à des mesures de gestion qui permettent de limiter les effets nuisibles.

La capacité de prendre en considération les aspects de l'écosystème variera selon qu'ils dépendent ou non de l'action de l'homme, mais dans les deux cas il faut tenir compte des contraintes que les facteurs concernant l'écosystème, qu'ils soient biologiques ou non, imposent aux ressources et à la pêcherie. Au niveau le plus fondamental, ces facteurs associés à la biologie des espèces déterminent l'abondance maximale, ou capacité de charge des ressources et leur productivité. Les modifications de l'écosystème peuvent avoir des effets sur les deux et, quand elles se produisent, le gestionnaire des pêcheries doit les prendre en considération.

Le Code de conduite traite également de ces questions. Le paragraphe 7.2.3 précise notamment: «Les Etats devraient évaluer les effets des facteurs environnementaux sur les stocks visés et sur les espèces appartenant au même écosystème ou associées avec les stocks visés ou dépendantes de ces stocks, et évaluer la relation entre les populations dans l'écosystème», et il est affirmé au paragraphe 7.6.9: «Les Etats devraient prendre les mesures appropriées pour minimiser le gaspillage, les rejets, les captures effectuées par des engins perdus ou abandonnés, les captures d'espèces non ciblées, poissons et autres espèces, et les effets négatifs sur des espèces associées ou dépendantes, en particulier sur les espèces menacées d'extinction.»

8.3 Considérations technologiques

Le gestionnaire des pêcheries ne peut que très peu, voire pas du tout, influencer directement la dynamique des populations ou des communautés ichtyques qui alimentent une pêcherie. Dans certains cas, notamment dans les eaux continentales, il existe parfois la possibilité et le désir de développer les stocks et d'améliorer les habitats; dans certaines pêcheries côtières, la destruction des habitats peut avoir eu des répercussions sur la production halieutique. Dans ce dernier cas, la remise en état des habitats ou leur stabilisation pourrait bien être une question que le gestionnaire des pêcheries devrait prendre en considération (Code de conduite, paragraphe 7.2.2 f) et article 10). Cependant, dans la plupart des pêcheries, le seul moyen dont dispose le gestionnaire des pêcheries pour garantir une utilisation durable des ressources est de réglementer la quantité de poissons capturés, les périodes et lieux de capture, ainsi que les tailles auxquelles les poissons sont capturés. Cela peut se faire en réglementant directement les prises, en réglementant le volume de l'effort autorisé dans la pêcherie, en déterminant des saisons et zones de fermeture de la pêche et en réglementant le type d'engin et les méthodes de pêche utilisés. Cependant, le gestionnaire se heurte à des obstacles lorsqu'il cherche à établir avec précision ces réglementations. Il est souvent difficile d'assurer le suivi des contrôles des captures, et donc d'appliquer ces contrôles. De même, il est difficile d'estimer avec précision l'effort de pêche; habituellement, les progrès technologiques et l'amélioration des compétences se traduisent par un accroissement permanent de l'efficacité des opérations de pêche, d'où un accroissement continu de l'effort effectif, à moins que des mesures énergiques ne soient prises pour contrecarrer ces améliorations ou leurs conséquences. Un engin de pêche est rarement très sélectif, et les prises accessoires d'espèces non ciblées, ou d'espèces ciblées dont la taille ne convient pas, posent souvent problème. Les incertitudes en matière d'aménagement des pêcheries ne se situent pas seulement au niveau des prévisions sur la situation ou la dynamique des ressources; elles concernent aussi les conséquences réelles de l'application des mesures de pêche, ce qui représente un gros problème pour le gestionnaire. Les caractéristiques de ces mesures, le moment approprié pour les mettre en œuvre et la façon de le faire sont examinés très en détail dans les chapitres qui suivent, en particulier les chapitres 2, 3 et 4.

Un problème fondamental dans de nombreuses pêcheries est l'existence d'un effort excessif, ce qui pousse souvent en permanence le gestionnaire des pêcheries à dépasser le niveau raisonnable de mortalité par pêche d'une ressource. Il est souvent difficile de résister aux pressions sociales et politiques visant à fournir de l'emploi et des perspectives d'avenir à tous ceux qui ont un intérêt dans la pêcherie, et cela conduit directement à la surexploitation. Le Code de conduite demande que les Etats prennent des mesures pour empêcher ou éliminer la surcapacité de pêche (paragraphe 7.1.8), et l'inquiétude au niveau mondial est telle que les pays membres de la FAO ont adopté un Plan d'action international (PAI) sur la gestion des capacités de pêche[2].

8.4 Considérations sociales et culturelles

Les populations et sociétés humaines sont aussi dynamiques que d'autres populations biologiques. Des changements sociaux se produisent en permanence et à différents niveaux, à cause des modifications dans le climat, la situation de l'emploi, la situation politique, la situation de l'offre et de la demande de produits de la pêche, et d'autres facteurs. Ces changements peuvent avoir des répercussions sur la pertinence et l'efficacité des stratégies d'aménagement, et il faut donc en tenir compte. Cependant, de même qu'avec les facteurs biologiques et technologiques, il est parfois difficile d'identifier et de quantifier les facteurs sociaux et culturels essentiels qui influent sur l'aménagement des pêcheries, ce qui accroît encore les incertitudes pour le gestionnaire.

Une contrainte sociale importante en matière d'aménagement des pêcheries est que les sociétés humaines et leur comportement ne sont pas faciles à transformer; des familles ou communautés de pêcheurs ne sont pas nécessairement disposées à changer de travail ou à s'éloigner de leur domicile habituel quand il existe un surplus de capacité dans une pêcherie, même quand leur niveau de vie risque de souffrir des conséquences d'un épuisement des ressources halieutiques. Le problème est encore plus aigu quand il n'existe pas d'autres possibilités, en dehors de la pêche, de pouvoir gagner un minimum pour vivre. Dans ce cas, la décision politique de réduire la capacité dans la pêcherie est un choix extrêmement difficile, car à court terme le coût que représente l'exclusion de personnes tributaires de la pêcherie sera beaucoup plus visible, et donc impopulaire, qu'une approche du type «n'y touchez pas» qui tolère un déclin, en volume et en qualité, de la ressource et de la pêcherie, sous l'effet d'une mortalité par pêche excessive et prolongée. Toutefois, les conséquences écologiques, économiques et sociales dans ce dernier cas sont beaucoup plus graves à long terme. La réticence ou l'incapacité de prendre des décisions aux conséquences sociales immédiates graves est en grande partie responsable de la surexploitation dans le monde.

Pour s'assurer que les considérations sociales et culturelles sont bien prises en compte, il est essentiel de faire participer les parties intéressées à l'aménagement des pêcheries, en les tenant bien informées sur les différents aspects de la gestion de la pêcherie et en leur donnant l'occasion d'exprimer leurs besoins et leurs préoccupations. Cette question est traitée au chapitre 7 de ce guide. Le Code de conduite (paragraphe 7.2.2) suggère que «les intérêts des pêcheurs, y compris de ceux qui pratiquent la pêche de subsistance, la pêche aux petits métiers et la pêche artisanale, soient pris en compte». Il précise également (paragraphe 7.1.2): «Dans les zones relevant de leur juridiction nationale, les Etats devraient s'efforcer d'identifier les parties nationales intéressées qui ont un intérêt légitime dans l'utilisation et la gestion des ressources halieutiques et devraient instituer des arrangements permettant de les consulter pour s'assurer de leur collaboration dans la conduite d'une pêche responsable.»

L'équilibre relatif entre considérations sociales et considérations économiques dans une pêcherie dépendra de la priorité que l'autorité compétente accordera aux objectifs sociaux et aux objectifs économiques. Ces deux types d'objectifs peuvent être conflictuels. Par exemple, il est peu probable que, dans une pêcherie donnée, on puisse à la fois chercher à maximiser la rentabilité économique et les perspectives d'emploi, et tenter de le faire aboutirait à un conflit. L'exemple classique de ce type de conflit est celui qui oppose une flotte commerciale poursuivant des objectifs essentiellement économiques et une flotte artisanale dont les objectifs sont avant tout d'ordre social, toutes deux ayant une incidence sur le même stock, et leurs opérations de pêche ayant sans doute aussi des répercussions les unes sur les autres. Il est important que l'autorité d'aménagement ait identifié ces conflits potentiels et qu'elle ait statué, en identifiant et en précisant les objectifs de compromis qui recueillent l'approbation générale.

8.5 Considérations économiques

Dans une pêcherie où l'on aurait désigné la rentabilité économique durable comme l'unique avantage à obtenir et où les conditions seraient optimales, on pourrait s'attendre à ce que les forces du marché conduisent à l'objectif désiré de rentabilité économique. Dans la réalité, cependant, des conditions optimales de ce genre n'existent que rarement, voire jamais, et des incertitudes et facteurs externes déséquilibrent le choix naturel des forces du marché. Parmi les incertitudes, on peut citer le caractère imprévisible de la variabilité des ressources et d'autres sources d'information imparfaite; parmi les facteurs externes, peuvent figurer les incidences d'autres pêcheries sur les ressources visées (par exemple en les pêchant comme prises accessoires), les subventions, les réglementations commerciales, les réglementations fiscales, ainsi que la variabilité des marchés et de la demande. Tout cela amène des complications et accroît l'incertitude dans la pêcherie et, faute d'un aménagement approprié, conduira à des résultats économiques en deçà du seuil optimal. Il est important que l'autorité d'aménagement tienne compte du vaste contexte économique d'une pêcherie, notamment des facteurs macroéconomiques pertinents. Comme pour les considérations sociales, cela exige une étroite collaboration avec les utilisateurs légitimes qui sont les premiers à être concernés par ces questions et les plus sensibles à ce sujet.

Dans une situation extrême, bien qu'encore très courante dans les pêcheries, en particulier dans de nombreux pays en développement, se pose le problème des pêcheries d'accès libre, où quiconque est autorisé à accéder. Dans ce cas, les gens continueront à accéder à la pêcherie jusqu'à ce que le profit tiré de la pêche diminue au point de ne plus intéresser de potentiels nouveaux venus (section 2, chapitre 6). La durée de cette situation dépendra largement des autres options disponibles; dans bon nombre de pays, notamment les pays en développement, ces options peuvent être très rares. Même s'il existe des alternatives raisonnables, les pêcheries d'accès libre conduisent inévitablement à un gaspillage de la rente tirée de la ressource, d'où une rentabilité économique très médiocre et, à moins que des mesures d'aménagement énergiques et efficaces soient adoptées et appliquées, une surexploitation des ressources. Ce genre de situation existe dans de nombreuses pêcheries du monde.

Compte tenu de ces notions très élémentaires d'aménagement des pêcheries, le Code de conduite appelle à adopter «des mesures pour faire en sorte qu'aucun bateau (ce qui laisse également entendre aucun pêcheur placé sur la côte) ne puisse pêcher à moins d'y avoir été autorisé» (paragraphe 7.6.2). Il précise que «les Etats devraient veiller à ce que le niveau des activités de pêche autorisé soit compatible avec l'état des ressources halieutiques» (paragraphe 7.6.1) et que «là où il existe une surcapacité de pêche, des mécanismes devraient être mis en place pour ramener la capacité à des niveaux compatibles avec l'utilisation durable des ressources halieutiques, et faire en sorte que les pêcheurs opèrent dans des conditions économiques qui favorisent une pêche responsable» (paragraphe 7.6.3) (L'explication entre parenthèses et le mot souligné ont été ajoutés par l'auteur du présent chapitre.) Pris dans leur ensemble, ces trois paragraphes précisent qu'une pêche responsable suppose que les pêcheurs aient un accès limité et autorisé aux pêcheries, où l'effort actuel et potentiel doit être adapté à la productivité de la ressource ou des ressources exploitées.

8.6 Considérations imposées par d'autres parties

La pêche hauturière est parfois pratiquée sans aucun contact avec les autres utilisateurs, et il se peut que les organisations régionales des pêches chargées de leur aménagement soient capables de gérer des pêcheries sans devoir tenir compte des conflits ou des interférences avec des utilisateurs qui n'ont pas de rapport avec la pêche. Cependant, la plus grosse partie du poisson débarqué dans le monde provient des eaux côtières, et pour bon nombre, si ce n'est la plupart, des pêcheries qui fournissent ces débarquements, les autres utilisateurs représentent un aspect important et souvent une contrainte. Les autres utilisateurs des fonds de pêche peuvent s'intéresser par exemple au tourisme, à la conservation, à l'extraction du pétrole ou du gaz, à l'exploitation minière et à l'affrètement en haute mer, alors que les zones intertidales et côtières peuvent servir là encore au tourisme, à l'aquaculture et à la thalassoculture, à la mise en valeur des zones côtières pour le logement, les affaires ou l'industrie, et à l'agriculture. Toutes ces activités peuvent imposer de fortes contraintes aux activités halieutiques, qui à leur tour peuvent les affecter. Le gestionnaire doit donc tenir compte de ces activités et des répercussions effectives ou potentielles dans les deux directions. Lors de la mise au point des stratégies d'aménagement et de l'élaboration des mesures d'aménagement, il convient d'identifier les conflits potentiels avec d'autres utilisateurs et d'en tenir compte. L'incidence éventuelle des autres utilisateurs sur l'efficacité de la stratégie et des mesures d'aménagement doit être prise en considération et il faut adapter la stratégie de façon à tenir compte de cette incidence.

Le chevauchement des intérêts doit inévitablement conduire le gestionnaire des pêcheries, par l'intermédiaire de l'autorité d'aménagement, à s'assurer que les structures et les mécanismes appropriés sont bien mis en place pour permettre une communication et une prise de décisions efficaces avec les représentants des autres utilisateurs. Cette question est mentionnée aux paragraphes 6.8 et 6.9 du Code de conduite et traitée essentiellement à l'article 10, Intégration des pêches dans l'aménagement des zones côtières, qui précise au paragraphe 10.4.1: «Les Etats devraient établir des mécanismes de coopération et de coordination entre les autorités nationales chargées de la planification, de la mise en valeur, de la conservation et de l'aménagement des zones côtières.»

9 TOUT CELA EST-IL LÉGAL?

Inutile de préciser qu'il est essentiel que le gestionnaire des pêcheries soit parfaitement au courant des lois et des règlements qui régissent les pêcheries relevant de sa juridiction. Ces lois et règlements constituent le régime juridique en vertu duquel la pêcherie devrait fonctionner et être aménagée; ils comprennent la législation nationale et tout instrument juridique international pertinent (tableau 2). Le terme législation désigne ici tous les types de lois nationales, lois locales, réglementations et coutumes.

9.1 Législation nationale

La portée de la législation nationale varie considérablement d'un pays à l'autre, selon par exemple qu'un pays a un système de droit commun, un système de droit civil ou tout autre système. Cependant, la législation de base est généralement vaste; elle fixe les principes et la politique en matière de pêche, et elle est habituellement approuvée par le corps législatif du pays, qui peut être le Congrès national ou le Parlement. Elle peut aussi donner des détails sur la mise en œuvre de certains aspects de la politique qui sont considérés particulièrement importants ou délicats, et elle devrait mentionner l'élaboration des plans d'aménagement des pêcheries et les procédures destinées à la planification. La législation de base est en général décrite dans la loi sur la pêche ou toute loi équivalente. Etant donné que passer par le corps législatif est un long processus, il n'y a pas lieu d'ordinaire de modifier souvent la législation de base. Par exemple, des mesures de contrôle comme le volume d'effort autorisé dans une pêcherie ou le TAC annuel ne devraient pas figurer dans la législation de base.

La législation de base fournit généralement les moyens juridiques permettant d'élaborer des procédures et des réglementations détaillées que l'autorité désignée, qui est chargée de formuler les lois, devra faire appliquer. Les autorités déléguées devront désigner les groupes institutionnels responsables de l'aménagement des pêcheries et renforcer leur pouvoir, et préciser notamment qui est responsable de l'administration et du contrôle de l'aménagement des pêcheries. Les lois auxiliaires, ou la législation dite subsidiaire, établies par l'autorité de réglementation déléguée, sont souvent appelées règlements, ordres, proclamations, etc. Elles comprennent les mesures de contrôle qui doivent fréquemment être révisées, en général chaque année, par exemple les licences, les restrictions visant les engins, la fermeture de zones et de saisons de pêche, ainsi que les contrôles des moyens de production et de la production (chapitres 2, 3 et 4).

9.2 Législation et instruments internationaux

Le gestionnaire moderne des pêcheries doit bien connaître non seulement la législation nationale qui s'applique au secteur halieutique, mais aussi l'effarante diversité des lois et instruments volontaires internationaux qui concernent directement les pêcheries ou s'y rapportent. Ces dernières décennies, les instruments de ce genre sont devenus légions; le tableau 2 en présente quelques exemples et types qui figurent parmi les plus importants.

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, qui est entrée en vigueur en 1994, représente l'instrument international le plus important (tableau 2). La Convention définit le contexte juridique pour tous les arrangements et accords internationaux ultérieurs en matière d'exploitation des océans et des mers. L'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons et l'Accord d'application de la FAO découlent directement de la Convention sur le droit de la mer et sont destinés à renforcer ses dispositions relatives aux pêcheries de haute mer et aux stocks transfrontières.

Il y a également une profusion d'autres accords mondiaux, tant contraignants que volontaires. Jusqu'à présent, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) n'a eu que peu d'incidence sur l'aménagement des pêcheries marines, mais l'inquiétude à propos des espèces marines faisant l'objet de commerce international ne cesse de grandir. Suite à ce regain d'attention, il est fort probable que davantage d'espèces présentant un intérêt pour les pêcheries seront à l'avenir inscrites sur les listes de la CITES. Par exemple, les espèces d'esturgeons (Acipenseriformes spp.) sont actuellement inscrites à l'Annexe II, dans le cadre de laquelle le commerce international fait l'objet d'un suivi et d'un contrôle attentifs, et le requin pèlerin a été inscrit à l'Annexe III de la CITES par le Royaume-Uni en 2001. D'autres instruments mondiaux dont l'intérêt est plus immédiat sont également cités au tableau 2, notamment la Convention sur la diversité biologique.

La plupart des pays qui participent à des pêcheries sont ou deviendront membres d'un ou de plusieurs organismes régionaux chargés de l'exploitation, de l'aménagement et de la conservation des ressources biologiques de la mer. Parmi ces organismes, figurent les différentes commissions sur les thons (par exemple, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) et la Convention des thons de l'océan Indien (IOTC)), la Convention pour la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR), différents organes régionaux des pêches de la FAO tels que le Comité des pêches pour l'Atlantique Centre-Est (COPACE) et la Commission des pêches pour l'Asie et le Pacifique (APFIC) et beaucoup d'autres.

TABLEAU 2 Quelques lois et accords fondamentaux qui constituent le régime juridique de l'aménagement des pêcheries

LOIS OU ACCORDS

OBSERVATIONS

a) Législation concernant directement les pêcheries


Législation nationale de base relative aux pêcheries (par exemple, loi nationale sur les pêcheries)


Législation secondaire concernant certaines pêcheries et mesures de contrôle, y compris les réglementations et, le cas échéant, les coutumes et pratiques traditionnelles


Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982

Est entrée en vigueur le 16 novembre 1994. Elle fournit un régime complet de droit et d’ordre dans les océans et les mers du monde en établissant des règles qui régissent l’ensemble des utilisations des océans et de leurs ressources. Elle consacre l’idée que tous les problèmes de l’espace océanique sont étroitement interdépendants et doivent être résolus globalement.

Accord aux fins de l’application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs (Accord de 1995 des Nations Unies sur les stocks de poissons)

La 30e ratification ou adhésion nécessaire pour qu’il entre en vigueur a été reçue le 11 novembre 2001. L’Accord précise le principe de la Convention sur le droit de la mer, selon lequel les Etats devraient collaborer pour assurer la conservation et favoriser l’objectif d’une utilisation optimale des ressources halieutiques tant à l’intérieur qu’au-delà de la zone économique exclusive.

Accord visant à favoriser le respect par les navires pêchant en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion (Accord d’application de la FAO)

Est entré en vigueur en avril 2003. Il traite des problèmes concernant le changement de pavillon des navires de pêche qui cherchent par là à se soustraire aux règles de conservation et d’aménagement applicables aux activités halieutiques en haute mer.

Convention sur la diversité biologique

Accord contraignant. Les pays qui sont parties à la Convention sont tenus d’appliquer ses dispositions. Il a trois buts principaux: conservation de la diversité biologique; utilisation durable des composantes de la diversité biologique; partage juste et équitable des avantages dérivant de l’utilisation des ressources génétiques.

Toutes obligations imposées par des organisations internationales dont l’Etat est signataire, par exemple la CITES, la Commission baleinière internationale (CBI), les commissions sur les thonidés, etc.


Tous accords contraignants, bilatéraux ou multilatéraux, relatifs aux pêcheries qui sont pertinents


b) Accords volontaires concernant les pêcheries


Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable

Adopté par la 28e session de la Conférence de la FAO le 31 octobre 1995. Il définit les principes et les normes internationales de conduite visant à des pratiques responsables pour assurer la conservation, l’aménagement et la mise en valeur efficaces des ressources bioaquatiques, tout en respectant comme il se doit l’écosystème et la diversité biologique.

Plans d’action internationaux de la FAO visant à:
· réduire les captures accessoires d’oiseaux de mer dans la pêche à la palangre;
· assurer la conservation et la gestion des requins;
· gérer les capacités de pêche;
· empêcher, décourager et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée

Les quatre Plans d’action internationaux sont des instruments volontaires élaborés dans le cadre du Code de conduite pour une pêche responsable. Ils s’appliquent à tous les Etats et entités et à tous les pêcheurs.

Programme Action 21 de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement

En particulier le chapitre 17: Protection des océans et de toutes les mers - y compris les mers fermées et semi- fermées - et des zones côtières, et protection, utilisation rationnelle et mise en valeur de leurs ressources biologiques.

10 OUVRAGES CONSEILLÉS

Berkes, F., Mahon, R., McConney, P., Pollnac, R. & Pomeroy, R. 2001. Managing Smallscale Fisheries. Alternative Directions and Methods. CRDI, Canada. 320 p.

Caddy, J.F. & Griffiths, R.C. 1995. Les ressources marines vivantes et leur développement durable. Quelques perspectives environnementales et institutionnelles. FAO: Documents techniques sur les pêches, n° 353. 174 p.

Charles, A.T. 2001. Sustainable Fishery Systems. Blackwell Science, Londres. 384 p.

Cochrane, K.L. 2000. Reconciling sustainability, economic efficiency and equity in fisheries: the one that got away? Fish and Fisheries, 1: 3-21.

FAO. 1995. Code de conduite pour une pêche responsable. FAO, Rome. 46 p.

FAO. 1999. Aménagement des pêcheries. FAO: Directives techniques pour une pêche responsable, n° 4. FAO, Rome. 91 p.

FAO. 2000. La situation mondiale des pêches et de l'aquaculture 2000. FAO, Rome. 142 p.

Nations Unies. 1998. International Fisheries Instruments with Index. Division des affaires maritimes et du droit de la mer, Bureau des affaires maritimes. Nations Unies, New York. 110 p.


[1] http://www.refisheries2001.org/
[2] Le site http://www.fao.org/fi/ipa/capace.asp donne des détails sur le PAI.

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