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Chapitre 2 - Le recours aux mesures techniques dans la pêche responsable: réglementation des engins par Åsmund BJORDAL


Institute of Marine Research, Bergen, Norvège

1 INTRODUCTION

L'aménagement des pêcheries s'impose lorsque la capacité d'exploitation des flottes de pêche dépasse la production excédentaire des stocks de poissons. La capacité d'exploitation est le produit de l'effort de pêche et de l'efficacité conjuguée de l'engin de pêche et du navire de pêche (par exemple, la capacité de chargement, la puissance du moteur, le rayon d'action, l'équipement de navigation et de détection du poisson), ainsi que des compétences de l'équipage.

L'aménagement des pêcheries prévoit différentes mesures de gestion. On peut citer les réglementations techniques des engins de pêche visant à atteindre l'objectif général d'une forte production équilibrée dans la pêcherie. Il s'agit par exemple des réglementations du maillage, destinées à améliorer les propriétés sélectives d'un engin de pêche pour réduire les prises accessoires de juvéniles, le but étant de protéger le recrutement dans les groupes de plus grande taille d'un stock, notamment le stock reproducteur.

Ces dernières années, on s'est de plus en plus intéressé aux «répercussions des pêches sur l'écosystème», en tenant compte de l'incidence des opérations de pêche non seulement sur les espèces visées, mais aussi sur les prises accessoires, ou d'autres effets sur les espèces non commerciales ou sur les habitats. Le rendement énergétique, la réduction de la pollution et l'amélioration de la qualité des captures sont également des aspects importants liés aux engins et opérations de pêche (Code de conduite pour une pêche responsable, paragraphe 7.2.2). Alors qu'auparavant la mise au point des engins et méthodes de pêche visait uniquement un maximum d'efficacité pour capturer les espèces cibles, actuellement la recherche halieutique, l'aménagement des pêcheries et l'industrie de la pêche doivent relever le défi de mettre au point des engins, méthodes et réglementations qui répondent aux différentes considérations mentionnées ci-dessus. Cela fait partie de l'approche écosystémique de l'aménagement des pêches qui est en train de voir le jour.

2 LES ENGINS DE PÊCHE

2.1 L'engin de pêche idéal

L'engin de pêche idéal pourrait répondre aux critères suivants:

D'après ces critères, et d'autres encore qu'on pourrait ajouter à la liste, on peut facilement affirmer que l'engin de pêche idéal n'existe pas, car aucun engin ne répond à la liste complète des critères et propriétés désirés. Cependant, dans l'évolution vers un aménagement durable des pêcheries, les différents engins de pêche avec leurs propriétés spécifiques et leur possibilité d'amélioration représentent un compartiment important dans «la boîte à outils du gestionnaire des pêcheries». Il est donc essentiel d'avoir quelques connaissances de base sur les propriétés, le rôle et la façon d'utiliser les principaux engins et méthodes de pêche pour prendre les décisions qui s'imposent en matière d'aménagement des pêcheries, notamment lorsqu'il s'agit de mesures techniques qui figurent dans les réglementations des pêches.

2.2 Classification des engins de pêche

Les engins de pêche sont généralement répartis en deux grandes catégories: les engins passifs et les engins actifs. Cette classification se fonde sur le comportement des espèces visées vis-à-vis des engins. Avec les engins passifs, la capture des poissons se fonde habituellement sur le mouvement des espèces visées vers l'engin de pêche (par exemple, les pièges), alors qu'avec les engins actifs elle repose en général sur la poursuite des espèces visées (par exemple, les chaluts et les dragues). Sur la terre ferme, cette distinction correspondrait à la différence entre le piégeage des animaux et la chasse.

Les sections qui suivent décrivent brièvement les principaux types d'engins, entre autres le principe de capture, la fabrication, le mode d'opération et les espèces généralement visées. La sélectivité des engins et les propriétés liées aux effets de la pêche sur l'écosystème seront étudiées à la section 5.

3 LES ENGINS DE PÊCHE PASSIFS

Les engins passifs représentent en général le type d'engins de pêche le plus ancien. Ils sont particulièrement adaptés à la pêche aux petits métiers, et c'est pourquoi les engins de ce type sont fréquemment utilisés dans les pêcheries artisanales. Certains engins de pêche passifs sont souvent appelés «engins de pêche stationnaires». Les engins stationnaires sont amarrés au fond de la mer; ils constituent un groupe important d'engins passifs. Cependant, certains engins qui se déplacent, par exemple les filets dérivants, peuvent aussi rejoindre la catégorie des engins passifs, car la capture des poissons au moyen de ces engins dépend également du mouvement des espèces visées en direction de l'engin.

FIGURE 1
Principe de capture (agrandissement); fabrication du filet maillant et du filet dérivant pélagique (en haut); filet calé sur le fond (en bas).

3.1 Filets

a) Filets maillants
Le principe de capture et la fabrication des filets maillants sont illustrés à la figure 1.

Principe de capture

C'est le principe de capture qui a donné son nom au filet maillant, car les poissons sont généralement «maillés», c'est-à-dire retenus dans une des mailles du filet, normalement au niveau des branchies (entre la tête et le corps). Ainsi, la capture des poissons au filet maillant repose sur le principe que les poissons rencontrent l'engin quand ils se déplacent pour manger ou lors des migrations. Comme les poissons peuvent éviter le filet s'ils le remarquent, les prises sont normalement meilleures lorsque la lumière est faible ou dans les zones d'eau trouble.

Fabrication

Le filet maillant comprend essentiellement un «mur» ou panneau (par exemple, de 5 m sur 3 m) de mailles en fil fin. Le panneau de mailles est monté à l'aide de cordes de renforcement sur tous les côtés. Pour que le filet reste en position verticale dans la mer, des flotteurs et des plombs sont fixés à intervalles réguliers, respectivement sur la ralingue supérieure (ligne de flottaison, ligne de bouchons) et sur la ralingue inférieure (ligne de lest, ligne de plombs). La dimension des mailles et le rapport d'armement (nombre de mailles par longueur de filet maillant) sont choisis en fonction de l'espèce et de la taille cibles des poissons à capturer.

Le maillage correspond d'ordinaire à la longueur (en millimètres) d'une maille entière étirée, ou bien d'un côté de la maille (également appelée grandeur bar).

A l'heure actuelle, les filets maillants sont presque tous en fibres synthétiques, normalement en nylon (polyamide), avec du fil multifilament ou monofilament. Ce dernier est de plus en plus utilisé, car il est peu visible et donc plus efficace en matière de capture. Le multi-monofilament devient également plus courant.

Mode d'opération

Les filets maillants sont utilisés le plus souvent comme engins stationnaires amarrés sur le fond par une extrémité, mais on peut aussi les utiliser comme filets dérivants qui flottent librement dans l'eau. On peut amarrer les filets stationnaires sur le fond de la mer, à différentes profondeurs dans la colonne d'eau, ou avec la ligne de flottaison en surface. De même, les filets dérivants peuvent avoir leur ligne de flottaison en surface, ou être suspendus aux flotteurs de surface et aux lignes de flottaison correspondantes à la profondeur de pêche désirée, soit une profondeur intermédiaire.

On peut manœuvrer les filets maillants à partir de toute une gamme de bateaux, allant des plus petites embarcations non mécanisées aux gros navires bien équipés pratiquant la pêche maritime industrielle en eau profonde. L'engin utilisé dans la pêche artisanale ou la pêche industrielle est fondamentalement le même: le filet maillant unitaire. Cependant, comme les navires sont de plus en plus gros, il est possible de transporter et d'utiliser un plus grand nombre de filets unitaires par jour. Chaque filet est ainsi fixé au suivant pour constituer de longues flottes comptant parfois plusieurs centaines de filets.

Les filets maillants peuvent aussi être utilisés à différentes profondeurs, allant de l'eau peu profonde à très profonde, et on peut s'en servir pour pêcher sur des fonds durs et autour des épaves. Un problème propre aux filets maillants est ce qu'on appelle «la pêche fantôme». Cette expression désigne les filets maillants qui se sont perdus (le plus souvent après être restés accrochés sur un fond irrégulier) et qui continuent pendant longtemps à attraper et tuer des poissons. Le Code de conduite (paragraphe 7.2.2) demande que les conséquences de la pêche fantôme soient réduites au minimum.

Espèces visées

Les filets maillants sont utilisés pour capturer un large éventail d'espèces de poissons. En général, les filets maillants de fond servent à capturer les espèces démersales comme le cabillaud, les poissons plats, le tambour et le vivaneau, alors qu'on utilise les filets maillants pélagiques pour les espèces comme le thon, le maquereau, le saumon, le calmar et le hareng.

b) Trémails

Le principe de capture et la fabrication des trémails sont illustrés à la figure 2.

Principe de capture

Avec le trémail, les poissons sont capturés par maillage, ce qui est facilité par le principe même du filet, qui comprend trois panneaux attachés à une même corde de façon très souple.

Fabrication

A première vue, le trémail peut paraître semblable au filet maillant. Cependant, alors que le filet maillant n'a qu'un seul panneau de mailles, le trémail en a trois, un panneau central constitué de petites mailles et deux panneaux latéraux faits de mailles plus grandes. Quand un poisson entre en contact avec le filet, il pousse le filet à petites mailles à travers le filet adjacent en mailles plus grosses et se trouve ainsi emmaillé.

Mode d'opération

Les trémails sont habituellement amarrés et utilisés comme des filets maillants calés sur le fond, surtout dans les pêcheries artisanales près du rivage.

Espèces visées

Les trémails servent à capturer une large gamme de poissons démersaux.

FIGURE 2
Principe de capture (agrandissement) et fabrication des trémails.

3.2 Lignes et palangres

Différentes méthodes de pêche se fondent sur l'utilisation d'hameçons: pêche à la palangre, pêche à la traîne et différentes formes de pêche à la ligne à main, par exemple la pêche à la turlutte. Le principe général de capture de la pêche à l'hameçon est d'attirer le poisson vers l'hameçon et de l'inciter à le mordre et/ou à l'avaler, de façon à s'y accrocher et à être retenu.

a) Pêche à la ligne à main et pêche à la traîne

Le principe de capture et la fabrication des lignes sont illustrés à la figure 3.

Principe de capture

Le poisson est attiré vers l'hameçon par stimulation visuelle, soit avec un appât naturel ou, le plus souvent, avec des imitations artificielles de proies, comme les leurres, les turluttes, les vers en caoutchouc, etc.

Fabrication

L'engin est simple: la ligne est généralement un monofilament de nylon, avec à son extrémité un ou plusieurs hameçons garnis d'appâts ou de leurres.

FIGURE 3
Principe de capture et fabrication d'une ligne de traîne (à gauche) et d'une ligne à turluttes (à droite); exemples de leurres et de turlutte (agrandissements).

Mode d'opération

Dans la pêche à la ligne à main, la ligne est verticale et elle est utilisée à partir d'un navire qui se déplace ou qui est amarré. On peut également pêcher à partir du rivage, à l'aide ou non d'une perche. On utilise parfois une seule ligne, ou bien plusieurs lorsque les navires sont plus gros. Ces dernières années, la pêche à la ligne à turluttes a été mécanisée et automatisée grâce à la mise au point de machines.

On peut aussi utiliser un hameçon et une ligne dans la pêche à la traîne; la ligne est traînée derrière le navire qui se déplace. Une semi-automatisation a également été mise au point pour la pêche à la traîne, des moulinets mécanisés étant souvent utilisés pour haler les lignes. Dans la Classification statistique internationale type des engins de pêche (Nédélec et Prado, 1990), la ligne de traîne est considérée comme un engin de pêche bien distinct de la ligne à main.

Espèces visées

Dans la pêche à la ligne à main, les espèces normalement visées sont les poissons démersaux comme le cabillaud et le vivaneau, de même que le calmar. La pêche à la traîne vise surtout les espèces pélagiques comme le maquereau, le thon et le saumon.

b) Pêche à la palangre

Le principe de capture et la fabrication des palangres sont illustrés à la figure 4.

Principe de capture

La pêche à la palangre a pour principe d'attirer le poisson avec un appât fixé à l'hameçon. Alors que la pêche à la ligne à main et la pêche à la traîne exploitent généralement le sens de la vue du poisson pour l'attirer vers l'hameçon au moyen de leurres artificiels, la pêche à la traîne exploite son odorat. L'odeur qui se dégage de l'appât incite le poisson à nager en direction de l'hameçon appâté et à l'ingérer, et il y a de fortes chances pour qu'il soit capturé.

FIGURE 4
Principe de capture et fabrication des palangres. Filet pélagique/dérivant (en haut) et filet calé sur le fond (en bas); hameçon appâté relié à la ligne principale à l'aide d'une entremise (avançon) (agrandissement).

Fabrication

La palangre est une longue ligne (ligne principale) sur laquelle sont fixées à certains intervalles des lignes lestées, relativement plus courtes et plus fines (avançons) munies d'hameçons appâtés. Selon le type de pêche, il y a de grandes différences dans les paramètres de l'engin - par exemple, l'épaisseur et le matériau de la ligne principale et des lignes lestées, ou l'espace entre les hameçons - et dans les types d'hameçons et d'appâts.

Actuellement, la ligne principale et les lignes lestées sont presque exclusivement en fibres synthétiques, comme le polyamide (nylon) ou le polyester. Le multifilament (cordage) est généralement utilisé pour la ligne principale et les lignes lestées des palangres démersales (calées sur le fond), alors que le monofilament est couramment utilisé pour les palangres pélagiques. Le type d'hameçon (taille et forme) est très variable selon les espèces visées. Naturellement, pour les poissons de plus grande taille, on utilise des hameçons de plus gros calibre, et la ligne principale et les lignes lestées sont plus résistantes. Il existe aussi toutes sortes d'appâts qui varient selon le type de pêche à la palangre, mais les principaux sont différents poissons pélagiques (par exemple, hareng, maquereau, sardine, orphie), ou diverses espèces de calmars.

Mode d'opération

Le cycle de pêche à la palangre comprend les principales opérations suivantes: appâtage (un morceau d'appât est fixé sur chaque hameçon à l'aide d'un fil), mise en place de la palangre, pêche («en mouillant» la ligne pendant plusieurs heures), levée de l'engin, récupération des poissons et des vieux appâts, entretien de l'engin, puis le cycle recommence.

Comme dans le cas des filets maillants, l'engin est fondamentalement le même pour la pêche artisanale ou la pêche industrielle, la longueur de la ligne et le nombre d'hameçons augmentant avec la taille des navires. Les petites embarcations ouvertes pêchent normalement avec quelques centaines d'hameçons, alors que les plus gros navires de pêche à la palangre (longueur hors tout, 50-60 m) peuvent manœuvrer de 50 à 60 km de palangre et entre 40 000 et 50 000 hameçons par jour.

Le degré de mécanisation des engins augmente normalement avec la taille des navires. La plupart des navires de pêche à la palangre sont équipés de haleurs mécaniques. Avec l'appâtage automatique, la pénible tâche de l'amorçage est également mécanisée grâce à des machines qui peuvent amorcer jusqu'à quatre hameçons par seconde pendant que la ligne est calée dans mer.

Espèces visées

Les palangres pélagiques (dérivantes) sont habituellement utilisées pour capturer des espèces comme le thon, l'espadon et le saumon, alors que les palangres ancrées sur le fond servent à capturer des espèces démersales, par exemple le vivaneau, le maquereau, l'églefin, le flétan, la lingue, le brosme, le merlu et la légine.

3.3 Casiers et pièges

Dans la Classification statistique internationale type des engins de pêche (Nédélec et Prado, 1990), les casiers sont considérés comme un type de piège, mais ils font ici l'objet d'une description séparée, car il existe des différences entre les casiers et les autres types de pièges pour ce qui est du principe de capture et de la fabrication. Le principe général de capture pour les casiers (paniers à poissons) et les pièges est d'inciter ou de contraindre les espèces visées à entrer dans une caisse ou un compartiment d'où il leur sera difficile, voire impossible, de s'échapper.

Le principe de capture et la fabrication des casiers et des pièges sont illustrés à la figure 5.

a) Casiers et nasses

Principe de capture

Le principe général de la pêche au casier, comme de la pêche à la palangre, est d'attirer les organismes ciblés avec des appâts (stimulation de l'odorat). Quand l'organisme ciblé est attiré vers le casier, il doit pénétrer à l'intérieur pour pouvoir atteindre l'appât, ce qu'il peut faire grâce à un ou plusieurs orifices d'entrée (entonnoirs) dans le casier.

Fabrication

Les casiers ont généralement la forme d'une boîte, d'un cône, d'un cylindre, d'une sphère ou d'une bouteille. L'éventail des tailles peut aller des petits casiers à écrevisses (cônes de 0,3 m de diamètre et 0,2 m de hauteur) aux grands casiers à crabes royaux (caisses de 2 × 2 × 1 m). Les orifices d'entrée aux casiers ont habituellement la forme d'un entonnoir ou d'un cône, de sorte que l'organisme visé peut entrer assez facilement dans le casier, mais a peu de chances de s'échapper. Différents matériaux peuvent servir à la fabrication des casiers: bois, feuilles de palme, structure métallique doublée de nappe de filet, de grillage ou de plastique.

Mode d'opération

Les casiers sont normalement ancrés sur le fond, soit un seul casier à la fois avec une ligne de flottaison en surface, soit en rangées de plusieurs casiers reliés à la ligne principale à certains intervalles. En général, les casiers sont laissés dans l'eau toute la nuit, mais dans certaines pêcheries ils y restent parfois plus longtemps. Le cycle des opérations est semblable à celui de la pêche à la palangre, c'est-à-dire appâtage, mise en place de l'engin, pêche et récupération. L'appât est soit suspendu librement au milieu du casier, soit mis dans une boîte à appâts perforée pour empêcher qu'il soit dévoré par des détritivores. Comme pour la palangre, différentes espèces pélagiques, telles que sardine, hareng et maquereau, sont généralement utilisées comme appât dans les casiers, mais presque tous les types de poissons ou les moules font aussi l'affaire.

FIGURE 5
Principe de capture et fabrication des casiers (en bas) et des pièges (verveux) (en haut); illustration schématique des orifices d'entrée (entonnoirs) et de l'appât (agrandissement).

Espèces visées

On utilise surtout les casiers pour pêcher différents crustacés, comme les crabes, les homards et les crevettes, mais les casiers servent aussi à capturer différentes espèces de poissons à nageoires tels que la morue charbonnière, le brosme et le cabillaud dans les eaux tempérées, ainsi que des poissons de récif, par exemple le mérou, dans les eaux tropicales. Les buccins et les poulpes sont également pêchés à l'aide de casiers.

b) Pièges

Principe de capture

D'ordinaire, les pièges ne sont pas appâtés; ils capturent les poissons et d'autres organismes en les dirigeant vers l'intérieur du piège, puis dans le compartiment à poissons, qui est conçu de façon à retenir les poissons dans le piège d'où ils ont peu de chances de s'échapper.

Fabrication

Comparés aux casiers, les pièges sont habituellement des constructions plus grandes et souvent plus permanentes. Les pièges à marée sont placés sur des murs ou des barrières, de façon à former des constructions en forme de V qui retiennent les poissons entrés avec la marée au moment où elle se retire. Les pièges à saumon ou à cabillaud ressemblent à des cages en nappe de filet, avec de longs filets lestés qui servent à guider à l'intérieur du piège les poissons en train de migrer. Le thon peut aussi être capturé avec ce type de piège. Le verveux (figure 5) est une sorte de piège plus petit, avec un filet lesté relié au piège, qui comprend normalement trois compartiments, avec des entonnoirs conduisant du compartiment extérieur au compartiment du milieu, puis au compartiment intérieur ou «poche à poissons».

Dans les pièges à marée, les poissons sont bloqués de toutes parts: sur les côtés par les murs plombés, au-dessus d'eux par la surface de la mer et au-dessous par le sol marin. Dans les pièges flottants à poissons, comme ceux utilisés pour le cabillaud et le saumon, les poissons sont arrêtés par des panneaux de filet sur les côtés et le fond, alors que la surface de la mer sert de barrière au-dessus d'eux. Les verveux sont placés en dessous de la surface et doivent donc être entièrement doublés de nappe de filet pour pouvoir emprisonner les poissons.

Mode d'opération

Les pièges à marée sont habituellement des constructions permanentes où le compartiment à poissons est vidé à marée basse. Les pièges à cabillaud ou à saumon sont d'ordinaire installés pour toute la saison de pêche, et on les utilise pendant un ou plusieurs mois, en vidant chaque jour le compartiment à poissons. Les verveux fonctionnent selon le même principe que les casiers; ils sont calés un à un sur le littoral, à une profondeur allant de 1 à 10 m, puis on les déplace en général ailleurs après avoir récupéré le poisson, normalement tous les jours.

Espèces visées

Les pièges à marée servent à pêcher toute une gamme d'espèces visées, aussi bien des poissons à nageoires que des crustacés, par exemple des crevettes, avec bien entendu une prédominance d'espèces vivant dans les zones de marée. Comme mentionné ci-dessus, les pièges sont d'ordinaire utilisés pour pêcher le cabillaud et le saumon (Atlantique Nord), le thon (Méditerranée), les petites espèces pélagiques d'Extrême-Orient, quelques espèces d'acoupas (famille des sciénidés) et autres. On se sert des verveux pour capturer différentes espèces, mais surtout l'anguille et le cabillaud.

4 LES ENGINS DE PÊCHE ACTIFS

La capture de poissons à l'aide d'engins actifs se fonde sur la poursuite ciblée des espèces recherchées. Il existe différentes formes de capture.

4.1 Tridents et harpons

La pêche au trident ou au harpon est l'une des formes de pêche active les plus anciennes. Le principe de capture et la fabrication sont illustrés à la figure 6.

Principe de capture

La capture à l'aide d'un trident ou d'un harpon repose sur l'observation visuelle de l'espèce ciblée, qui est ensuite empalée par le trident ou le harpon lancé d'assez près.

FIGURE 6
Principe de capture et fabrication des tridents et des harpons.

Fabrication

Le trident ou le harpon est conçu essentiellement de manière à pénétrer facilement dans l'organisme ciblé, mais la pointe du trident est équipée de dents qui retiennent la proie lorsqu'elle est frappée. En général, le trident ou le harpon est relié au pêcheur et au bateau par une ligne, de façon à pouvoir être récupéré, qu'il y ait ou non capture.

Mode d'opération

Les tridents et les harpons sont le plus souvent utilisés à partir d'un navire, mais on peut aussi s'en servir à partir du rivage.

Espèces visées

Les espèces couramment visées par cette méthode de pêche sont les poissons plats, l'espadon, les thonidés et les baleines.

4.2 Chaluts et dragues

Les chaluts et les dragues sont souvent appelés engins remorqués ou engins traînés.

Principe de capture

Le principe de capture et la fabrication des chaluts sont illustrés à la figure 7.

Fabrication

Les chaluts et les dragues sont des filets en forme de poches, que l'on traîne à travers l'eau pour qu'ils capturent sur leur passage différentes espèces cibles. Pendant l'opération, l'entrée du chalut doit être maintenue ouverte. Dans les chaluts à perche et les dragues, la poche est montée sur un cadre ou une perche rigide, ce qui permet de la tenir ouverte. Dans les chaluts de fond à panneaux, l'ouverture est maintenue par les panneaux divergents (portes du chalut) devant le chalut qui gardent le chalut ouvert sur les côtés, tandis que l'ouverture verticale est maintenue par des lests sur la partie inférieure (bourrelet) et des flotteurs sur la partie supérieure (corde-dos). Dans les chaluts-bœufs, l'ouverture verticale est également maintenue par des lests et des flotteurs, alors que l'ouverture latérale est maintenue par la distance entre les deux navires qui tirent le chalut. Dans la pêche au chalut à panneaux, le chalut est relié aux panneaux par une paire de brides (cordage ou fil d'acier), et les portes du chalut sont reliées au navire par une paire de funes (normalement en fil d'acier). Dans la pêche au chalut à panneaux et en partie la pêche aux chaluts-bœufs, les brides et les funes font aussi partie du système de capture, car elles permettent de rabattre les poissons vers le milieu du passage du chalut et vers le chalut qui approche, de sorte que ce dernier peut capturer des poissons dans une zone plus large que celle de l'ouverture du chalut. Avec le chalut à perche et les dragues, il n'y a pas, ou pratiquement pas, de rabattement des espèces visées devant le chalut; la zone effective de capture correspond donc à celle de l'ouverture du chalut ou de la drague.

Mode d'opération

On utilise les chaluts à perche et les dragues uniquement sur le fond, où ils sont remorqués pendant un certain temps (temps de remorquage) et sur une certaine distance; on les récupère ensuite pour enlever les prises, puis on les mouille de nouveau pour un autre remorquage.

Les chaluts à panneaux et les chaluts-bœufs sont le plus souvent manœuvrés sur le fond, afin de capturer différentes espèces démersales visées, mais il arrive souvent aussi qu'ils soient utilisés pour le chalutage pélagique à différentes profondeurs entre la surface et le fond de la mer. On fixe alors davantage de flotteurs sur la corde-dos et on règle la profondeur du chalut en faisant varier la longueur de la fune et la vitesse de remorquage. Pour le chalutage pélagique, la profondeur du chalut est le plus souvent contrôlée par des capteurs de profondeur qui se trouvent sur le chalut, de sorte que la profondeur de pêche peut être facilement ajustée sur la profondeur à laquelle se trouvent les poissons visés.

FIGURE 7
Principe de capture et fabrication d'un chalut de fond à panneaux, montrant le chalut relié par les brides aux portes du chalut (panneaux divergents) et les funes entre les portes du chalut et le navire.

Espèces visées

Les chaluts à perche sont surtout utilisés pour capturer les poissons plats tels que la plie et la sole, de même que différentes espèces de crevettes. On se sert généralement des dragues pour pêcher les peignes, les clams et les moules. Les chaluts de fond à panneaux et les chaluts-bœufs sont utilisés pour capturer un large éventail d'espèces visées, par exemple le cabillaud, l'églefin, le merlu, le lançon, les poissons plats, les acoupas, les tambours, de même que les crevettes. On se sert des chaluts pélagiques pour pêcher différentes espèces pélagiques visées, comme le hareng, le maquereau, le chinchard, le merlan bleu et le lieu jaune.

4.3 Sennes

Principe de capture

Le principe de capture et la fabrication des sennes sont illustrés à la figure 8.

La pêche à la senne (qui compte deux variantes, la senne danoise et la senne écossaise) peut être décrite comme une combinaison de pêche au chalut et de pêche à la senne (voir ci-dessous). Quand on installe l'engin, le premier câble (cordage) est fixé à une ancre avec une bouée de surface (senne danoise) ou seulement à une bouée (senne écossaise) et disposé en demi-cercle. On place ensuite la poche de la senne avant de laisser filer le second câble pour former un autre demi-cercle à l'arrière de la bouée (fixée à l'ancre dans la senne danoise). Quand la senne et les câbles ont coulé au fond, les câbles sont halés. A mesure qu'ils se resserrent, ils se déplacent vers l'intérieur en direction de la ligne de centre, entre le navire et la poche de la senne. Les poissons qui se trouvent dans la zone encerclée sont alors rabattus vers le milieu de cette zone. A mesure qu'on resserre les câbles, la poche de la senne avance et capture les poissons.

Fabrication

Comme mentionné ci-dessus, les parties principales d'une senne sont la poche et les câbles. La poche de la senne est semblable à celle du chalut; elle est maintenue ouverte grâce à des flotteurs installés sur la ralingue supérieure et à une ligne de fond lestée (ralingue de plombs). En général, les câbles sont en cordage lourd, de façon à rester en contact avec le fond le plus longtemps possible pendant l'opération de resserrage qui

FIGURE 8
Principe de capture et fabrication des sennes. Agrandissement: les trois étapes du processus de capture. permet de rabattre les poissons vers la partie centrale, où ils seront ensuite capturés par la poche de la senne.

Mode d'opération

A l'origine, la senne était fabriquée de façon à capturer les poissons plats sur les fonds doux et réguliers, et elle était manœuvrée comme décrit ci-dessus. Par la suite, on l'a mise au point pour pouvoir l'utiliser aussi sur des fonds plus accidentés et dans la zone pélagique. Un mode d'opération plus récent permet par exemple de pêcher sur des bancs de cabillauds à une profondeur intermédiaire. La profondeur de pêche de la senne est ensuite fixée par de larges flotteurs reliés à la ralingue supérieure de la senne par des cordages, dont la longueur correspond à la profondeur de pêche désirée.

Espèces visées

La senne est encore couramment utilisée pour capturer différents poissons plats, tels que la plie ou la sole, mais ces dernières années on s'en sert également beaucoup pour le cabillaud et d'autres espèces démersales visées.

4.4 Sennes de plage

Le principe de capture et la fabrication des sennes de plage sont illustrés à la figure 9.

Principe de capture

La pêche à la senne de plage consiste à encercler les bancs de poissons en formant un mur de filet au maillage si fin que les espèces visées ne peuvent pas se prendre dans les mailles.

Fabrication

La senne de plage est un engin ancien encore largement utilisé. Elle comporte un mur de filet, par exemple de 5 m de profondeur sur 100 m de longueur, avec une ralingue supérieure de flotteurs et une ralingue inférieure de plombs. Le principe de construction est semblable à celui du filet maillant, mais les mailles sont plus petites de sorte que les poissons sont enfermés dans le piège au lieu d'être maillés ou emmêlés. De longs câbles (cordages) sont fixés à chaque extrémité de la senne.

FIGURE 9
Principe de capture et fabrication des sennes de plage, montrant les quatre étapes du processus de capture.

Mode d'opération

Comme son nom l'indique, la senne de plage est utilisée à partir de la plage, et cette dernière sert d'obstacle supplémentaire dans le processus de capture. On manœuvre généralement la senne à partir d'une petite embarcation. On fait tout d'abord filer l'un des câbles d'extrémité en le plaçant perpendiculairement à la plage. La senne est ensuite placée parallèlement à la plage, et le second câble d'extrémité est ramené sur la plage. Les câbles sont tirés vers l'intérieur, de manière que la senne se rapproche de la plage en formant un demi-cercle, et la plupart des poissons qui se trouvent entre la senne et la plage sont normalement capturés. Dans de nombreuses pêches où l'on utilise la senne, qu'elle soit de plage ou coulissante, on a recours à la lumière pour attirer et concentrer le poisson avant de placer la senne.

Espèces visées

Les sennes de plage capturent différentes espèces de poissons de zones côtières, tant des espèces démersales que pélagiques.

4.5 Sennes coulissantes

Principe de capture

On se sert de la senne coulissante pour encercler les bancs de poissons pélagiques, près de la surface, au moyen d'un mur de filet à maillage fin. La partie inférieure du filet est ensuite fermée pour empêcher les poissons de s'échapper en plongeant.

Fabrication

La senne coulissante a été mise au point au XXe siècle pour la pêche hauturière. Le principe de construction est pour l'essentiel le même que celui de la senne de plage. Cependant, au-dessous de la ralingue de plombs, la senne coulissante est équipée d'une série d'anneaux de coulisse en métal espacés à intervalles réguliers. En halant vers l'intérieur la coulisse qui passe dans les anneaux, il est possible de fermer le bas de la senne (manœuvre appelée boursage), de façon que les poissons encerclés ne puissent pas s'échapper.

Mode d'opération

La senne de plage est toujours manœuvrée à partir d'un navire dont la taille varie, allant du petit senneur côtier de 15 m de long au gros senneur qui sillonne l'océan et dont la longueur peut atteindre 100 m. Quand un banc de poissons a été repéré, on démarre l'opération de capture en jetant une bouée de surface qui est reliée à l'extrémité de la senne par un cordage. A mesure que le navire avance, le cordage de la bouée tire la senne coulissante par-dessus bord, et on laisse filer la senne en formant un cercle autour du banc de poissons. Quand l'opération est terminée, on récupère la bouée et on tire vers l'intérieur la ralingue d'extrémité de poche pour fermer le fond de la senne. Ensuite, la senne est tirée vers l'intérieur jusqu'à ce que les poissons soient concentrés dans la dernière partie de la senne (qui est souvent renforcée), d'où on les transfère à bord à l'aide d'une salabarde (grand filet profond) ou d'une pompe à poissons.

Dans les pêcheries modernes à la senne coulissante, on a largement recours au matériel hydro-acoustique (sonar) pour localiser les bancs de poissons et surveiller la position du banc par rapport à la senne lorsque cette dernière est mise en place.

Espèces visées

La pêche à la senne coulissante vise presque exclusivement les poissons pélagiques, tels que hareng, sardine, sardinelle, anchois, maquereau et thon.

4.6 Autres engins et dispositifs de pêche

Les engins et méthodes de pêche les plus courants ont été décrits brièvement ci-dessus.

Il existe toutefois un large éventail de différents engins qui sont des modèles spécialisés des principaux types d'engins et méthodes de pêche. Pour plus de détails ou pour la description d'engins n'entrant pas dans le cadre du présent manuel, il est recommandé de consulter quelques ouvrages plus complets sur les engins et méthodes de pêche qui sont cités à la section 7 «Ouvrages conseillés». Plusieurs dispositifs et techniques sont cependant utilisés avec différents engins de pêche pour améliorer l'efficacité des captures.

De nombreuses pêcheries ont recours à la lumière pour attirer le poisson, mais on l'utilise surtout dans la pêche à la senne coulissante ou à la senne de plage, ou avec d'autres types de pêche à la senne. Dans l'obscurité, la lumière attire les espèces visées, soit directement soit indirectement, en attirant et éclairant des organismes proies. La lumière provient souvent de lampes installées sur un navire ou un petit radeau. Au bout d'un certain temps, le filet est placé autour de la source lumineuse où se trouvent les poissons qui ont été attirés.

Les dispositifs de concentration du poisson (DCP) sont couramment utilisés dans certaines zones pour regrouper les poissons. Il peut s'agir de radeaux amarrés, faits de pièces de bois ou autres matériaux, qui servent d'habitats artificiels; avec le passage du temps, ils attirent les poissons et autres organismes et constituent ainsi de bons lieux de pêche que l'on peut exploiter avec différents engins. C'est aussi le cas des récifs artificiels faits d'épaves de navires ou d'objets que l'on a délibérément jetés sur le lit de la mer, qui sans cela serait plat et sablonneux, afin de créer des habitats pour les poissons. Le Code de conduite (paragraphes 8.11.1 à 8.11.4) encourage l'utilisation de telles structures, à condition de le faire de façon responsable.

Différents dispositifs d'étourdissement sont aussi utilisés pour capturer les poissons. Les explosifs (dynamite) étourdissent les poissons, de sorte que certains d'entre eux flottent en surface et on peut les attraper. La pêche à l'explosif est toutefois considérée comme une méthode de pêche très destructive, car le plus souvent l'explosion tue beaucoup plus de poissons qu'elle ne permet d'en capturer. Elle peut en outre détruire de précieux habitats, tels les récifs coralliens.

Différents produits chimiques peuvent aussi être utilisés de la même manière. La roténone (poison extrait de plantes) est l'un des produits les plus connus qui sont utilisés pour étourdir les poissons, surtout dans les systèmes d'eau douce. Comme pour les explosifs, l'utilisation de produits chimiques risque fort de tuer plus de poissons et autres organismes qu'elle ne permet d'en récolter. L'utilisation de produits chimiques devrait donc être considérée comme une méthode de pêche non responsable.

Le Code de conduite (paragraphe 8.4.2) appelle expressément à interdire «l'emploi de la dynamite, de poisons et d'autres pratiques destructrices comparables».

5 SÉLECTIVITÉ DES ENGINS ET EFFETS DE LA PÊCHE SUR L'ÉCOSYSTÈME

Avant d'étudier les propriétés sélectives des différents engins de pêche et leurs effets sur l'écosystème, il est peut-être utile de définir et de décrire brièvement quelques facteurs importants.

Processus de capture

Le processus de capture démarre lorsque l'engin de pêche est déployé dans l'eau et se termine quand l'engin est retiré de l'eau pour être posé sur le rivage ou le pont du navire. Tout au long du processus de capture, l'engin peut se heurter à différents poissons et autres organismes marins, y compris les oiseaux de mer, ainsi qu'aux habitats du fond.

Effets de la pêche sur l'écosystème

L'effet essentiel de la pêche sur l'écosystème est le prélèvement des organismes capturés dans la pêcherie, mais à cela s'ajoutent les effets directs et indirects dont sont responsables les engins au cours du processus de capture, comme la destruction des habitats de fond (par exemple les coraux), la «pêche fantôme» par les engins perdus, la pollution, etc.

Sélectivité

La sélectivité d'une certaine méthode de pêche repose sur son aptitude à sélectionner les espèces et tailles de poissons désirées («cibles») parmi le grand nombre d'organismes qui se trouvent sur le lieu de pêche.

La sélectivité globale d'une méthode de pêche est le résultat combiné des propriétés sélectives inhérentes à l'engin de pêche et de la façon dont ce dernier est utilisé. Avec la plupart des engins de pêche, il est possible de réduire ou d'améliorer la sélectivité en modifiant la configuration de l'engin ou la façon de l'utiliser. Par exemple, dans la pêche au chalut, la capture des petits poissons peut être réduite si on augmente le maillage et/ou si on utilise des dispositifs de triage, tels que des grilles de triage ou des panneaux à grandes mailles qui permettent aux plus petits poissons de s'échapper (figure 10). Le pêcheur peut aussi choisir les espèces et tailles cibles en évitant les zones et les périodes où il existe une forte probabilité de pêcher des petits poissons ou des espèces non désirées. Le Code de conduite demande de réduire au minimum la capture d'espèces non visées et les rejets (paragraphe 7.2.2 et sous-article 8.5).

Prises accessoires

Une prise accessoire est toute capture faite pendant la pêche qui ne correspond pas aux espèces et tailles des organismes marins visés. Il existe un large éventail d'espèces pêchées accidentellement, allant des éponges et coraux jusqu'aux espèces ou tailles de poissons non désirées ou non commercialisables; s'y ajoutent les tortues marines, les mammifères marins et les oiseaux de mer. On peut ranger les prises accessoires dans trois grandes catégories: commercialisables et légales; non commercialisables; et/ou illégales. Les prises accessoires sans valeur économique comprennent les organismes que le pêcheur ne peut pas vendre, tandis que les captures illégales sont les tailles et les espèces d'organismes marins que des réglementations protègent.

Ainsi, les prises accessoires commercialisables et légales sont bien accueillies par le pêcheur, alors que toutes les autres devront être évitées. Cependant, il est presque inévitable de faire quelques prises accessoires. La plupart des réglementations des pêcheries permettent donc une certaine quantité de prises accessoires, par exemple tel pourcentage de sujets de petite taille pour l'espèce visée, ou un certain volume d'une espèce par ailleurs protégée. Par exemple, en Nouvelle-Zélande, dans la pêche du calmar au chalut, un certain nombre de lions de mer sont tolérés comme prises accessoires, mais la pêcherie est fermée aussitôt que ce nombre est atteint pour la saison de pêche en question. Dans la pêcherie de cabillaud de la mer de Barents, la tolérance est de 15 pour cent (en nombre) de prises accessoires de poissons trop petits (moins de 42 cm) dans le cadre légal des réglementations de la pêche.

Rejets

Rejeter à l'eau une partie des captures est une pratique courante dans la plupart des pêcheries, mais la quantité de rejets varie considérablement d'une pêcherie à l'autre. Les rejets sont le plus souvent des organismes invendables ou dont le prix est faible comparé aux espèces visées de plus haute valeur. La survie des organismes rejetés dépend de leur capacité à survivre dans l'air, du temps passé hors de l'eau et de la façon dont ils sont manipulés avant d'être rejetés. Il faut cependant s'attendre à un taux de mortalité élevé pour la plupart des organismes rejetés, ce qui ajoute une «mortalité cachée» au taux de mortalité par pêche calculé à partir du volume débarqué.

Involontairement, l'aménagement moderne des pêcheries a encouragé une augmentation des rejets dans de nombreuses pêcheries. Avec l'imposition de quotas et de permis pour les différentes espèces, il est souvent illégal de capturer et débarquer certaines espèces de poissons. Ainsi, il n'est pas rare, notamment dans les pêcheries multispécifiques, de trouver des rejets à grande échelle de poissons d'une bonne valeur, commercialisables (par exemple, le cabillaud et le lieu noir), parce que le quota par sortie en mer ou le quota mensuel a été dépassé. En outre, dans certaines pêcheries, les poissons dont la taille est inférieure à la limite légale pour les débarquements peuvent aussi être rejetés.

L'écrémage est une autre forme de rejet; seule la partie la plus lucrative de la capture est retenue, tandis que les poissons de moindre valeur sont rejetés. Souvent, ce phénomène est également lié à un système de quotas, où le pêcheur essaie d'obtenir la valeur maximale d'un quota limité en ne gardant que la partie de la capture qui a le plus de valeur et en rejetant le reste.

Mortalité accessoire

Il s'agit de la mortalité d'organismes marins due aux blessures causées par l'engin de pêche au cours de la capture. Elle concerne par exemple les poissons qui meurent d'infection ou de déséquilibre osmotique suite à la perte d'écailles, après s'être échappés des mailles d'un chalut ou d'un filet maillant. Lors de l'adoption de règlements sur le maillage, par exemple pour les chaluts, il faudrait donc tenir compte, études à l'appui, de la survie des poissons qui se libèrent des mailles du chalut ou passent à travers les dispositifs de triage. Si le taux de mortalité des poissons libérés est élevé, il y a peu d'intérêt à les libérer de l'engin de pêche par triage, ce qui est le cas des espèces vulnérables comme le hareng. En revanche, des études ont montré que le cabillaud et plusieurs autres espèces démersales ont un taux de survie élevé après s'être échappés d'un engin de pêche ou l'avoir rencontré.

Pêche fantôme

Par «pêche fantôme», on entend la capture d'organismes marins par des engins de pêche perdus ou abandonnés. C'est notamment un problème avec les filets maillants, les trémails et les casiers. L'engin est habituellement perdu parce qu'il se coince sur les fonds irréguliers où se trouvent des coraux ou des pierres, ce qui fait casser l'orin lorsqu'on le récupère. Les filets et les casiers peuvent alors continuer de pêcher pendant des années. Les poissons et les crustacés capturés mourront et serviront d'appât pour attirer d'autres poissons ou organismes. La pêche fantôme peut donc représenter un problème grave dans de nombreuses zones et causer pendant longtemps une «mortalité halieutique cachée». Les paragraphes 7.2.2 et 8.4.6 du Code de conduite attirent l'attention sur la nécessité de réduire au minimum la pêche fantôme.

Effets sur les habitats

La destruction des habitats de fond constitue notamment un problème lorsqu'on utilise des engins démersaux traînés, par exemple des chaluts à perche, des chaluts à panneaux ou des dragues. De vastes zones de coraux et autre épifaune ont déjà été détruites ou risquent de l'être. La question de savoir si ces engins ont vraiment des conséquences négatives sur les fonds doux et sablonneux est encore débattue. Il a néanmoins été prouvé que le chalutage a abîmé de vastes zones de coraux, dont le taux de reconstitution est très faible, et d'autres organismes épifaunes. Sur ce point, le Code de conduite appelle à mettre au point et à utiliser des engins de pêche respectueux de l'environnement (paragraphe 7.2.2).

Qualité des captures

Les propriétés des engins de pêche et la façon dont ils sont utilisés affectent aussi la qualité des captures, d'où un effet indirect sur l'écosystème en raison de la mauvaise utilisation des ressources naturelles. Dans la pêche au filet maillant, la médiocre qualité des captures tient au fait que le mouillage des filets est trop long. Ainsi, les poissons meurent dans les filets, où ils se détériorent ou sont abîmés par des détritivores; cette portion des captures n'est pas commercialisable et doit être rejetée à la mer. Le même problème peut se poser avec la pêche à la palangre ou au casier. Dans le chalutage, notamment en cas de grosses prises, il arrive souvent que les captures soient en partie abîmées quand les poissons sont serrés dans la poche du chalut ou que leur qualité se détériore suite à un stockage prolongé à bord avant le traitement. Là encore, c'est contraire aux prescriptions du Code de conduite (paragraphe 8.4.4).

Rendement énergétique

L'utilisation d'énergie, en particulier d'énergie fossile, est également un aspect de la pêche qui concerne l'écosystème. Le rendement énergétique (par exemple la consommation de carburant par unité de captures débarquées) varie considérablement selon les engins et les méthodes de pêche, allant d'une quantité négligeable de carburant à plus de 1 litre par kilogramme de captures débarquées. Cette question est traitée au sous-article 8.6 du Code de conduite, qui appelle à optimiser l'utilisation de l'énergie.

Pollution

Les pêcheries peuvent contribuer à polluer l'air à cause de l'émission de gaz de combustion. L'effet polluant relatif des différentes pêcheries est étroitement lié à leur rendement énergétique.

La pollution de l'eau par les pêcheries se fait surtout lorsque des engins sont perdus, ou quand de vieux engins et du matériel hors service sont délibérément jetés à la mer, de même que des produits huileux ou chimiques. Ces deux aspects sont traités respectivement aux sous-articles 8.8 et 8.7 du Code de conduite.

5.1 Propriétés sélectives et effets sur l'écosystème des différentes méthodes de pêche

Les paragraphes qui suivent décrivent de façon générale les propriétés sélectives et les effets sur l'écosystème des différents engins et méthodes de pêche mentionnés aux sections 3 et 4. Pour une évaluation correcte des effets de la pêche sur l'écosystème, il convient d'analyser chaque pêcherie séparément, car les propriétés sélectives et les effets sur l'écosystème d'une certaine méthode de pêche peuvent beaucoup varier selon la zone géographique, l'époque de l'année et la façon d'utiliser l'engin. Quelques exemples sont donnés ci-après.

Ainsi, même si les propriétés sélectives intrinsèques d'un certain engin de pêche et d'autres effets de ce dernier sur l'écosystème peuvent être considérés comme assez constants, les incidences de l'engin sur les stocks de poissons et le reste de l'écosystème peuvent varier en fonction des modifications diurnes, saisonnières ou à long terme de la composition par espèce et par taille des organismes accessibles à l'engin de pêche, et en fonction des différences dans la méthode de pêche.

a) Filets maillants

On considère en général que les filets maillants sont très sélectifs pour la taille; ils permettent de capturer des poissons dont la taille correspond bien au maillage choisi. Cependant, une faible proportion de poissons trop gros ou trop petits peuvent être attrapés suite à des problèmes de maillage. La sélectivité par espèce des filets maillants n'est pas particulièrement bonne et, comme les différentes espèces de poissons n'ont pas la même taille lors de leur croissance, il est toujours possible d'attraper des juvéniles d'une espèce plus grande quand on utilise des filets maillants à mailles fines pour une espèce visée de taille inférieure. Les captures accessoires d'oiseaux de mer, de mammifères marins et de tortues marines représentent un autre effet négatif des filets maillants. Bien qu'il existe peu d'informations sur l'incidence réelle de telles captures accessoires sur les populations de ces organismes, la situation a fait naître des inquiétudes, notamment pour la pêche pélagique au filet maillant.

On dispose de peu d'informations sur la mortalité accessoire des poissons échappés des filets maillants. Dans les captures faites avec d'autres engins, on remarque souvent que certains poissons portent des blessures causées par les mailles des filets, mais on ne connaît pas les taux réels de la mortalité due à ces blessures.

La pêche fantôme est l'un des aspects les plus critiqués de la pêche au filet maillant et elle peut avoir de graves effets négatifs, notamment dans la pêche au filet maillant en eau profonde. Cependant, la pêche au filet maillant a généralement un rendement énergétique élevé, d'où un faible effet de pollution atmosphérique.

Comme mentionné ci-dessus, les captures de poissons pêchés au filet maillant peuvent être de haute qualité. Toutefois, quand les filets sont laissés plusieurs jours dans l'eau, les captures tendent à être de qualité inférieure, car il arrive que les poissons attrapés au début de la période de pêche meurent et commencent à se détériorer bien avant que les filets ne soient récupérés.

b) Trémails

Comparés aux filets maillants, les trémails sont très peu sélectifs pour la taille et attrapent également une plus grande variété d'espèces. Le problème de la pêche fantôme est cependant moins grave, vu que les trémails sont généralement utilisés en eau peu profonde, où il y a moins de risques que l'engin se perde. Il faut toutefois prévoir d'éventuels problèmes de pêche fantôme, car il arrive que les trémails se perdent après être restés accrochés sur des fonds irréguliers, par exemple des récifs coralliens.

c) Pêche à la ligne à main et pêche à la traîne

La sélectivité par taille de la pêche à la ligne à main et de la pêche à la traîne n'est pas très bonne, et en principe la sélectivité par espèce ne l'est pas non plus. Cependant, ces engins sont généralement utilisés à certaines saisons ou dans certaines zones où les pêcheurs, par expérience, ne savent capturer qu'une seule espèce ou peu d'espèces, de sorte que les prises sont d'ordinaire composées essentiellement des quelques espèces visées. Par ailleurs, la pêche à la ligne et la pêche à la traîne sont en général considérées comme des méthodes de pêche respectueuses de l'environnement et qui donnent des prises de haute qualité.

d) Pêche à la palangre

Bien que la palangre puisse attirer et capturer une large gamme de poissons d'espèces et de tailles différentes, on estime que ses propriétés de sélection par espèce et par taille sont entre moyennes et bonnes. Il est évident que le type d'appât utilisé peut influer sur la sélectivité par espèce des palangres; on a constaté en effet que les différentes espèces n'ont pas les mêmes préférences en matière d'appât. La dimension de l'hameçon et celle de l'appât permettent en partie d'ajuster les propriétés de sélection par taille, car de nombreuses études ont démontré qu'il y avait une corrélation entre la dimension de l'hameçon et de l'appât et la taille des poissons capturés. La palangre attire les poissons qui se trouvent à plusieurs centaines de mètres et, comme les gros poissons se nourrissent et se déplacent dans un rayon plus vaste que les petits, les propriétés de sélection par taille des palangres sont meilleures.

La capture accessoire de mammifères marins ne pose pas de problème particulier dans la pêche à la palangre, mais un nombre important de différents oiseaux de mer peuvent être capturés accidentellement, surtout lorsqu'ils essaient de saisir les hameçons appâtés lors de l'installation des lignes. Ce problème a été reconnu par les Etats membres de la FAO, ce qui a conduit à l'élaboration du Plan d'action international (PAI) de la FAO visant à réduire les captures accidentelles d'oiseaux de mer par les palangriers[3]. Le PAI énumère quelques mesures facultatives d'ordre technique ou relatives à l'exploitation qui visent à réduire les captures accessoires d'oiseaux de mer, par exemple en augmentant le taux de disparition dans l'eau des appâts et en ayant recours à des lignes-épouvantails, qui sont tirées derrière les navires, au-dessus de la palangre mise en place.

On sait peu de chose sur la mortalité accessoire des poissons dans la pêche à la palangre, mais il arrive souvent que les poissons perdus pendant la récupération des palangres meurent. Avec ce type d'engin, on peut considérer que la pêche fantôme ne représente pas un gros problème et que les effets négatifs sur l'habitat ne sont pas très importants. Le rendement énergétique de la pêche à la palangre est généralement élevé, avec des coefficients allant de 0,1 à 0,3 (kilogramme de fuel par kilogramme de poisson débarqué), ce qui est dans le même ordre de grandeur qu'avec la pêche au filet maillant.

Les poissons pêchés à la palangre sont généralement de haute qualité, mais comme dans le cas du filet maillant, un long mouillage de la palangre peut réduire la qualité des captures, en raison notamment des détritivores de fond (poux des mers, myxine) qui peuvent attaquer et dévorer en partie les poissons pris à l'hameçon.

e) Nasses et casiers

Comme dans le cas des palangres, l'appât utilisé permet de réguler la sélectivité par espèce des casiers. Les pêcheurs de homards utilisent souvent, par exemple, du poisson «aigre» ou détérioré comme appât, afin d'éviter de capturer des crabes dans leurs casiers à homards. De même qu'avec les palangres, les casiers appâtés tendent à attirer dans la zone exploitée les individus de plus grande taille. On peut améliorer la sélectivité par taille des casiers en prévoyant des ouvertures dont la dimension permet aux plus petits spécimens de s'échapper. Dans la pêche au casier, la mortalité accessoire n'est pas considérée comme un problème, et cet engin a des effets négligeables sur les habitats de fond. Il existe toutefois un risque de pêche fantôme, car les casiers perdus peuvent continuer à pêcher longtemps, mais on peut résoudre en partie ce problème en utilisant un matériau biodégradable pour certains éléments du casier. On estime en outre que la pêche au casier a un bon rendement énergétique et que la qualité des captures se situe entre bonne et supérieure, car normalement les prises continuent de vivre et restent en bonne condition.

f) Pièges

Les pièges ont d'ordinaire un maillage assez fin pour éviter que les poissons et autres organismes restent pris dans les mailles, aussi leur sélectivité par taille et par espèce est généralement faible. Comme les individus capturés restent habituellement en vie et que les pièges sont le plus souvent utilisés en eau peu profonde, il est facile de relâcher les organismes capturés qui ne sont pas désirés, et leur taux de survie est élevé. Avec des méthodes de pêche responsables, les propriétés sélectives réelles des pièges peuvent donc être bonnes, et la mortalité accessoire est faible. En général, les pièges ont peu d'effets négatifs sur les habitats de fond et ne créent pas de problème de pêche fantôme. Le rendement énergétique de la pêche aux pièges est bonne, ainsi que la qualité des captures.

g) Tridents et harpons

La capture des poissons et autres animaux au trident ou au harpon est probablement l'une des méthodes de pêche les plus respectueuses de l'environnement. Comme la proie visée est identifiée avant d'être capturée, le pêcheur peut être très sélectif tant pour l'espèce que pour la taille. La pêche au trident ou au harpon peut entraîner la mortalité accessoire des individus blessés qui s'échappent, et l'utilisation de tridents dans les zones de récifs risque d'endommager les coraux. Mais en dehors de cela, il n'y a pas d'effets dommageables importants liés à la pêche fantôme ou à la destruction des habitats. Par ailleurs, le rendement énergétique et la qualité des captures sont satisfaisants.

h) Chaluts pélagiques

Les chaluts pélagiques ont en général une bonne sélectivité par espèce, car on les utilise d'ordinaire pour pêcher les poissons pélagiques rassemblés en bancs qui, le plus souvent, se présentent en groupes monospécifiques. La sélectivité par taille est moins bonne, parce que le maillage de la poche à poissons est généralement fin pour éviter l'emmaillage des individus de petite taille. Des essais qui ont donné de bons résultats ont été faits avec des grilles de triage qui laissent passer de façon efficace les plus petits poissons (par exemple, avec le chalutage pour le maquereau). Cependant, ces essais n'ont pas été suivis d'application pratique, car il semble que les poissons pélagiques libérés de l'engin de pêche aient un taux de mortalité élevé, surtout en raison de la perte d'écailles qui entraîne facilement des infections secondaires et un déséquilibre osmotique. A l'heure actuelle, le recours à des systèmes de triage visant à libérer et protéger les juvéniles pélagiques n'est donc pas recommandé. La mortalité accessoire est un problème secondaire avec les chaluts pélagiques, et cet engin n'a bien entendu aucun effet de pêche fantôme ni d'incidence destructrice sur l'habitat.

La consommation de carburant dans le chalutage pélagique est parfois forte, mais le rendement énergétique peut rester assez satisfaisant, car on fait souvent de grosses prises en peu de temps. La qualité des captures est assez bonne aussi, bien qu'en cas de prises importantes les poissons se trouvant dans le chalut sont parfois abîmés s'ils sont trop serrés.

i) Chaluts démersaux

On utilise les chaluts démersaux pour capturer un large éventail de poissons et crustacés de fond (surtout les crevettes grises et les crevettes roses), alors que les dragues servent à pêcher les mollusques (clams et peignes).

Chaluts à poissons

Les chaluts à panneaux sont largement utilisés pour capturer différentes espèces démersales, le plus souvent dans les pêcheries multispécifiques. La sélectivité par taille peut être régulée jusqu'à un certain point par le maillage du cul-de-chalut. Dans l'idéal, le maillage choisi devrait permettre à tous les poissons en dessous d'une certaine taille de s'échapper. Toutefois, la sélection selon le maillage des chaluts peut être gênée de plusieurs façons. A mesure que le volume des captures augmente dans le cul-de-chalut, les mailles ont tendance à s'étirer et à se refermer, ce qui réduit fortement l'efficacité du maillage. La fermeture des mailles, lorsque le poisson est pris dans ces dernières, est un autre problème courant qui conduit à une médiocre sélectivité. Le choix du maillage pour certaines espèces visées peut ne pas permettre une sélection idéale pour d'autres espèces aux caractéristiques de croissance différentes, et ce problème concerne toutes les pêcheries multispécifiques.

Un effort considérable de recherche et de mise au point a été fait ces dernières années pour améliorer la sélectivité par taille et par espèce des chaluts. Différentes solutions ont été trouvées et mises en œuvre, par exemple on utilise maintenant des grilles de triage dans de nombreuses pêcheries démersales au chalut. La figure 10 montre la grille de triage qui est actuellement obligatoire pour la pêche au chalut du cabillaud et d'autres espèces démersales dans la mer de Barents. La plupart des juvéniles s'échapperont par les ouvertures situées entre les barres métalliques de la grille, tandis que les plus gros poissons seront retenus à l'intérieur.

FIGURE 10
Coupe transversale d'un chalut à poissons comportant une grille de triage. Les petits poissons s'échappent par les trous de la grille, alors que les gros nagent ou sont entraînés sous la grille et vont vers le cul-de-chalut.

Les grilles de triage et autres dispositifs de sélection, tels que les panneaux à grosses mailles carrées et les orifices d'échappement, ont permis d'améliorer la sélectivité des chaluts de fond, tout d'abord la sélectivité par taille, mais aussi la sélectivité par espèce, bien que d'autres améliorations soient encore nécessaires.

Relâcher les juvéniles présente peu d'intérêt s'ils ne survivent pas. De nombreuses études effectuées sur des espèces démersales cibles, par exemple le cabillaud et l'églefin, ont montré que les poissons échappés des mailles ou des grilles de triage ont une très faible mortalité accessoire. Bien que les études sur la survie des poissons échappés n'aient porté jusqu'à présent que sur un nombre limité d'espèces, il semble qu'en général les chances de survie soient élevées chez les poissons démersaux qui se sont échappés des engins, lorsque ces poissons sont triés et relâchés à la profondeur de pêche.

Les chaluts démersaux ont inévitablement des effets sur les habitats de fond. Plusieurs études ont été menées dans ce domaine, mais elles n'ont pas abouti à des conclusions générales. Sur les fonds doux et sablonneux, il peut y avoir un effet inverse sur la composition des espèces, qui favorise la présence d'espèces se nourrissant de l'épifaune soulevée par le chalut. La plupart des études indiquent toutefois que les habitats des fonds doux sont reconstitués après quelques années sans chalutage.

Sur les fonds durs, le chalutage risque d'avoir des conséquences durables, voire irréversibles sur les habitats, par exemple en détruisant les coraux qui, pour se reconstituer, mettent plusieurs dizaines d'années et parfois même plus d'un siècle. De vaste étendues de coraux ont déjà été détruites par le chalutage de fond, notamment par les chaluts modernes plus lourds et plus puissants.

Il arrive que des chaluts se perdent, sans toutefois que cela n'entraîne un risque de pêche fantôme.

Le rendement énergétique du chalutage démersal est faible, et la pollution atmosphérique due à l'émission de gaz d'échappement est donc élevée, car il faut beaucoup d'énergie pour haler le filet, les portes, les brides et les funes à travers l'eau.

La qualité des captures faites au chalut varie en fonction de la quantité de poissons capturés et de la durée du remorquage. Les grosses prises sont souvent de qualité inférieure car les poissons sont serrés dans la poche du chalut, et il faut plus de temps pour que la dernière partie de la prise soit traitée à bord du navire.

Chaluts à crevettes

Les chaluts à crevettes sont en principe comparables aux chaluts de fond à panneaux en ce qui concerne la capture des poissons à nageoires. Leurs effets sur l'écosystème sont également comparables, si ce n'est que les propriétés sélectives des chaluts à crevettes sont très médiocres, car les mailles doivent être fines pour pouvoir retenir ces espèces cibles relativement petites. Le volume des prises accessoires est donc assez important, et une proportion élevée de ces captures est rejetée à l'eau. La mise au point de grilles de triage a toutefois amélioré la sélectivité par espèce et par taille dans beaucoup de pêcheries de crevettes au chalut, car la plupart des poissons au-dessus d'une certaine taille s'échappent du chalut à travers la grille de triage ou le dispositif de réduction des prises accessoires (figure 11). La capture accidentelle de très jeunes poissons (de 1 à 2 ans), dont la taille est la même que celles des crevettes, reste problématique.

Dans certaines régions, la capture accidentelle de tortues marines pendant les opérations de chalutage à la crevette pose aussi un problème, mais il a été en grande partie résolu grâce à des dispositifs d'exclusion des tortues marines, qui fonctionnent selon le même principe que d'autres dispositifs de réduction des prises accessoires.

FIGURE 11
Chalut à crevettes avec grille de triage (agrandissement). Les crevettes et les poissons qui entrent dans le chalut sont guidés par un entonnoir vers la base de la grille métallique inclinée vers l'arrière. Les crevettes et les poissons de taille comparable passeront à travers les trous de la grille et iront vers le cul-de-chalut, tandis que les poissons et autres organismes plus gros (par exemple les méduses) glisseront vers le haut par-dessus la grille et s'échapperont par l'orifice de sortie.

Chalut à perche

Les effets du chalut à perche sur l'écosystème sont dans une large mesure comparables à ceux des chaluts de fond à panneaux. Cependant, comparés aux chaluts à panneaux, les chaluts à perche ont en général un rendement énergétique inférieur et une plus forte incidence sur les habitats de fond.

j) Sennes

La pêche à la senne est également assez semblable à la pêche au chalut démersal en ce qui concerne la plupart des effets sur l'écosystème. On estime toutefois que la senne détruit moins les habitats, qu'elle utilise plus efficacement l'énergie et permet dans l'ensemble des prises de meilleure qualité.

k) Senne coulissante

La senne coulissante est un engin non sélectif pour la taille des poissons, car on choisit un maillage suffisamment fin pour éviter le risque d'emmaillage massif des poissons, même des groupes de la plus petite taille parmi les espèces visées. Cependant, quand la taille des poissons capturés est trop faible, selon les estimations faites à partir d'échantillons prélevés dans la senne, on peut en général relâcher les poissons. La sélectivité par espèce est assez bonne et, grâce à l'expérience des pêcheurs et à l'utilisation de sonars modernes, il n'est pas très difficile d'identifier les espèces avant de mouiller la senne.

Il existe un certain risque de mortalité accessoire dans la pêche à la senne coulissante. Les poissons pélagiques sont généralement sensibles au contact avec les engins de pêche, et il arrive souvent qu'une fois libérés, ils perdent leurs écailles et meurent. Cela peut se produire après la remise à l'eau de poissons dont l'espèce ou la taille n'est pas désirée, comme mentionné ci-dessus, mais dans la pêche à la senne coulissante la mortalité accessoire tient surtout au fait que les poissons s'échappent après la rupture du filet en cas de grosses prises ou/et de mauvais temps.

Le risque de pêche fantôme due à la perte de sennes coulissantes est extrêmement faible. Le rendement énergétique est élevé en raison des prises relativement importantes qui donnent un bon taux de capture par unité effort dans ce type de pêche. En général, la qualité des prises est bonne elle aussi, en particulier dans la pêche moderne, où les prises sont versées directement par pompage dans des réservoirs réfrigérés installés à bord des navires.

La pêche à la senne coulissante a parfois suscité une publicité hostile du fait que des dauphins ont été pêchés accidentellement dans certaines pêcheries de thon, mais des méthodes efficaces ont été mises au point pour éviter de telles captures.

l) Sennes de plage

Les sennes de plage ont des propriétés sélectives médiocres; elles pêchent en effet des poissons et autres organismes de différentes espèces et tailles. Leur utilisation est parfois responsable de mortalité accessoire, mais le rendement énergétique et la qualité des prises sont habituellement d'un bon niveau.

6 CONSIDÉRATIONS RELATIVES À LA GESTION: SÉLECTIVITÉ ET AUTRES EFFETS DE LA PÊCHE SUR L'ÉCOSYSTÈME

Le tableau 1 donne un exemple de la façon d'évaluer les propriétés de différents engins de pêche en termes de sélectivité et d'effets sur l'écosystème. On a classé ces différents effets de 1 (non favorables) à 10 (très favorables), en donnant un indice global d'effet moyen sur l'écosystème. Il est évident que ce tableau n'est donné qu'à titre d'orientation et d'exemple sur la façon d'évaluer différents engins de pêche et pêcheries du point de vue de l'aménagement. Par la suite, telle pêcherie d'une zone donnée devra être analysée plus en détail, et les facteurs concernant l'écosystème devront aussi être pris en compte selon leur importance sur le plan local ou régional. Bien que l'on puisse considérer une certaine méthode de pêche comme plus ou moins responsable de façon générale, il convient de bien savoir où, quand et comment elle est utilisée. Il faudrait élaborer et évaluer des réglementations techniques en collaboration avec les pêcheurs, pour mieux leur faire comprendre le but de ces réglementations, et écouter et prendre en compte leurs avis sur ces dernières et leur mise en application (chapitres 7 et 8).

TABLEAU 1 Estimations généralisées des effets de la pêche sur l'écosystème pour différentes méthodes de pêche, classées de 1 (non favorables) à 10 (très favorables), compte tenu de différents facteurs liés à l'écosystème

Type d’engin

Sélection par taille

Sélection par espèce

Mortalité accessoire

Pêche fantôme

Effets sur les habitats

Rendement énergétique

Qualité des captures

Indice d’effet sur l’écosystème

Filet maillant

8

4

5

1

7

8

5

5,4

Trémail

2

3

5

3

7

8

5

4,7

Ligne

4

4

6

10

9

9

9

7,3

Palangre

6

5

6

9

8

8

8

7,1

Casier et nasse

7

7

9

3

8

8

9

7,3

Nasse

5

5

8

8

9

9

9

7,6

Trident, harpon

8

9

5

10

10

8

9

8,4

Chalut pélagique

4

7

3

9

9

4

8

6,3

Chalut démersal

4

4

6

9

2

2

6

4,7

Chalut à perche

4

4

6

9

2

1

6

4,6

Chalut à crevettes

1

1

7

9

4

2

6

4,3

Senne

5

5

6

9

4

5

8

6,0

Senne coulissante

-

7

5

9

9

8

8

7,7

Senne de plage

2

2

5

10

6

9

9

6,1

D'autres facteurs particuliers, par exemple les répercussions socio-économiques, pourraient être ajoutés à une évaluation donnée, afin de servir de ligne directrice à de futures stratégies d'aménagement en ce qui concerne le choix entre différentes méthodes de pêche et les priorités à accorder. Ces facteurs devraient être inclus dans l'information utilisée pour aider à élaborer les stratégies d'aménagement (chapitre 5).

Ce type d'évaluation peut aussi aider à identifier les faiblesses actuelles ou futures liées à l'écosystème avec les méthodes et pratiques de pêche existantes, en servant de point de référence pour la recherche et le développement visant à améliorer les propriétés sélectives et à réduire les effets non désirés sur l'écosystème.

7 OUVRAGES CONSEILLÉS

Alverson, D.L., Freeberg, M.H., Murawski, S.A. & Pope, J. 1994. A global assessment of fisheries bycatch and discards. FAO: Documents techniques sur les pêches, n° 339. FAO, Rome. 233 p.

Ben-Yami, M. 1989. Fishing with Light (An FAO Fishing Manual). Blackwell Science, Oxford. 132 p.

Bjordal, Å. & Løkkeborg, S. 1996. Longlining. Fishing News Books, Blackwell Science, Oxford. 156 p.

Brandt, A. von 1984. Fish Catching Methods of the World. Fishing News Books, Farnham. (Voir Gabriel pour l'édition révisée de cet ouvrage)

Cowx, I.G. & Lamarque, P., éd. 1990. Fishing with Electricity - Applications in freshwater fisheries management. Blackwell Science, Oxford. 272 p.

Fernø, A. & Olsen, S., éd. 1994. Marine Fish Behaviour in Capture and Abundance Estimation. Fishing News Books, Blackwell Science, Oxford. 221 p.

Gabriel, O., éd. 2005 Fish Catching Methods of the World (4e édition). Blackwell Science, Oxford. 448 p.

Hall, S. 1999. The Effects of Fishing on Marine Ecosystems and Communities. Fishing News Books, Blackwell Science, Oxford. 296 p.

Kaiser, M.J. & de Groot, S.J., éd. 2000. The Effects of Fishing on Non-target Species and Habitats. Blackwell Science, Oxford. 399 p.

Moore, G. & Jennings, S. 2000. Commercial Fishing (the wider ecological impacts). Blackwell Science, Oxford. 72 p.

Nédélec, C. & Prado, J., éd. 1989. FAO Catalogue of Small Scale Fishing Gear. Blackwell Science, Oxford. 224 p.

Nédélec, C. & Prado, J. 1990. Définition et classification des catégories d'engins de pêche. FAO: Documents techniques sur les pêches, n° 222. Révision 1. FAO, Rome. 92 p.

Nolan, C.P., éd. 1999. Proceedings of the International Conference on Integrated Fisheries Monitoring. Sydney, Australie, 1-5 février 1999. FAO, Rome. 378 p.

Robertson, J. 2000. Minimising Discards to Improve Global Fish Stocks. Blackwell Science, Oxford. 256 p.

Sainsbury, J.C. 1996. Commercial Fishing Methods (an introduction to vessel and gear). Blackwell Science, Oxford. 368 p.

Scharfe, J., éd. 1989. FAO Catalogue of Fishing Gear Designs. Blackwell Science, Oxford. 160 p.


[3] Consulter http://www.fao.org/DOCREP/006/X3170F/X3170F00.HTM pour le texte complet du Plan d'action.

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