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A. SYNTHÈSE MONDIALE

A.1 PÊCHE ET SITUATION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES
MARINES MONDIALES

Jorge Csirke *

INTRODUCTION

L'une des principales fonctions de l'Organisation étant d'examiner de manière exhaustive et objective la situation mondiale des pêches et de l'aquaculture, la Division des ressources halieutiques de la FAO surveille, depuis sa création au début des années 60, l'état des principales ressources halieutiques de la planète. De la fin des années 60 au début des années 70, la FAO a mené à bien une vaste opération d'évaluation de la situation des ressources halieutiques marines mondiales et d'estimation de leur potentiel de production à long terme (Gulland 1970, 1971). Durant ces années, alors que la production mondiale des pêches marines frôlait les soixante millions de tonnes par an (Figure A1.1) - après avoir progressé au rythme de 6 pour cent par an depuis 1950 - Gulland estimait à environ 100 millions de tonnes par an la production potentielle maximale des espèces marines (céphalopodes non compris) exploitées selon des méthodes traditionnelles. Vu l'impossibilité de garantir la gestion optimale de chaque stock individuel dans une zone déterminée, l'auteur jugeait cependant plus prudent de réviser à la baisse l'estimation du rendement maximum soutenu, pour le ramener au niveau plus réaliste de 80 millions de tonnes. Cette estimation a été confirmée dans le temps et dans d'autres études.

Les évaluations et les rapports sur l'état des ressources halieutiques marines mondiales étaient initialement complétés par une série de mises à jour résumées (FAO, 1974, 1978, 1979, 1981, 1983, 1985, 1987, 1989, 1990, 1992) qui servaient de documents d'information pour les sessions ordinaires du Comité des pêches de la FAO (COFI). Ces rapports réguliers sur la situation des ressources des pêches marines mondiales ont continué à paraître sous la forme de publications périodiques autonomes (FAO, 1994, 1995, 1997a) et, plus tard, de sections du rapport SOFIA, la principale publication du Département des pêches de la FAO, sur la Situation mondiale des pêches et de l'aquaculture (FAO, 1997b, 1999, 2000, 2002, 2004). Le SOFIA a aussi pour objectif principal de fournir des informations à jour au Comité des pêches et, plus généralement, aux responsables des politiques, à la société civile et à tous ceux qui vivent de la pêche, tout en couvrant un éventail beaucoup plus large de questions ayant trait aux pêches mondiales.

Figure A1.1 - Production mondiale (millions de tonnes), pêche de capture et aquaculture

Figure A1.1
Plantes aquatiques non comprisesSource FAO

Le présent document représente la première révision importante de la situation des ressources halieutiques marines depuis l'examen des ressources de la FAO (1997a) et regroupe et développe les informations figurant dans les dernières mises à jour biennales du rapport SOFIA. Si l'orientation générale et la présentation des principales études précédentes ont été dans la mesure du possible maintenues, plusieurs changements ont été introduits dans ce volume pour tenir compte des commentaires et des suggestions de nos lecteurs et de nos collaborateurs, mais aussi pour faire un meilleur usage des possibilités de publication sur papier ou sur Internet.

Cette étude de la FAO, qui est la mise à jour la plus récente de l'état des ressources halieutiques marines mondiales, est divisée en chapitres qui résument et regroupent les informations disponibles pour chaque grande zone statistique des pêches maritimes de la FAO (Figure A1.2). Le présent chapitre introduit de manière succincte l'ensemble du volume en mettant en évidence les principaux aspects approfondis dans d'autres chapitres et en dressant un panorama général des changements les plus récents et de la situation actuelle des principales ressources halieutiques marines mondiales. Cette vue d'ensemble mondiale est développée au chapitre A2 avec une brève analyse de l'évolution de l'état de ces ressources dans le monde depuis 1974. Les chapitres B1 à B17, complétés par les tableaux figurant à la section D, donnent des détails sur les tendances des captures de chaque grand groupe d'espèces et, dans la mesure du possible, sur le niveau d'exploitation des principaux stocks ou groupes d'espèces de poissons, avec quelques informations complémentaires sur la gestion des pêches dans chaque grande zone statistique. La section C contient des dossiers spéciaux consacrés à l'étude des ressources mondiales en thons et espèces apparentées (Chapitre C1) et en calmars (Chapitre C2), aux ressources des eaux profondes (Chapitre C3) et, pour finir, aux effets à long terme du climat sur la production halieutique (Chapitre C4). La série finale de tableaux de la section D synthétise et complète les examens par régions ou par grande zone de pêche, ainsi que les principaux stocks ou groupes d'espèces regroupés suivant la Classification statistique internationale type des animaux et des plantes aquatiques de la FAO (CSITAPA).

Figure A1.2 - Zones statistiques de la FAO pour les besoins de la pêche

Figure A1.2

PROFIL DESCAPTURES

La production mondiale de poissons a régulièrement progressé, passant de 19,3 millions de tonnes en 1950 à plus de 100 millions de tonnes en 1989 et à 134 millions de tonnes en 2002 (FigureA1.1). Les captures marines représentent l'essentiel de la production mondiale. En 1950, elles se chiffraient à 16,7 millions de tonnes, soit 86 pour cent de la production mondiale de poissons, et en 1980, elles étaient passées à 62 millions de tonnes, ce qui représentait toujours 86 pour cent du total. Toutefois, au cours des deux dernières décennies, l'aquaculture marine et continentale a connu une expansion plus rapide et les pêches maritimes ont vu diminuer leur part dans la production halieutique mondiale. Les captures totales ont néanmoins continué à progresser, mais à un rythme plus lent que l'aquaculture. En 2002, sur une production totale mondiale de 134,3 millions de tonnes, 84,4 millions de tonnes, soit près de 63 pour cent, étaient constituées de poissons sauvages des océans. L'aquaculture marine et continentale assure environ 30 pour cent de la production, les 7 pour cent restants provenant des pêches en eaux intérieures.

Figure A1.3 - Captures marines mondiales (millions de tonnes) par zones statistiques

Figure A1.3

Source FAO

Après avoir s'être établies à environ 80 millions de tonnes à la fin des années 80, les captures marines mondiales ont fluctué entre 77 et 86 millions de tonnes, avec un record de 86,7 millions de tonnes en2000 et un léger déclin à 84,4 millions de tonnes en 2002 (Figure A1.3). La plupart des fluctuations des années récentes ont résulté de changements dans quelques zones très productives, en particulier le Pacifique Nord-Ouest (zone 61) et le Pacifique Sud-Est (zone 87), alors que les captures totales dans la majorité des autres zones de pêche ont suivi à peu près la même tendance générale. Bien que dans quelques zones, les captures soient entrées dans leur phase de plateau depuis les années 70, notamment dans l'Atlantique Nord-Est (zone 27), l'Atlantique Centre-Ouest (zone 31), l'Atlantique Centre-Est (zone 34), la Méditerranée et la mer Noire (zone 37), le Pacifique Nord-Ouest (zone 61) et le Pacifique Centre-Est (zone 77), dans d'autres zones, comme l'Atlantique Nord-Ouest (zone 21) et l'Atlantique Sud-Est (zone 47), les paliers ont été atteints dans les années 70 et au début des années 80 et les captures sont dans leur phase déclinante. La tendance générale décrite ci-dessus confirme les estimations antérieures de Gulland (1970, 1971) et donne à penser que la production potentielle maximale à long terme des pêches marines a été atteinte, avec quelques stocks et quelques zones surexploités et d'autres stocks en deçà de leur niveau d'exploitation potentiel escompté à long terme. Cela est dans une large mesure confirmé par les analyses par grandes zones de pêche et groupes d'espèces, présentées dans les autres sections de ce volume.

Composition des captures

Les espèces pélagiques constituent la plus grande part des captures marines mondiales, les petits pélagiques (Groupe 35 de la CSITAPA: harengs, sardines, anchois, etc.) représentant environ 26 pour cent (22,5 millions de tonnes) des captures totales en 2002 (Figure A1.4), contre 29 pour cent dans les années 50 et 27 pour cent dans les années 70. Les plus gros pélagiques (Groupes 36 et 37 de la CSITAPA: thons, pélamides, marlins et poissons pélagiques divers) représentaient 21 pour cent (17,7millions de tonnes) des captures totales en 2002, soit une hausse par rapport aux 13 pour cent des années 50. Les poissons démersaux (Groupes 31, 32 et 34 de la CSITAPA: flets, flétans et soles; morues, merlus, églefins et poissons démersaux divers) ont représenté 15 pour cent des captures totales en 2002 (avec 12,3 millions de tonnes), contre près de 26 pour cent des captures mondiales dans les années 50 et 70. Les Poissons côtiers divers (Groupe 33 de la CSITAPA), sont restés stables à 6 pour cent, puis à 7 pour cent (avec 6,1 millions de tonnes) en 2002, alors que les crustacés (Groupes 42, 43, 44, 45, 46 et 47 de la CSITAPA: crabes, langoustes, crevettes, krill et crustacés divers) sont passés de 4 pour cent dans les années 50 et 70 à 7 pour cent (5,8 millions de tonnes) en 2002. Les Mollusques (Groupes CSITAPA 52, 53, 54, 55, 56, 57 et 58: ormeaux, strombes, huîtres, moules, coquilles Saint-Jacques, clams, encornets, poulpes, etc.), sont légèrement remontés, de 6 pour cent dans les années 50 et 70 à 8 pour cent (6,8 millions de tonnes) en 2002. La proportion de poissons non identifiés (Groupe CSITAPA 39) a légèrement augmenté en 2002 avec 13 pour cent des captures totales (10,7 millions de tonnes) contre 11 pour cent dans les années 50 et 80.

Figure A1.4 - Captures marines mondiales en 2002 (millions de tonnes), par grands groupes d'espèces

Figure A1.4

Source FAO

Tous les principaux groupes d'espèces mentionnés ci-dessus sont représentés de manière à peu près égale dans le Pacifique Nord-Ouest (Zone 61), qui est la zone de pêche la plus productive du monde (Figure A1.5). Les petits pélagiques (principalement anchois du Pérou) dominent nettement les captures dans le Pacifique Sud-Est (Zone 87), qui est la deuxième zone plus productive. Dans l'Atlantique Nord-Est, (Zone 27) qui est la troisième du monde pour la productivité, les poissons démersaux sont les plus abondants, suivis des plus gros pélagiques et des petits pélagiques. Dans le Pacifique Centre-Ouest, qui est la quatrième zone plus productive du monde, les plus gros pélagiques dominent les captures et sont aussi le groupe le plus abondant de l'Océan Indien occidental (Zone 51). Les petits pélagiques dominent aussi dans l'Atlantique Centre-Est (Zone 34), la Méditerranée et la mer Noire (Zone 37), l'Atlantique Centre-Ouest (Zone 31) et le Pacifique Centre-Est (Zone 77), alors que les poissons démersaux sont le principal groupe d'espèces dans le Pacifique Nord-Est (Zone 67) et le Pacifique Sud-Ouest (Zone 81).

Principales fluctuations des captures

Dans le Pacifique Nord-Ouest ( Zone 61), les prises oscillent entre 20 et 24 millions de tonnes depuis la fin des années 80, principalement à cause des variations des captures et probablement aussi de l'abondance, du pilchard du Japon (Sardinops melanostictus) et du lieu de l'Alaska (Theragra chalcogramma . Ces changements et les autres variations des captures totales et de l'état des ressources sont décrits plus en détail, dans le chapitre B.10 de cet ouvrage.

Dans le Pacifique Sud-Est (Zone 87), seules trois espèces représentent plus de 80 pour cent des captures présentes et passées, à savoir l'anchois du Pérou (Engraulis ringens), le chinchard du Chili (Trachurus murphyi) et le pilchard sud-américain (Sardinops sagax) qui ont connu tour à tour des phases de forte et de faible abondance au cours des dernières décennies. Les amples fluctuations des captures sont courantes dans cette zone et résultent le plus souvent de phénomènes climatiques périodiques comme El Niño qui ont une incidence sur le succès de la pêche ainsi que sur l'abondance et la productivité des stocks à plus long terme. Tous les changements concernant cette zone sont examinés de façon plus approfondie dans le Chapitre B.15.

Figure A1.5 - Captures marines mondiales des principaux groupes d'espèces par zones statistiques de la FAO en 2002

Figure A1.5

D'importants changements sont également signalés dans d'autres régions du monde mais leur effet global sur les captures mondiales se remarque moins. Par exemple, dans le Pacifique Nord-Est (Zone67), décrit au chapitre B.11, la production halieutique a atteint un pic de 3,6 millions de tonnes en 1987, puis fléchi pour remonter légèrement à 2,7 millions de tonnes en 2001 et en 2002. Dans le Pacifique Centre-Ouest (Zone 71) les captures totales ont augmenté régulièrement depuis 1950, frôlant 11 millions de tonnes en 2002 (chapitre B.12). Dans le Pacifique Centre-Est (Zone 77) qui fait l'objet du Chapitre B.13, les captures ont fluctué entre 1,2 et 1,8 million de tonnes depuis 1981, avec toutefois une récente tendance à la hausse reflétant une reconstitution du stock de pilchards de Californie (Sardinops caeruleus) qui a produit des captures de 722000 tonnes en 2002, un niveau record, et un chiffre légèrement supérieur au volume déjà élevé de 720 000 tonnes obtenu en 1936, durant la période précédente de «régime d'abondance élevée» de cette espèce, qui a duré de la fin des années 20 au début des années 40.

Dans l'Atlantique Nord-Ouest (Zone 21) la production des pêches est tombée à 2 millions de tonnes à peine en 1994, à la suite de l'effondrement des stocks de poisson de fond à l'est du Canada. Depuis, les captures sont remontées lentement jusqu'en 2002, où elles ont atteint 2,3 millions de tonnes. Tous les changements relatifs à cette zone sont passés en revue dans le chapitre B.1. D'importants changements signalés dans d'autres zones, telles que l'Atlantique Centre-Est (Zone 34) et l'Atlantique Sud-Ouest (Zone 41), avec quelques fléchissements des captures totales, sont décrits dans les chapitres B.4 et B.6. Les faits les plus marquants sont le déclin du merlu d'Argentine (Merluccius hubbsi) depuis la fin des années 90 et les variations de l'abondance et des captures de l'encornet rouge argentin (Illex argentinus) dans l'Atlantique Sud-Ouest.

Le suivi de la situation des pêches dans l'océan Indien occidental (Zone 51) et oriental (Zone 57) (chapitres B.8 et B.9), est sérieusement entravé par le manque d'informations et les systèmes souvent défaillants de collecte de statistiques des pêches. Ces carences se traduisent par une proportion relativement élevée de captures de «poissons marins non identifiés» (Groupe CSITAPA39), signalés comme tels, faute d'avoir pu être identifiés au niveau de l'espèce, du genre ou de la famille, lors de la compilation des statistiques nationales officielles. Ce problème se pose aussi dans d'autres zones du monde, en particulier dans le Pacifique Nord-Ouest et Centre-Ouest, ainsi que dans l'Atlantique Centre-Ouest, Sud-Ouest et Centre-Est (Figure A1.5).

Les thons et les espèces apparentées sont les principales ressources halieutiques exploitées en haute mer. La production la plus élevée est enregistrée dans l'Océan Pacifique puis, loin derrière, dans l'océan Atlantique et dans l'océan Indien. Comme on l'a vu dans le chapitre C.1, les captures des sept principales espèces commerciales ont augmenté, passant de moins de 0,5 million de tonnes au début des années 50 à un maximum de 4 millions de tonnes en 2002, avec toutefois une tendance à se stabiliser depuis 1998. Le listao (Katsuwonus pelamis) représente environ 50 pour cent de ce total, avec 2 millions de tonnes en 2002, devenant ainsi la troisième espèce contribuant aux captures totales, après l'anchois du Pérou (E. ringens) (9,7 millions de tonnes) et le lieu de l'Alaska (Theragra chalcogramma - 2,6 millions de tonnes).

La modification à moyen ou long terme de la composition des captures, consécutive à l'amenuisement de certains stocks de poissons traditionnellement dominants, est un schéma récurrent dans certaines zones. Par exemple, dans l'Atlantique Nord-Ouest (Chapitre B.1), les captures de mollusques et de crustacés se sont notoirement accrues après les déclins des poissons démersaux. Dans l'Atlantique Nord-Est (Chapitre B.2) la réduction des captures résultant de la diminution constante du stock de morue de l'Atlantique (Gadus morhua) depuis la fin des années 60 a été compensée par une augmentation des captures d'espèces auparavant peu prisées, comme le merlan bleu (Micromesistius poutassou) et les lançons (Ammodytes spp.). Le déclin marqué du stock de merlus d'Argentine (Merluccius hubbsi) dans l'Atlantique Sud-Ouest Chapitre B.6) s'est accompagné d'une augmentation des captures d'encornets argentins (Illex argentinus). Dans le Pacifique Nord-Ouest (Chapitre B.10), la diminution des captures de pilchard du Japon (Sardinops melanostictus) et de lieu de l'Alaska (Theragra chalcogramma) a été quelque peu compensée par un accroissement des captures d'anchois du Japon (Engraulis japonicus), de poisson-sabre commun (Trichiurus lepturus) et d'encornets (principalement Todarodes pacificus). Les causes de ces variations à moyen ou à long terme de la composition par espèces des captures commerciales marines peuvent être multiples (adaptation de l'industrie et des marchés à des espèces peu prisées, de faible valeur, effet de la pêche sur l'abondance des espèces cibles et sur la structure des autres communautés marines, et modifications environnementales et changements de régime ayant une incidence sur l'abondance à long terme des divers stocks de poissons sauvages). Souvent, ces effets se confondent et sont difficiles à discerner, en particulier dans les zones où les ressources halieutiques et les processus environnementaux font l'objet d'activités de recherche et de surveillance limitées.

État D'EXPLOITATION

La situation globale de l'exploitation des ressources halieutiques marines mondiales a suivi à peu près la même tendance générale que les années précédentes, comme on le verra dans le Chapitre A.2. Tout au long de ce rapport, on trouve des informations sur environ 584 stocks ou groupes d'espèces dont l'évolution est suivie et documentée dans les études mondiales et régionales, au moins pour ce qui concerne les tendances générales des captures. Les résultats des évaluations disponibles permettent d'estimer de façon approximative le niveau d'exploitation de 441 stocks (76 pour cent) ou groupes d'espèces, qui ont produit environ 80 pour cent des captures marines totales en 2002. Les 143stocks ou groupes d'espèces restants, dont il est impossible d'estimer le niveau d'exploitation à l'échelle mondiale, faute de résultats d'évaluations ou de données suffisamment fiables, constituent les 20 pour cent restants des captures marines totales. Ce pourcentage inclut les 12,7 pour cent des captures marines totales d'espèces qui n'ont pas pu être identifiées de manière précise dans les statistiques nationales officielles, ne serait-ce qu'au niveau de la famille, ou qui ont été identifiées comme il convient dans les statistiques officielles mais qui ne font pas l'objet d'un suivi ou d'évaluations suffisamment fiables pour déterminer leur niveau d'exploitation. Si ces captures correspondent généralement à des espèces relativement peu abondantes et peu prisées auxquelles on consacre peu de recherches, elles concernent aussi quelques pêcheries ou stocks importants pour lesquels on dispose d'informations limitées, notamment des stocks de mulets, moules et crevettes, dans plusieurs zones, d'ethmalose d'Afrique (Ethmalosa fimbriata) et d'anchois européen (Engraulis encrasicolus) dans l'Atlantique Centre-Est, de morue du Pacifique (Gadus macrocephalus) dans le Pacifique Nord-Est et de diverses ressources des grands fonds exploitées depuis peu.

Malgré nos efforts pour uniformiser le nombre de stocks ou de groupes d'espèces de poissons marins suivis et analysés dans chaque grande zone de pêche, la disparité des informations disponibles et la distribution des volumes des captures ont limité le nombre de stocks et de groupes d'espèces étudiés dans chaque zone. De même, dans certaines zones de pêche du monde, il existe un nombre relativement important de stocks ou de groupes d'espèces dont le niveau d'exploitation n'a pas été déterminé ou n'est pas connu (Figure A1.6). L'océan Indien Occidental (Zone 51) et l'Atlantique Centre-Ouest (Zone 31) sont les zones de pêche qui ont l'incidence la plus élevée de stocks ou de groupes d'espèces dont la situation de l'exploitation est signalée comme inconnue ou incertaine, dans les analyses régionales présentées dans les autres chapitres.

Sur les 441 stocks ou groupes d'espèces dont le niveau général de l'exploitation a pu être déterminé grâce aux résultats des évaluations et est décrit ou résumé dans les analyses régionales et dans les tableaux des sections B, C et D de cet ouvrage, environ 3 pour cent sont sous-exploités et 20 pour cent modérément exploités. Les stocks de ces catégories sont ceux qui offrent le potentiel d'expansion halieutique le plus élevé. D'après les estimations, 52 pour cent des stocks mondiaux sont pleinement exploités, ce qui signifie que leurs captures ont atteint ou quasiment atteint le point limite correspondant à leur production maximale équilibrée, si bien que leur potentiel d'expansion est nul et que leur production risque même de décliner s'ils ne sont pas gérés comme il convient. Parmi les stocks restants, environ 17 pour cent sont surexploités, 7 pour cent épuisés et 1 pour cent en phase de reconstitution; ces stocks n'offrent donc plus aucune possibilité d'expansion (qui, si elle existait, serait conditionnée par l'ampleur de leur reconstitution, ou de leur reprise, à long terme) et risquent même de faire baisser encore les captures, si des stratégies adéquates de gestion des pêches et de reconstitution des stocks ne sont pas mises en place.

Comme indiqué dans l'étude mondiale des tendances, au Chapitre 2 (Figure A2.3), depuis 1974, on assiste à une diminution de la proportion des stocks sous-exploités et modérément exploités, dont la production peut encore être augmentée, mais aussi à un accroissement des pourcentages des stocks surexploités, épuisés et en phase de reconstitution, qui tend toutefois à se tasser depuis quelques années. En effet, ces trois types de stocks sont passés collectivement d'environ 10 pour cent au milieu des années 70 à environ 25 pour cent au début des années 90, puis sont restés à peu près inchangés à un niveau estimé à 24 pour cent, en 2002. Cela donne à penser que la phase négative, documentée dans les rapports précédents, a pris fin.

Les stocks de sept des dix premières espèces qui représentent 30 pour cent de la production mondiale des pêches marines sont pleinement exploités ou surexploités, ce qui exclut toute possibilité d'augmentation durable de leurs captures. Ces espèces comprennent deux stocks d'anchois du Pérou (Engraulis ringens) dans le Pacifique Sud-Est qui sont sur exploités, alors qu'ils s'étaient à peine reconstitués, de lieu de l'Alaska (Theragra chalcogramma) pleinement exploité dans le Pacifique Nord, d'anchois du Japon (Engraulis japonicus) pleinement exploité dans le Pacifique Nord-Ouest, de merlan bleu (Micromesistius poutassou) surexploité dans l'Atlantique Nord-Est, de capelan (Mallotus villosus) pleinement exploité dans l'Atlantique Nord, de hareng de l'Atlantique (Clupea harengus) avec plusieurs stocks dans l'Atlantique Nord, pour la plupart pleinement exploités. Deux autres des dix premières espèces peuvent probablement supporter une augmentation limitée des captures, dans certains endroits de leur aire de répartition, où les rapports indiquent qu'elles sont encore modérément exploitées. C'est le cas du maquereau espagnol (Scomber japonicus) dans le Pacifique Sud-Est et dans le Pacifique Centre-Est et du listao (Katsuwonus pelamis) dans les océans Pacifique et Indien et dans certaines zones de l'Atlantique Ouest. Dans d'autres endroits de leur aire de répartition mondiale, ces deux espèces sont aussi signalées comme pleinement exploitées, ce qui exclut toute possibilité d'augmentation significative de leurs captures. Pour la dixième de ces espèces, à savoir le poisson-sabre commun (Trichiurus lepturus), la situation serait floue dans presque toute son aire de répartition, en particulier dans le Pacifique Nord-Ouest et l'océan Indien Occidental. Dans d'autres zones, comme l'océan Indien Oriental et l'Atlantique Centre-Ouest, cette espèce serait beaucoup moins abondante et serait modérément ou pleinement exploitée, dans l'océan Indien oriental.

Figure A1.6 - Etat d'exploitation de stocks ou groupes d'espèces choisis, par zones statistiques FAO, en 2004

Figure A1.6

Figure A1.7 - Etat d'exploitation de stocks ou groupes d'espèces choisis, dont le niveau d'exploitation est connu, par zones statistiques FAO, en 2004

Figure A1.7

Comme on l'a noté plus haut, environ 52 pour cent des stocks dont le niveau d'exploitation est connu sont pleinement exploités. Les principales zones de pêche qui ont les plus forts pourcentages (69–77pour cent) de stocks pleinement exploités sont l'Atlantique Centre-Ouest, l'Atlantique Centre-Est, l'Atlantique Nord-Ouest, l'océan Indien Occidental et le Pacifique Nord-Ouest (Figure A1.7). Alors que les zones qui ont le plus (46–60pour cent) de stocks surexploités, épuisés et en phase de reconstitution sont l'Atlantique Sud-Est, le Pacifique Sud-Est, l'Atlantique Nord-Est et (pour les thons et les espèces apparentées) les zones océaniques des océans Atlantique et Indien. Dans le monde, il existe peu de zones qui, comme le Pacifique Centre-Est, le Pacifique Centre-Ouest et le Pacifique Sud-Ouest, signalent un nombre relativement élevé (48–70pour cent) de groupes d'espèces ou de stocks encore sous-exploités ou modérément exploités. Certaines zones ont entre 20 et 30 pour cent de stocks encore modérément exploités ou sous-exploités (Méditerranée et mer Noire, Atlantique Sud-Ouest et océan Indien oriental).

Une forte pression de pêche et des conditions écologiques très défavorables associées à des modifications des oscillations du phénomène El Niño dans l'hémisphère austral, ont été à l'origine ces dernières années du brusque déclin des trois espèces les plus abondantes du Pacifique Sud-Est, qui sont l'anchois du Pérou, le pilchard sud-américain et le chinchard du Chili. Les stocks d'anchois du Pérou ont donné des signes de reprise et, à l'heure actuelle, ils sont très probablement pleinement exploités ou surexploités, avec des captures de l'ordre de 7 à 11 millions de tonnes par an, après le creux de 1,7million de tonnes, enregistré en 1998. Le pilchard sud-américain a accusé une forte baisse s'inscrivant dans un régime décennal de faible abondance et en 2002, la production s'est limitée à 28000 tonnes après le pic de 6,5 millions de tonnes atteint en 1985 durant la période la plus récente de forte abondance. Le chinchard du Chili, considéré comme pleinement exploité ou surexploité, a produit des captures de 1,7million de tonnes en 2002, après avoir continuellement fléchi depuis le pic de production de 5millions de tonnes en 1994. Le chinchard du Chili et surtout le pilchard sud-américain sont actuellement dans un régime de faible abondance naturelle et ils pourraient entrer dans une période de forte abondance lorsque les conditions environnementales redeviendront favorables, à condition de ne pas faire l'objet d'une pression de pêche excessive d'ici là. En outre, il y a peu de chances pour que les conditions environnementales soient simultanément favorables à ces trois espèces.

Dans le Pacifique Nord-Ouest, l'abondance du pilchard et de l'anchois du Japon et du lieu de l'Alaska a aussi enregistré d'amples variations dues à la forte pression de pêche et à des oscillations décennales naturelles. Après une période d'abondance élevée dans les années 80, le stock de pilchard du Japon a accusé une baisse au milieu des années 90, suivie d'une forte reprise de la population d'anchois du Japon qui a permis des captures proches de 2 millions de tonnes par an depuis 1988. Cette alternance des stocks de pilchards et d'anchois correspond à un schéma également observé dans d'autres régions du monde qui semble être principalement gouverné par des régimes climatiques ayant une incidence sur la distribution des stocks et l'abondance globale des poissons. Les stocks de lieu d'Alaska dans le Pacifique Nord-Ouest sont considérés comme pleinement exploités ou surexploités, alors que ceux du Pacifique Nord-Est seraient pleinement exploités. Les captures de lieu d'Alaska ont culminé à la fin des années 80 puis fléchi dans les deux zones, malgré une récente reprise dans le Pacifique Nord-Est. Dans l'Atlantique Nord-Est, les captures de merlan bleu ont fortement augmenté et l'espèce est considérée comme surexploitée. La majorité des stocks de morue atlantique de la zone sont aussi surexploités ou épuisés, alors que le capelan et le hareng sont pleinement exploités.

L'analyse succincte présentée au Chapitre 2 montre que la proportion de stocks surexploités, épuisés et en reconstitution n'augmente plus autant que jusqu'au milieu des années 90 et que le nombre de stocks pleinement exploités est en légère hausse. Comme on l'a déjà indiqué, le tassement du taux d'augmentation des stocks surexploités (épuisés et en phase de reconstitution) est un signal positif qui pourrait être annonciateur d'une inversion des tendances préoccupantes observées dans le passé. Ce signal reste cependant faible et il est encore possible d'améliorer grandement l'évaluation et la gestion d'un grand nombre de ressources halieutiques importantes pour la planète tant au niveau régional que national. Au niveau mondial, il reste près de 25 pour cent de stocks de poissons surexploités, épuisés ou en phase de reconstitution, pour lesquels la gestion des pêcheries devrait être amélioré. Les pêches visant des stocks pleinement exploités doivent aussi faire l'objet d'une surveillance et d'une gestion attentives et continues afin de prévenir leur surexploitation ou leur épuisement.

La situation et les tendances de l'exploitation des ressources halieutiques mondiales sont encore loin d'être satisfaisantes. Près de 76 pour cent des stocks de poissons qui ont fait l'objet d'évaluations dont les résultats sont connus (52 pour cent de stocks pleinement exploités et 24 pour cent de stocks surexploités ou l'ayant été) doivent faire l'objet d'une surveillance et d'un aménagement continus et/ou être reconstitués pour garantir la pérennité de la ressource. En outre, 20 pour cent des captures mondiales sont encore prélevées sur des stocks ou groupes d'espèces dont le niveau d'exploitation n'a pas pu être déterminé, faute d'informations adéquates. En outre, il existe une grande proportion d'espèces non identifiées dans des captures marines totales, faute d'informations fiables. Il faut donc intensifier les efforts à tous les niveaux et à tous les stades de la recherche et de la gestion des pêches, aussi bien pour faciliter l'identification des espèces capturées et débarquées, que pour améliorer les informations permettant d'évaluer les stocks halieutiques et de gérer les pêches correspondantes comme il convient. Ces étapes sont primordiales pour promouvoir efficacement l'application du Code de conduite pour une pêche responsable et aider les pays membres à appliquer les recommandations du Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg (2002), concernant la reconstitution des stocks surexploités et épuisés, avec des objectifs spécifiques à l'horizon 2015. Nous espérons que cette étude contribuera à la réalisation de ces objectifs.

RÉFÉRENCES

FAO. 1974. Review of the status of exploitation of the world fish resources. FAO Fisheries Circular, No. 328: 30 p.

FAO. 1978. Examen de l'état des ressources ichtyologiques mondiales. Circulaire sur les pêches FAO, No. 710: 47 p.

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* FAO, Service des ressources marines, Division des ressources halieutiques.

A2. ÉVOLUTION MONDIALE DES PÊCHES MARITIMES ET DE LEURS RESSOURCES, DE 1974 A 2004

Serge M. Garcia, Ignacio de Leiva Moreno et Richard Grainger *

* FAO, Service des ressources marines, Division des ressources halieutiques. et Unité de l'information, des données et des statistiques

Introduction

Depuis la publication de son premier examen mondial des stocks de poissons marins au début des années 70, le Département des pêches de la FAO suit de manière régulière l'état de ces ressources. Les résultats sont publiés dans «The State of World Fishery Resources, Marine Fisheries» (L'état des ressources halieutiques dans le monde: pêches maritimes). Ce chapitre est largement inspiré de documents précédents FAO (2000) et Garcia et de Leiva Moreno (2001, et 2003) mis à jour en intégrant les dernières estimations présentées dans les autres chapitres de cet ouvrage. La présente édition de l'état des ressources marines est structurée par zone statistique de la FAO et par type de ressources et se fonde sur l'analyse de deux séries de données: 1) les résultats des évaluations des stocks effectuées par des scientifiques, des organismes compétents en matière de pêche ou groupes de travail régionaux des pêches compilés par le Service des ressour marines jusqu'en 2004 et 2) les statistiques des pêches soumises par les pays Membres de la FAO à l'Unité d'information, de données et de statistiques sur les pêches, jusqu'en 2002. Une synthèse de l'évaluation est également disponible dans la publication biennale du Département des pêches de la FAO «Situation mondiale des pêches et de l'aquaculture» (SOFIA). Le présent article est une mise à jour de la Synthèse du SOFIA 2000.

Figure A2.1 - a État des stocks mondiaux en 2004

FigureA2.1

SITUATION MONDIALE

Les données disponibles à la FAO en 2004 pour les 17 zones statistiques de la FAO et la catégorie «Thons» sont examinées dans chaque chapitre et synthétisées dans les tableaux figurant à la fin de cet ouvrage. Ces tableaux concernent 584 types de stocks, dont 437 (75 pour cent) pour lesquels on dispose d'informations sur l'état du stock. Le pourcentage de stocks pour lesquels on ne dispose d'aucun renseignement est resté stable depuis 15 ans, mais, en valeur absolue, le nombre de types de stocks ayant fait l'objet d'une évaluation a considérablement augmenté. Parmi les 437 types de stocks dont l'état est connu (Figure A2.1), 3pour cent (-1), étaient considérés comme sous-exploités, 20pour cent (0) modérément exploités, 52pour cent (+5) pleinement exploités, 17pour cent (-1) surexploités, 7pour cent (-2) épuisés et 1 pour cent (0) en reprise. Les pourcentages entre parenthèses indiquent les variations par rapport aux chiffres précédents de 1999. On note une augmentation du nombre de stocks pleinement exploités et une diminution de ceux qui sont surexploités, mais ces variations interannuelles doivent être interprétées avec prudence.

Figure A2.2 - Pourcentage de stocks exploités au delà du PME (O+D+R), au niveau du PME (F), et en dessous du PME (U+M) par zones statistiques de la FAO en 2004

Figure A2.2
ÉTAT DES STOCKS PAR RÉGION

Le tableau global présenté à la figure A2.1 peut être décomposé par région, pour un examen plus détaillé (Figure A2.2). Le pourcentage de stocks exploités à un niveau égal ou supérieur à la Production maximale équilibrée (PME) (F+O+D+R), s'échelonne entre 43 pour cent (dans le Pacifique Centre-Est) et 100 pour cent dans l'Atlantique Centre-Ouest, l'océan Indien occidental et l'Atlantique Nord-Est. Dans 12 régions sur 17, au moins 70 pour cent des stocks sont déjà pleinement exploités ou surexploités (F+O+D+R) d'où la nécessité de contrôler davantage la capacité de pêche.

Figure A2.3 - Tendance globale de l'état d'exploitation des stocks: 1974–2004

Figure A2.3

Figure A2.4 - État des 200 principales ressources halieutiques 1950–2000

Figure A2.4

On notera que l'Atlantique Centre-Ouest et l'océan Indien occidental sont les deux zones statistiques de la FAO qui ont le pourcentage le plus élevé de stocks dont l'état n'est pas connu. Les résultats concernant l'océan Austral sont fortement conditionnés par la sous-exploitation des stocks de krill.

Par ailleurs, à propos de la disposition de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer prescrivant un niveau d'exploitation inférieur ou égal à la PME (U+M+F), on notera que le pourcentage de stocks exploités à ce niveau s'échelonne entre 48 pour cent dans l'Atlantique Sud-Est et 100 pour cent dans le Pacifique Centre-Est. Globalement, 11 régions sur 17 ont au moins 70 pour cent de leurs stocks exploités à un niveau supérieur ou égal à la PME.

ÉVOLUTION MONDIALE DE L'ÉTAT DES STOCKS

On se rendra mieux compte de la situation actuelle des ressources en l'examinant par rapport aux tendances à plus long terme, qui peuvent être évaluées de deux manières: 1) par un examen rétrospectif des données analytiques sur l'exploitation de ces stocks depuis 1974; et 2) par une analyse des tendances historiques des données sur les captures disponibles à la FAO.

Situation de l'exploitation des stocks mondiaux

Les données (similaires à celles utilisées dans la Figure A2.1) disponibles depuis 1974 indiquent que, proportionnellement, les stocks exploités à un niveau correspondant à leur PME (Figure A2.3, ligne du haut), ont constamment diminué entre 1974 et 1995 mais que cette tendance s'est clairement inversée par la suite. L'évolution des stocks offrant un potentiel d'expansion (Figure A2.3, ligne du milieu) est clairement à la baisse, de 40 pour cent en 1970 à 24 pourcent en 2004. La proportion de stocks surexploités (Figure A2.3, ligne du bas) a augmenté, passant d'environ 10 pour cent au milieu des années 70 à près de 25 pour cent au début de la décennie 2000, mais comme on le constate sur la Figure, la proportion de stocks surexploités demeure à peu près stable depuis la fin des années 80.

Analyse historique des tendances des captures

La FAO a analysé l'évolution historique de l'état des ressources halieutiques mondiales sur la base des données historiques sur les captures, de 1950 à 1994, dans l'ensemble du monde (Grainger et Garcia, 1996) et dans l'Atlantique Centre-Est (Garibaldi et Grainger, 2003). L'analyse a été mise à jour (Figure A2.4) avec les statistiques sur les pêches 2001. Elle se fonde sur un modèle généralisé d'évolution des pêcheries, comprenant cinq phases: 1) non exploitée: faibles captures initiales; 2)en développement: captures en augmentation rapide; 3)arrivant à maturité: captures atteignant leur maximum historique et se stabilisant à peu près à ce niveau; 4) Déclin: captures en nette diminution par rapport à leur maximum historique; 5) en reprise (catégorie non prise en considération dans les études antérieures): captures se remettant à augmenter après une période de déclin. Les données sur les captures utilisées dans la présente étude couvrent les poissons, les crustacés et les mollusques.

Les 200 premières «catégories d'espèces» (ou «ressources») utilisées pour la présente analyse, représentant 66 pour cent de la production des pêches maritimes durant la période 1950–2001, ont été sélectionnées sur la base des débarquements annuels moyens en provenance de chaque grande zone statistique de pêche maritime pendant toute la période. Les données se référant aux débarquements d'espèces agrégées ont été exclues de l'analyse sauf lorsque le regroupement est limité à un seul genre (ex.Loligo spp. - encornets).

Les 200 séries chronologiques ont été réduites (Moyenne =0; Écart type = 1) en donnant un poids égal à toutes les ressources, quelles que soient leur ampleur et leur variance, pour faciliter la comparaison, lissées (moyennes mobiles sur 3 ans) et regroupées par forme à l'aide d'une analyse en grappes des K-moyennes (selon la méthode employée dans le logiciel STATISTICA - Version 6, avec les paramètres par défaut et en limitant le nombre de grappes à 12). Sur la base d'une analyse de la pente, les profils ont été stratifiés en phases correspondant aux 5 stades d'évolution indiqués plus haut. Le nombre total des stocks, en valeur absolue et en pourcentage, dans chaque phase a été calculé chaque année, pour l'ensemble de données.

Figure A2.5 - État des 50 principaux groupes de prédateurs apicaux (Niveau trophique > 4)

Figure A2.5

Figure A2.6 - État des 50 autres principaux groupes de prédateurs (3.5 > niveau trophique < 4)

Figure A2.6

Figure A2.7 - État des 50 principaux groupes de ressources épipélagiques et profondes

Figure A2.7

Tableau A2.1 Comparaison de l'état actuel des ressources halieutiques d'après les analyses de l'état des stocks (moyenne 1997–2004) et des tendances des captures (moyenne 1996–2001), en pourcentage

État des stocksTendances des captures
Sous-exploité (U)50Sous-exploité
Modérément exploité (M)2132En développement
Pleinement exploité (F)4832Mature
Surexploité (O)17  
Épuisé (D)8  
En reprise (R)8  

Le schéma global est présenté à la Figure A2.4. La proportion de ressources «non exploitées» est tombée à zéro au milieu des années 70. Celle des ressources «en développement» a augmenté jusqu'à la fin des années 80 et diminué par la suite. Les ressources «matures» ont constamment augmenté depuis le début des séries chronologiques. Les ressources «en déclin» (probablement soumises à une pression de pêche excessive) ont augmenté depuis le début et se sont probablement stabilisées durant la dernière décennie. Les ressources «en reprise» semblent avoir augmenté ces dernières années par suite d'une amélioration de la gestion et de conditions climatiques favorables. Globalement il y a eu peu de changements depuis le début des années 90, sauf dans la catégorie «en reprise». Le fait que plus des deux tiers des ressources apparaissent comme «matures», «en déclin» ou «en reprise» souligne la nécessité d'un contrôle immédiat de l'effort et de la capacité de pêche.

Si l'on compare les résultats afférents à la période 1996–2000 dans les deux méthodes d'analyse, état des stocks ou tendances des captures (tableau A2.1), on note que la première indique un peu plus de stocks surexploités (29 pour cent contre 25 pourcent), plus de stocks en reprise (7 pour cent contre 1 pour cent), plus de stocks en développement (32 pourcent contre 21 pourcent) et moins de pêcheries matures (32 pourcent contre 48 pourcent).

Globalement, compte tenu du fait que l'analyse des tendances des captures ne couvre que 66 pour cent des captures mondiales, il est rassurant du point de vue de la validité des analyses (mais préoccupant du point de vue des résultats) de voir que les deux approches concluent que la grande majorité des stocks (68 pourcent et 74 pourcent respectivement) sont exploités à un niveau égal ou supérieur à celui correspondant à leur Production maximale équilibrée.

La même analyse des séries chronologiques a été répétée, en choisissant les 50 ressources les plus productives dans les ensembles suivants: 1) Prédateurs apicaux avec un niveau trophique égal ou supérieur à 4 , principalement thons et espèces apparentées en limitant à 6 le nombre de grappes (Les valeurs du niveau trophique ont été extraites de FISHBASE http://www.fishbase. org/home.htm); 2) Autres prédateurs, avec un niveau trophique compris entre 3,5 et 4, principalement espèces prisées de poissons de fond, en limitant là aussi le nombre de grappes à 6; et 3) Espèces épipélagiques et profondes, telles que définies par Garibaldi et Limongelli (2003), en limitant le nombre de grappes à 5.

Les résultats sont présentés dans les Figures A2.5, A2.6 et A2.7, avec respectivement 68 pour cent, 80pourcent et 58 pourcent des ressources «matures», «en déclin» et «en reprise». Les prédateurs apicaux (Figure A2.5) subissent une très forte pression de pêche, mais semblent moins affectés que les prédateurs de niveau inférieur (Figure A2.6). Cela tient probablement au développement des techniques de pêche - la pêche à la senne coulissante du thon à grande échelle s'étant notamment développée plus tard que le chalutage des poissons de fond.

Comme on pouvait s'y attendre, la pêche des espèces épipélagiques et profondes semble être à des stades d'évolution plus précoces que les autres groupes, car durant les deux dernières décennies, ces espèces océaniques et profondes ont été les ressources halieutiques marines exploitées de la «dernière frontière».

TENDANCES RÉGIONALES

L'évolution des stocks exploités au-delà des niveaux de la PME (O+D+R) peut être décomposée suivant les grandes régions des océans Atlantique et Pacifique. Une distinction a été faite entre les zones du nord (principalement exploitées par des pays développés) et les zones du centre et du sud des océans (principalement exploitées par des pays tropicaux et en développement)

Dans l'Atlantique et le Pacifique Nord, un pourcentage croissant de stocks a été exploité à des niveaux supérieurs à leur PME jusqu'à la fin des années 80 ou au début des années 90 (Figure A2.8). La situation semble s'améliorer et se stabiliser après les années 90. La diminution apparente en 2003 dans le Pacifique Nord devra être confirmée dans les années à venir. Dans les régions tropicales de l'Atlantique et du Pacifique (zones du centre et du sud), le pourcentage de stocks exploités à des niveaux supérieurs à la PME est en augmentation depuis la fin des années 70 (Figure A2.9). La progression pourrait prendre la forme d'une asymptote dans l'Atlantique mais cela ne semble pas encore être le cas dans le Pacifique. La proportion de stocks touchés paraît plus élevée dans l'Atlantique. Pour les zones situées à l'extrême sud de ces océans (Antarctique), la situation paraît en revanche plus grave.

Figure A2.8 - Pourcentage de stocks exploités au delà du PME l'Atlantique et le Pacifique Nord,
1974–2004

Figure A2.8

Figure A2.9 - Pourcentage de stocks exploités au delà du PME dans l'Atlantique et le Pacifique (tropical) Centre et Sud et dans l'Océan Austral, 1974–2004

Figure A2.9

RÉFÉRENCES

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