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5. METHODE D’INVENTAIRE DES RESSOURCES EN TERRE


5.1 Description générale de la zone du projet
5.2 Topographie
5.3 Pédologie
5.4 Climat et météorologie
5.5 Hydrologie
5.6 Données concernant le drainage
5.7 Utilisation actuelle des terres, flore et faune
5.8 Environnement et santé
5.9 Données socio-économiques

Pour évaluer l’aptitude d’une terre à différents modes d’utilisation, il faut commencer par effectuer une prospection qui permettra de définir et de représenter cartographiquement les unités de terre (étape 6 du protocole) et par rassembler des données descriptives sur les caractéristiques des terres et les ressources. Nous allons décrire, dans le présent chapitre, les modalités d’inventaire des ressources en terre et donner des listes types des données thématiques dont on peut avoir besoin pour une évaluation. Le lecteur ne trouvera pas ici une description détaillée des méthodes de prospection car celles-ci ont déjà été traitées dans les publications citées dans les différentes sections.

La collecte de données est une entreprise longue et onéreuse. Il est donc utile que, avant de se lancer dans les activités de terrain, les spécialistes représentant, au sein de l’équipe d’un projet, différentes disciplines se concertent pour se répartir les tâches et organiser la coopération que nécessitent la collecte et l’interprétation de données variées.

Pour rationaliser la collecte des données, il suffit de se poser quelques questions simples: Quelles sont les données dont on a besoin? Pourquoi? Où et comment les obtenir? La dépense est-elle justifiée?

Les données et informations peuvent être réparties en deux grandes catégories:

i. Les données disponibles dans des fichiers existant déjà.

ii. Les données qu’il faudra rassembler durant l’évaluation, au moyen de prospections et d’études (analyses en laboratoire d’échantillons d’eau et de sol).

Le recours aux données disponibles est précieux car il évite une perte de temps inutile en enquêtes et études sur le terrain. On pourra notamment s’adresser à des organismes tels que:
- les ministères et administrations responsables des secteurs suivants: agriculture, terres, irrigation, météorologie, ressources en eau, études géologiques et hydrogéologiques, cadastre, réforme agraire, sylviculture, élevage, conservation, faune, services et jardins botaniques; sociétés commerciales publiques et para-publiques, offices de commercialisation, etc.

- les banques internationales;

- les organismes d’assistance technique (multilatéraux et bilatéraux comme la FAO, l’ILRI, la LRDC, l’ORSTOM, l’USBR, etc.);

- des ingénieurs-conseils;

- les universités, notamment les départements d’agriculture, d’ingénierie, de géographie, de botanique, d’éducation, de développement rural;

- les stations de recherche nationales et internationales.

Il est également possible de se procurer des publications en s’adressant aux services de recherche documentaire des principales bibliothèques nationales et internationales.

Les principales catégories de données nécessaires sont décrites dans les sections consacrées ci-après à la description générale de la zone du projet, la topographie, les sols, les ressources en eau, le drainage, la flore et la faune, les données socio-économiques.

5.1 Description générale de la zone du projet

Durant les premiers stades de l’évaluation, il faudra rassembler un certain nombre de données et d’hypothèses générales concernant le projet et généralement:

- situation et accessibilité;
- disponibilités hydriques potentielles à l’intérieur et l’extérieur de la zone du projet;
- principales caractéristiques climatiques;
- relief et caractéristiques principales des sols;
- population, taux de croissance démographique;
- niveau de vie, valeurs sociales;
- base actuelle de l’économie;
- infrastructure économique (routes, services, marchés, par exemple);
- subventions publiques;
- taille des exploitations agricoles et autres biens fonciers;
- régimes fonciers;
- droits d’eau traditionnels
- régime et orientations politiques.
L’analyse de ces données préliminaires permettra de voir s’il faut procéder à des inventaires plus détaillés et d’identifier les priorités.

Il faudra, parmi les premières mesures à prendre, que les représentants des diverses disciplines se mettent d’accord sur l’utilisation des images de satellites, des photographies aériennes, des fonds de cartes et les échelles cartographiques (voir Tableau 2). On entreprendra rarement des prospections de base sans recourir à la photographie aérienne et à la télédétection. On peut supposer que les études topographiques et pédologiques comprendront l’interprétation de photographies aériennes et une vérification au sol, soit sur quadrillage, soit par des prospections libres au sol. Le lecteur pourra consulter à ce sujet le Bulletin pédologique N° 42 de la FAO (1979b).

L’examen stéréoscopique de prises de vues couplées permet généralement d’identifier les caractéristiques suivantes:

i. les formes de relief (plaines d’inondation, terrasses, hauteurs résiduelles, dunes, etc.);

ii. la configuration des réseaux de drainage superficiel;

iii. les formes d’érosion et les zones érodées;

iv. l’organisation et les limites physiques de l’utilisation des terres, et parfois les limites des cultures et autres signes de l’activité humaine comme les routes, les voies ferrées, les habitations, les carrières, etc.;

v. les grands types physionomiques de végétation naturelle;

vi. les zones humides, lacs, lagunes et marécages (il n’est pas toujours facile d’identifier ces deux derniers);

vii. les traces apparentes de la présence de sels dans le sol;

viii. les affleurements rocheux;

ix. les tons (changements de couleur sur les photographies aériennes) et dessins pouvant signaler des différences de sols et l’emplacement probable des limites de sols.

A partir de ces indices, qu’il faudra bien sûr vérifier sur le terrain, on peut se faire une idée générale de la géomorphologie, de la géophysique, de l’hydrologie superficielle et, dans une certaine mesure, de la géologie de la zone à l’étude, renseignements particulièrement précieux pour mettre au point une légende valable et pratique pour la cartographie des terres.

Pour des études de haute ou très haute intensité, il est très utile d’avoir deux jeux complets de photographies aériennes de deux échelles différentes. Le premier jeu, à l’échelle 1/40 000, environ, sert à l’interprétation stéréominute et fournit une idée générale de la zone considérée (une mosaïque photographique à cette échelle, voire à une échelle plus réduite, peut également être très utile pour cette représentation générale). Un second jeu, à la même échelle que l’échelle probable de la représentation cartographique définitive ou à une échelle légèrement supérieure (1/5 000 par exemple) permet de faire une interprétation stéréo un peu plus détaillée, mais sert surtout de carte sur laquelle on pourra localiser avec précision les limites des sols et autres observations qui seront faites sur le terrain. Dans ce dernier cas, on peut aussi utiliser des photos isolées mais, même sur le terrain, on obtiendra des résultats plus sûrs en se servant de photos coupées et d’un stéréoscope de poche.

L’interprétation de photos aériennes à un niveau de détail très poussé doit être confirmée par une vérification sur le terrain à des niveaux successifs de détail. Cela est particulièrement nécessaire quand la zone est recouverte de forêts et que les cartes doivent être utilisées pour la conception de projets d’irrigation. Les premières études doivent fournir des indications quant à la répartition probable des principales unités de sol, au choix des zones qu’il vaudra mieux étudier selon un schéma libre ou à la meilleure orientation et position des sections transversales, ainsi qu’aux zones pour lesquelles il sera sans doute utile d’effectuer des interprétations stéréo plus détaillées sur des photographies à plus grande échelle. Le reste des études sera surtout consacré à des relevés au sol encore que, l’étude sur le terrain de photographies aériennes à grande échelle puisse faciliter considérablement le positionnement des points d’échantillonnage et la vérification de l’emplacement probable des limites.

5.2 Topographie

La topographie est souvent un élément essentiel de l’évaluation des projets d’irrigation car elle a une influence déterminante sur le choix de la méthode d’irrigation, sur le drainage, l’érosion, le rendement de l’irrigation, les coûts de mise en valeur des terres, la taille et la forme des champs, les besoins de main-d’oeuvre, la gamme des cultures possibles, etc. Des fonds de cartes stables sont nécessaires: on peut normalement les tirer d’études antérieures. La fidélité de restitution et l’échelle des fonds de cartes sont particulièrement importantes et il faudra les vérifier, surtout si la zone considérée est recouverte de forêts ou d’une végétation naturelle dense. La conception des réseaux d’irrigation de surface exige l’évaluation des pentes. Pour cela, il faut établir des courbes de niveau espacées normalement d’un mètre au maximum, avec une échelle cartographique appropriée. Pour beaucoup d’ouvrages d’irrigation, il faut des données topographiques très détaillées, notamment le long du tracé probable des canaux et des drains.

Les caractéristiques topographiques qui influent particulièrement sur l’aptitude à l’irrigation sont au nombre de quatre: pente, micro-relief, macro-relief et emplacement.

i. Pente - elle peut avoir une incidence sur les paramètres ci-après: méthodes d’irrigation envisagées, risques d’érosion, plans de culture, problèmes de mécanisation, exposition au vent, etc. Les contraintes liées à la pente varient considérablement d’un pays à l’autre. Le Bulletin pédologique de la FAO N° 42 (pages 39 à 43) donne quelques directives concernant les limites critiques applicables à l’irrigation par gravité et autres méthodes d’irrigation. Celles-ci ne valent que pour des zones irriguées dont les conditions sont semblables à celles des Etats-Unis. En Asie et dans les régions humides, le riz aquatique est généralement cultivé sur des terres dont la pente est plus prononcée, où il est bon d’avoir des champs en terrasses de plus petite taille. Le lecteur trouvera les spécifications de ces terrasses dans le Cahier FAO Conservation N° 1 (Sheng, p. 179, 1977). Sur des pentes pouvant atteindre 3 pour cent, les terrasses suivant les courbes de niveau conviennent généralement à l’irrigation, mais pour des terres ayant cette pente ou une pente plus forte, il faudra évaluer la stabilité des terrasses et la superficie occupée par les bourrelets des banquettes est donc perdue.

ii. Micro-relief - Ce terme désigne de faibles ondulations et irrégularités de la surface des terres, la différence entre la crête et le creux allant de 4 ou 5 cm dans des plaines constituées de sédiments lacustres à 4 ou 5 m dans les zones sablonneuses d’origine éolienne. L’évaluation des besoins de nivellement et de planage des terres dépend de la technique d’irrigation employée: irrigation de surface, goutte-à-goutte ou irrigation sur frondaison. Cette question sera traitée dans la Section C.22 de la deuxième partie. Les renseignements nécessaires pour évaluer les coûts de nivellement des terres sont les suivants: déblais et remblais, volume total de terre déplacée, profondeur de déblai, distance de transport, conditions du sol, précision du nivellement définitif et type d’équipement disponible. Ces facteurs doivent être considérés à la lumière de la solution retenue pour la réalisation des travaux: entreprise locale utilisant un matériel simple, ou sous-traitants disposant d’engins perfectionnés ayant répondu à un appel d’offre international.

L’épaisseur de la couche superficielle et la qualité du sous-sol peuvent limiter le degré de nivellement souhaitable ou en accroître considérablement le coût s’il est nécessaire de mettre d’abord de côté puis d’épandre le sol superficiel. Certaines couches profondes sont improductives au départ mais s’améliorent progressivement grâce à l’irrigation, aux apports d’engrais ou de fumier organique. En revanche, les sables grossiers, les graviers, les couches riches en calcaire ou en gypse (Mousli 1979, Yahia 1982) ou en aluminium échangeable peuvent ne jamais réagir à l’irrigation après un déblai important.

iii. Macro-relief - Certaines formes de relief caractérisées par des variations fréquentes du gradient et de la direction des pentes peuvent influer sur le choix de la méthode d’irrigation, la taille et la forme des champs et les coûts de mise en valeur des terres. Il faut alors évaluer la taille et la forme des champs, surtout si l’on envisage le recours à la mécanisation et à l’irrigation de surface et par gravité.

iv. Emplacement par rapport à la zone dominée et l’accessibilité - Dans les périmètres irrigués par gravité, la hauteur et la distance de la source d’alimentation en eau déterminent souvent la superficie “irrigable”. La superficie dominée peut être augmentée au moyen du pompage ou par la construction de tunnels, de siphons inversés et autres ouvrages nécessaires pour franchir des obstacles naturels ou artificiels, ou encore par la construction de retenues. Les données topographiques entrent souvent dans l’évaluation de diverses solutions envisageables concernant l’infrastructure et des coûts connexes de mise en valeur des terres.

Les données topographiques sont également nécessaires quand il existe des risques de crues et qu’il faut concevoir des mesures de protection (voir Section A.13, deuxième partie), ainsi que pour la conception du drainage superficiel et souterrain (voir Section 5.6).

5.3 Pédologie

Le Bulletin pédologique de la FAO N° 42 traite en détail de la collecte des données des prospections pédologiques. Le Tableau 14 énumère les caractéristiques des sols qui entrent souvent en ligne de compte dans une évaluation. Certaines d’entre elles méritent une attention particulière car elles déterminent la “classification”; d’autres sont relativement négligeables. L’évaluation des terres du point de vue de l’agriculture irriguée s’appuie sur la prévision des conditions pédologiques futures; il convient donc d’analyser non les caractéristiques permanentes des sols, mais aussi les caractéristiques qui peuvent changer.

La conservation de l’eau dans les rizières inondées mérite une attention particulière (voir Section A.6.6, deuxième partie). La percolation et les besoins nets en eau d’irrigation varient du simple au triple selon l’efficacité avec laquelle le sol est mis en boue. Il s’agit donc d’un élément de classification important dans beaucoup de régions de riziculture (voir Section A.6, deuxième partie).

Dans les zones plus arides, il est important de prévoir les variations de salinité (Section A.8 et A.9, deuxième partie), de sodicité (Section A.10) et les fluctuations du niveau phréatique dans le cas d’une pratique continue de l’irrigation, sans oublier divers autres paramètres tels que la qualité de l’eau, le drainage, les précipitations, la méthode d’irrigation, la culture, les intrants agricoles, etc.

Le lecteur pourra se référer aux ouvrages traitant des diverses techniques de terrain et de laboratoire et méthodes d’analyse utilisées pour déterminer les caractéristiques énumérées au Tableau 141. Il faut pouvoir disposer, dès le début de l’évaluation, d’un laboratoire pour l’analyse physico-chimique des sols et de l’eau. Dès les premiers stades de l’évaluation, on peut, d’après des dosages préliminaires, exclure les analyses superflues et décider de l’intensité des échantillonnages (Peters 1979). Il faudra, parfois entreprendre des études détaillées de la variabilité spatiale de la salinité et d’autres caractéristiques importantes.

1Notamment: Arens et Sivarajasingham 1979; FAO/IBRD 1970; FAO 1979a; Hesse 1971; Loveday 1974; Maas et Hoffman 1977; Peters 1979; Ponnamperuma 1976 et USDA (Département de l’agriculture des Etats-Unis) 1954.

5.4 Climat et météorologie

Le Tableau 15 présente une liste des données climatiques généralement utilisées dans une évaluation des terres destinées à l’agriculture irriguée. Il indique également comment les utiliser. Les moyennes météorologiques mensuelles relevées par des stations météorologiques représentatives sont généralement publiées mais il est habituellement nécessaire d’avoir les données journalières (par exemple, les précipitations) enregistrées sur place sur une durée aussi longue que possible. Si l’on veut, par exemple, évaluer les avantages de l’irrigation, il faudra éventuellement analyser les relevés pluviométriques d’une zone de régime pluvial pour estimer la variabilité actuelle de la production agricole, ainsi que l’influence des années sèches et des sécheresses saisonnières (voir Section A1, deuxième partie). On a souvent besoin de connaître les dates de début et de fin des pluies pour les différentes années et la fréquence de périodes de sécheresse pendant la période végétative. Les données pluviométriques et météorologiques sont utilisées par les hydrologues, les agronomes et les spécialistes de l’irrigation et du drainage. Aborder le problème en commun évite les efforts inutiles.

5.5 Hydrologie

L’étude des ressources hydriques doit être considérée comme faisant partie intégrante de l’évaluation des ressources en terres. Il convient d’établir correctement le calendrier des activités des différents spécialistes (hydrologues, hydrogéologues, ingénieurs, agronomes et économistes). Il est inutile, en effet, d’étudier les ressources en eau dans des zones qui apparaîtront par la suite inaptes à l’irrigation. De même, on ne peut gaspiller son temps à étudier en détail des sols et des terres pour l’agriculture irriguée dans les zones pour s’apercevoir ensuite que l’approvisionnement en eau est insuffisant.

Tableau 14 INVENTAIRE DES DONNEES PEDOLOGIQUES

DONNEES

RAISON DE LEUR EVENTUELLE NECESSITE

A.

DONNEES PHYSIQUES


1.

Epaisseur utile de sol

Place occupée par les racines, rétention des éléments nutritifs et de l’eau; nivellement des terres; drainage; alignement et conception des canaux d’irrigation et de drainage.

2.

Présence d’horizons organiques ou histiques

Possibilités ou problèmes particuliers.

3.

Granulométrie (texture)

Détermination de l’homogénéité des unités de terre et de nombreuses caractéristiques.

4.

Structure et porosité du sol. Densité apparente. Volume et répartition des espaces lacunaires. Espaces lacunaires remplis d’air à la capacité au champ. Stabilité de la structure.

Aménagement de l’environnement radiculaire de l’eau, des nutriments et des sols. Drainage et perméabilité des sels sodiques. Lessivage des sels excédentaires. Ameublissement et travail du sol pour les semis et la préparation des terres. Possibilité de mise en boue pour la riziculture. Vulnérabilité à l’érosion.

5.

Taux d’infiltration

Absorption et ruissellement des précipitations et de l’eau d’irrigation. Choix de méthodes d’irrigation. Longueur des sillons ou taille des bassins. Choix de la buse d’aspersion. Vulnérabilité à l’érosion.

6.

Conductivité hydraulique ou perméabilité

Drainage du sol, élimination de l’eau ou des sels excédentaires.

7.

Capacité pour l’eau disponible (capacité au champ et point de flétrissement permanent)

Bilan hydrique du sol, eau résiduelle entre deux arrosages et après l’irrigation. Choix de la méthode d’irrigation et du calendrier des arrosages.

8.

Limites de plasticité et de liquidité

Minéralogie et comportement physique.

9.

Résistance du sol, extensibilité linéaire

Résistance mécanique pour les ouvrages d’art; gonflement et retrait, pénétration des racines.

B.

DONNEES CHIMIQUES


1.

Réaction du sol (pH)

Identification des sols très alcalins, sodiques, contenant des sulfates acides. Carences en éléments nutritifs et toxicités.

2.

Carbone et azote

Teneur en matière organique; aménagement de la teneur en matière organique.

3.

Gypse et carbonate de calcium

Couches indurées, couches gypseuses susceptibles de s’affaisser, besoins en gypse des sols sodiques.

4.

Conductivité électrique de la solution de sol saturé (ECe)

Risque de salinité.

5.

Sels solubles (Na, K, Ca, Mg, Cl, SO4, CO3, HCO3)

Interprétation du risque de salinité.

6.

Capacité d’échange des cations (CEC), bases échangeables totales (BET) et saturation en bases %

Rétention des éléments nutritifs et des engrais chimiques.

7.

Pourcentage de sodium échangeable (ESP) ou taux ajusté d’adsorption du sodium de la solution de sol saturé (SAR ajusté)

Problèmes de sodicité ou d’alcalinité.

8.

Cations échangeables (Na, K, Ca, Mg)

Saturation en bases, ESP, potassium.

9.

Phosphore assimilable

Voir Tableau 35, deuxième partie.

10.

Teneur totale en P, K, Mg, Na, Cu, Mn, Zn, B, Fe, Al, As, Ni, Cr

Teneur en macro et oligo-éléments. Eléments toxiques.

C.

DONNEES MINERALOGIQUES


1.

Fraction sableuse et limoneuse

Indication du matériau d’origine et du degré d’altération.

2.

Fraction argileuse, oxydes de fer et d’aluminium

Minéraux argileux 1/1: moins collant, gonflement et retrait moindres, superficie plus petite (CEC inférieure) que 1/2 minéraux argileux. Des sols contenant 1/1 de minéraux argileux où les oxydes de fer et d’aluminium sont prédominants sont trop bien drainés pour le riz aquatique et se révèlent souvent bons du point de vue physique mais moins fertiles du point de vue chimique que pour les cultures autres que le riz.

3.

Carbonates de calcium et de magnésium

Couches indurées restreignant la profondeur d’enracinement. De grandes quantités de carbonates diminuent la rétention des nutriments et la fertilité. Des sols contenant 60 % de CaCO3 peuvent être correctement irrigués, mais le choix des cultures est limité. Le dépôt, en conditions salines, de matériau à grains fins bouche les pores et réduit la perméabilité. La formation d’une croûte en surface gêne la levée des semis et ralentit l’infiltration. Carences en nutriments dues au calcaire. Les sols contenant du carbonate de magnésium dans le sol sont souvent très fertiles. Le Mg fortement échangeable conduit à un profil imperméable de type sodique.

4.

Gypse

Les couches indurées gypseuses restreignent l’enracinement et rendent difficiles la pose de draina et le creusement de canaux. La dissolution peut provoquer un affaissement du terrain après irrigation. La présence de cristaux de gypse dans le sol peut compenser la tendance à la sodicité. Une teneur en gypse trop forte entraîne des problèmes de nutriments en raison de rapports K/Ca et Mg/Ca défavorables d’où des dépenses supplémentaires en engrais et aménagement des sols.

Note: Les caractéristiques examinées dans le Tableau 14 doivent être évaluées dans leur contexte morphologique et géographique.

Tableau 15 INVENTAIRE DES DONNEES CLIMATIQUES

DONNEES

RAISON DE LEUR EVENTUELLE NECESSITE

1.

Classe climatique

Etudes de reconnaissance et sélection de différentes possibilités d’utilisation des terres (voir Tableau 30, deuxième partie).

2.

Rayonnement
- rayonnement extraterrestre
- rayonnement solaire (Rs)
- RPA
- rayonnement solaire d’ondes courtes net
- rayonnement solaire d’ondes longues net
- nombre d’heures d’ensoleillement réel (n)
- longueur du jour ou nombre maximum d’heures d’ensoleillement (N)

Voir Section A.2, deuxième partie.
Evaluation de l’évapotranspiration.
Définition de la période végétative.
Taux de croissance de la culture en fonction du rayonnement ou de la lumière.

Le rapport n/N sert à estimer le rayonnement solaire quand Rs n’est pas commun.
Photo-périodicité des cultures.

3.

Température (air et sol)
Moyennes mensuelles:
- maxima journaliers
- minima journaliers
- moyennes journalières
Minimums et maximums mensuels réels
Unités thermiques (jours degrés)
Température du matin et de l’après-midi, bulbe humide et bulbe sec

Voir Section A.3, deuxième partie.

Estimations de l’ETo de la culture de référence.
Conditions limitatives des cultures sensibles au froid et à la gelée; brûlures.
Définition des périodes végétatives
Estimations de l’humidité relative et de la tension de vapeur (voir ci-dessus).

4.

Humidité relative
Moyennes mensuelles de
- la tension de vapeur matinale
- la tension de valeur de l’après-midi

Estimations de l’évapotranspiration.
Maladies.
Mûrissement des cultures.
Séchage et stockage des récoltes.

5.

Evapotranspiration
ETo de la culture de référence
- mensuelle, décadaire, hebdomadaire, journalière, valeurs tirées des données climatiques
Evaporation en bac
Evapotranspiration réelle des cultures (à partir de mesures et de calculs eau-sol, par exemple)

Voir Section A.6, deuxième partie.
Composant des estimations du bilan hydrique pour le bassin versant et des terres irriguées; estimations des besoins en eau d’irrigation; estimations de la baisse de rendement des cultures en cas d’approvisionnement insuffisant.

6.

Précipitations. Pluviométrie
Relevés journaliers sur une période aussi longue que possible.
Moyenne annuelle et S.D.
Moyenne mensuelle et S.D, etc.
Intensité et capacité d’érosion des précipitations
Précipitation efficace neige, rosée

Composant des estimations du bilan hydrique du bassin versant et des terres irriguées; périodes végétatives; rendement des cultures.
Estimations de l’érosion; dégâts aux cultures; problèmes d’aménagement; mécanisation.
Estimations des besoins en eau d’irrigation.

7.

Vitesse et direction du vent
Moyenne hebdomadaire des vitesses journalières du vent.
Valeurs diurnes et nocturnes comparées

Estimations de l’ETo de la culture de référence.

Estimations de l’ETo de la culture de référence, ajustée selon la méthode décrite dans le Bulletin d’irrigation et de drainage N° 24 de la FAO.

8.

Incidence des orages
Fréquence et intensité

Dégâts aux cultures; érosion.


Les études hydrologiques (eaux de surface) et hydrogéologiques (eaux souterraines) doivent faire apparaître le volume d’eau sur lequel on pourra compter pour l’irrigation. C’est le côté “disponibilités”. Côté “besoins”, il faut, par des études et sur le terrain, calculer les besoins d’eau d’irrigation et la consommation d’eau des cultures. Un aspect important de l’évaluation consiste à confronter les disponibilités en procédant par ajustements réciproques. Cela suppose une coopération entre spécialistes des ressources hydriques, ingénieurs et agronomes (voir Section A.6, deuxième partie).

i. Etudes hydrologiques: elles peuvent être menées à différents niveaux: un pays, un bassin hydrographique, un projet, une exploitation ou un champ (Horning, 1979). Il est possible de mettre progressivement en valeur les ressources en eaux de surface: d’abord grâce à des ouvrages de dérivation permettant de régulariser le débit des cours d’eau; puis par l’emmagasinage de l’eau; enfin, par une maîtrise totale, notamment des crues. Les données existantes et les données recueillies pendant les études au moyen de dispositifs de mesures (échelles graduées, déversoirs calibrés, débit-mètres, stations de mesure nominale du débit, par exemple) permettent d’évaluer le ruissellement et le rendement des bassins hydrographiques, les volumes d’eau pouvant être détournés, les quantités d’eau à emmagasiner, les écoulements souterrains, les pointes et volumes de crues, etc. Le lecteur pourra consulter à ce sujet les ouvrages classiques tels que, pour les modèles hydrologiques, leurs applications pratiques et leurs limitations, ceux de Chow (1964) ou de Clarke (1973).

ii. Etudes hydrogéologiques: l’étude des ressources en eaux souterraines porte en général sur la totalité du bassin hydrogéologique ou de la nappe aquifère. Elle comprend l’observation du niveau et de la qualité de l’eau dans des puits ouverts et des puits tubulaires existants, mais surtout dans des puits spécialement forés à des fins d’observation. On a généralement besoin de modèles mathématiques pour évaluer la nappe aquifère (un modèle numérique simulant les écoulements souterrains bi-dimensionnels en régime variable, par exemple). Le modèle peut être étalonné en utilisant toutes les données disponibles décrivant la nappe aquifère dans le temps et l’espace. Les données d’entrée peuvent être représentées sous la forme d’un diagramme et d’un programme de travail débouchant sur une évaluation hydrogéologique complète, c’est-à-dire couvrant tous les aspects du bilan hydrologique en rapport avec les caractéristiques et la géométrie de l’aquifère ainsi que l’échelle de temps. Les données de sortie comprennent le niveau initial de l’eau, les transmissivités (perméabilités), le coefficient spécifique ou coefficient d’emmagasinage, le pourcentage d’alimentation par les précipitations, les infiltrations depuis le lit des rivières et le débit de sécurité pour l’irrigation. Un modèle de diagramme est représenté dans la Figure 1 (Jacovides 1982). Des études et prospections supplémentaires sont nécessaires pour déterminer l’emplacement précis des puits de production et leur rendement pour l’irrigation, le type de puits à adopter (peu profond et creusé manuellement, tubulaire peu profond, tubulaire creusé manuellement, tubulaire profond, source ou ganat), la profondeur du puits, la lithologie du sondage, la diagraphie hydrogéologique. On soumet les puits d’exploration à des essais de pompage pour obtenir des données sur l’écoulement, le rabattement, la transmissibilité, la capacité spécifique (l/s/m) et le rabattement spécifique (m/l/s). La productivité potentielle s’exprime en litres par seconde (l/s) et peut varier dans le temps, en fonction de la saison ou de l’année.

Les ouvrages classiques à consulter à ce sujet sont ceux de Bouwer (1978); de Todd (1959), ainsi que les divers suppléments aux études des eaux souterraines de l’Unesco.

iii. Besoins en eau d’irrigation: En général l’évaluation des besoins d’eau des cultures ne peut se faire sans données météorologiques et études sur le terrain. Il en est de même pour les précipitations efficaces, l’écoulement latéral, la contribution des eaux souterraines, l’emmagasinage de l’eau dans le sol, le ruissellement, l’infiltration et la percolation, les pertes en cours de transport, les besoins de lessivage du sol (voir Section A.6, deuxième partie et le Bulletin d’irrigation et de drainage N° 24 de la FAO, 1977 b). Le volume d’eau employé par les exploitants est souvent fonction de la quantité d’eau disponible et de sa maîtrise. C’est pourquoi la gestion de l’eau peut se révéler aussi importante que les facteurs physiques pour ajuster les disponibilités aux besoins. Les rendements de l’irrigation dans les différentes parties du monde ont été étudiés par Bos et Nugteren (1974).

Pour la riziculture, les principales données à réunir sont les suivantes: le nombre de jours nécessaires aux différentes opérations de préparation des terres (détrempage, ensemencement, labour, hersage, mise en boue, repiquage), le volume d’eau utilisé pour la préparation des terres et le repiquage, les composants du bilan hydrique après repiquage (précipitation efficace, évapotranspiration, infiltration et percolation) (voir section A.6, deuxième partie).

Pour les cultures autres que le riz, il faut de même quantifier les gains et pertes d’eau, ainsi que les besoins d’humidification avant plantation et la marge d’utilisation de l’eau résiduelle du sol au fur et à mesure que les cultures annuelles viennent à maturité.

iv. Qualité des eaux: la qualité des eaux à usage agricole peut être évaluée en analysant sur le terrain et en laboratoire les propriétés répertoriées dans les Tableaux 37 et 38 de la deuxième partie. Les protocoles d’analyse sont décrits dans le Manuel N° 60 du Ministère de l’agriculture des Etats-Unis (USDA Handbook 60, 1954), dans le Bulletin pédologique N° 10 de la FAO (1970) et dans les méthodes normalisées de l’American Water Works Association (1971). La mesure de la conductivité électrique et divers autres essais souples, d’échantillons de l’eau d’irrigation peuvent être effectués sur le terrain au moyen de ponts de conductivité portatifs, d’indicateurs du pH et de trousses d’essai. Le fait de disposer des instruments nécessaires pour tester les eaux souterraines dans les puits, évite de devoir transporter des échantillons d’eau. Il est parfois nécessaire, quand le stockage d’échantillons risque de provoquer des modifications chimiques ou de fausser les résultats, d’analyser sur place les carbonates, bicarbonates et nitrates.

Dans les régions arides et semi-arides, il faut pouvoir prédire le bilan salin et hydrique d’une zone de projet pour évaluer les besoins de lessivage et de drainage qu’il faudra satisfaire pour préserver la productivité des terres. Pour les projets de remise en état, les échantillons d’eau peuvent être prélevés en différents points du réseau pour être analysés. La Figure 18 montre la circulation de l’eau et des sels dans une zone irriguée (voir aussi la Section D.27, deuxième partie). Si l’on veut utiliser pour l’irrigation des eaux usées recyclées, il faut effectuer des analyses spéciales et notamment vérifier la demande biochimique d’oxygène (DBO), la demande chimique d’oxygène (DCO), la présence de bore, de métaux lourds et autres substances potentiellement toxiques. Une analyse bactériologique peut également être nécessaire. Des analyses de routine sont normalement prévues dans les procédures de fonctionnement des usines de traitement des eaux. Les eaux usées ou les boues activées peuvent être soumises à un traitement primaire, secondaire et tertiaire. Pour savoir si une eau qui a subi un traitement secondaire ou tertiaire est propre à l’irrigation et évaluer les risques potentiels d’utilisation, il faut en analyser la composition chimique, les solides en suspension et les substances organiques dissoutes.

L’eau employée pour l’irrigation au goutte-à-goutte ou selon d’autres techniques comportant des risques d’obturation peut être évaluée d’après des mesures des solides en suspension et des propriétés chimiques ou biologiques de l’eau (voir Tableau 38, deuxième partie).

Le Bulletin d’irrigation et de drainage N° 29 de la FAO (1976 c; révision 1 sous presse) et diverses autres publications contiennent des directives pour les analyses d’eau.

Figure 1: Diagramme simplifié d’un programme de modèle hydrogéologique montrant les entrées et sorties.

5.6 Données concernant le drainage

Il peut être nécessaire d’évaluer les conditions et besoins de drainage superficiel et souterrain (par tuyau). Dans les régions arides et semi-arides, où la salinité et la sodicité peuvent poser des problèmes, il est essentiel d’effectuer des études in situ. Il faut d’abord que les pédologues et les spécialistes du drainage se mettent d’accord sur le type et l’échelle des cartes et photographies qui seront utilisées et sur la nature des informations que chacun y portera. Des essais de conductivité hydraulique et autres essais doivent être effectués in situ. Le nombre d’essais à faire pour une étude du drainage dépend de la variabilité des sols compris dans la zone du projet (Bulletin d’irrigation et de drainage de la FAO N° 38, 1980 a). On commence par estimer cette variabilité en conduisant des prospections sur un certain nombre de zones échantillons couvrant 5 à 10 pour cent de la zone de projet et prises parmi les grandes unités pédologiques représentatives. L’expérience locale et le bon sens seront souvent indispensables pour établir une conductivité hydraulique moyenne d’après laquelle on calculera l’écartement, la taille et la profondeur des drains. Cela vaut particulièrement pour le drainage de sols lourds, peu perméables, destinés à des cultures autres que le riz.

Les études de drainage conduites dans des régions arides et semi-arides comprendront la diagraphie et l’échantillonnage de sondages de 3 à 5 m pour identifier les couches ayant une faible conductivité hydraulique par rapport au sol situé au-dessus ou une forte résistance à l’écoulement vertical (si C = 250, la couche fait véritablement obstacle; si C = 50 il n’y a pas de barrière; C étant la résistance hydraulique et correspondant à l’épaisseur de la couche divisée par sa conductivité hydraulique verticale).

Une bonne partie des données utiles à l’étude du drainage peut être tirée des prospections pédologiques (profils pédologiques fiables jusqu’à 3-5 m de profondeur; profondeur du plan phréatique ou indications visibles de saturation; qualité de l’eau; salinité, sodicité et acidité du sol). A partir des informations livrées par les prospections pédologiques, il sera possible d’interpoler les mesures de conductivité hydraulique pour les sols intermédiaires. Il est donc préférable, quand cela est possible, que les études du sol et du drainage se déroulent simultanément. Le pédologue signalera à l’expert en drainage les zones susceptibles d’être mal drainées. Il peut s’agir de zones visiblement humides, salines ou sodiques; de dépressions du relief; de zones comportant des couches de texture fine à moins de 5 m de profondeur; de couches peu perméables situées à moins de 5 m de profondeur; de structures massives rarement associées à la texture identifiée; de barrières artificielles susceptibles d’entraver le drainage superficiel ou la circulation des eaux souterraines; de matériaux potentiellement instables, surtout de couches gypsifiées (cette caractéristique peut provoquer l’affaissement du sol et rendre difficile l’installation de l’irrigation et du drainage en présence d’un plan phréatique élevé). C’est généralement au spécialiste du drainage qu’il appartient de décider des études à effectuer pour pouvoir calculer le coût des réseaux de drainage superficiels et souterrains et autres mesures de lutte contre les inondations. Les devis peuvent être ventilés par zone et utilisés pour évaluer la classe d’aptitude des terres et délimiter les terres irrigables.

Si une terre ne peut être physiquement drainée en raison d’une faible conductivité hydraulique ou de la présence de couches situées trop près de la surface du sol, elle doit être écartée dès le stade “conditionnellement irrigable”. Au stade de l’évaluation des terres “irrigables”, le drainage peut être envisagé pour maîtriser le plan phréatique, mais la terre peut malgré tout être exclue pour des raisons économiques. Par la suite, si les zones de drainage sont restreintes par rapport à la superficie totale et s’il n’est pas possible d’équiper la zone irrigable d’un réseau de drainage correctement conçu sans traverser ces terres, le responsable de la classification a la faculté de retenir ces terres considérées alors comme aptes dans les classifications “conditionnellement irrigable” et “irrigable”. Ces considérations jouent beaucoup dans les décisions concernant l’ampleur des études de drainage.

Pour toutes les terres classées comme “conditionnellement irrigables”, le spécialiste du drainage doit établir les besoins et les coûts du drainage superficiel et souterrain ainsi que des mesures de maîtrise des crues. Pour les terres initialement classées N1 ou N2 en vertu de considérations autres que le drainage, ces informations ne sont normalement pas nécessaires.

Le lecteur trouvera, sur cette question, un complément d’information dans le Bulletin d’irrigation et de drainage N° 38 de la FAO (1980a) et dans le Manuel de drainage de l’USBR (1978). La deuxième partie du présent bulletin (Sections C.20 et C.21) contient de plus amples détails sur l’évaluation des terres du point de vue du drainage et de la conception des réseaux de drainage.

5.7 Utilisation actuelle des terres, flore et faune

Nombre d’évaluations des terres sont faites dans des zones qui sont en partie recouvertes par une végétation naturelle et en partie cultivées. L’extension géographique de la végétation et des superficies agricoles doit être, le cas échéant, étudiée dès le début du travail cartographique. Des études de l’utilisation des terres devront généralement être faites pour savoir quelle production sera abandonnée après la mise en oeuvre d’un projet d’irrigation.

Il peut être important de connaître la végétation existante et l’utilisation qui est faite des terres pour un certain nombre de raisons qui concernent:

i. les coûts de défrichement des différents types de végétation (voir Section C.19, deuxième partie);

ii. la valeur potentielle de la végétation (forêts ou pâturage, par exemple);

iii. la présence de mauvaises herbes;

iv. la nécessité de protéger la végétation pour des raisons écologiques ou esthétiques;

v. la valeur de la production agricole existante;

vi. une préférence pour poursuivre la production actuelle sur des terres déterminées.

Il n’est pas rare que des études mal conçues entraînent la suppression injustifiée de la végétation. Il faut conserver des zones de végétation naturelle là où c’est possible.

Il est essentiel d’avoir des contacts étroits avec les départements et ministères responsables de la protection de l’environnement pour veiller à ce que les limites des parcs nationaux et des réserves naturelles soient respectées. Il peut être utile de conserver la végétation naturelle pour l’utiliser comme coupe-vent. Les dommages que causent les animaux sauvages aux cultures imposent parfois des remèdes coûteux, comme la pose de clôtures. Dans les pays africains, il est relativement facile d’écarter les hippopotames, les phacochères et les cochons sauvages, mais pour le gros gibier il faut des clôtures très coûteuses. Les singes et les babouins sont quasiment impossibles à écarter, ce qui ne laisse pas d’autre solution que de les empoisonner ou de les abattre. Par ailleurs, la brousse peut donner refuge à la mouche tsé-tsé et l’introduction de cultures pérennes irriguées, comme celle du bananier, peut en favoriser la prolifération. L’irrigation peut aussi constituer un obstacle aux déplacements saisonniers des animaux. Le choix des cultures et des types d’utilisation des terres peut être fonction des renseignements obtenus sur les problèmes que peuvent éventuellement poser les animaux sauvages et notamment les rongeurs, les oiseaux, les crabes, etc. Les rongeurs et les crabes peuvent creuser des trous dans les berges des canaux et les diguettes des rizières, ce qui entraîne d’énormes pertes d’eau. Les coefficients de classement présentés dans la Section A.12 (deuxième partie) peuvent être utilisés pour évaluer les risques potentiels que la faune fait courir aux cultures, aux produits stockés et à l’infrastructure.

5.8 Environnement et santé

Si l’on étudie le développement de l’irrigation sans se soucier de l’environnement, on risque de provoquer une incidence accrue de certaines maladies chez les populations locales, notamment de maladies comme la malaria, la bilharziose, l’onchocercose et la fièvre jaune, qui sont transmises par des vecteurs. Les vecteurs peuvent être des mollusques aquatiques, des mouches, certains moustiques, qui hébergent le parasite pathogène et le transfèrent d’un sujet malade à un sujet sain. Ces vecteurs ont besoin d’eau pour croître et se multiplier. L’extension de l’irrigation favorisera donc la propagation de la maladie par le réseau d’irrigation, notamment dans les régions où l’eau sert également aux usages domestiques. Il faudra voir si des mesures doivent être prises pour assainir l’environnement, par exemple dans le cadre de la conception des bassins de retenue et des canaux, par une lutte préventive contre la végétation superflue ou la formation d’eaux stagnantes. Le lecteur pourra obtenir de plus amples informations en s’adressant au Groupe OMS/FAO/PNUE d’experts de l’aménagement de l’environnement pour la lutte contre les vecteurs ou en consultant le document FAO, 1984. Worthington (1977) a étudié la question générale des conséquences de l’irrigation sur l’environnement et la santé.

5.9 Données socio-économiques


5.9.1 Considérations socio-économiques
5.9.2 Liste type des données socio-économiques nécessaires

Les évaluations socio-économiques reposent sur des enquêtes dont le démarrage doit coïncider avec celui de l’évaluation des terres. Ces enquêtes permettent de définir et d’évaluer les caractéristiques socio-économiques qui influent sur le potentiel de mise en valeur de la zone étudiée. Elles servent également à évaluer les diverses propositions, à réunir les données financières et économiques entrant dans l’évaluation des types d’utilisation des terres et des éléments de classification; elles permettent, enfin, de rédiger les analyses et rapports demandés par l’instance qui parraine l’étude (la Banque mondiale, par exemple).

Le socio-économiste peut avoir besoin des données recueillies par l’agronome et inversement (données sur les pratiques culturales et la production agricole, sur l’utilisation des terres, sur les intrants agricoles, etc.). Les intéressés peuvent se mettre préalablement d’accord pour se partager certaines enquêtes. L’étude de l’utilisation faite des terres est généralement nécessaire pour savoir quelles sont les productions qui seront abandonnées lors de la mise en oeuvre du projet d’irrigation. Il faut analyser les tendances de la production, de l’utilisation des terres, des rendements, surtout si l’on envisage de remettre en état les réseaux d’irrigation et de drainage existants. Si la production a tendance à augmenter ou à diminuer, c’est cette tendance qu’il vaut mieux prendre en considération pour prévoir ce que serait la situation “sans le projet”, plutôt qu’une estimation statique de la situation du moment (voir Chapitre 7).

5.9.1 Considérations socio-économiques

Nous allons examiner ici un certain nombre de questions et de faits qui peuvent constituer des obstacles à une pleine utilisation des ressources naturelles et humaines. Ils échappent le plus souvent à la volonté des individus, qui les subissent et représentent bon nombre des entraves aux progrès de l’agriculteur et de la société.

i. La pauvreté engendre la pauvreté: le manque de capitaux, de connaissances, de la volonté d’adopter de nouvelles techniques est typique de l’agriculture de subsistance, où la satisfaction des besoins de la journée représente le maximum de la planification prévisionnelle.

ii. traditions, attitudes et perceptions: l’idée que l’individu se fait des possibilités de changement qui lui sont offertes pour mieux maîtriser sa destinée, se fonde exclusivement sur des observations extrêmement limitées, faute d’en connaître d’autres. L’avenir peut apparaître si flou que l’individu n’imagine pas s’il pourrait aspirer à un sort meilleur.

iii. mesures désincitatives: il arrive que les objectifs de production agricole soient limités par des contingentements et que les prix soient bloqués au-dessous des coûts de revient; dans de telles conditions, pourquoi produire plus qu’il n’en faut pour assurer la subsistance et alimenter le troc local.

iv. régime foncier: la propriété foncière et les régimes de tenure, joints aux droits d’eau, sont souvent à l’origine d’une répartition inégale des revenus et de la richesse. L’accès au crédit et aux intrants est parfois lié aux systèmes de tenure. Un régime foncier défavorable peut faire obstacle aux forces économiques naturelles qui déterminent normalement la juste taille des exploitations et le choix des cultures.

v. préférences alimentaires: elles ont pour effet de limiter la gamme des cultures destinées à la consommation locale, surtout si aucun débouché commercial n’a été trouvé. Elles peuvent entraîner une certaine spécialisation de l’élevage ou de l’agriculture.

vi. main-d’oeuvre: l’éventail des utilisations possibles des terres peut être conditionné par la quantité de main-d’oeuvre disponible et par les pointes saisonnières des besoins de main-d’oeuvre. Si la main-d’oeuvre disponible est insuffisante, c’est peut-être parce que, avec les technologies utilisées, les jeunes n’ont pas leur place. L’adoption de techniques nouvelles pourrait favoriser leur intégration.

vii. Systèmes de fixation des prix: le contrôle des prix ou leur fixation artificielle peut être soit incitatif soit l’inverse. Lorsqu’un prix est bloqué à un niveau tel que toute production est découragée et qu’un projet s’en trouve affecté, il faut voir s’il existe une possibilité de modifier cet état de choses.

Lorsque des conditions défavorables de ce type existent, il y a un risque qu’elles se perpétuent et continuent de conditionner fortement l’attitude des exploitants dans un régime de culture irriguée. Il est donc nécessaire de bien appréhender la raison d’être des systèmes agricoles existants avant de proposer des modifications.

Il faut, en outre, essayer d’apprécier a quel rythme et dans quelle mesure l’introduction de l’irrigation pourra amener des modifications positives. Il ne suffit pas que les changements prévus soient positifs du seul point de vue économique, encore faut-il qu’ils aient une probabilité de se concrétiser et qu’ils ne restent pas de simples vues de l’esprit. Il est utile, certes, de dresser des plans apparemment optimaux, mais la réalité est presque toujours en-deçà des prévisions. Ce sont les résultats probables qu’il faut projeter dans les chiffres de la productivité future. L’expérience acquise au niveau national ou régional avec des projets semblables, donnera sans doute les meilleurs enseignements à cet égard.

Il est souvent possible d’abattre les obstacles socio-économiques, à condition d’y mettre le prix. Les devis de projet peuvent inclure les dépenses de formation, de réinstallation, d’infrastructure, de commercialisation, etc. jugées nécessaires pour atteindre le niveau de productivité escompté.

On peut incorporer dans le plan du projet certaines activités destinées à accompagner l’introduction de l’agriculture irriguée au moins pendant la période de gestation ou en attendant que le projet fonctionne à plein rendement. Ainsi, des dispositions peuvent être prises pour:

- accroître les intrants et les rendre disponibles;
- développer la recherche, la vulgarisation et la diffusion des connaissances techniques;
- développer les moyens de transports, de stockage et autres équipements;
- faire face à une demande énergétique accrue;
- mettre en place des moyens de commercialisation;
- étudier les besoins de crédit et de financement et la protection contre les risques de l’agriculture commerciale.
Quant aux futurs groupes d’exploitants, ce qu’ils peuvent apporter de positif c’est une certaine aptitude à accepter de nouvelles méthodes de culture, à fournir un effort coopératif et associatif pour provoquer une mutation sociale, à réagir à des incitations financières, à prendre des initiatives, à diversifier des cultures, etc. Ce genre d’informations pourra être trouvé dans l’expérience de programmes passés ou en cours.

5.9.2 Liste type des données socio-économiques nécessaires

Le Tableau 16 (adapté à l’IIRR 1975e) fournit une liste complète des données qu’il peut être nécessaire de rassembler dans le cadre d’enquêtes socio-économiques. Le lecteur pourra consulter à ce sujet les ouvrages classiques publiés sur les méthodes d’enquêtes socio-économiques (Yang 1965) ainsi que le Chapitre 7 consacré aux aspects économiques de l’évaluation des terres aux fins de l’agriculture irriguée.

Tableau 16 LISTE TYPE DES DONNEES SOCIO-ECONOMIQUES NECESSAIRES

DONNEES

PROVENANCE

A.

AGRONOMIE

District ou village

1.

Cultures et variétés plantées dans la région
Liste des types actuels d’utilisation des terres et des cultivars utilisés (à haut rendement, locaux modernes, améliorés ou traditionnels); calendrier agricole (avant et après récolte).


2.

façons culturales
Méthodes de plantation, engrais, fumure organique, insecticides, herbicides, désherbage; travail manuel, traction animale ou mécanique; préparation des terres, mécanisation, changements de pratiques.


3.

Irrigation et drainage
Types de systèmes d’irrigation; périodes où l’eau est disponible, personnes ou autorités responsables de la répartition de l’eau; qualité du drainage; utilisation de l’eau.


4.

Intrants-extrants
Coût de l’ensemble des intrants; rendements et valeur de la production (subsistance, troc ou rapport); écoulement des récoltes.


5.

Régime foncier, taille des exploitations, valeur des terres, droits d’eau
Régime foncier, terres, baux et métayage, titres de propriété des terres, des eaux; morcellement, contexte social; vente de terres, prix de la terre.


6.

Prêts et emprunts
Sommes empruntées; emprunteur et prêteur; crédit à usage personnel ou agricole, en espèces ou en nature; durée du prêt, conditions de remboursement ou taux d’intérêt; niveau d’endettement; accès futur au crédit.


7.

Taille et revenu des ménages
Taille des exploitations familiales, pyramide des âges, emplois sur et hors l’exploitation; sources de revenus; modifications des revenus.


8.

Main-d’oeuvre et emplois agricoles, énergie disponible
Main-d’oeuvre familiale, main-d’oeuvre salariée, coûts de la main-d’oeuvre; influence de la main-d’oeuvre, de l’énergie et de l’eau sur la préparation des terres, façons saisonnières; évolution des besoins maximaux de main-d’oeuvre.


9.

Problèmes de production et de commercialisation
Obtention des semences, engrais, produits chimiques, crédit, eau (à usage domestique ou pour l’irrigation); ravageurs et maladies, mauvaises herbes, récolte, battage, séchage, stockage, vente, transformation, etc.; marchés.


B.

INFRASTRUCTURE

Pays, région district ou village

1.

Transports
Routes et voies fluviales; moyens de transport disponibles: autobus, camions, charrettes, bateaux et autres modes de transport; voies ferrées; qualité des routes, revêtues ou non, utilisables toute l’année, etc.


2.

Installations de stockage, de transformation et de commercialisation
Types d’installations dont disposent les villages de la zone du projet; séchoirs, capacité d’usinage, poids et mesures locaux, mouture, etc.


3.

Banques et autres institutions de crédit


4.

Autres moyens publics d’aide à la production
Stations de recherche, stations expérimentales; essais et démonstrations; services de vulgarisation.


5.

Ecoles, cliniques, services postaux, etc.


6.

Moyens de communication
Presse écrite, radio et autres média, volume d’information intéressant directement les agriculteurs; service d’information sur les marchés.


7.

Electricité


8.

Approvisionnement en eau à usage domestique


C.

ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE

Pays, région, district ou village

1.

Prix
Prix des productions principales; différence entre cultivars, variations saisonnières et annuelles; prix des engrais et autres intrants importants au magasin ou à la coopérative le plus proche; écarts de prix entre les marchés locaux et les grands marchés.


2.

Salaires
Barèmes; systèmes de rétribution, évolution dans le temps.


3.

Intérêts
Taux couramment pratiqués pour des prêts de source différente; évolution dans le temps.


4.

Loyers
Loyers saisonniers, annuels ou autres; versements en espèces ou en nature; fermages ou métayages; évolution dans le temps.


5.

Fiscalité
Nature et montant des taxes; versement au village, à une autre entité; évolution dans le temps.


6.

Prix des terres
Prix moyen des principaux types de terres; évolution dans le temps.


7.

Coûts de l’irrigation
Redevances gouvernementales pour l’irrigation; tarifs normaux; coût normal des éventuels réseaux privés d’irrigation.


8.

Semences ou matériaux de plantation
Disponibilités, origine, qualité et prix.


9.

Energie
Besoins énergétiques normaux des exploitations et investissement pour la préparation des terres; tarifs de location des tracteurs et des animaux.


10.

Revenus


D.

DEMOGRAPHIE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE

Pays, région, district ou village

1.

Population des villages
Population totale, modification des pourcentages au cours des 10 dernières années; principales sources de subsistance, agricoles et non agricoles.


2.

Autres données de recensement
Religion, groupe ethnique, castes, etc.


3.

Type d’habitat
Le long des routes, avec jardinet, regroupé, isolé, etc.


E.

ASPECTS INSTITUTIONNELS

Pays, région, district ou village

1.

Organisations d’agriculteurs
Coopératives, associations et autres groupements; autres types d’activités conjointes ou collectives; évolution dans le temps.


2.

Description succincte des méthodes d’introduction de nouvelles cultures, variétés et systèmes d’aménagement dans la région


3.

Services de vulgarisation, crédit, autres services
Nombres d’organismes proposant des services; quantité et qualité des services; principaux reproches des agriculteurs.


4.

Programmes gouvernementaux spéciaux
Réforme agraire, remembrement, programmes d’action rapide, etc.


5.

Parenté
Importance dans l’héritage, coûts des cérémonies, etc.; dimensions, litiges, etc.


6.

Rôle moteur dans les activités liées à l’agriculture


7.

Attitudes et valeurs influant sur le développement
Changements dans l’ampleur et de coût des cérémonies; éventuelle préférence accordée aux métiers semblables de l’agriculture, et autres évaluations.


F.

POLITIQUES NATIONALES

Pays, région

1.

Objectifs des politiques nationales concernant les cultures et l’irrigation


2.

Mesures
Politiques de prix - intrants et extrants; restrictions éventuelles à la commercialisation des intrants et extrants; programmes enveloppés, etc.; politiques de revenus et d’emploi - redistribution des revenus, accès aux ressources en terres, etc.


3.

Place de nouvelles cultures et de l’irrigation dans les objectifs nationaux




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