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CHAPITRE 8
CONCLUSIONS

Cette étude préliminaire soulève un grand nombre de questions clés qu'il conviendra d'affronter en mettant en oeuvre la foresterie urbaine dans les villes du tiers monde. En premier lieu, un examen de la littérature existante sur ce thème montre que l'information est à la fois limitée et clairsemée. De toute évidence il faudra améliorer la documentation des expériences, collecter et synthétiser l'information disponible et réaliser des études visant à mieux approfondir certaines des questions les plus cruciales. Les domaines qui exigent des enquêtes ultérieures comprennent: les approches et les méthodologies à appliquer pour la préparation de programmes de foresterie urbaine; l'importance relative des fonctions écologiques et productives de la foresterie urbaine; le niveau de participation locale aux initiatives forestières et les moyens de l'encourager; le perfectionnement des connaissances techniques; et la dissémination et l'échange de l'information. Ces questions, et le rôle éventuel des institutions d'aide au développement sont analysés brièvement ci-dessous.

Planification

Intégrer la foresterie à l'urbanisme et adopter une approche globale de la gestion des ressources forestières urbaines sont peut-être les étapes les plus importantes mais aussi les plus complexes. Réaliser une planification coordonnée, au sein du secteur forestier aussi bien qu'entre la foresterie et d'autres secteurs, est un défi important qu'il faudra relever. On devra assurer une collaboration adéquate entre les organes gouvernementaux et intégrer la planification de la foresterie urbaine à celle des secteurs de l'énergie, de l'adduction d'eau, de l'infrastructure urbaine, de l'élimination des déchets et des autres services municipaux, de l'alimentation et de l'agriculture, et du transport.

Les programmes de foresterie urbaine devraient promouvoir la participation de divers organes publics, privés, universitaires et communautaires ainsi que des particuliers intéressés et informés. Ce n'est qu'ainsi qu'on pourra garantir que les programmes seront réalistes et répondront de façon judicieuse aux besoins de la communauté dans son ensemble. Il faudra concevoir des moyens d'inciter une série de personnes à planifier et à faire prendre en compte leurs opinions de manière adéquate, et de réconcilier des intérêts contradictoires. La documentation de cas réussis où ces mesures ont été prises servira aux villes qui mettent au point de nouveaux programmes.

Les urbanistes devront non seulement tenir compte de ce qui se passe dans la ville même et son entourage immédiat mais être conscients des changements qui surviennent dans les zones rurales en raison de l'urbanisation, et de l'effet qu'ils produiront sur les programmes de foresterie urbaine. Il pourrait s'agir du déboisement causé par la demande de produits ligneux des marchés urbains ; de la hausse des prix des terres résultant de nouvelles utilisations; et de modifications de la disponibilité de main-d'oeuvre qui influencent l'utilisation des terres et des ressources. Les analyses de la dynamique entre les zones urbaines et rurales, au plan aussi bien socio-économique qu'environnemental, amélioreront la planification. Il faut une bonne compréhension du phénomène de l'exode rural : qui sont les personnes qui se déplacent, quels sont leurs liens avec le milieu rural, où s'installent-elles et à quelles ressources ont-elles accès? On pourra ainsi prévoir les biens et services liés à la forêt et aux arbres dont les nouveaux venus et les résidents de vieille date ont besoin, et leur incidence éventuelle sur la forêt et les arbres. Sans une bonne compréhension de l'évolution du phénomène de l'exode rural, il sera difficile d'évaluer le bien-fondé des stratégies forestières tant urbaines que rurales.

Il sera évidemment plus facile d'intégrer la foresterie à l'urbanisme dans les villes ayant des capacités de planification bien développées. Ce qui ne veut pas dire que la foresterie urbaine ne devrait ou ne pourrait pas être mise à l'essai dans des villes qui ne disposent pas de ces capacités. Dans ces cas, ceux qui organisent des activités de foresterie urbaine doivent être conscients des retombées sociales, écologiques et économiques potentielles de leurs actes. Il serait utile de formuler des directives pour la mise au point de programmes de foresterie urbaine qui soulignent les considérations clés et la complémentarité de la foresterie et des autres secteurs ou les conflits possibles.

Assurer la participation locale à la réalisation de programmes de foresterie urbaine

Dans la plupart des pays, les programmes de foresterie urbaine ne peuvent et ne devraient pas être réalisés uniquement par le secteur public. Le gouvernement devrait travailler de concert avec d'autres organismes pour promouvoir et mettre en oeuvre les activités dans ce domaine. Il faudra créer des partenariats avec des groupes communautaires, des organisations non gouvernementales, des institutions de recherche et des établissements universitaires, ainsi qu'avec le secteur privé. Il existe des exemples épars de participation d'organisations non gouvernementales, tant nationales qu'internationales, aux activités de foresterie urbaine dans les pays en développement. Il y a de bonnes chances d'intéresser le secteur privé, y compris les entreprises nationales et les sociétés multinationales opérant dans ces pays. Les universités, les arboretums et les jardins botaniques jouent déjà un rôle important en certains endroits en fournissant des avis et en menant des recherches relatives à la foresterie urbaine. Il importe que les organismes municipaux chargés de cette dernière tirent parti au maximum des capacités et du pouvoir des différents acteurs.

Les programmes intéressant les citadins pauvres pourraient se heurter à des difficultés majeures. Cependant, plus l'accent porte sur la foresterie urbaine à des fins de production de bois et de produits non ligneux, plus les possibilités et la nécessité d'une participation active des populations locales à leur mise en oeuvre seront grandes. Il est essentiel que les programmes conçus aient un effet bénéfique net sur les personnes concernées et qu'elles aient les moyens (par ex. disponibilité de main-d'oeuvre) nécessaires pour y participer. Là où les ruraux pauvres se consacrent à la plantation et à l'aménagement des arbres à des fins de production, le niveau et la nature de leur participation dépendront d'un certain nombre de facteurs comprenant : la disponibilité de terres et de ressources forestières et l'accès à ces dernières ; le rôle que les arbres et les produits forestiers peuvent jouer et jouent dans l'économie du ménage ; la disponibilité de main-d'oeuvre et la répartition du travail familial en fonction des spécificités de chaque sexe et de l'âge ; les facteurs culturels (croyances religieuses, essences préférées) qui influencent le type d'arbres plantés et protégés dans un environnement urbain, et la zone de la ville où la plantation sera réalisée. Il reste beaucoup à comprendre sur la façon dont ces facteurs influencent la participation des populations.

Une autre situation qui impose avec force une participation active est celle où la gestion des bassins versants présente des problèmes fondamentaux, et où le manque de terre force les nouveaux résidents à s'installer sur des pentes érodables. Il faudra identifier des solutions qui puissent à la fois protéger adéquatement les ressources en terre et en eau, et répondre aux besoins de ces personnes.

Il ne sera pas toujours facile d'obtenir une participation collective efficace dans les initiatives de foresterie urbaine. Alors que, dans de nombreux pays développés, “communauté” est souvent synonyme de “voisinage”, tel n'est pas toujours le cas dans les villes soumises à une forte croissance démographique et aux déplacements fréquents de leurs habitants. Dans ces villes, un voisinage peut consister en des individus appartenant à diverses ethnies et religions et parlant des langues différentes. L'hétérogénéité sociale n'est pas seulement une caractéristique des nouveaux quartiers où la migration en zone urbaine est récente, elle concerne souvent aussi des quartiers résidentiels établis de longue date, où les pauvres vivent de façon “invisible” parmi les riches et sont souvent ignorés par les plans d'aménagement. Le manque de cohésion sociale entre des personnes vivant dans une même unité spatiale rend les programmes participatifs plus difficiles à réaliser.

Les approches participatives qu'adoptent désormais nombre de projets forestiers intéressant les zones rurales des pays en développement pourraient fort bien être adaptées et appliquées en zone urbaine. Ces méthodes assurent que les gens prennent personnellement part à la planification, à la gestion et au suivi des activités.

Production forestière potentielle

La plupart des activités forestières parrainées par le gouvernement dans les pays en développement se sont concentrées sur les services portant sur l'environnement (y compris l'adduction d'eau, la qualité de l'air, la modification du micro-climat) et les loisirs ; relativement peu d'attention a été accordée au rôle de la foresterie dans la satisfaction des besoins immédiats des pauvres urbains, y compris l'accès aux aliments et au bois de feu. Les diverses stratégies visant à répondre à ces besoins vont de la stimulation à produire à l'intérieur de la zone urbaine élargie, à la constitution de disponibilités fiables en zone rurale, à la mise en oeuvre de mécanismes adéquats de livraison et de commercialisation, et à la promotion de combustibles susceptibles de remplacer le bois de feu.

La mesure où la production à l'intérieur de la zone urbaine élargie peut et doit répondre aux besoins variera inévitablement d'une ville à l'autre. Dans certaines agglomérations, il existe un besoin réel et immédiat ainsi que la possibilité de produire, partiellement du moins, les produits ligneux et non ligneux nécessaires. Dans ces cas, la question est de savoir comment mettre au point les stratégies et les moyens les plus performants pour organiser cette production. Dans d'autres villes, en revanche, la principale fonction des arbres est de rendre plus vivable l'environnement urbain. Mais dans des villes telles que Singapour et Kuala Lumpur, la plantation d'arbres et l'embellissement urbain ont eu pour effet de promouvoir les investissements étrangers, stimulant ainsi l'emploi et améliorant le niveau économique de la ville ; il en est résulté une réduction de la pauvreté urbaine. Il appartient à chaque ville de trouver la place qui lui convient dans ce cadre.

Base technique de la foresterie

Une grande partie de l'information technique sur la foresterie urbaine et l'arboriculture vient des pays développés tempérés. On sait beaucoup moins en ce qui concerne l'arboriculture tropicale, les essences tropicales ornementales, et les moyens d'harmoniser la plantation et les pratiques de gestion avec l'environnement urbain. En outre, assez peu d'attention a été accordée aux possibilités de mettre les ressources forestières urbaines et péri-urbaines au service de la production, et à la formulation de stratégies et de méthodologies à cette fin. Un effort concerté s'impose pour documenter les connaissances existantes et entreprendre de nouvelles recherches.

Questions institutionnelles

Il faut affronter un certain nombre de questions institutionnelles lorsqu'on met au point des programmes de foresterie urbaine. Elles concernent les capacités et le rôle des institutions gouvernementales municipales et nationales chargées de la foresterie urbaine; la participation d'autres partenaires potentiels importants ; l'établissement d'une base juridique pour la gestion des arbres et des forêts citadins ; et les connaissances techniques relatives.

Les maires, secondés par des fonctionnaires municipaux, ont joué un rôle déterminant dans le lancement de programmes actifs de foresterie urbaine à Singapour, à Kuala Lumpur et dans quelques pays d'Amérique latine et d'Afrique. S'assurer l'engagement résolu des dirigeants politiques est une importante composante de programmes réussis, faute de quoi il sera difficile d'affecter les fonds et les ressources humaines nécessaires. Il faudrait plus d'efforts pour intéresser les dirigeants gouvernementaux à la cause de la foresterie urbaine et leur illustrer les contributions potentielles du secteur forestier au bien-être des citadins et de l'environnement des villes.

Il faudrait des services municipaux bien développés pour assurer la gestion correcte des arbres d'alignement et des arbres sur terrains publics. Dans de nombreuses villes du tiers monde, les arbres sont mal entretenus et peuvent représenter un danger. On devra mettre en place des services adéquats pour les entretenir correctement, dégager les routes et les égouts de débris d'arbres et éliminer les déchets. L'engagement vis-à-vis de la plantation d'arbres doit coïncider avec les moyens financiers et humains disponibles pour fournir ces services sur une base durable.

La législation (portée et mise en vigueur des lois) qui concerne la protection et l'utilisation des arbres en zone urbaine varie considérablement d'un pays à l'autre. Dans certains pays (par ex. le Brésil, l'Inde et le Kenya) cette législation est très complète alors que dans d'autres elle est superficielle. Il faudrait accorder plus d'attention à la mise en place de cadres juridiques adaptés à la foresterie urbaine.

Rôle des organisations internationales

La foresterie urbaine n'a occupé jusqu'à présent qu'une part secondaire dans les programmes des organisations de développement bilatérales et multilatérales. Ces organisations peuvent jouer un rôle pivot en appuyant la recherche appliquée sur l'arboriculture et la foresterie urbaine dans les milieux tropicaux, en contribuant à sensibiliser l'opinion publique à la foresterie urbaine et à ses promesses, en fournissant un accès amélioré à l'information, en renforçant les capacités institutionnelles à planifier et réaliser des initiatives dans ce domaine, et en fournissant l'assistance technique et financière nécessaire aux programmes de foresterie urbaine. Les organisations internationales de développement, qui ont mis l'accent sur le thème de la pauvreté rurale, devraient se rendre compte qu'un grand nombre de pauvres ruraux se transforment en pauvre urbains et que, ce faisant, les questions relatives à la fourniture d'énergie, la sécurité alimentaire et la dégradation de l'environnement, que les donateurs ont traditionnellement affrontées en zone rurale, s'imposent désormais avec plus de force en zone urbaine. Il faudrait mieux comprendre les interactions sociales et environnementales entre les zones urbaines et les zones rurales, et ce que devient la terre dans l'interface entre ces deux zones. Beaucoup peut être fait, mais pour cela il faudra des efforts concertés entre les pays en développement et les pays développés, y compris les organismes de recherche, les établissements universitaires, les secteurs public et privé, les groupes volontaires et communautaires et les particuliers.


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