Le pêcheur artisanal, pêchant quelques heures et revenant vendre sa prise sur la plage alors que le poisson est encore vivant ou très frais, na pas besoin dun système dassurance qualité compliqué. Ses clients connaissent très bien la qualité et, le plus souvent, le poisson est pêché, vendu et consommé dans la même journée. Cependant, aucune société produisant, transformant ou distribuant des aliments ne peut survivre à moyen ou long terme que si les problèmes de qualité sont bien définis et traités et quun système de qualité approprié est mis en place dans létablissement de transformation. Ceci est dautant plus vrai que la demande globale pour le poisson et les produits de la pêche est en croissance continue alors que le niveau de la production approche de son maximum avec des possibilités limitées daugmentation dans lavenir. La nécessité dune meilleure valorisation de la récolte actuelle incluant une réduction des pertes de poisson dues à laltération milite donc pour un système efficace dassurance- qualité. Les avantages complémentaires en sont une efficacité accrue, une meilleure satisfaction des employés et des coûts plus faibles pour les industries de transformation.
Traditionnellement, les transformateurs de poisson ont considéré que la responsabilité de lassurance qualité incombait aux services officiels dinspection dont le rôle consistait à formuler des lois et règlements sur les produits alimentaires, linspection des établissements et des procédés ainsi que lexamen du produit final. Les efforts des transformateurs ont été, dans de nombreux cas, axés entièrement sur lexamen du produit final. Un tel système est coûteux, inefficace et napporte pas de garantie de qualité mais simplement une fausse impression de sécurité.
Il est nécessaire à ce stade de faire une distinction entre Assurance Qualité et Contrôle Qualité car malheureusement, ces deux termes ont été utilisés indifféremment et leur distinction est devenue floue. Selon les Normes Internationales (ISO 8402), lAssurance-Qualité (AQ) concerne "lensemble des actions pré-établies et systématiques nécessaires pour donner la confiance appropriée en ce quun produit ou service satisfera aux exigences données relatives à la qualité". En dautres termes, lAQ est une fonction stratégique de gestion qui établit les plans, adapte les programmes pour atteindre les buts établis et donne confiance dans lapplication efficace de ces mesures.
Assurance-Qualité est le terme moderne pour décrire la maîtrise, lévaluation et la vérification dun système de transformation alimentaire. La fonction première est de créer la confiance, autant du côté de la direction que du côté du consommateur final, dans le fait que la société fournit les produits de la qualité souhaitée qui a été spécifiée dans les accords commerciaux entre le producteur et le consommateur. Cest seulement par un programme dAQ planifié quune firme peut réussir à fournir au consommateur les produits attendus.
Une grande partie du programme Assurance-Qualité est construite autour du Contrôle- Qualité (CQ). CQ représente: "les techniques et activités opérationnelles utilisées pour remplir les exigences de qualité" (ISO 8402), cest-à-dire une fonction tactique qui réalise les programmes établis par lAQ. Le contrôle-qualité est assez souvent considéré comme léquivalent de "linspection" ou de mesures à lintérieur dun programme assurance qualité. CQ signifie donc se ranger à une norme le plus souvent associée à la ligne de production, cest-à-dire des procédés et opérations spécifiques. Le CQ est loutil destiné à aider les ouvriers de la production à faire fonctionner la ligne, en accord avec les paramètres prédéterminés pour tout niveau de qualité défini.
Par contraste avec les principes en vigueur dans les programmes traditionnels de qualité reposant surtout sur le contrôle du produit final, une stratégie préventive fondée sur une étude complète des conditions existantes est bien plus en mesure dapporter une meilleure garantie de qualité et cela même à moindre coût. Une telle stratégie a dabord été mise en place par des microbiologistes, il y a plus de 20 ans, pour améliorer la sécurité des produits alimentaires. Elle sappelle: Système de lAnalyse des Dangers - Maîtrise des Points Critiques (HACCP). Les principes du système HACCP peuvent aussi être utilisés pour le contrôle dautres aspects de qualité.
Ces principes sont actuellement introduits dans lindustrie alimentaire dans de nombreuses parties du monde. Une des raisons de ce développement vient de ce que de nombreuses législations alimentaires nationales responsabilisent entièrement le producteur pour la qualité de ses produits (par exemple Directives du Conseil de la CEE No 91/493/CEE) et lutilisation du système HACCP est devenue obligatoire (CEE 1993; 1994).
Système de lAnalyse des Dangers - Maîtrise des Points Critiques (HACCP)
Les principaux éléments du système HACCP sont:
Pour les informations détaillées sur la mise en route et lapplication du système HACCP, le document de Huss (1994) doit être consulté.
Le grand avantage du système HACCP est quil constitue une approche dassurance préventive de qualité, scientifique, systématique, structurée, rationnelle, multidisciplinaire, adaptable et réduisant les frais. Sil est bien appliqué, il ny a pas dautre système ou méthode qui puisse apporter un tel degré de sécurité et dassurance de qualité. Par ailleurs, le coût de fonctionnement quotidien du système HACCP est faible comparé à un programme élaboré déchantillonnage.
En utilisant le concept HACCP dans lindustrie alimentaire, il est possible dassurer et - comme toutes les actions et mesures sont enregistrées - de fournir les documents assurant une norme de qualité, conforme à la spécification du produit
Application du système HACCP à la production du poisson frais et congelé
Le point de départ de la conception et de la mise en place de tout programme de qualité consiste à réaliser une définition et une description complètes et correctes du produit. Ensuite on doit sassurer que tous les éléments de qualité ont été recensés et couchés par écrit, afin que toute ambiguité soit écartée. Ainsi les limites critiques des défauts tels que présence darêtes, de morceaux de peau et de membranes sur les filets sans peau, poids minimum autorisé, etc. doivent être clairement fixées. Quand ce travail est terminé et que les procédures de lopération ont été étudiées, il est possible didentifier les dangers à maîtriser. Le tableau 9.1 donne une liste des dangers possibles et des points critiques pour leur maîtrise dans la production et le traitement du poisson et des filets sans arêtes congelés.
Dans la plupart des présentations, on recommande de limiter les dangers aux problèmes de santé publique et de décomposition (altération). Cependant, dans cette présentation, la qualité commerciale (défauts) a également été prise en considération.
Quand on a identifié tous les dangers, défauts et points critiques pour leur maîtrise (PCC), on doit établir un système approprié de surveillance et de contrôle à chaque PCC. Ceci comprend :
Une description précise et détaillée de tous les PCC est impossible car les situations individuelles et locales peuvent varier. Cependant on a étudié les quelques points généraux suivants:
POISSON VIVANT - avant capture. Les dangers sont la présence de biotoxines et la contamination par des produits chimiques et/ou des pathogènes entériques:
MANUTENTION DES CAPTURES - les dangers sont le développement des bactéries (provoquant la formation dhistamine et/ou la décomposition), la décoloration et le clivage des filets:
Tableau 9.1 Dangers et points critiques pour leur maîtrise (PCC) dans la production et le traitement du poisson frais et des filets de poisson sans arêtes congelés
Flux des produits |
Dangers |
Mesures préventives |
Degré de maîtrise |
|
Contamination (chimique, pathogènes entériques) biotoxines | Eviter la pêche dans les zones contaminées ou sujettes aux biotoxines | CCP-2 |
CAPTURES ET MANUTENTION DES CAPTURES | Prolifération des bactéries Rupturedesfibres Décoloration |
Manutention rapide Eviter les manutentions brutales |
CCP-1 CCP-2 |
REFROIDISSEMENT DÉBARQUEMENT |
Prolifération des bactéries | Basse température | CCP-1 |
ARRIVÉE DE LA MATIÈRE PREMIÈRE À LUSINE | Produit de qualité inférieure admis à la transformation | Sassurer une source fiable (HACCP à bord ou liste de fournisseurs agréés) Evaluation sensorielle | CCP-2 |
RÉFRIGÉRATION | Prolifération de bactéries (dégradation) | Assurer une basse température | CCP-1 |
TRANSFORMATION Déglaçage Lavage Filetage Epiautage, Parage Mirage |
Morceaux de peau, darêtes et de membranes sur les filets Parasites sur les filets |
Bon réglage des machines Formationdupersonnel Assurer une luminosité suffisante des tables de mirage Relève fréquente du personnel |
CCP2 CCP-2 |
Pesage Emballage |
Poids insuffisant ou excessif Dégradation pendant le stockage (frais/congelé) |
Assurer la précision des balances Utiliser matériau et méthode demballage adéquats (par exemple le vide) |
CCP-1 CCP-2 |
Toutes étapes de transformation | Prolifération de bactéries Contamination (bactéries entériques) |
Rapidité de la transformation Hygiène/salubrité de lusine Qualité de leau |
CCP-1 CCP-2 CCP-1 |
Réfrigération Congélation Stockage |
Dégradation | Assurer une basse température | CCP-1 |
GLAÇAGE - le danger est le développement des bactéries:
ARRIVEE DE LA MATIERE PREMIERE A LUSINE - le danger est la possibilité de transformer un produit de qualité inférieure:
REFRIGERATION - le risque est le développement des bactéries (altération)
TRAITEMENT - filetage, pelage/parage - les dangers sont des morceaux de peau, darêtes et de membranes laissés sur le filet:
Mirage - le danger consiste à laisser dans le filet des parasites visibles:
Emballage - le danger est laltération au cours du stockage à létat congelé si lemballage (matériau demballage, vide) est inadéquat
A toutes les étapes du traitement, les risques sont 1) le développement des bactéries et 2) une contamination importante par des pathogènes entériques:
REFRIGERATION/CONGELATION - le danger est la détérioration:
Pour être efficace, le système HACCP doit être appliqué depuis la capture du poisson jusquà sa consommation. Dans le cas du poisson frais, il est fréquent que le propriétaire change au moment de son débarquement. Dans ce cas, le nouveau propriétaire (le transformateur) doit sassurer que le poisson provient dune source fiable (le pêcheur) qui applique aussi les principes HACCP. Si cela est possible, le transformateur a la situation en main et a seulement besoin, de temps en temps, de vérifier la qualité à larrivée à lusine par évaluation sensorielle et la température du poisson. Dans ce cas, la situation nest pas critique et ce stade peut être appelé un Point de Contrôle (PC) seulement.
La situation est très différente si le transformateur sapprovisionne auprès de plusieurs pêcheurs inconnus (système de criée). Ceci impose une vérification permanente de la qualité du poisson à larrivée à lusine, de façon à sassurer de la conformité avec les exigences du produit. Dans ce cas, cest un Point de Contrôle critique du type PCC2 du fait quil y a encore un risque dintroduire dans la ligne de transformation un produit de qualité inférieure. La plupart des contrôles directs (contrôle continu des températures, qualité du travail, qualité sensorielle du produit) devrait être de la responsabilité du directeur de production.