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Chapitre 4

Critères et options pour des méthodes d'irrigation appropriées

Le développement des techniques d'irrigation modernes doit avoir pour objectif d'utiliser au mieux l'eau, en même temps que les terres, les ressources humaines et les autres intrants essentiels (énergie, machines, engrais et lutte phytosanitaire) de façon à renforcer durablement la production agricole. La sélection d'une technologie d'irrigation appropriée à une combinaison de conditions physiques et socioéconomiques, quelle qu'elle soit, dépend de facteurs complexes et parfois opposés. Là où le manque d'eau est aigu, l'impératif dominant est à l'évidence d'augmenter l'efficacité de l'utilisation de l'eau. Là où les capitaux sont insuffisants, la principale exigence pourrait être de trouver une méthode d'irrigation nécessitant un minimum d'apports en capital ou d'équipements coûteux. Dans d'autres cas, le facteur déterminant peut être la consommation d'énergie, la disponibilité de main-d'œuvre ou les coûts d'entretien.

Etant donné que les considérations économiques, ainsi que les conditions physiques et les modes de culture, sont spécifiques à chaque zone, un système d'irrigation qui paraît très approprié dans un pays ou dans une région, peut ne pas l'être ailleurs. C'est notamment une erreur de partir du principe qu'un système moderne, qui a fait ses preuves dans une économie commerciale industrialisée, sera forcément efficace dans une économie qui commence seulement à se développer.


Encadré 2

Cinq moyens d'arroser les cultures

1. Irrigation superficielle
Laisser couler l'eau à la surface, ou inonder le sol et le laisser saturer jusqu'à une certaine profondeur.
2. Irrigation par aspersion
Pulvériser de l'eau dans l'air et la laisser retomber en pluie sur les plantes et sur le sol.
3. Irrigation au goutte-à-goutte
Arroser goutte à goutte une fraction de la surface du sol de façon à ce qu'elle s'infiltre dans la rhizosphère.
4. Exsudeurs souterrains
Introduire l'eau directement dans la rhizosphère au moyen de réceptacles poreux.
5. Irrigation souterraine
Elever la nappe d'eau par en dessous (dans les endroits où la nappe d'eau souterraine est peu profonde et contrôlable) de façon à ce que la rhizosphère soit humidifiée par capillarité.



Les sections ci-après décrivent les diverses options et comparent leurs possibilités d'application dans les pays en développement, en particulier en Afrique. Les facteurs physiques qui entrent généralement en jeu dans la sélection des systèmes sont les sols, les cultures, le climat, la topographie, la qualité et les disponibilités d'eau, le drainage, les dimensions du champ et le rendement général du système. Les facteurs humains sont la main-d'œuvre et la gestion, la formation et les compétences. Les facteurs économiques sont les coûts de la main d'œuvre, du capital et de l'énergie par rapport à la rentabilité escomptée. Comme il est impossible de définir ou de pondérer quantitativement tous les facteurs pertinents dans chaque cas, le choix du système se fonde souvent sur des préférences subjectives plutôt que sur une analyse explicite.
Dans l'ensemble, il n'y a pas de «système idéal» pour les différents types de cultures, de sols et de tailles d'exploitation. L'objectif ne doit pas être de trouver le système idéal, mais un éventail d'options pouvant être appropriées aux circonstances locales. La recherche de méthodes appropriées est nécessairement guidée et limitée par les connaissances disponibles ainsi que par des expériences empiriques sur le terrain.

Pour choisir une ou plusieurs méthodes d'irrigation modernes et les adapter aux besoins et aux situations spécifiques des pays en développement d'Afrique, le premier critère est de réduire les apports en capital associés à l'installation de tels systèmes. Dans les pays industrialisés, les systèmes vendus dans le commerce sont conçus pour réduire au minimum les besoins de main-d'œuvre: ils se caractérisent par leur consommation élevée en énergie, leur fonctionnement automatisé et leur grande taille, qui permettent de réaliser des économies d'échelle. Dans de nombreuses nations en développement, l'équation économique est inversée: la main-d'œuvre est plus facilement accessible que le capital et le combustible est plus rare. Les travaux agricoles sont normalement exécutés par des paysans individuels ou par des familles qui n'ont généralement pas les moyens d'investir des sommes importantes dans l'achat de machines, surtout si ces machines doivent être importées de pays lointains. Les systèmes d'irrigation pouvant convenir à ces agriculteurs devraient, dans la mesure du possible, garantir leur autonomie - c'est-à-dire être basés sur l'utilisation de matériaux et de main-d'œuvre locaux. Le processus d'adaptation passe aussi par la reproduction du système à une plus petite échelle, mieux adaptée à la taille d'une exploitation familiale, généralement comprise entre moins d'un hectare et quelques hectares.
De nombreux types de systèmes peuvent être utilisés pour introduire des méthodes d'irrigation compatibles avec les principes décrits. La gamme de possibilités comprend, à un extrême, des systèmes de transport, de distribution et de déversement de l'eau qui peuvent être fabriqués entièrement sur place et adoptés et entretenus même par les petits agriculteurs pratiquant l'agriculture de subsistance. Au niveau intermédiaire, il existe des systèmes reposant en partie sur des éléments manufacturés, pouvant de préférence être fabriqués dans des ateliers ou des usines situés dans le pays ou dans la région. Les systèmes reposant entièrement sur du matériel importé ne sont justifiés que s'ils permettent de produire des cultures commerciales de haute valeur dans une économie de marché bien développée.
On ne saurait accepter aveuglément une technologie ou une méthodologie entièrement conçues et introduites par des pays étrangers. Des essais par tâtonnements (guidés, par sécurité, par des principes de base rationnels) doivent être effectués sur place car ce n'est qu'après avoir testé les systèmes en conditions réelles que l'on pourra les adapter aux conditions locales et aux préférences des utilisateurs visés. Les expériences se perfectionneront progressivement et il faudra du temps pour qu'elles donnent naissance à des compétences locales. Les agriculteurs de la région seront impliqués dès le départ et encouragés à participer et à innover. Les entrepreneurs locaux pourront ensuite apprendre à fabriquer les composantes essentielles et à assurer l'entretien des systèmes d'irrigation.
Le processus d'adoption et d'adaptation ne saurait être abrégé, il ne doit ni être bâclé ni être imposé par le haut. Au contraire, il doit être renforcé par des incitations positives. Les services de vulgarisation peuvent donner aux paysans des informations et des conseils, avec démonstrations à l'appui, là où il le faut, et des institutions financières peuvent leur offrir du crédit à des conditions favorables pour investir dans une technologie d'irrigation appropriée. Cette technologie ne sera acceptée que si elle est suffisamment rentable, c'est-à-dire si ses avantages justifient clairement les coûts. Etant donné que les avantages dépendent des débouchés commerciaux et d'autres facteurs locaux, ils ne peuvent pas être prédits à l'avance par des entités extérieures.


Encadré 3

Définition de l'irrigation HELPFUL

H Haute fréquence
E Efficace
L Faible volume
P Surface partielle                IRRIGATION
F
Exploitation
U Unitaire
L Faible coût



Les méthodes d'irrigation HELPFUL (High-frequency, Efficient, Low-volume, Partial-area, Farm-Unit, Low-cost [Méthodes d'irrigation efficaces et peu coûteuses, basées sur le déversement fréquent d'un faible volume d'eau sur une partie du champ]), décrites dans cette section peuvent être classées en deux catégories: la première est celle des méthodes d'irrigation souterraine et la deuxièmement est celle des méthodes d'irrigation superficielle.

MÉTHODES D'IRRIGATION SOUTERRAINES

Les méthodes rentrant dans cette catégorie consistent à déverser l'eau directement dans la rhizosphère par l'intermédiaire de réceptacles poreux ou perforés qui sont enfouis dans le sol à une certaine profondeur (de 15 à 50 cm), et dont les ouvertures affleurent à la surface. Ces réceptacles, que l'on remplit périodiquement d'eau ou qui restent pleins en permanence, rejettent de l'eau à travers leurs parois perméables dans le sol environnant. L'humidité qui s'en dégage nourrit les racines de la plante. Lorsqu'ils sont disposés en grille, ces applicateurs enterrés permettent d'optimiser la distribution de l'eau par rapport à l'espacement et aux habitudes d'enracinement de la plante.

La vitesse d'infiltration et la distribution de l'humidité à l'intérieur de la rhizosphère dépendent aussi des propriétés du sol. Par exemple, dans un profil de sol uniforme à texture grossière (sableux), l'eau tend normalement à s'écouler vers le bas, si bien que la zone mouillée a la forme d'une carotte. Au contraire, dans un profil à texture fine (argileux) ou étagé, une quantité d'eau plus abondante s'étend latéralement dans le sol, si bien que la zone mouillée a la forme d'un oignon. Si des containers poreux cylindriques sont mis bout à bout pour former un tuyau continu enfoui à l'horizontale dans le sol, ils peuvent constituer une source linéaire qui mouillera le sol dans le sens de la longueur. En injectant des nutriments solubles (engrais) dans les conduites d'eau, on renforcera à la fois l'efficacité de l'utilisation des engrais et de l'eau par une culture en ligne.
En théorie, ce type d'irrigation permet une distribution régulière de l'eau, à condition que les réceptacles contiennent de l'eau. La fréquence à laquelle ils doivent être remplis dépend de leur capacité (le volume d'eau qu'ils peuvent retenir) et de la vitesse à laquelle l'eau s'écoule dans le sol. Cette dernière est fonction de la perméabilité des parois des réceptacles et de la vitesse à laquelle le système racinaire environnant absorbe l'humidité du sol. Si l'eau déversée contient des matières en particules (sédiments en suspension, de nature minérale ou organique) ou des produits chimiques précipitables (tels que des sels de calcium), ils peuvent finir par boucher les pores des réceptacles. Ceux-ci peuvent aussi être obstrués par des algues ou des bactéries. Pour remédier à ce problème, les réceptacles doivent être régulièrement nettoyés avec une solution acide ou fongicide et remplacés au bout d'un certain temps (quelques années).
Dans les zones arides, où la couche superficielle du sol n'est pas suffisamment lessivée par les pluies, l'irrigation souterraine peut provoquer une accumulation de sels à la surface, surtout si l'eau d'irrigation a une teneur élevée en sels. Lorsque cela se produit, il convient d'inonder le sol chaque saison avant la période des semis, pour lessiver la couche superficielle.

Vases de céramique poreux

L'une des plus anciennes méthodes d'irrigation basée sur le déversement fréquent (ou continu) d'eau sur une partie du volume du sol consiste à enfouir des vases poreux dans le sol. On ne dispose pas d'informations certaines sur l'origine et l'ancienneté de cette méthode, mais de nombreux rapports attestent qu'elle était utilisée dans toute l'Afrique du Nord et le Proche-Orient (figures 10 et 11).

 

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FIGURE 10
Forme du mouillage du sol autour d'un vase d'argile poreux enfoui entre deux rangées de cultures

 

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FIGURE 11
Forme du mouillage du sol irrigué par une série de vases d'argile poreux enfouis entre deux rangées de cultures

La méthode consiste à placer des vases (ou des pots) d'argile poreux dans des fosses peu profondes creusées à cet effet. Le sol est ensuite damé autour des cols des vases de façon à ce que leurs bords dépassent de quelques centimètres la surface du sol. L'eau est versée dans les vases à la main ou au moyen d'un tuyau souple relié à une source d'eau. Les vases sont généralement fabriqués avec de l'argile trouvée sur place, si bien que leur forme, leur taille, l'épaisseur de leurs parois ou leur porosité sont variables.
Pour obtenir les meilleurs résultats, les vases doivent être cuits à feu relativement modéré et sans glaçure pour rester perméables. Après plusieurs essais par tâtonnements, on devrait parvenir à fabriquer des vases dont la solidité (résistance à l'écrasement), la perméabilité (exsudation de l'eau dans le sol à un rythme relativement régulier) et la taille (capacité suffisante pour irriguer pendant une journée) seront optimales.
L'irrigation au moyen de vases d'argile est particulièrement appropriée pour les arbres fruitiers, mais elle peut aussi être employée pour arroser les cultures en ligne. Dans les plantations de jeunes arbres, un seul vase placé à côté de chaque plant devrait suffire au début. Par exemple, si une jarre de cinq litres mouille un volume de sol ayant une section transversale effective de 1 m2, et si le taux d'exsudation est tel que le vase se vide en un jour, la dose à fournir sera équivalente à 5 litres par mètre carré et par jour.
Le mode de diffusion latérale et verticale de l'eau exsudée par chaque jarre dépend de la texture du sol et de la stratification du profil pédologique. Il peut aussi dépendre de la forme des jarres (qui peuvent être longues et étroites, ou larges et peu profondes).
Au fur et à mesure que chaque arbre pousse, son feuillage couvre une plus grande surface et ses racines tendent à s'étendre latéralement et verticalement pour exploiter un volume de sol plus important. Un arbre fruitier arrivé à maturité dont le feuillage couvre une surface au sol d'environ 10 m2 a besoin d'à peu près de 30 à 50 litres par jour en été (saison sèche). Pour fournir cette quantité, l'irrigateur peut disposer plusieurs jarres en cercle autour du tronc de chaque arbre. Cette méthode d'irrigation est suffisamment souple pour que l'on puisse ajouter peu à peu des jarres, à mesure que les arbres poussent et ont besoin d'une quantité journalière d'eau et d'un volume de sol mouillé plus grands.
L'exemple qui précède est bien entendu hypothétique. La quantité et le rythme effectifs des applications d'eau doivent être déterminés cas par cas sur la base de l'expérience locale. Des observations et des essais minutieux sont nécessaires pour optimiser les variables du système sur lesquelles il est possible de jouer.
Les ouvertures des vases exposées à l'air libre peuvent attirer des animaux terrestres et des oiseaux assoiffés, qui risquent d'endommager les cultures. Pour éviter cela, mais aussi pour empêcher que des mottes de terre ne tombent dans les jarres et ne réduisent leur volume effectif, les irrigateurs devraient couvrir les ouvertures entre deux remplissages. Il suffit pour cela de placer une pierre sur chacune d'elles.
Les vases peuvent être remplis à la main, avec des godets munis d'un bec verseur, ce qui est le moyen le plus simple mais aussi le plus laborieux. Il est plus efficace de se servir d'un tuyau souple relié à une source d'eau. On peut aussi opter pour un autre procédé nécessitant moins de main-d'œuvre et consistant à laisser en place, pendant toute la saison d'irrigation, un tuyau étroit perforé au-dessus de chaque jarre. A des intervalles de temps appropriés (chaque jour ou chaque semaine, selon le cas), le tuyau peut être raccordé à une source d'eau de façon à remplir simultanément toutes les jarres qui se trouvent sur la rangée.
La durée de vie des jarres dépend de plusieurs facteurs, notamment de leur vitesse d'encrassement par de l'eau trouble (contenant de l'argile ou de la matière organique en suspension) ou par de l'eau saline. L'acidité de l'eau et du sol peut affecter la durabilité des jarres, surtout si elles sont fabriquées avec un matériau contenant des fragments de calcaire.
Si, par inadvertance, les jarres sont piétinées par des hommes ou par des animaux, elles peuvent aussi être écrasées ou se remplir de terre meuble. Le système d'irrigation par des vases poreux est très simple, mais il doit être surveillé en permanence si l'on veut qu'il continue à fonctionner de façon satisfaisante.

Tuyaux poreux sectionnés

Cette variante de la méthode d'irrigation par jarres poreuses a pour but de répandre de l'eau dans le sol le long d'une bande horizontale continue, plutôt qu'en des emplacements éloignés les uns des autres. De ce fait, la méthode des tuyaux poreux est plus adaptée pour les cultures en ligne peu espacées, disposées en planches, comme les cultures maraîchères. Pour permettre le remplissage, le tuyau est recourbé à une extrémité et l'orifice dépasse du sol.

Cette méthode a été démontrée par le British Institute of Hydrology dans le sud-est du Zimbabwe, en coopération avec le Ministère zimbabwéen de l'agriculture et de la mise en valeur des ressources en eau. Ces organismes utilisent des tuyaux d'argile fabriqués sur place, d'environ 24 cm de long et 7,5 cm de diamètre interne, dont les parois ont une épaisseur de 2 cm (ces dimensions sont bien entendu arbitraires). Les tuyaux sont placés au fond d'une tranchée peu profonde (environ 25 cm de profondeur), creusée au centre d'une planche d'un mètre de large, et disposés de façon à former un tuyau horizontal continu de 3 m de long. La tranchée est ensuite à nouveau comblée de terre.
Pour permettre le remplissage, une prise d'eau est fabriquée à une extrémité du tuyau, en recourbant la première section (dont l'extrémité inférieure avait été inclinée lors de la fabrication de façon à ce qu'elle s'enclenche dans la deuxième section horizontale). Comme les sections sont simplement mises bout à bout sans être soudées, l'eau s'infiltre dans le sol au niveau des jointures ainsi qu'à travers les parois poreuses de chaque section (figures 12 à 14).

 

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FIGURE 12
Forme du mouillage d'un sol irrigué par des tuyaux souterrains d'argile poreux: les sections de tuyaux sont assemblées pour former des sources linéaires horizontales parallèles destinées à irriguer des cultures en lignes

 

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FIGURE 13
Forme du mouillage d'un sol irrigué par un tuyau poreux enfoui à l'horizontale entre deux rangs parallèles de cultures

 

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FIGURE 14
Culture en lignes plantée juste au-dessus de tuyaux poreux horizontaux

L'expérience montre qu'un seule conduite, aménagée de cette façon, permet d'irriguer les deux rangées d'une culture maraîchère plantées de part et d'autre du tuyau. La quantité déversée est de 6 à 8 mm d'eau par jour pendant la saison de végétation pour une culture de colza. Des cultures de gombo et de tomate se sont aussi bien développées avec cette méthode d'irrigation (Murata et al., 1995).

Manchons de plastique perforés

Il existe une variante intéressante de la méthode d'irrigation par exsudation souterraine, qui consiste à utiliser une fine gaine de plastique pour former un boyau en forme de manchon. Le principal avantage de cette méthode est son faible coût, mais elle a aussi plusieurs inconvénients qui limitent son champ d'application (figure 15).

 

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FIGURE 15
Forme de la zone mouillée par un manchon de plastique rempli de sable, perforé sur un côté et placé à la verticale dans la rhizosphère

Etant donné que le manchon est en matière plastique souple, il ne peut pas conserver sa forme et doit être rempli de sable avant d'être placé dans le sol, ce qui réduit sa capacité (le volume d'eau qu'il peut retenir) de quelque 50 à 60 pour cent. En outre, le sable lui-même tend à retenir un pourcentage important de l'humidité qui y pénètre et à empêcher l'eau de sortir, ce qui réduit encore la capacité effective.
Enfin, comme le boyau de plastique est imperméable (à la différence de l'argile poreuse décrite précédemment), il doit être perforé. La nécessité d'optimiser le diamètre et l'espacement entre les perforations introduit une autre variable dans le système, et la solution la meilleure doit être déterminée par des essais par tâtonnements. Si les perforations sont trop nombreuses, la gaine de plastique sera moins solide et s'usera plus rapidement (de toute façon, elle dure moins longtemps qu'une jarre ou un tuyau d'argile). Il arrive aussi que les racines de la culture ou des mauvaises herbes pénètrent dans les perforations. Pour toutes ces raisons, le manchon de plastique rempli de sable a une capacité limitée de diffusion de l'eau dans le sol environnant, tant du point de vue du volume que de la vitesse.
Malgré ces imperfections potentielles, cette méthode a été appliquée, apparemment avec succès, au manioc et à d'autres cultures dans les sols sableux du Sénégal. Cependant, pour mieux définir ses avantages comparatifs, elle devrait être essayée, de pair avec d'autres méthodes d'irrigation. Jusqu'ici, cela n'a pas été fait de façon systématique.

Goutte-à-goutte souterrain

Il existe une méthode d'irrigation souterraine beaucoup plus sophistiquée et donc plus coûteuse, basée sur l'utilisation de tubes de plastique étroits (environ 2 cm de diamètre). Ceux-ci sont enterrés dans le sol à une profondeur comprise entre 20 et 50 cm, et ce afin de ne pas gêner les façons culturales normales ou la circulation des engins. Les tubes sont entièrement poreux ou munis de goutteurs ou de perforations régulièrement espacés. S'ils sont poreux, ils exsudent de l'eau sur toute leur longueur. S'ils sont pourvus de goutteurs, ils ne libèrent de l'eau qu'à des points déterminés, à partir desquels elle se répand ou se diffuse ensuite dans le sol. La distribution du volume humecté dépend des propriétés du sol environnant, ainsi que de la longueur de l'intervalle entre deux goutteurs et de leurs débits (figure 16).

 

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FIGURE 16
Source linéaire d'irrigation au goutte-à-goutte munie de perforations peu espacées

Des problèmes peuvent survenir si les orifices étroits des goutteurs sont obstrués par des racines, des particules, des algues ou des sels en précipitation. Or ce problème ne peut pas être détecté aussi rapidement qu'avec un système d'irrigation superficielle au goutte-à-goutte, où les tubes sont placés sur le sol. L'injection d'une solution acide ou herbicide dans les tuyaux peut, dans certains cas, aider à déboucher les trous, mais le problème risque de se reproduire périodiquement. Les goutteurs peuvent aussi être recouverts avec de fines sections de tubes de plastique de façon à empêcher leur obstruction par des racines, sans réduire de façon significative leur débit de sortie.
Dans le goutte-à-goutte souterrain, la distribution d'eau dans les canalisations d'amenée peut être continue ou intermittente. Pour garantir un écoulement uniforme, les tuyaux doivent être munis d'un dispositif quelconque pour contrôler la pression. Lorsque les lignes sont longues ou la terre en pente, la pression hydraulique peut varier considérablement, ce qui altère le débit de sortie, sauf si l'on utilise des goutteurs munis d'un dispositif de régularisation de la pression. Cependant ces goutteurs sont généralement coûteux.
L'expérience en Israël, en Californie et dans d'autres endroits, a montré que cette méthode d'irrigation souterraine peut être utilisée pour arroser des vergers d'arbres fruitiers et d'autres cultures pérennes en ligne. Elle peut aussi être efficace pour des cultures annuelles disposées en planches régulières.

MÉTHODES D'IRRIGATION SUPERFICIELLE

Les méthodes décrites dans cette section sont basées sur l'arrosage continu ou régulier d'une fraction de la surface du sol. Pour ce faire, on distribue habituellement l'eau dans des conduites fermées (par exemple des tubes de plastique) en des points spécifiques, dont l'emplacement et l'espacement dépendent de la configuration de la plante cultivée. Au niveau de ces points, on laisse l'eau sortir à la surface, en veillant à ce que le débit ne soit pas supérieur à la capacité d'infiltration du sol, pour que toute l'eau pénètre dans la rhizosphère sans stagner ou s'écouler à la surface.

Les systèmes d'irrigation dans lesquels l'eau est distribuée par des conduites fermées (tuyaux) permettent généralement d'économiser de l'eau car ils accroissent l'uniformité des applications et évitent les pertes en quantité (dues à la percolation et à l'évaporation) et en qualité (dues à la contamination de l'eau dans les canalisations à ciel ouvert). Mais comme ils nécessitent un dispositif de pressurisation et des installations coûteuses, cette économie génère souvent une augmentation de la consommation d'énergie et des investissements en capital. C'est pourquoi des méthodes minimisant ces dépenses de capital et d'énergie sont nécessaires.

Système complet de goutte-à-goutte

On appelle irrigation au goutte-à-goutte l'application lente et localisée d'eau, littéralement au goutte-à-goutte, au niveau d'un point ou d'une grille de points sur la surface du sol. Si l'eau s'écoule à une vitesse inférieure à la capacité d'absorption ou d'infiltration du sol, celui-ci n'est pas saturé et il ne reste pas d'eau qui stagne ou ruisselle à la surface.

L'eau est amenée jusqu'aux orifices de gouttage par un assemblage de tuyaux en plastique, généralement en polyéthylène opaque ou en PVC résistant aux intempéries. Des canalisations latérales, alimentées par une conduite maîtresse, sont posées sur le sol. Ces canalisations, généralement d'un diamètre de 10 à 25 mm, sont perforées ou munies de goutteurs spéciaux. Chaque goutteur doit déverser l'eau goutte à goutte sur le sol, à un débit prédéterminé, allant de 1 à 10 litres par heure.
La pression de l'eau dans les tuyaux est ordinairement comprise entre 0,5 et 2,5 atmosphères. Cette pression s'atténue par frottement lorsque l'eau s'écoule à travers les étroits passages ou orifices du goutteur, si bien que l'eau sort à une pression atmosphérique sous forme de gouttes et non en jet ou aspersion.
Les goutteurs commercialisés sont soit internes (fixés à l'intérieur des tuyaux d'amenée latéraux) soit externes (enfichés sur les tuyaux à travers des trous perforés dans la paroi de la conduite d'amenée). Ils sont conçus pour évacuer l'eau à un débit constant de 2, 4 ou 8 litres par heure. Le débit de sortie est toujours altéré par des variations de la pression, mais dans une moindre mesure si les émetteurs sont munis d'un régulateur de pression. La fréquence et la durée de chaque irrigation sont contrôlées par une vanne actionnée manuellement ou par une série de valves automatiques programmables. Des valves doseuses interrompent automatiquement l'écoulement une fois qu'un volume prédéterminé a été appliqué (figure 17).

 

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FIGURE 17
Schéma d'un système classique d'irrigation au goutte-à-goutte

L'eau tend à se répandre latéralement et verticalement dans le sol à partir du point où elle s'égoutte. La fraction du volume total de sol qui est effectivement mouillée dépend de l'espacement des points de gouttage (la grille), mais aussi du rythme auquel l'eau s'écoule des goutteurs et des propriétés de diffusion d'eau du sol. La zone humectée, et donc le volume d'enracinement actif, est ordinairement inférieure de 50 pour cent à ce qu'elle serait si tout le sol était mouillé uniformément.
Si les applications au goutte-à-goutte sont fréquentes, la portion mouillée du sol reste en permanence humide, mais le sol n'est pas saturé et reste donc bien aéré. Cela crée des conditions d'humidification exceptionnellement favorables. L'irrigation au goutte-à-goutte présente donc un avantage certain par rapport à l'irrigation par surverse et même par rapport à l'irrigation par aspersion moins fréquente, en particulier pour les sols sableux ayant une faible capacité de rétention d'eau et dans les climats arides où les pertes par évaporation sont élevées. En outre, contrairement à l'irrigation par aspersion, l'irrigation au goutte-à-goutte n'est pratiquement pas affectée par le vent. La texture du sol, la topographie ou la rugosité de la surface ont aussi une influence moins grande qu'avec l'irrigation de surface.
Si la quantité d'eau déversée est supérieure aux besoins de la plante, la zone mouillée se trouvant en dessous de chaque goutteur s'allonge vers le bas et peut finir par former une «cheminée» qui draine l'eau excédentaire hors d'atteinte des racines (figure 18).

 

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FIGURE 18
Forme du mouillage du sol sous un goutteur placé entre deux rangs peu espacés

Le système du goutte-à-goutte permet d'employer de l'eau légèrement saumâtre (ayant par exemple une teneur en sel d'environ 1 000 à 2 000 mg/litre) pour irriguer des cultures comme le coton, la betterave à sucre, les tomates ou les dattes qui ne sont pas trop sensibles à la salinité. L'eau saumâtre n'entre pas en contact direct avec le feuillage, qui risque donc moins d'être brûlé par le sel qu'avec l'irrigation par aspersion. Comme, dans la zone mouillée, le sol reste en permanence humide, les sels ne se concentrent pas et la salinité de la solution du sol dans la rhizosphère n'est que lé-gèrement supérieure à celle de l'eau
d'irrigation.
Cependant, si l'eau d'irrigation est saumâtre, une fraction des sels transportés par l'eau tend à se concentrer à la périphérie des cercles mouillés, et à former des anneaux de sel visibles autour de chaque point de gouttage. Dans les zones où les pluies saisonnières sont suffisantes, ces anneaux sont habituellement lessivés chaque année.
Les réseaux complets de goutte-à-goutte permettent de réduire considérablement les frais de main-d'œuvre, mais leur bon fonctionnement ne peut être assuré que s'ils sont supervisés en permanence par des techniciens qualifiés et si les pièces de rechange peuvent être fournies rapidement. Ce n'est assurément pas un système qui, une fois installé, peut continuer à fonctionner tout seul sans problèmes. Les goutteurs doivent être inspectés régulièrement et nettoyés ou remplacés dès qu'ils cessent de fonctionner, soit parce qu'ils sont obstrués, soit à cause d'une défaillance mécanique.
Bien que les tuyaux de plastique utilisés pour l'irrigation au goutte-à-goutte soient résistants aux intempéries et souples, ils risquent de former des noeuds ou de se fissurer à force d'être pliés et piétinés, et perforés par des outils aratoires, des rongeurs et des oiseaux. On peut les ensevelir dans le sol pour qu'ils durent plus longtemps, mais, dans ce cas, il est plus difficile de les inspecter et de les réparer lorsqu'ils s'abîment.
L'aspect le plus important de l'entretien d'un système d'irrigation au goutte-à-goutte est la prévention de l'obstruction des goutteurs par des particules en suspension (limon), des organismes biologiques ou leurs produits, et par la précipitation chimique des sels. On peut empêcher la formation d'algues et autres dépôts biologiques en injectant du chlore dans l'eau. Des précautions particulières doivent être prises lorsque l'eau d'irrigation provient de réservoirs ouverts dont l'eau est troublée par du limon ou verdie par des plantes aquatiques. Il est possible de prévenir la précipitation de sels, comme le carbonate de calcium, en acidifiant périodiquement l'eau.
Diverses sortes de particules en suspension peuvent être enlevées de l'eau d'irrigation au moyen de filtres à grille, de filtres à gravier, à sable ou à tripoli, et de séparateurs centrifuges. Quelle que soit leur forme, les filtres sont indispensables et doivent être installés dans tous les systèmes d'irrigation au goutte-à-goutte. Les filtres à grille sont assez délicats et nécessitent des inspections et des nettoyages fréquents. Les filtres à gravier et à sable sont moins coûteux, mais tendent à s'encrasser et à entraîner une baisse considérable de la pression. A mesure que les pores du gravier ou du sable sont obstrués par les matières solides ou les pellicules qui s'y déposent, la pression diminue et le débit se ralentit, ce qui nécessite un nettoyage fréquent des filtres et leur remplacement périodique.
L'espacement entre les canalisations latérales est déterminé par l'espacement entre les rangs cultivés, étant donné qu'elles sont généralement placées le long de chaque rang. Dans les cultures plantées en rangs serrés, il est souvent possible d'utiliser moins de tuyaux en sautant un certain nombre de rangs ou en plaçant une seule canalisation latérale entre deux rangées serrées cultivées en planches. Ce procédé est évidemment exclu pour arroser des cultures arbustives ou arborées très espacées. En principe, le système du goutte-à-goutte est particulièrement approprié pour arroser des vergers ou des cultures maraîchères disposées en lignes et en planches; en revanche, il se prête moins bien aux cultures de plein champ plantées serré nécessitant un mouillage uniforme de tout le volume du sol (figure 19).

 

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FIGURE 19
Forme du mouillage du sol sous des goutteurs placés de part et d'autre d'un arbre

Les systèmes d'irrigation au goutte-à-goutte requièrent des investissements relativement élevés, car il faut une grande quantité de tuyaux, de tubes, de goutteurs et de dispositifs auxiliaires pour parvenir à délivrer le volume d'eau voulu en des points spécifiques du champ. En outre, comme les orifices standard des goutteurs sont étroits, des dispositifs de filtrage onéreux doivent être installés pour prévenir leur obstruction. De ce fait, les systèmes d'irrigation au goutte-à-goutte tendent à être plus chers, au moins au départ, que les systèmes d'irrigation superficielle. Ils peuvent se révéler rentables à long terme s'ils parviennent effectivement à prévenir le gaspillage d'eau et la dégradation des terres, si fréquents avec les méthodes traditionnelles. Cependant, pour qu'ils soient plus facilement applicables en Afrique, il faut trouver des moyens de les simplifier et de réduire leurs coûts d'installation et de fonctionnement.

Goutte-à-goutte simplifié

L'équipement extrêmement sophistiqué, mis au point pour les systèmes d'irrigation au goutte-à-goutte dans les pays industrialisés, leur a fait perdre la simplicité qui était à la base de leur conception. La principale justification de ces systèmes qui nécessitent des capitaux importants et consomment généralement beaucoup d'énergie est l'économie de main-d'œuvre. Etant donné que l'importance relative des coûts des facteurs entrant en jeu dans les pays en développement d'Afrique est souvent inversée par rapport aux pays industrialisés, il est indispensable de simplifier ces systèmes. La conception des systèmes d'irrigation au goutte-à-goutte doit être revue de façon à faciliter leur installation et leur entretien, tout en conservant les principes de base, à savoir l'application fréquente d'un faible volume d'eau, et la maximisation de l'efficacité de l'irrigation (figures 20 à 24).

 

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FIGURE 20
Emetteur externe à un seul goutteur, constituant une source localisée

 

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FIGURE 21
Emetteur externe, muni de goutteurs multiples

 

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FIGURE 22
Coupe d'un émetteur interne avec trajectoire de l'écoulement capillaire en spirale, et d'un goutteur externe (enfiché) à orifice étroit

 

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FIGURE 23
Schémas de la diffusion de l'humidité dans des sols argileux, limoneux et sableux irrigués au goutte-à-goutte

 

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FIGURE 24
Méthode visant à faciliter la pénétration de l'eau dans un sol en pente raide irrigué au goutte-à-goutte, au moyen d'un anneau rempli de gravier enfoncé dans le sol à une profondeur de plusieurs centimètres

Les goutteurs ne doivent pas nécessairement être des dispositifs de précision. Ils peuvent être improvisés en perçant des trous à la main dans les canalisations latérales. Pour que ces perforations soient aussi uniformes que possible, il est conseillé d'utiliser des poinçons arrondis comme ceux employés pour faire des trous dans les ceintures de cuir. Pour empêcher un écoulement trop important ou l'obstruction des orifices, les utilisateurs peuvent recouvrir les trous avec des «colliers» bien ajustés, faits en découpant de petites sections du tuyau utilisé pour les canalisations latérales et en les faisant glisser sur les trous. En procédant par tâtonnements, un utilisateur peut fabriquer des goutteurs adéquats pour une fraction infime du prix auquel ils sont vendus dans le commerce. En outre, ces goutteurs sont faciles à entretenir, c'est-à-dire à nettoyer ou à déboucher quand il le faut. Pour fabriquer les goutteurs, on peut aussi couper des petits bouts de tuyau (microtubes) et les insérer dans des trous pratiqués dans les parois des canalisations latérales; on ajustera ensuite la longueur des microtubes pour obtenir le débit souhaité (figures 25 et 26).

 

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FIGURE 25
Fabrication d'un système simple d'arrosage au goutte-à-goutte en perforant un tuyau de plastique et en recouvrant les orifices avec un manchon découpé dans le même tuyau

 

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FIGURE 26
Fabrication d'un système simple d'arrosage au goutte-à-goutte, en insérant un microtube, de longueur réglable, dans un tuyau latéral

La pression hydraulique dans les conduites d'amenée ne doit pas nécessairement être créée par des pompes mécaniques. Il suffit d'installer le réservoir quelques mètres plus haut que la terre à arroser pour créer une pression de gravité suffisante pour irriguer au goutte-à-goutte une petite surface. En élargissant le diamètre des tubes et les orifices des goutteurs, et en augmentant la durée des arrosages, on peut compenser la faiblesse de la pression. On évitera ainsi de devoir placer des régulateurs de pression de précision, surtout si le terrain est relativement plat et si les canalisations latérales ne sont pas trop longues ou trop étroites.

Le filtrage peut être assuré en interposant un simple récipient rempli de sable entre la source d'eau et les conduites d'irrigation. L'eau (trouble) qui arrive entrera au fond du récipient et se répandra vers le haut à travers les couches de sable, dont elle sortira filtrée, pour se déverser dans les conduites d'irrigation. Un filtre de ce type peut être fabriqué sur place, avec un récipient de métal ou de plastique de la taille que l'on jugera appropriée, compte tenu de la vitesse d'écoulement et de la turbidité de l'eau. Le sable utilisé à cette fin sera lavé au préalable pour retirer les particules plus fines et devra être nettoyé ou remplacé régulièrement à mesure qu'il s'encrassera.

La mesure du débit est fondamentale pour garantir une utilisation efficace de l'eau. Si un système n'est pas équipé de débitmètres ou de valves doseuses, le débit doit être contrôlé en enregistrant la durée de chaque irrigation. Le volume de l'écoulement par unité de temps devrait être contrôlé et recontrôlé périodiquement, de même que l'uniformité (ou la variabilité) du débit des goutteurs dans chaque canalisation latérale et dans les conduites qui se trouvent dans le champ. Pour ce faire, on peut enregistrer le temps qu'il faut pour que l'eau qui s'écoule remplisse une cuve d'un volume donné. Le volume d'eau déversé au cours de chaque période d'irrigation doit correspondre aux besoins estimés de la culture, compte tenu de son stade de croissance et des conditions météorologiques (pluviométrie et évapotranspiration depuis l'irrigation précédente).

Microaspersion

L'irrigation au moyen de micropulvérisateurs, également appelés mini-asperseurs ou gicleurs, se fonde sur le même principe que l'irrigation au goutte-à-goutte, en ce sens que seule une fraction de la surface du sol est arrosée. Cependant, l'eau ne sort pas goutte à goutte par les orifices étroits des goutteurs, mais est éjectée en jets fins par une série de gicleurs d'où elle tombe en pluie. Chaque gicleur peut arroser plusieurs mètres carrés, soit une surface bien plus grande que celle que mouille un goutteur. Le système de la microaspersion permet donc d'augmenter le volume de sol mouillé dans lequel les racines des plantes absorbent l'eau et les éléments nutritifs (sans avoir à installer de multiples goutteurs), ce qui est particulièrement intéressant pour les gros arbres (figure 27).

 

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FIGURE 27
Forme du mouillage du sol, sous microaspersion.

La microaspersion a un autre gros avantage par rapport au goutte-à-goutte. En effet, comme les orifices des gicleurs sont plus larges et le taux d'écoulement supérieur, le risque d'obstruction est réduit et le filtrage n'est pas une nécessité aussi impérative qu'avec l'irrigation au goutte-à-goutte. Cela permet de réduire quelque peu les coûts d'installation. La pression requise reste cependant de l'ordre de 1 à 2 atmosphères - niveau plus faible qu'avec des asperseurs ordinaires, mais qui oblige à installer un système de pompage ou à surélever le réservoir d'alimentation d'au moins 10 m.
A d'autres égards, l'irrigation par microaspersion présente les mêmes avantages potentiels que l'irrigation au goutte-à-goutte, car elle permet l'application fréquente d'un faible volume d'eau et l'injection de fertilisants dans l'eau. En outre, il est facile d'adapter les systèmes de microaspersion aux conditions des pays en développement, en réduisant leur taille, pour la rendre plus conforme aux parcelles à irriguer, généralement de petites dimensions.
La microaspersion a aussi des inconvénients par rapport au goutte-à-goutte. La composante évaporation du bilan hydrique est accrue, à la fois parce que la surface mouillée est plus grande, que l'eau est pulvérisée dans l'air sec et que les feuilles les plus basses sont mouillées. Comme le feuillage est mouillé, l'utilisation d'eau saumâtre et l'incidence des maladies fongiques posent plus de problèmes qu'avec l'irrigation au goutte-à-goutte.
Dans les systèmes de microaspersion, les canalisations d'amenée sont les mêmes qu'avec les systèmes de goutte-à-goutte. On trouve à présent dans le commerce divers types d'arroseurs, généralement en plastique résistant. Il est cependant difficile de fabriquer des gicleurs improvisés, si bien que l'irrigateur est davantage tributaire d'éléments manufacturés qu'il ne le serait en optant pour le système du goutte-à-goutte simplifié, décrit plus haut.

Barboteur de basse chute

L'irrigation par barboteur est une méthode d'application fréquente d'un faible volume d'eau sur une surface partielle, dans laquelle l'eau est distribuée dans des conduites fermées. Elle est conçue spécifiquement pour réduire les besoins en investissement et la consommation d'énergie, grâce à l'utilisation de tuyaux à parois fines et peu coûteux, en plastique cannelé et d'un diamètre assez large pour que la pression limitée fournie par un réservoir de surface de basse chute soit suffisante. L'irrigation par barboteur est une variante de l'irrigation au goutte-à-goutte visant à réduire la dépendance du système à l'égard d'éléments manufacturés (figure 28).

 

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FIGURE 28
Forme du mouillage du sol irrigué par un barboteur, avec coude souterrain

Dans l'irrigation par barboteur, les goutteurs manufacturés ne sont pas utilisés et l'eau sort librement «en gargouillant» de tuyaux verticaux ouverts. Cela permet d'éviter le filtrage qui est un gros problème dans l'irrigation au goutte-à-goutte. Les tubes verticaux (appelés hampe ou tube allonge vertical), ont un diamètre d'environ 1 à 3 cm, et sont raccordés à des tuyaux d'irrigation latéraux, ayant un diamètre minimal de 10 cm, enfouis dans le sol. Les barboteurs sont fixés à des perches ou à des bornes et leur hauteur est ajustée vers le haut et vers le bas, après un calcul ou des essais par tâtonnements, de façon à distribuer l'eau au débit voulu.
Ces systèmes sont particulièrement adaptés pour arroser des cultures très espacées, comme les plantations d'arbres fruitiers ou d'arbustes, dans lesquelles un asperseur monté sur une hampe peut être installé le long de chaque arbre ou groupe d'arbustes. Pour assurer une distribution uniforme de l'eau qui s'écoule des barboteurs, on remplit des petits bassins, entourés de petits billons, d'une quantité égale d'eau. Ces bassins peuvent être construits manuellement et avoir une forme circulaire ou rectangulaire. Grâce à ces moyens simples, les principes d'une irrigation efficace peuvent être mis en pratique.
Ce système, dont la conception est simple et ne nécessite aucun élément manufacturé normalisé (tels que gicleurs, raccords, régulateurs de pression et filtres), n'a pas été promu dans le commerce par les vendeurs d'équipement. C'est sans doute pour cela que tant d'utilisateurs potentiels ne sont pas conscients de ses avantages, qui sont, entre autres, son faible coût et sa facilité d'installation et de fonctionnement.
Il y a 20 ans, une procédure pour l'installation et l'étalonnage de ces systèmes d'irrigation a été décrite par Rawlins (1977). Depuis lors, les expériences de l'auteur du présent document et d'autres personnes ont démontré que ces systèmes étaient valables. Ces derniers, ou leurs variantes, peuvent être intéressants pour les cultures arborées, en particulier sur des terrains relativement plats où l'on pratiquait antérieurement l'agriculture pluviale ou des méthodes d'irrigation de surface traditionnelles.


Encadré 4

Récapitulatif des méthodes d'irrigation à petite échelle

Méthodes nécessitant uniquement de la main-d'œuvre et des matériaux locaux

  • Des pots de céramique poreux cuits à chaleur modérée sont posés à la surface ou enfouis dans le sol à l'intérieur de la rhizosphère. Lorsqu'ils sont remplis d'eau et d'engrais dissous, les réceptacles d'argile perméable exsudent de l'eau et des éléments nutritifs dans le sol.
  • Des tuyaux de céramique sectionnés constituent des sources linéaires qui humidifient un volume de sol de forme allongée.
  • Méthodes basées sur des matériaux importés, mais assemblés sur place
  • Des tuyaux de plastique moulé ou des canalisations de plastique extrudé sont perforés à la main et posés sur le sol pour simuler une irrigation au goutte-à-goutte.
  • Des sections verticales de tuyaux de plastique (ou même des récipients de plastique mis au rebut, bouteilles, etc.) sont enfouies dans le sol.
  • Des récipients de plastique à parois minces sont remplies de sable ou de gravier pour fournir une résistance mécanique à l'écrasement.
  • Des manchons de plastique recouvrent les sections perforées des tuyaux pour empêcher les racines de pénétrer dans les orifices d'évacuation.
  • Des filtres à sable empêchent les particules en suspension ou les algues d'obstruer les orifices de sortie.
  • Des récipients auxiliaires sont utilisés pour dissoudre et injecter l'engrais dans l'eau d'irrigation.
  • Des tubes allonge verticaux ou hampes sont utilisés pour déverser l'eau amenée par une conduite souterraine dans de petits bassins.

Méthodes basées sur des éléments importés*

  • Les assemblages de goutteurs et de microasperseurs fabriqués industriellement sont soigneusement supervisés et entretenus.
  • Des équipements accessoires, tels que filtres à grille et filtres remplis de matières diverses, valves doseuses, régulateurs de pression et injecteurs d'engrais sont utilisés dans divers assemblages.

* Ces options ne sont justifiées que pour l'arrosage des cultures commerciales dans une économie de marché stable.



Fertirrigation

De nombreux sols d'Afrique sont, par définition, peu fertiles. Dans les zones tropicales humides, ils tendent à être fortement lessivés et, dans certains endroits, ils sont acidifiés ou contiennent de l'aluminium ou des sulfates toxiques. Les sols des zones subtropicales arides se caractérisent par leur texture grossière et leur faible teneur en matière organique. L'amélioration de la productivité de ces sols, indispensable pour assurer la sécurité alimentaire, nécessite souvent des apports de produits chimiques, de fumier ou d'engrais.

Les méthodes de fertilisation classiques - épandage uniforme sur la surface ou semis en sillons d'une bande continue d'engrais tout au long de la rangée cultivée - ne sont pas compatibles avec l'irrigation d'une surface ou d'un volume partiel. L'efficacité de l'application est maximisée si la distribution spatiale de l'engrais dans le sol correspond à celle de l'eau.
Lorsque seule une fraction du volume du sol reçoit de l'eau, les racines des plantes se concentrent dans la portion humide du sol. Il est donc important d'apporter à cette zone racinaire restreinte les nutriments essentiels à la croissance de la plante. Si l'on épand des engrais secs à la surface du sol, on ne peut pas être sûr qu'ils pénétreront au bon endroit, d'autant plus si des méthodes d'irrigation souterraine sont pratiquées. L'expérience a montré que l'efficacité de l'engrais et de l'eau est renforcée si les éléments nutritifs sont ajoutés à l'eau d'irrigation.
Le déversement simultané d'eau et d'engrais est aujourd'hui connu sous le nom de fertirrigation. Cette méthode est une variante particulière de la notion plus générale d'irrigation fertilisante, qui consiste à introduire différents produits agrochimiques en solution dans la rhizosphère, par le canal du système d'irrigation. D'autres types de produits chimiques sont appliqués selon ce procédé, notamment des herbicides sélectifs pour supprimer les mauvaises herbes, des fongicides pour lutter contre les maladies fongiques, et des nématocides pour protéger les racines des plantes cultivées contre les nématodes phytopathogènes.

 

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FIGURE 29
Réservoir de mélange de l'engrais pour l'injection de nutriments solubles (fertirrigation) dans un système d'irrigation à conduites fermées

Dans les systèmes d'irrigation par canalisations fermées, le meilleur procédé consiste à raccorder à la conduite principale un réservoir où l'on injecte l'engrais (figure 29). Le montage d'un système de fertirrigation est relativement simple. Aucun équipement spécialisé n'est nécessaire; il suffit d'une cuve d'une capacité appropriée (20 à 100 litres), de préférence en matériau non corrosif, à travers laquelle on laisse l'eau s'écouler. La cuve devrait avoir une large ouverture munie d'un joint étanche pour pouvoir verser l'engrais et le mélanger. Dans les systèmes nécessitant un dispositif de filtrage, comme le goutte-à-goutte ou la microaspersion, le réservoir d'engrais doit être placé avant le filtre pour que les particules insolubles provenant de ce réservoir n'obstruent pas les goutteurs.
De tous les nutriments essentiels des végétaux, celui que l'on trouve le plus souvent en concentration insuffisante dans le sol est l'azote, dont les formes minérales (sulfate d'ammonium, nitrate d'ammonium, nitrate de potassium et urée) sont généralement facilement solubles. Les applications d'azote entraînent souvent une croissance et un reverdissement spectaculaires des feuilles, surtout lorsque les plantes poussent sur des sols lessivés à faible teneur en matière organique. Cependant, si l'on n'apporte que de l'azote, les plantes risquent de présenter rapidement des carences en d'autres nutriments principaux (phosphore et potassium), ainsi qu'en plusieurs autres éléments nutritifs secon-daires.
En cas de besoin, la potasse est aussi disponible en formules concentrées solubles, contenant du chlorure, du sulfate ou du nitrate de potassium. Il est parfois nécessaire d'acidifier les engrais contenant du phosphore pour qu'ils se dissolvent plus facilement. Dans les sols tropicaux très peu fertiles, les carences en éléments nutritifs secondaires peuvent nécessiter des pulvérisations foliaires.

Irrigation souterraine par contrôle des nappes phréatiques

L'irrigation souterraine consiste à amener de l'eau jusqu'à la zone racinaire des plantes en régularisant, par des moyens artificiels, la hauteur de la nappe souterraine. Cette méthode peut être appliquée dans les endroits où la nappe est naturellement haute, ce qui est souvent le cas le long des vallées fluviales ou dans les plaines recouvrant des strates imperméables (figure 30).

 

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FIGURE 30
Elévation ou abaissement de la nappe phréatique pour l'irrigation souterraine, en contrôlant le niveau de l'eau dans des fossés parallèles

On creuse habituellement des tranchées ouvertes jusqu'à une profondeur inférieure à la nappe, et le niveau de l'eau est contrôlé par des barrages régulateurs ou des vannes. De cette manière, les tranchées peuvent servir soit à drainer l'excédent d'eau et, partant, à abaisser la nappe phréatique pendant les saisons humides, soit à élever la nappe en période sèche et, de ce fait, à humidifier la rhizosphère par en dessous. Les tranchées ouvertes ont pour inconvénient de «couper» le champ et de gêner les travaux de labour, de plantation et de récolte. Elles diminuent aussi sensiblement la surface cultivable. On peut les éviter en plaçant en dessous de la nappe des tuyaux poreux ou perforés (généralement en plastique ondulé), munis de prises d'eau de distribution réglables. Ouvertes, les prises d'eau font office de drains; fermées, elles permettent à la nappe d'eau de s'élever. Les conduites souterraines sont cependant plus coûteuses à installer et plus difficiles à entretenir, car elles tendent à être bouchées par de la terre ou de l'oxyde de fer précipité.
L'irrigation souterraine peut être utilisée pour arroser les cultures de plein champ, les pâturages et les vergers. Elle convient particulièrement bien aux plantes hydrophiles, telles que la canne à sucre et les dattes. L'uniformité de l'irrigation dépend de la régularité de la surface et de l'uniformité du sol.
Le contrôle précis du niveau d'une nappe d'eau souterraine peu profonde est une tâche délicate et difficile comportant de grands risques. La profondeur idéale de la nappe d'eau devrait être de 30 à 60 cm en dessous de la rhizosphère. Si elle est plus élevée, elle tend à engorger le sol , à limiter l'aération et à provoquer une ascension capillaire et une évaporation à la surface, où les sels risquent de s'accumuler. Par ailleurs, si elle est maintenue à un niveau trop bas, la plante risque d'être privée de l'humidité dont elle a besoin. En poussant, la plante absorbe plus d'humidité et son système racinaire s'étend vers le bas, si bien que la nappe tend à baisser, sauf si on la maintient à dessein à un niveau élevé.
Etant donné que la source d'eau se trouve en dessous de la zone racinaire, celle-ci est approvisionnée en eau par capillarité. Le fonctionnement du système dépend donc des caractéristiques de sorption du sol. Un sol à texture fine (argileux) tend à s'engorger d'eau et à limiter l'aération. Dans un sol argileux, l'eau d'irrigation souterraine ou de drainage s'écoule aussi plus lentement. Dans ce type de sol, les tranchées ou les conduites souterraines doivent être moins espacées. En revanche, un sol à texture grossière (sableux) a une capacité de rétention hydrique trop faible et tend à s'assécher trop vite. Comme avec les autres méthodes d'irrigation, rien ne saurait remplacer l'expérience locale en matière de maîtrise de l'eau, basée sur la connaissance des caractéristiques spécifiques du sol et des besoins des plantes.

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