La présente publication vise principalement à mieux faire connaître les concepts et les pratiques fondamentaux de l'utilisation efficace de l'eau. Le but est d'appliquer ces principes pour améliorer la petite agriculture et, par voie de conséquence, la sécurité alimentaire en Afrique. La manière dont ces principes seront appliqués dans les divers endroits dépend des conditions locales qui ont une influence sur l'économie de la terre, de l'eau, de la main-d'oeuvre, des machines, de l'énergie et sur le choix des cultures à planter. Elle dépend aussi de facteurs sociaux et des effets à long terme sur l'environnement. Il n'existe pas de recette universelle pour concevoir et mettre en oeuvre des systèmes d'irrigation susceptibles à la fois d'être efficaces, de procurer des avantages sociaux et de garantir la conservation des ressources. Aucune des technologies dont on dispose ne garantit le succès en tout lieu: chacune peut être plus ou moins efficace et être vouée à l'échec si elle n'est pas gérée comme il convient.
Pour que l'utilisation efficace de la terre et de l'eau ne soit pas
seulement un concept abstrait, elle doit devenir l'objectif explicite des institutions ou
des gouvernements bailleurs de fonds, mais aussi de ceux qui travaillent dans les champs.
Les systèmes d'irrigation doivent être ajustés dès le départ afin que ceux qui en
sont propriétaires et les gèrent soient motivés, informés, se sentent responsables,
aient la possibilité d'improviser et puissent accéder au crédit.
Dans les pays en développement, les unités d'irrigation sont très variables, tant par
leur taille que par leur organisation, et il continuera certainement à en être ainsi.
D'une part, on trouve des projets publics ou commerciaux de très grande envergure, d'une
taille allant de quelques centaines à des dizaines de milliers d'hectares. A l'autre
extrémité, on trouve les nombreuses petites exploitations familiales d'une dimension
allant de 0,1 à 10 ha. Parmi ces dernières, quelques-unes bénéficient d'un accès
direct à une source d'eau indépendante (puits ordinaire), alors que d'autres font partie
d'associations (coopératives villageoises) qui se partagent l'accès à une source d'eau
commune.
Il va de soi que des méthodes d'irrigation convenant à des opérations d'une certaine
ampleur peuvent être tout à fait inappropriées pour d'autres. Ainsi, les systèmes
d'aspersion à haute pression peuvent être intéressants pour des producteurs commerciaux
de cultures industrielles, mais sont trop onéreux pour les petites exploitations
agricoles. La technologie sélectionnée doit être celle adaptée à la taille de chaque
type d'opération.
S'agissant du développement de l'irrigation, ce qui importe, ce n'est pas tant le
transfert de technologie en soi que la prise de conscience de la nécessité d'améliorer
l'efficacité de l'utilisation de la terre et de l'eau et des principes qui sous-tendent
ce concept. L'utilisation inefficace de ces ressources vitales n'est pas le fait d'un seul
groupe de pays: la maladie est universelle. Aucune technologie n'offre une garantie de
succès, même si certaines ont plus de chances de réussir que d'autres. Enfin, la tâche
doit être accomplie par des personnes travaillant dans des endroits distincts,
bénéficiant des incitations, des connaissances et des moyens requis. Au lieu de voir le
développement de l'irrigation comme un problème qui dépend uniquement de l'offre, le
moment est venu de mettre l'accent sur l'importance de la demande. Plus spécifiquement,
le problème consiste à parvenir à gérer la demande d'eau de façon à garantir
l'efficacité et la durabilité de son utilisation. On obtiendra davantage de bonne eau en
conservant la ressource et en préservant sa qualité et on accroîtra les recettes
économiques en améliorant son utilisation.
Globalement, les systèmes qui transportent l'eau dans des conduites fermées pour arroser
des cultures à rendement potentiel élevé, sont ceux qui offrent les meilleures chances
d'améliorer l'efficacité de l'utilisation de l'eau dans les petites exploitations
agricoles. Logiquement, ces systèmes devraient fournir l'eau à la demande, selon un
dosage calculé pour satisfaire en permanence les besoins des plantes tout en prévenant
le gaspillage, la salinisation et l'élévation de la nappe d'eau. Les méthodes peu
coûteuses décrites dans cet ouvrage, basées sur l'application fréquente d'un faible
volume d'eau sur une partie du champ, ne sont que quelques exemples pertinents.