Future societies seem destined to undergo galloping urbanization and, in most cases, a gradual decline of nature areas, with urban development usually occurring at the expense of the natural environment. However, if cities are to prosper and expand without harming nature, they must be organized in such a way that nature remains an important feature of their centres and peripheries, at least in the form of non-urbanized semi-nature areas.
From this standpoint, this article examines two series of juridical instruments that could help attenuate the detrimental consequences of urban development for the natural environment: on the one hand, mechanisms aimed at restricting urban growth and thus preventing the uncontrolled, disproportionate spread of urbanization; on the other, mechanisms to ensure some control over urban densities and thus a degree of environmental conservation in the city areas.
Las sociedades del futuro parecen abocadas a una urbanización acelerada. En la mayoría de los casos esto se traducirá en una disminución progresiva de los espacios naturales, puesto que el desarrollo urbano suele avanzar a expensas del medio natural. Ahora bien, si es cierto que la ciudad debe evitar crecer y extenderse en detrimento de la naturaleza, también lo es que debe organizarse de tal manera que en su interior y en sus alrededores siga habiendo un lugar importante para ella, o por lo menos para los espacios seminaturales no urbanizados.
A partir de este planteamiento, el autor analiza dos series de instrumentos jurídicos que pueden contribuir a atenuar los efectos perjudiciales del desarrollo de las ciudades en el medio natural: por una parte, la introducción de mecanismos encaminados a limitar la expansión urbana, a fin de evitar que las ciudades aumenten de manera desmesurada y anárquica; por otra parte, los mecanismos que permitan asegurar un cierto control de la densificación urbana, con objeto de organizar el medio ambiente en la ciudad.
Mohamed Ali Mekouar
Juriste principal, Bureau juridique de la FAO
Les sociétés de demain semblent vouées à une urbanisation rampante. Le plus souvent, celle-ci se traduira par un amenuisement progressif des espaces naturels. En effet, le développement urbain se fait dordinaire aux dépens du milieu naturel. Or, si la cité doit éviter de prospérer et de sétendre au détriment de la nature, elle doit aussi sagencer de telle manière que, en son sein et à ses portes, il reste une place importante pour la nature ou, à tout le moins, pour des espaces «semi-naturels» non urbanisés.
Partant de ce point de vue, lauteur analyse deux séries dinstruments juridiques qui peuvent être mis à contribution pour atténuer les effets préjudiciables du développement de la cité sur le milieu naturel: dun côté, la mise en place de dispositifs visant à limiter lexpansion urbaine afin déviter que les villes ne sétalent de façon démesurée et anarchique; de lautre, ceux conçus pour assurer une certaine maîtrise de la densification urbaine dans le souci de ménager lenvironnement dans la cité.
Le monde surbanise de plus en plus rapidement, en particulier, semble-t-il, dans les pays en développement (Martinotti, 1992). En lespace de quelques décades seulement, lurbanité sest imposée massivement: «Au début du XIXe siècle, à peine 3 pour cent de la population mondiale étaient urbanisés; dans cinq ans, plus de la moitié de lhumanité le sera» (Ramonet, 1996)1. Certes, les statistiques démographiques sont discutables2, mais les villes, affirme-t-on, représentent assurément «notre avenir commun» (Töpfer, 1996). Désormais, il y aurait une sorte de fatalité urbaine à laquelle les sociétés contemporaines ne sauraient se soustraire: la ville serait le destin de lhomme3.
De fait, alors que près de la moitié de la population mondiale se serre déjà dans les cités, ces dernières sont, en général, appelées à croître et à se multiplier davantage lors des prochaines décennies4. Les sociétés de demain semblent, par conséquent, vouées à une urbanisation rampante. Or, le plus souvent, celle-ci se traduira par un amenuisement progressif des espaces naturels. En effet, le développement urbain se fait dordinaire aux dépens du milieu naturel. Consommatrices de nature, la plupart des villes sinstallent ou sétendent dans les zones rurales, agricoles, forestières ou humides, quelles «mitent» largement ou quelles absorbent complètement. A mesure que les cités se déploient et que le béton avance, la nature recule ou sefface, intra muros autant que dans les périphéries.
Mais sil est vrai que les villes grossissent au détriment de la nature, en termes dextension spatiale, elles noccupent en réalité que 1 à 2 pour cent de la surface terrestre de la planète. Bien quelles ne cessent de sétaler, les villes ne sont donc pas ces énormes dévoreuses despace que lon imagine communément. En revanche, elles consomment environ 75 pour cent des ressources du globe et elles génèrent, proportionnellement, des quantités similaires de déchets (Girardet, 1996).
Cest donc là, au fond, que réside le vrai problème de la ville. Il est essentiellement dans la portée considérable de son «empreinte écologique», cest-à-dire dans la profondeur de ses effets sur lenvironnement, qui peuvent se manifester, directement ou indirectement, à des centaines ou à des milliers de kilomètres de distance du périmètre urbain, en particulier dans les pays riches5. Londres, la «mère des mégalopoles» (Girardet, 1996), illustre bien ce constat: on estime que son empreinte écologique est compte tenu de ses besoins en aliments, produits forestiers et assimilation de carbone 120 fois plus grande que la superficie quelle occupe physiquement (Rees, 1996)6. Cest dire que les limites écologiques dune ville sont loin de coïncider avec ses limites géographiques sur la carte (Harrison, 1992).
Pour autant, essor de la ville et sauvegarde de la nature ne sont pas fatalement antagoniques. Interdépendants sur le plan économique, ces deux objectifs sont aussi écologiquement conciliables, pour autant que le développement urbain soit conçu et mené dans le respect du milieu naturel (Baker, 1995). Dernièrement, cette imbrication nécessaire de lurbain et du rural a été rappelée par la Déclaration dIstanbul sur les établissements humains, qui a été adoptée en juin 1996 à lissue dHabitat II, après avoir été soulignée lors de la Conférence des Nations Unies sur lenvironnement et le développement (CNUED) à Rio de Janeiro en 1992 dans Action 21, spécialement dans le chapitre plaidant pour un «modèle viable détablissements humains».
Comment cette problématique est-elle appréhendée par le droit comparé? Quelles solutions se dégagent, à cet égard, des législations nationales, notamment des textes relatifs à lenvironnement, à lurbanisme et à laménagement du territoire? A travers le thème «ville et nature»», on essaiera dapporter des éléments de réponse en examinant les outils juridiques visant à assurer le maintien, la réhabilitation ou la création despaces naturels en milieu urbain et périurbain, dans des contextes généralement caractérisés par lextension des villes et la pénurie foncière.
A cette fin, il y a lieu de sintéresser aux dispositifs juridiques ayant trait, notamment: au contrôle de lextension des villes au détriment des zones écologiquement vulnérables et des terres agricoles; au maintien des espaces de culture dans les centres urbains; à la politique des espaces verts en ville; aux documents durbanisme et à la sauvegarde des espaces naturels en milieu urbain; et à la protection et à lutilisation des cours et plans deau urbains. Quelques-unes de ces questions seront abordées ci-après en considérant la régulation du rapport ville/nature dun double point de vue: dune part, dans loptique de linsertion de la ville dans la nature et, dautre part, dans loptique du maintien de la nature dans la ville.
Sous cet angle dapproche, deux séries dinstruments juridiques peuvent être mis à contribution pour atténuer les effets préjudiciables du développement de la cité sur le milieu naturel. Dun côté, il y a les dispositifs visant à limiter lexpansion urbaine afin déviter que les villes ne sétalent de façon démesurée et anarchique. De lautre, il y a ceux qui sont conçus pour assurer une certaine maîtrise de la densité urbaine dans le souci de ménager lenvironnement dans la cité.
A ce titre, on peut envisager deux types de dispositifs susceptibles de contenir les villes et den contrôler lexpansion: dune part, les instruments de planification et dorganisation de lespace et, dautre part, les techniques de zonage. Quant aux premiers, ce sont des documents relatifs à lurbanisme et à laménagement tels que les schémas ou plans directeurs ou leurs équivalents qui, habituellement, fixent les orientations fondamentales du développement urbain et de laménagement du territoire. Ce faisant, ils visent en général à atteindre un équilibre entre ville et campagne, entre extension urbaine et préservation de la nature (Prieur, 1996)7.
Ce genre de documents existe presque partout et fait lobjet de réglementations plus ou moins détaillées dun pays à lautre. Toutefois, la mise en uvre de ces documents est souvent entravée par des contraintes dordres divers, particulièrement dans les pays en développement.
Parmi les obstacles couramment rencontrés, certains sont de nature proprement juridique, tel le manque de base légale ou de valeur contraignante des documents en question (comme en droit malgache, par exemple). Dautres entraves tiennent plutôt aux difficultés matérielles: insuffisance des moyens humains et financiers permettant de les exécuter et de les actualiser de façon régulière. Si bien que, en pratique, lapport réel de ces instruments est fort limité eu égard à la majorité des villes du sud, dont le développement reste assez peu respectueux de ces documents de planification de lévolution urbaine.
Sagissant des instruments de zonage, ils permettent aussi, lorsque les conditions de leur mise en uvre sont réunies, de soustraire certains espaces à la progression des cités. Ainsi trouve-t-on fréquemment des textes instituant des zones à vocation agricole non sujettes à urbanisation dont le but est généralement de freiner lenvahissement des espaces de culture par les établissements humains, notamment à la périphérie des villes. Dans cette optique, on peut citer les textes suivants:
Il ne sagit plus ici des dispositifs de contrôle de lexpansion extra muros des agglomérations urbaines, mais de ceux tendant à maîtriser la densité du tissu urbain à lintérieur de la ville ou au voisinage de son périmètre, afin déviter quelle ne soit trop forte («bétonnage» du paysage), ou au contraire trop faible («mitage» du paysage). Les instruments juridiques pouvant servir cet objectif sont principalement de trois sortes: les documents locaux de planification urbaine; les dispositions concernant la construction et le lotissement; et les réglementations empêchant la dispersion de lhabitat.
En matière de planification urbaine locale, on trouve fréquemment des plans doccupation ou daffectation des sols et autres documents similaires daménagement ou de développement local, dans lesquels des portions de lespace urbain et périurbain sont délimitées et sauvegardées en raison de leur valeur écologique ou de leur intérêt agricole. Dans cet ordre didées, le droit malgache interdit les constructions immobilières dans les rizières. Celui de la République démocratique du Congo préscrit pour sa part, à travers les plans daménagement locaux ou particuliers, le maintien de réserves boisées en ville, mesure qui na cependant pas empêché la conversion de celles-ci en parcelles dhabitation. En France, le plan doccupation des sols doit notamment délimiter les secteurs à protéger pour des motifs écologiques et localiser les terrains cultivés non constructibles (article L 123-1 de la Loi dorientation pour la ville de 1991).
En ce qui concerne les dispositifs relatifs à la construction et au lotissement, il est fréquent que ceux-ci assujettissent la délivrance des permis et des autorisations nécessaires à la réalisation des travaux pour le maintien ou la création despaces verts dans les sites considérés. Ainsi, le Programme daménagement et durbanisme de Niamey (1984) impose-t-il aux lotisseurs des prescriptions concernant les espaces verts; dans les faits, néanmoins, celles-ci sont rarement respectées, ces espaces étant souvent morcelés et revendus. En Belgique (région wallonne et Bruxelles), le permis de lotir suppose létablissement dun projet de lotissement spécifiant les espaces naturels existants et futurs. En droit québécois, le règlement de zonage peut exiger la plantation darbres ou restreindre leur abattage, tandis que le règlement de lotissement peut subordonner lautorisation de projets de développement urbain à la création despaces naturels ou de parcs de loisirs. Au Sénégal, les lotissements et les constructions sont soumis à lobligation de réserver des emplacements à laménagement de jardins publics ou despaces verts, alors que les bâtiments industriels doivent être dotés décrans de verdure.
Il y a enfin, au nombre de ces dispositifs de maîtrise de la densité urbaine, les mesures visant à lutter contre léparpillement des établissements humains et le mitage de la nature qui en résulte. Elles préconisent généralement une progression ininterrompue des agglomérations et de lhabitat afin de limiter lamenuisement de la nature consécutif à lurbanisation dispersée. Divers exemples peuvent en être puisés dans le droit français: i) la Loi sur la montagne de 1985 prescrit une urbanisation «en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants» dans le but de préserver les terres agricoles, pastorales et forestières;
ii) dans la même optique, la Loi littoral de 1986 dispose que lextension urbaine «doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à lenvironnement»; de plus, elle interdit la création de nouvelles routes sur le rivage, les plages, dunes et cordons lagunaires; et iii) la Loi dorientation pour laménagement et le développement du territoire de 1995 permet, dans les zones densément urbanisées, la fixation dobjectifs pour la localisation dinfrastructures et déquipements, ainsi que pour la préservation des espaces naturels.
Si la cité ne doit pas prospérer et sétendre au détriment de la nature, elle doit aussi sagencer de telle manière que, en son sein et à ses portes, il reste une place importante pour la nature ou, à tout le moins, pour des espaces «semi-naturels» non urbanisés. Ce souci dassurer une certaine présence de la nature dans la ville est manifeste, par exemple dans le plan denvironnement pour un développement durable adopté par le Gouvernement wallon en 1995, dont lun des objectifs est la protection et la restauration des éléments naturels constitutifs des paysages urbains. Plus largement, on trouve des échos de cette préoccupation en droit comparé sur un double plan: par le biais de la politique des espaces verts urbains et à travers le maintien de certaines activités rurales en ville.
En milieu urbain et périurbain, des îlots plus ou moins verts ou «naturels» peuvent être préservés, créés ou reconstitués par le jeu, notamment, des dispositions régissant les servitudes de lurbanisme et de celles relatives aux espaces verts. Ainsi, en France, au titre des servitudes durbanisme, il est possible de conserver rigoureusement des «espaces boisés classés», qui sont protégés à des fins récréatives ou de pureté de lair dans la ville, en les mettant à labri des coupes, défrichements et lotissements. De la même façon, des «zones naturelles de protection renforcée» peuvent être, en raison de leur valeur esthétique ou écologique, strictement préservées et affranchies de toutes constructions (Prieur, 1996).
Par ailleurs, il est rare aujourdhui quune ville, au Nord comme au Sud, ne dispose dune politique despaces verts, même sil est tout aussi rare de voir une telle politique effectivement ou entièrement mise en uvre dans les cités du tiers monde. Désormais, en effet, la double fonction des espaces verts urbains, écologique équilibre naturel du milieu autant que sociale équilibre psychique des êtres humains est largement reconnue en droit comparé. Cest par exemple le cas du plan régional de développement de Bruxelles, qui prescrit un «verdoiement systématique» de lespace, un «maillage vert» constitué de parcs publics, promenades vertes, parcours paysagers, pistes cyclables, etc.
A Madagascar, les travaux nécessaires à la conservation des espaces verts urbains peuvent être déclarés dutilité publique. Au Sénégal, le Code de lurbanisme définit des normes despaces verts (superficie optimale requise pour satisfaire les besoins récréatifs des citadins), et le Code du domaine de lEtat donne à la puissance publique un droit de préemption sur les terrains non bâtis, mis en vente aux fins de leur utilisation comme espaces verts (mais en pratique ces terrains sont plutôt destinés à lhabitat social). Enfin, à Brazzaville, des jardins publics dagrément sont prévus par le Plan directeur de la ville (1980), mais ils sont soit laissés à labandon et donc dégradés, soit progressivement absorbés par les lotissements.
Outre le maintien ou la création despaces verts à lintérieur de la ville, ainsi que la préservation et laménagement de coupures vertes entre les habitations, les grandes agglomérations sont de plus en plus souvent entourées de couronnes forestières ou de ceintures vertes. Dans lensemble, ces îlots de «nature» urbains et périurbains sont non seulement dotés dun statut fortement protecteur, mais ils peuvent aussi, dans certains pays, bénéficier de mesures incitatives telles que:
i) subventions pour lacquisition de terrains aménageables en espaces verts par les communes et aides pour laménagement de «coins verts» sur la voie publique, en Belgique; et ii) redevances despaces verts, plans verts départementaux et contrats verts dagglomération entre lEtat et les villes, programmes régionaux despaces verts, en France.
La cité méprise la campagne et sefforce de lexclure de son horizon. Dans les années 20, Max Weber exprimait implicitement ce dédain en définissant la ville comme «un établissement humain dont les habitants sont engagés principalement dans des activités productrices non agricoles» (dans La ville, cité par Coquery-Vidrovitch, 1995). Diverses raisons historiques, culturelles, hygiéniques, foncières, économiques et environnementales, sont à lorigine de ce rejet, dans lespace et les esprits, du rural par lurbain. Aussi est-il devenu traditionnel dopposer ces derniers. Le droit lui-même consacre habituellement cette dichotomie en éloignant lagriculture et lélevage de la ville ou, au mieux, en les tolérant de façon marginale, ne permettant ainsi le maintien que de quelques enclaves de «ruralité» en milieu urbain: les jardins familiaux et autres enclos de culture intra muros.
Pourtant, sous leffet de laugmentation des populations urbaines et de laffaiblissement des cultures rurales, les citadins sont de plus en plus nombreux, dans les villes du tiers monde, à devenir «agriculteurs» et/ou «éleveurs» informels et, si ce nétait pour la pénurie des terres agricoles en ville et en banlieue, ces nouveaux agriculteurs urbains feraient sans doute davantage démules8. En effet, les petits champs quils cultivent et les animaux domestiques quils élèvent, voire les arbres forestiers quils plantent occasionnellement ou même la pêche quils pratiquent parfois (Naud, 1995), servent autant à nourrir leurs propres familles (autoconsommation) quà leur procurer des compléments de revenu appréciables (vente des surplus). Cela fait que lagriculture urbaine, naguère ignorée, décriée ou sous-estimée, suscite partout un intérêt grandissant, à mesure que lon prend conscience de son importance économique et sociale (Aipira, 1995; Byerley, 1996; Egziabher, 1994; Lee-Smith et Lamba, 1991; Mibiba, 1995; Schilter, 1991; Stix, 1996; Zimi, 1993). Et, à un moindre degré, la foresterie urbaine a enregistré elle aussi quelques succès ces dernières années (Braatz et Kandiah, 1996; Cartier, 1995; Murray, 1996).
Par conséquent, lagriculture urbaine est regardée dun il moins sévère par les décideurs politiques et les responsables municipaux. Mêmes les critiques fondées sur ses impacts écologiques négatifs semblent sêtre atténuées. Ainsi, Smit (1996), auteur dun récent livre qui fait autorité sur la question, estime que lagriculture urbaine est vitale, à la fois pour la sécurité alimentaire et pour le développement durable. En effet, nombreuses sont les villes qui produisent une partie non négligeable de leur nourriture et de leurs combustibles, à des coûts économiques et écologiques généralement plus faibles, réduisant ainsi leur dépendance alimentaire9.
On constate par contre que les instruments juridiques susceptibles daccompagner cette évolution font largement défaut: ils sont très rares, voire inexistants. Ainsi trouve-t-on difficilement des exemples de législations intéressantes en la matière. Au Congo, il existe des jardins maraîchers, gérés par des individus ou des groupements mais, en labsence dun statut juridique propre, ils sont en régression constante, victimes dun encerclement progressif par les lotissements. En France, le Code rural contient des dispositions favorisant le jardinage familial, conçu comme une activité à mi-chemin entre le loisir dominical et la production pour lauto-alimentation10.
Pour conclure, on peut affirmer que, dans lensemble, il manque encore une réelle politique incitative des potagers familiaux et, plus généralement, de lagriculture urbaine, alors même que celle-ci participe de préoccupations complémentaires qui convergent vers la lutte contre la pauvreté, lagriculture soutenable et la durabilité de la ville (Monédiaire, 1996). Pour linstant, le droit pèche à cet égard par défaut ou par inertie dans la mesure où, nencourageant presque pas ou si peu lagriculture urbaine, il recèle en revanche des obstacles à son développement11. Il y a donc là un champ fécond pour une réflexion visant à réformer les législations urbaines, foncières et environnementales, notamment, dans le sens de la promotion dune agriculture urbaine reconnue, contrôlée et viable (Tribillon, 1995). Donner à lagriculture droit de cité en libérant de lespace pour les plus pauvres, cest aussi sorienter vers une ville plus durable (Dansereau, 1991).
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1 Cette tendance forte se dégage de la plupart des études démographiques récentes, tel le rapport World Resources 1996-97 établi lan dernier par le World Resources Institute. Il en ressort que la population urbaine mondiale croît actuellement au rythme de 170 000 personnes par jour, dont près de 90 pour cent dans les pays en développement lAfrique ayant le taux de croissance urbaine le plus élevé du monde.
2 Certains spécialistes mettent sérieusement en doute les chiffres que lon avance à propos du phénomène urbain. Il est vrai que les indications les plus récentes comme celles fournies par le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) en juin 1997 corrigent à la baisse les prédictions antérieures concernant laccroissement des citadins. Mais daucuns contestent la sincérité même de ces chiffres, au motif quils seraient prétendument gonflés pour accréditer lidée que lurbanisation constitue un danger pour lhumanité. Cest notamment le cas de F. Moriconi-Ebrard (1996), pour qui la «menace urbaine» relève plutôt du mythe. Basée sur «des prévisions et des projections que la réalité ne cesse de démentir», elle «risque de se construire à léchelon planétaire comme un gigantesque prêt-à-penser des représentations des divisions de la planète».
3 Exemples: Kinshasa, qui sétale sur pas moins de 10 000 km2, a vu sa population multipliée par 10 depuis 1960, tandis que la superficie de Niamey a été sextuplée entre 1961 et 1988.
4 Daprès le rapport cité dans la note 1, les citadins seront globalement plus nombreux que les ruraux à lorée du prochain millénaire; vers lan 2025, les zones urbaines abriteront les deux tiers de lhumanité (au Sénégal, par exemple, cette proportion sera de soixante pour cent 10 ans plus tôt); aux alentours de 2015, plus de 500 villes auront dépassé le million dhabitants.
5 Rees (1996), lun des pionniers de la théorie de lempreinte écologique, en donne cette définition: «L"empreinte écologique" dune population spécifique [est] la superficie totale de terre et deau productives nécessaire de manière continue pour produire toutes les ressources consommées, et pour assimiler tous les déchets produits par cette population, où que se trouve cette terre». Partant de cette définition, il évalue à 3 à 5 ha les besoins (indirects) de terre productive par habitant dans les pays à haut revenu.
6 Autres exemples: i) en 1991, alors quelle couvrait 11 400 ha, Vancouver avait 472 000 habitants, dont le taux de consommation de terre par habitant était de 4,3 ha, soit léquivalent de 2 millions dhectares, pour une emprise urbaine 180 fois plus petite (Rees, 1996); ii) une étude réalisée en 1996 sur lempreinte écologique de 29 villes situées dans la région de la mer Baltique a montré que celles-ci «saccaparent» des espaces 200 fois plus étendus que les aires quelles occupent effectivement (Kessler, 1996).
7 Exemple: larticle L. 121-10 de la Loi française du 13 juillet 1991 dispose: «Les documents durbanisme déterminent les conditions permettant, dune part, de limiter lutilisation de lespace, de préserver les activités agricoles, de protéger les espaces forestiers, les sites et paysages naturels ou urbains [...] et, dautre part, de prévoir suffisamment despaces constructibles pour les activités économiques et dintérêt général, ainsi que pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière dhabitat.»
8 On évalue à 200 millions le nombre global dagriculteurs urbains et à 700 millions soit 12 pour cent de la population mondiale celui des personnes quils alimentent (FAO, 1996). Par endroits, la contribution de lagriculture urbaine peut être déterminante. On estime ainsi quà Dar-es-Salam, 67 pour cent des ménages se livrent à lagriculture; cest aussi le cas des deux tiers des Moscovites, tandis que 80 000 jardiniers opèrent dans les terrains municipaux de Berlin; quant à Bamako, elle est autosuffisante en légumes et produit la moitié des volailles quelle consomme, tandis que Singapour sautosuffit en viande et produit le quart de ses besoins en légumes; et, enfin, tout le riz nigérien est entièrement cultivé dans le département de Niamey.
9 Outre lapprovisionnement alimentaire local (économie dénergie et de moyens par suppression du transport), lagriculture urbaine tire avantage des terrains vagues abandonnés, transforme le paysage urbain quelle «verdit», réutilise les déchets sous forme de compost et dengrais, etc., rendant ainsi la ville un peu plus équilibrée écologiquement et économiquement.
10 Prieur (1996) note que le jardin familial, à la fois espace vert, lieu de loisirs et potager familial, répond à des besoins dordre économique, écologique et social. Il représente une source dalimentation, tout en contribuant au maintien despaces agricoles ou maraîchers aménagés en coupures écologiquement indispensables à léquilibre du tissu urbain. Sa protection contre lemprise urbaine est assurée par le Plan doccupation des sols (POS) qui peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés inconstructibles et à protéger.
11 Exemples dempêchements ou de freins rencontrés dans divers pays: faible sécurité de la tenure des champs urbains; coût élevé de leau utilisée en agriculture urbaine; protection indiscriminée des berges des cours deau; interdiction de cultiver les bas-fonds; fiscalité immobilière inadaptée aux terres agricoles; nette séparation fonctionnelle, dans les instruments de planification urbaine et daménagement du territoire, entre la ville et la campagne; tendance à la «privatisation» de lenvironnement urbain au profit des plus nantis débouchant sur une confiscation des beaux quartiers de la ville soit une forme dapartheid résidentiel (FAO, 1996; Lopez, 1996; PNUD, 1996).