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Les systèmes techniques de transformation du maïs en milieu rural au Burkina Faso

Stanislas ILBOUDO Société d'ingénieurs conseils Sahelconsult, Ouagadougou, Burkina Faso

Résumé. La consommation des produits céréaliers au Burkina Faso représente plus de 90 % des besoins calorifiques de la population. Mais la part du maïs dont la production, croissante, occupe la 3e place parmi les céréales, reste assez insignifiante, notamment à l'échelle villageoise. Ce constat a conduit à l'étude des systèmes techniques de transformation en milieu rural à travers l'analyse de la qualité des grains cultivés, des procédés et des équipements utilisés, ainsi que des formes d'utilisation des produits transformés. L'étude a mis en avant les potentialités, mais aussi les contraintes de cette filière. Cela a permis de proposer des axes d'intervention et de réflexion, dont le but est d'accroître les possibilités de valorisation de cette «céréale d'avenir».

Abstract. The cereal product consumption in Burkina Faso represents more than ninety per cent (90%) of the population's calorific needs. However, maize, the production of which ranks third, remains unimportant, particularly at the rural level. This established fact has incited the study of technical systems of transformation at the rural level through the analysis of the cultivated grain qualities, methods and equipment used and also of the ways of using the transformed products. The study has highlighted the potentials of the process but also its constraints. It has enabled us to suggest methods of intervention and deliberation, the objective of which is to increase the possibilities of enhancing the value of the "cereal of the future".

Au Burkina Faso, la consommation des céréales locales, base de l'alimentation humaine, est estimée en moyenne à180 kg par personne et par an avec toutefois des disparités entre villes (141 kg) et campagnes (186 kg).

La production du maïs occupe la troisième place après le sorgho et le petit mil et augmente progressivement. De 1985 à nos jours, les quantités de maïs produites sont passées de 9 % à plus de 17 % de la production céréalière totale du pays.

Dans les centres urbains, la consommation des produits à base de maïs, notamment la farine, vient en deuxième position après le riz, devant le sorgho et le petit mil.

En zone rurale, le constat est tout autre: tandis que le sorgho et le petit mil sont largement utilisés à tous les niveaux de consommation (repas de ménages, préparations hors foyer), la valorisation du maïs n'a pas encore atteint un niveau acceptable, même dans les zones excédentaires.

Suite à un certain nombre de travaux d'études et d'appui-conseil que j'ai pu réaliser en milieu rural avec la collaboration d'autres experts, dans le cadre de l'appui de la Commission des communautés européennes (CCE) au sous-secteur céréalier du programme d'ajustement du secteur agricole (PASA), il me semble possible d'approcher le problème à travers ses aspects techniques.

D'abord, nous tenterons d'apprécier les aptitudes technologiques des grains cultivés en analysant leurs caractéristiques physico-chimiques. Ensuite, nous procéderons à l'étude des techniques de transformation. A ce titre, les procédés de traitement, les équipements utilisés ainsi que les qualités des produits transformés seront abordés. Enfin, nous analyserons les formes d'utilisation des produits de première transformation.

Cette démarche nous permettra d'identifier les acquis et les contraintes afin de proposer des axes de réflexion et d'intervention susceptibles de contribuer au développement de cette activité qui offre, en principe, beaucoup de possibilités en matière de transformation.

Les caractéristiques des grains de maïs

La plupart des variétés de maïs cultivées au Burkina Faso, améliorées et essentiellement cultivées dans les zones les plus productrices (zones cotonnières, plaines aménagées), ont des grains blancs à albumen semi-vitreux.

Par ailleurs, les conditions agro-climatiques du pays, situé en zone sahélienne, permettent de récolter les grains à un taux d'humidité relativement bas et d'obtenir de très bons résultats en matière de séchage.

Ces différents facteurs présentent les avantages suivants:

En somme, un certain nombre de qualités qui garantissent à cette matière première des aptitudes technologiques assez importantes (figure 1).

La première transformation du grain

En milieu villageois au Burkina Faso, le maïs est transformé à l'aide de systèmes de type traditionnel ou artisanal. Il existe deux voies principales de consommation:

• Le traitement à la chaleur, sèche ou humide, du grain frais pour la consommation directe. Ce traitement est réalisé surtout au moment de la «soudure», mais il ne concerne pas une part importante des quantités utilisées et est effectué pendant une période assez courte (en moyenne un mois).

• La transformation proprement dite du grain sec pour la préparation des aliments culinaires. Deux processus sont utilisés:

dans l'ouest et le sud du pays, on fait malter le maïs pour la préparation du dolo (boisson alcoolisée généralement fabriquée à base de sorgho). Mais cette pratique reste peu fréquente, à cause des résultats peu satisfaisants obtenus par les utilisateurs (l'opération de maltage est délicate et l'amertume du dolo est souvent très prononcée). Pour essayer d'atténuer cet inconvénient, certaines femmes mélangent le maïs au sorgho pour la préparation;

Figure 1. Aptitudes technologiques et alimentaires des grains de maïs.

Les procédés et équipements

Le traitement du grain est réalisé soit au pilon et au mortier (moyen traditionnel), soit à l'aide des moulins villageois (méthode artisanale).

L'un et l'autre système de broyage utilise la voie humide, qui consiste à tremper le grain pendant deux à quatre heures et parfois plus et à le sécher légèrement ou non (très rarement totalement) avant de l'envoyer au traitement.

Cette manière de procéder réduit sensiblement les rendements de la mouture. La solution serait alors de bien sécher le grain trempé avant mouture, ce qui ne compromet pas du tout les résultats qualitatifs attendus (goût fermenté). On pourrait également utiliser la voie sèche. Dans ce cas, il faudra rechercher une décortiqueuse de type PRL/RIIC et utiliser les broyeurs à marteaux. Mais cela va amener les femmes à changer leurs habitudes de transformation, puisqu'elles devront conduire la fermentation à part pour que le goût désiré soit conservé.

La méthode traditionnelle est en passe de disparaître -il faut environ une heure pour écraser quatre kilos de grains - grâce aux nombreux efforts déployés dans le sens de l'allégement des tâches de la femme en milieu rural (concours de plusieurs ONG, opération «1 000 moulins»).

Dans le traitement artisanal, le décorticage est réalisé par du matériel de type Engelberg, qui est un modèle à friction connu pour le taux de brisures élevé qu'il provoque. Un modèle à abrasion serait préféré, mais ce type de matériel reviendrait cher pour une petite unité comme un moulin artisanal. La mouture est obtenue, dans la plupart des cas, par des broyeurs à meules métalliques (matériel passe-partout), dont l'inefficacité pour les céréales, et plus particulièrement le maïs, a été établie. Cependant, on trouve des équipements sur place qui sont adaptés et performants (broyeurs en pierre); malheureusement, ces derniers ne sont utilisés qu'en milieu urbain.

Les produits obtenus

La qualité des produits transformés est essentiellement déterminée par la nature des facteurs techniques utilisés.

La farine

La voie humide porte le taux d'humidité du produit à15-20 %, condition favorable à la détérioration du produit par l'attaque parasitaire. Si la farine n'est pas bien séchée, sa durée de conservation ne peut pas excéder cinq jours.

Les meules métalliques occasionnent souvent une surchauffe du produit traité qui laisse un goût et une odeur de grillé. Cet inconvénient, qui semble mineur, dévalorise parfois l'image du produit et limite ainsi son emploi culinaire.

Souvent aussi, on observe une altération des qualités organoleptiques, qui se caractérise par l'apparition d'un goût et d'une odeur de rance. Cette situation provient de la dégradation enzymatique des matières grasses de la farine, le dégermage n'étant pas totalement réalisé.

La semoule

Le principal problème est la tendreté des particules. En effet, pour la préparation du couscous, il faut d'abord tremper la semoule durant 3 à 4 heures dans l'eau. Malgré cela, le résultat reste très peu satisfaisant.

L'utilisation des produits de première transformation

Les semoules et les farines de maïs sont utilisées en milieu rural pour la préparation des aliments traditionnels. Les mets bien connus sont

Les caractéristiques et le diagramme de préparation de ces aliments sont donnés respectivement dans le tableau 1 et la figure 2. On peut remarquer que les aliments préparés à base de maïs sont très peu diversifiés: quatre produits sur les dizaines de possibilités qui existent. Par ailleurs, il est à souligner que les produits sont essentiellement consommés dans les ménages. En milieu rural, mis à part les beignets, les aliments à base de maïs ne sont pas commercialisés.

Conclusion

La valorisation du maïs en milieu rural au Burkina Faso présente beaucoup de faiblesses:

Tableau 1. Caractéristiques des préparations culinaires à base de maïs en milieu rural au Burkina Faso.

Aliments Produits de base Présentation Temps de préparation Mode de consommation
Farine fine et séchée Pâte ou bouillie épaisse résultant de la cuisson d'un mélange composé à parts égales de farine et d'eau acidulée 45 à 60 min Accompagné de sauces diverses, préférence gluantes
Couscous Semoule grossière ou fine Particules trempées et cuites à la vapeur 30 à 40 min Servi avec de la viande et de la sauce relevée, ou avec du lait ou du yaourt sucré
Bouillie Farine fine ou grossière Porridges légers avec ou sans grumeaux résultant de la cuisson d'un mélange de farine et d'eau 25 à 30 min Mélangé à du lait ou du sucre
Gonré (beignets) Semoule grossière Boules de pâte mélangée à la potasse et cuite à la vapeur 100 à 120 min Servi avec du beurre de karité ou de l'huile, et du sel

Cependant, beaucoup de facteurs sont favorables au développement de ce secteur; il s'agit:

De ce fait, il apparaît plus qu'indispensable de réfléchir avec tous les acteurs concernés (producteurs, promoteurs, chercheurs, utilisateurs, politiques) sur les possibilités d'actions suivantes:

• Compte tenu de la particularité physico-chimique du maïs, il convient de faire appel à des méthodes de traitement qui lui sont beaucoup plus spécifiques: la précuisson est une alternative qui permet d'augmenter la stabilité du produit (inactivation des enzymes, destruction de la matière grasse) tout en améliorant sa tendreté, pour le cas de la semoule, par le ramollissement des particules.

• La mise en place d'un système d'échanges et de conseils au bénéfice des utilisateurs les amènerait à découvrir d'autres niveaux et voies de diversification.
L'exemple du programme PROCELOS (programme régional de promotion des céréales locales au Sahel) du CILSS, dans le cadre du bulletin «supplément agroalimentaire, » est assez illustratif en milieu urbain.

• Il faut installer des unités de production qui soient capables de mettre sur le marché des produits commercialisables. Ainsi, les zones les plus productives pourront écouler leurs excédents sous diverses formes, ce qui peut valoriser encore mieux leur production. Pour ce faire, des équipements et des installations de type semi-industriel seraient appropriés; on pourra s'inspirer des résultats des mini-minoteries au Sénégal et au Mali et s'appuyer sur les études réalisées.

Il faut agir maintenant. Sinon, quel avenir pour cette fabuleuse céréale qu'est le maïs pour nos braves populations rurales?

Remerciements

Ce travail n'aurait sans doute pas été réalisé sous cette forme sans l'aide et la coopération de plusieurs personnes et organismes.

Je voudrais tout d'abord exprimer toute ma reconnaissance à M. Jean-Pierre OUEDRAOGO, coordonnateur régional du programme PROCELOS du CILSS, pour le soutien logistique qu'il a bien voulu m'accorder.

Mes remerciements vont également à M. Batia Dominique IDO, administrateur-gérant de Sahel-consult, pour avoir mis à ma disposition un cadre de travail enchanteur, et la documentation scientifique sur le sujet.

M. Léonard OUEDRAOGO, consultant en technologie postrécolte, n'a cessé tout au long de la préparation de ce document de me prodiguer des conseils très utiles. Qu'il trouve ici l'expression de ma profonde gratitude.

A tous les experts et chercheurs qui ont bien voulu me faire partager leur expérience sur le sujet, je voudrais exprimer ma vive reconnaissance. je cite particulièrement M. Ibrahim DIAWARA, directeur du laboratoire de biochimie et de technologie alimentaire (LBTA) au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST).

Figure 2. Préparation des aliments à base de maïs.

D'avance, mes regrets les plus sincères pour tous ceux qui m'ont apporté leur concours pour la bonne marche de ce travail et dont les noms n'ont pu être cités.

Références bibliographiques

ASIEDU J.J., 1991. La transformation des produits agricoles en zone tropicale, approche technologique. Paris, France, 335 p.

CHEFTEL J.C, CHEFTEL H., 1976. Introduction à la biochimie et à la technologie des aliments. Paris, France, 381 p.

GINIES P., LESCANE M., DIALLO A., ILBOUDO S., 1992. Etude pour un programme d'appui à la filière maïs au Burkina Faso. Ouagadougou, Burkina Faso, SATEC Developpement/CEE.

GRET, ALTERSIAL. Equipements pour la transformation des produits agricoles à petite échelle et nouvelles formes de coopération industrielle (dossiers technologies et développement).

GRET, ALTERSIAL. Equipements pour la transformation des produits agricoles à petite échelle et nouvelles formes de coopération industrielle (dossiers technologies et développement).

ICEA-SATEC, 1988. Etude de la filière maïs au Nord-Cameroun. Rapport n° 3: transformation industrielle et artisanale. ICEA-SATEC.

LEDERER J., 1985. Technologie et hygiène alimentaire, Bruxelles, Belgique. Paris, France, 152 p.

SALCEDO A., OUEDRAOGO J.G, 1993. Etude de faisabilité d'une minotorie de maïs dans le Sourou au Burkina Faso. Ouagadougou, Burkina Faso.


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