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La transformation du maïs au village: l'exemple des mini-minoteries au sud du Mali

Bakary GOITA
Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT), Koutiala, BP 01, Mali

Résumé. Les minoteries sont de nouveaux outils de développement rural. Actuellement, en zone sud du Mali, huit minoteries sont dispersées géographiquement. L'équipement standard se compose d'une décortiqueuse, d'un broyeur à marteau ou d'un moulin, d'un tamis rotatif, d'une thermosoudeuse et de divers accessoires et mobilier. Le capital initial est formé d'une dotation en équipement et d'un fonds de roulement. L'association villageoise contribue à hauteur de 200 000 à 500 000 FCFA (preuve de leur engagement) et participe à hauteur de 50 % à la construction des deux bâtiments en dur: magasin et atelier de fabrication. Le personnel d'une minoterie est composé de trois femmes et de trois hommes travaillant à la tâche; seul le gérant est permanent. L'activité des minoteries est irrégulière et la pleine capacité des machines n'a jamais été atteinte à cause des problèmes d'organisation, d'approvisionnement, et de commercialisation des nouveaux produits mis sur le marché. Les minoteries fournissent une gamme de produits variés, dont les grosses brisures, très prisées des citadins, et les farines, dont la qualité pose des problèmes d'écoulement. Leur utilisation industrielle est envisagée. Les résultats techniques sont de 989 045 kg de maïs transformé en trois ans d'activité et 1 629 405 kg prévus en quatre ans. Les résultats brut d'exploitation se chiffrent à 7 427 646 FCFA en trois ans d'activité. Les résultats sont très variables suivant les minoteries en fonction de leurs problèmes spécifiques. Dans le cadre de 1 ' animation rurale, des groupements de producteurs et des comités de gestion ont été formés pour permettre une meilleure gestion des affaires villageoises. Signalons que les projets financés de l'extérieur ont une durée de vie éphémère et des fonds souvent insuffisants qui tarissent avant que la vitesse de croisière ne soit atteinte, laissant les projets sur leur faim.

Au Mali, le développement de la culture du maïs a été retenu comme une arme essentielle dans la lutte pour l'autosuffisance alimentaire, et plus particulièrement céréalière, pour les raisons suivantes:

Ces considérations ont conduit la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMOT) à s'intéresser au maïs pour sa zone d'intervention. En effet, celle-ci s'étale entre les isohyètes 400 et 1 200 mm, sur une étendue de 118 715 km', peuplée de 2,27 millions d'habitants, dont 96 % de ruraux répartis dans 4 379 villages et hameaux. Les parties sud et sud-ouest sont frontalières avec les républiques soeurs de la Côte-d'Ivoire, de la Guinée, et du Burkina Faso. La zone sud du Mali apparaît comme une zone de prédilection pour le maïs.

La CMDT s'est lancée dans la production intensive du maïs, en proposant de dépasser le système traditionnel du «champ de case» à faible rendement en étendant la culture aux «champs de brousse» et en y associant toutes les techniques rationnelles de production.

Le maïs rentre dans une rotation biennale ou triennale, venant toujours après le coton pour bénéficier des arrières effets de la fertilisation appliquée sur cette culture de rente. Les résultats obtenus en céréales au cours de la campagne agricole 1992-1993 sont consignés dans les tableaux I et II. Le maïs est bien une culture d'avenir dans la zone Mali-Sud.

Tableau I. Production céréalière au cours de la campagne 1992-1993.

Cultures (ha) Superficies (ha) Rendements (kg/ha) Production (t)
Mils-sorgho 348160 1 059 368638
Maïs 103 220 1 984 204768
Fonio 26588 355 9438
Riz 31 405 1 443 453254
Total 509373   628168

Tableau II. Production de différentes variétés de maïs au cours de la campagne 1992-1993.

Variétés Cycles (jours) Production (kg)
Tiémentié 90 39300
Tux-Peno 120 35 175
Molobala-2 75 4200
E 212 60 25 100
TZSR 85 10850
Total   104625

L'historique de la transformation des céréales

La CMDT s'est souciée de la transformation villageoise des céréales depuis plus d'une décennie. Les premiers moulins ont été installés chez les forgerons ruraux à partir de 1970, à la suite de la mise en place un réseau de réparation de matériel agricole. Une première phase d'équipement avait concerné l'outillage mécanique et le matériel de forge, une deuxième la soudure oxy-acétylénique, puis une troisième phase la fourniture de groupes électrogènes et la soudure électrique. Parallèlement, les services techniques vulgarisaient la culture du maïs auprès des exploitants agricoles. L'une des contraintes à l'acceptation de cette céréale pour la préparation des repas apparaissait être la difficulté rencontrée par les femmes au pilage. Aussi, tous les forgerons qui possédaient une source d'énergie électrique dans leur atelier ont été équipés d'un moulin à céréales. Ainsi se sont constituées les premières minoteries villageoises dans la zone cotonnière.

Cette expérience a montré qu'au-delà d'un prix de mouture de 10 FCFA par kg de céréale, la clientèle diminue car ce sont les femmes qui financent les frais de mouture sur leurs revenus individuels.

A partir de 1975, la CMDT a proposé aux communautés villageoises la possibilité de s'organiser en associations villageoises (A\/) pour prendre en charge trois fonctions de base:

Le fait d'assurer eux-mêmes ces trois fonctions apporte aux villageois des revenus collectifs pour rémunérer le travail de l'AV. Ces revenus permettent aux villageois de réaliser des équipements communautaires, notamment l'acquisition de moulins à céréales. Le matériel proposé aux villageois est un ensemble de moulins et de matériel de postrécolte

Le battage des céréales est fort contraignant. Il est payé en nature, en général 10 % des grains battus. C'est une activité très rémunératrice pour l'AV, car une campagne de battage bien conduite (deux mois de travail) peut dégager un bénéfice de plus de un million de francs CFA. Cette recette permet de payer l'annuité de remboursement de la totalité de l'équipement.

Cependant, si la tentative d'équiper les villages en moulins pour permettre leur utilisation par un grand nombre de famille est l'ambition de la CMDT, la mise en place des minoteries chez les forgerons et dans les AV demeure particulièrement modeste: 63 moulins et 57 AV équipées d'ensemble batteuse-moulin, soit 120 points de transformation des grains.

Force est de constater que l'accès aux moulins en campagne reste un privilège et qu'un important travail d'équipement est à entreprendre. Cependant, on doit signaler l'importance de la diffusion informelle des moulins dans les villages, dont un grand nombre appartiennent àdes résidents en ville. Ils y ont trouvé un terrain d'accueil très favorable réduisant ainsi la violence des scènes de ménage autour de la mouture du maïs.

Les mini-minoteries

La création de minoteries villageoises fait partie d'une nouvelle démarche d'équipement qui vise non seulement la multiplication des points de mouture, mais surtout l'émergence d'activités valorisant les productions agricoles et créant des revenus. A ce prix est l'émancipation de nos soeurs de la campagne, qui consacrent actuellement le plus clair de leur temps à piler, au lieu de s'adonner à des activités créatrices de profit ou à l'entretien des jeunes enfants.

Le projet Filière céréalière financé par le Fonds d'aide et de coopération (FAC) a démarré en 1986 à Koutiala en troisième région. L'idée était de tester une alternative à la grande industrie, représentée par les grands moulins étatiques qui sont des géants de la transformation, en établissant des mini-minoteries villageoises de taille très modeste.

Les objectifs

Le projet se propose de réaliser la transformation des excédents céréaliers de maïs dans les villages organisés en AV, par l'installation de petites minoteries. L'installation de telles unités a pour objectifs principaux:

Toutes ces dispositions devraient permettre, à terme, une augmentation très sensible de la production du maïs autour des minoteries et dans les villages se situant dans leur sphère d'approvisionnement. En effet, l'existence d'une minoterie rassure le producteur de maïs et le libère de la mévente éventuelle de sa production dûe à la libéralisation du marché céréalier au Mali.

Chaque unité a une capacité maximale de transformation de 250 tonnes de maïs grain par an.

Le choix des villages

Les villages sont sélectionnés après des enquêtes approfondies. Les critères de choix sont les suivants - avoir des jeunes alphabétisés en bambara;

Les minoteries sont installées dans les villages d'accueil (tableau III) après un travail très poussé de sensibilisation, afin d'éviter la proposition d'équipements «clé en main», source de l'échec d'innombrables projets de développement rural. En effet, le paysan ne se sent alors pas directement concerné et se dit «c'est la chose de l'administration».

Tableau III. La répartition géographique des minoteries.

Villages sites Secteurs agricoles Distance par rapport à Koutiala (km) Date d'installation
Nampossela Koutiala 15 Septembre 1986
Karangana Yorosso 70 juin 1988
Kinteri M'Pessoba 50 janvier 1989
N'Tossoni M'Pessoba 56 Janvier 1989
N'Tesso Molobala 35 Mars 1989
Yafola Zebala 60 Avril 1989
Sanzana Kignan 130 Avril 1989
Moribila Moribila 60 juillet 1989

La composition du matériel

Le choix du matériel n'a pas été aisé sur le marché de l'équipement, compte tenu de nos exigences: mouture sèche, débit, simplicité, etc. (tableau IV).

continue


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