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3. Le secteur forestier en 2020

Compte tenu de l'état actuel des trois catégories de forêts à Djibouti et des différents facteurs du changement décrits ci-dessus, nous supposerons trois scénarios pour visualiser le futur du secteur forestier en République de Djibouti dans le deux décennies à venir.

3.1 Scénario 1 : Aucune action ne sera entreprise

3.1.1 L'état du secteur forestier en 2020 selon le scénario 1

Type de Forêt

Forêt du Day

Forêts de Goda/Mabla

Forêt à Accasis nilotica

Forêts de mangrove

Etat général

Superficie actuelle

(ha)

900

13 900

5400

800

22 000

Moteurs du changement

- Changement climatique

- Surpâturage

- Attaque par un l'Armilaire

- Pression de la population environnante

-Changement climatique

- Surpâturage

- Coupe du bois de feu

- Pression de la population environnante

-Changement climatique

- Surpâturage

- Coupe du bois de feu

- Pression de la population environnante

- Coupe de bois

-Tourisme

-Extension des villes

- Marées hautes

Aucun

changement

Taux de dégradation (%)

3.3

3.3

3.3

3.3

3.3

Etat en 2020

336,6328

5033,173

2003,22

272

7942,595

A partir de ce tableau, nous avons essayé de représenter graphiquement ci-dessous la diminution de la superficie actuellement couverte par les forêts, par une régression linéaire ajustée par une courbe de tendance qui nous permet de visualiser l'allure du graphique si cette régression suivait une lois exponentielle. Le taux de dégradation annuel considéré est de 3% (Bérubé, J. Rapport sur la santé de la forêt du Day. 2000).

 

Ce graphique montre que d'ici l'an 2020, si rien ne fait, la couverture forestière aurait perdu plus de 14 000 ha !. Cette prévision est à rapprocher à l'étude menée par Dr. Bérubé du service canadien des forêts qui affirmait dans son rapport sur la santé de la forêt du Day, qu'il ne restera plus rien de cette forêt en 2030.

3.2 Scénario 2 : Les mesures de protection sont appliquées à 50%

Type de Forêt

Forêt du Day

Forêts de Goda/Mabla

Forêt à Accasis nilotica

Forêts de mangrove

Etat général

Superficie actuelle

(ha)

900

13 900

5400

800

22 000

Moteurs du changement

- Changement climatique

- Surpâturage

- Attaque par un l'Armilaire

- Pression de la population environnante

-Changement climatique

- Surpâturage

- Coupe du bois

- Pression de la population environnante

-Changement climatique

- Surpâturage

- Coupe du bois

- Pression de la population environnante

-Coupe de bois

-Tourisme

- extension des villes

- CC

Réduit

Réduit

Réduit

Réduit

Taux de dégradation (%)

1,65

1,65

1,65

1,65

1,65

Etat en 2020

673,26

10066,346

4006,44

544

15800

Ce graphique, comparé à celui du scénario 1, montre que les mesures de protection permettront d'atténuer d'ici 2020, la régression de la couverture forestière d'au moins 50%.

 

3.3 Situation de l'offre et de la demande de bois

En dépit de leur utilisation à grande échelle et de leur importance pour l’économie des ménages, aucune estimation des espèces, des niveaux ou de la nature de l’utilisation des produits de la forêt autres que le bois n’existe à Djibouti. Il existe toutefois quelques données sur la consommation du bois à des fins énergétiques dans les ménages et comme matériau de construction. En 1984, la consommation nationale du bois de chauffage a été estimée à environ 25 811 tonnes, celle du charbon à 2 137 tonnes et la demande en bois de construction par les ménages se situait autour de 1,2 tonnes/ménage/an (CNE 1991). De tels chiffres relatifs à la consommation de bois de construction semblent surévalués (Emerton 1999). Ils n’ont donc pas été utilisés dans ce rapport. Il faudrait aussi noter que la consommation de charbon paraît certes réaliste, à 1,5 kg par jour, mais que le chiffre de 0,8 kg pour le bois de chauffage/habitant/par jour est très bas si on le compare à celui des autres parties de la région aux populations, mode de vie et conditions agro-écologiques semblables. Pour cette raison, ces chiffres sur la consommation du bois de chauffage par tête d’habitant sont légèrement ajustés à la hausse pour atteindre une estimation minimum de 1,0 kg/habitant/jour.

Ces données permettent de quantifier le niveau et la valeur de l’utilisation du bois comme source d’énergie au niveau des ménages. Par rapport à la population de 1998, environ 143 000 ménages ruraux et 6 800 citadins dépendaient du bois de chauffage comme source d’énergie, les premiers l’utilisant pour faire la cuisine presque exclusivement et les seconds se servant du charbon de bois. Cela équivaut à une demande totale de plus de 52 000 tonnes de bois de chauffage et à environ 4 000 tonnes de charbon de bois, soit à peu près quelque 176 000 m3 de bois par an. Comme l'indiqué le Tableau 5, l’équivalent en valeur marchande de ce bois est de 1,3 milliard FD par an, ce qui représente une valeur effective de la diversité biologique des forêts et des terres boisées en termes d’énergie.

Tableau 5 : Valeur de l’utilisation des combustibles ligneux

Produit

Nombre d’utilisateurs

Consommation

(kg/habitant/jour)

Consommation

(tonnes/an)

Equivalent bois brut (m3)

Prix au marché rural

(FD/Kg)

Valeur

(millions FD/an)

Charbon de bois

6 849

1,5

3 760

41 779

67

251

Bois de chauffage

143 396

1,0

52 340

34 204

20

1 047

Total

-

-

56 100

175 983

-

1,297

3.4 Implications sociales et économique

Il est clair que le secteur forestier contribue de façon importante aux moyens d’existence des populations et au développement économique à Djibouti. En dehors des systèmes agricoles conventionnels, les ressources offertes par les terres de pâturages, les bois et les forêts représentent la base des moyens d’existence des pastoralistes en leur fournissant un grand nombre de produits y compris les pâturages, le fourrage, les fruits et autres nourritures sauvages, les médicaments, le bois de feu, les fibres, les matériaux de construction et les matériaux pour l’artisanat, les gommes et résines pour les produits de beauté et les produits pharmaceutiques. Un grand nombre de plantes sauvages sont utilisées comme source d'alimentation. Elles contribuent de façon importante à combler le déficit alimentaire et à fournir une certaine sécurité pour les ménages, ceci grâce à la diversification de leurs sources de nourriture surtout en période de famine. Ces plantes ne font pas l’objet de travaux dans le cadre de la recherche agricole dominante et leur potentiel économique n’est pas entièrement quantifiable. Les plus importantes telles que le doum Hyphaene thebaica et Ziziphus mauritiana ont eu un effet sur les marchés locaux où elles sont utilisées comme sources de revenu. Les fruits de Ziziphus mauritiana, par exemple, sont vendus à 250 FD par kg tandis que dans la région de Sagallou, les agriculteurs font état de revenus allant jusqu’à 2 200 FD par doum par saison.

Le doum, Hyphaene thebaica, est beaucoup utilisé dans le pays comme source de matériau brut pour l’industrie artisanale florissante de fabrication de cordes, tapis, paniers et autres produits en fibres naturelles. Cela est particulièrement le cas à Gagadé. Beaucoup de ces produits artisanaux se retrouvent sur les marchés urbains avec pour cible les touristes. Le prix de ces produits varie beaucoup et dépend en grande partie du type et de la taille de l’article. Par exemple, de grands paniers à linge sont vendus à 3 000 ou 4 000 FD tandis que les corbeilles à fruit conventionnelles sont vendues à 1 000 et 1 500 FD. Dans la région du Nord, on utilise aussi beaucoup Buxus hildebrandtii pour fabriquer des produits artisanaux pour le marché touristique. Le potentiel économique de l’industrie des produits artisanaux est prometteur s’il est bien organisé, à savoir, par exemple, si des coopératives sont utilisées pour les commercialiser sur le marché national et à l’étranger.

L’élevage dépend entièrement du fourrage sauvage et des pâturages des prairies, des herbages des terres boisées et de la diversité biologique forestière. Il est impossible de calculer la valeur marchande directe de cette diversité biologique, car ces produits ne sont ni achetés ni vendus dans les zones rurales. La valeur de la diversité biologique des prairies peut tout de même, en termes de production animale, être estimée partiellement, en se référant au coût de remplacement du fourrage naturel et des types de pâturages. Cela représente une valeur minimale en termes de dépenses évitées grâce à la présence de la diversité biologique. Les besoins en fourrage à Djibouti se situent autour de 6,25 kg d’herbes sèches/UBT/jour (CNE 1991) et le prix au détail de l’herbe sur le marché urbain est de l’ordre de 100 FD/kg, ce qui signifie qu’au total les 739 000 tonnes de fourrage naturel et de pâturage consommés par les troupeaux des éleveurs valent environ 74 milliards de FD par an, tel qu'indiqué au tableau 4. Dans le Mabla et dans les régions de basse altitude de Goda, les éleveurs pratiquent depuis des millénaires la coupe de bois de chauffe et de charbon a des fin de subsistance. Ils emmènent les bois sous forme des fagots au dos des dromadaires pour les vendre à Tadjourah.

 

3.5 Les forêts et l'environnement

Du point de vue environnemental, les forêts constituent en République de Djibouti un habitat de première importance pour les animaux sauvages. Plus de 60% de la diversité biologique se trouve concentré à l a forêt du Day. Ces poches de forêt reliques et la faune qui leur est associée sont considérées avoir survécu dans les régions montagneuses ou "refuges" durant les périodes plus sèches.

En termes de biodiversité globale, le Massif du Goda est le site le plus important à Djibouti. Il abrite la localité la plus importante du pays pour le Livistona carinensis (VU), à Bankoualé. Ce palmier, la seule espèce de Livistona d'Afrique et d'Arabie, ne se trouve que dans une douzaine de sites au Yémen, en Somalie et à Djibouti. Des Dracaena ombet (En) sont dispersés sur les pentes raides; le Juniperus procera (LR nt) est assez courant, bien qu’en baisse. Quatre des six espèces de plantes endémiques à Djibouti sont enregistrées seulement au Goda: Teucrium spicatum, Phagnalon lavronosii, Cynoglossopsis somalensis, et Matthiola puntensis.

On y observe des populations assez importantes de babouins hamadryas Papio hamadryas (LR nt) et d'oréotragues Oreotragus oreotragus (LR cd); l’on trouve également le phacochère Phacochoerus africanus aeliani (EN). Le seul endroit où l’on a enregistré la présence de la chauve-souris Otomops martiensseni (VU) pour le pays est dans les environs du plateau du Garab. Enigmatique et mal connu, le rat à crinière Lophiomys imhausi est présent dans les zones de genévriers, et l'on dit que le léopard Panthera pardus se trouve encore à l’intérieur du site, mais aucune observation récente n'a été confirmée.

Sur le plan ornithologique, l'extrême importance de ce site réside dans le fait qu’il constitue le dernier bastion d'une espèce endémique: le francolin de Djibouti Francolinus ochropectus (CR). En plus du francolin, la zone est un des seuls sites à Djibouti où le beaumarquet melba "à queue jaune" Pytilia melba flavicaudata a été enregistré. Cette espèce a d’abord été observée

La régression du secteur forestier soumis aux pressions importantes humaines et animales, constitue la dégradation d'habitats des animaux sauvages qu'il abrite et aura des répercussion considérable sur la survie de la faune sauvage.

Pour l'importante population d'espèces animales et végétales, la forêt du Day a été classée parmi les zones potentielles pouvant appartenir au réseau national d'Aires Protégées à Djibouti. Par ailleurs, la forêt, les zones boisées et la couverture végétale rendent un important service en protégeant les bassins versants et les cours d’eaux tout en minimisant l’érosion et en évitant la perte de fertilité des sols, la sédimentation en aval et l’ensablement des réserves d’eau. Les mangroves jouent le rôle important de fourniture des produits de la pêche et de protection des zones côtières contre l’effet des tempêtes et des inondations. les mangroves et la végétation terrestre agissent ensemble comme décharges ou puits de carbone, même au plus bas niveau, et contribuent ainsi à alléger les effets du réchauffement planétaire.

En effet, on estime que la teneur totale en carbone de la croissance annuelle du patrimoine forestier et autres stockes de biomasse ligneuse est de 666.28 KTC correspondant à une séquestration de 2443.02 Gg de CO2 atmosphérique. Même s’il est pratiquement impossible de quantifier ces valeurs indirectes sur la base des données disponibles, les coûts évités du fait de la présence d’écosystèmes à Djibouti, en termes de dégradation du sol et de changements climatiques au niveau mondial, sont estimés à plus de 100 millions de FD par an.

 

3.6 Cadre institutionnel du secteur forestier

Le secteur forestier relève du Ministère de l’Agriculture de l’Elevage et de la Mer. Au sein de ce Ministère, il existe une section du Service de l'Agriculture et de Forêts. A l'instar des autres secteurs, il souffre d'insuffisance des capacités humaines et financières. Les actions en faveur de la conservation du secteur forestier sont planifiées dans le cadre du Programme d'action national de lutte contre la désertification qui se trouve en attente de financement. Par conséquent, les actions sur le terrain dans le secteur forestier sont presque inexistantes.

Néanmoins, depuis 1995, date de ratification de la convention sur la diversité biologique, il s'est créée une équipe d'experts nationaux des différents institutions publiques et des ONG impliquées dans la conservation des ressources biologiques. Ces institutions sont présentées dans le tableau ci dessous.

Tableau : Institutions impliquées dans la conservation des ressources biologiques

Nom

Institution supérieure

Principales missions

Direction de l’Environnement (DE)

Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de l’Environnement et de l’Aménagement du Territoire

Coordination et gestion de toutes les activités relevant de l’environnement

Service de l’Agriculture et des Forêts (SAF)

Ministère de l’Agriculture de l’Elevage et de la Mer

Renforcer l’agriculture en général et induire le développement local au sein des communautés rurales

Direction de l’Elevage et des Pêches (DEP)

Ministère de l’Agriculture de l’Elevage et de la Mer

Assurer la couverture sanitaire du cheptel. Initier des programmes d’aide et d’appui aux éleveurs et pécheurs

Direction des Affaires Maritimes

Ministère de l’Agriculture de l’Elevage et de la Mer

Gestion du trafic maritime dans les eaux territoriales du pays

Institut Supérieur d’Etudes et de Recherches Scientifiques et Techniques (ISERST)

Présidence de la République

Elaborer, orienter et coordonner les recherches et les travaux scientifiques et techniques en vue de leur application au développement socio-économique

Office National du Tourisme et de l’Artisanat (ONT)

Ministère de la Jeunesse, des Sports, des Loisirs et du Tourisme

Promotion d’un écotourisme et d’un artisanat respectueux de l’environnement.

Centre de Recherche, d’Information et de Production de l’Education Nationale (CRIPEN)

Ministère de l’Education Nationale

Recherche dans le domaine de l’éducation, l’information et la production de matériels éducatifs adaptés au contexte national

ONG et Communautés villageoises

 

 

Promotion de la société civile, développement local et protection de l’environnement

 

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