3. LE SECTEUR FORESTIER
3.1 Place du secteur forestier
Bien que le rôle du secteur forestier soit reconnu comme essentiel dans le développement économique du pays (fourniture de plus de la moitié des besoins énergétiques, source de divers produits non ligneux, maintien de la fertilité des sols, exutoire du cheptel national, conservation de l’environnement), sa part dans l’économie ne dépasserait pas 1 % du PIB et 5 % du secteur primaire. Cette sous-estimation s’explique par le fait que les statistiques officielles ne prennent en compte que le tiers environ de la production réelle du secteur forestier, car les deux tiers restants échappent encore au contrôle. On estime que l’exploitation forestière directe représente un chiffre d’affaires de 20 milliards de fcfa par année et fournit 20.000 emplois.
3.2 Ressources forestières du Sénégal
L’estimation des ressources forestières n’est guère aisée car il n’existe pas d’inventaire actualisé des formations forestières. Cependant, on estime que la superficie des formations ligneuses représentait 11,5 millions d’ha en 1995 (contre 11,9 millions d’ha en 1990 et 12,7 millions d’ha en 1981). Mais si environ 60 % de la superficie du pays appartient à l’espace forestier, l’ensemble "forêts denses/claires et savanes boisées/arborées" couvre 38 %, le reste étant classé dans la catégorie des "autres terres boisées" (savanes et steppes arbustives), avec un faible potentiel ligneux par ha. Le volume de bois sur pied atteignait 331,3 millions de mc dont 50 % sont situés dans la région de Tambacounda et 40 % dans celles de Kolda et de Ziguinchor. La productivité serait de l’ordre de 8,6 millions de mc/an. Les estimations des volumes accessibles, du fait des difficultés d’accès de certaines zones, varient fortement suivant les sources, entre 3 et 6 millions de mc. La disparition des formations forestières naturelles due aux défrichements agricoles, aux feux de brousse, à la sécheresse et à la production de combustibles ligneux serait de l’ordre de 80.000 ha durant la période 1981-90, dont environ 30.000 ha pour la production de combustibles domestiques (charbon de bois et bois de chauffe). Durant la période 1991-99, le rythme de régression annuel se serait atténué pour se situer aux environs de 50.000 ha (FAO, 1999), avec cependant un niveau de pression inchangé pour la production de dendro-énergie.
Le secteur forestier est placé depuis 1993 sous la tutelle du Ministère de l’Environnement, qui comprend outre la Direction des Eaux, Forêts et de la Conservation des Sols (DEFCCS), la Direction des Parcs Nationaux (DPN) et la Direction de l’Environnement et des Etablissements Classés (DEEC). La DEFCCS exerce les prérogatives de l’Etat dans les domaines de la foresterie, de la conservation des eaux et des sols, de la gestion de la faune et de la pêche continentale.
La mission du Service Forestier, telle que l’a précisé le Plan d’Action Forestier du Sénégal, vise essentiellement, d’une part la conservation du potentiel forestier et des équilibres socio-écologiques, et d’autre part la satisfaction des besoins des populations en bois et produits et services non ligneux.
L’espace forestier est réparti principalement en deux domaines : (i) le domaine forestier de l’Etat ou domaine classé, composé de 182 forêts classées non aménagées (2,5 millions d’ha), 07 réserves d'intérêt cynégétique (1,4 millions d’ha), 07 réserves de faune (1,4 millions d’ha), 07 parcs nationaux (1.009.000 ha) et diverses réserves et forêts classées aménagées (923.000 ha), soit un total de 7,1 millions d’ha, (ii) le domaine forestier protégé, composé de toutes les autres formations boisées dont la gestion relève de la compétence des collectivités locales.
Pendant de nombreuses années, la législation forestière est restée inchangée (Code de 1965), à l’exception de la création du Fonds Forestier National (FFN) en 1970, qui a permis au Service Forestier de disposer de ressources financières (50 à 75 % des recettes forestières collectées). C’est en 1993, qu’un nouveau code forestier a été adopté par la loi 93-04 du 4 février 1993, complétée par le décret 95-357 du 11 avril 1995. Ce code contenait plusieurs incitations majeures permettant d’associer et de responsabiliser les populations locales pour une meilleure gestion des ressources naturelles, à savoir :
la reconnaissance de propriété aux personnes privées sur leurs plantations,
la possibilité de concession de la gestion d’une partie du patrimoine forestier de l’Etat à des collectivités locales suivant un plan local d’aménagement forestier,
l’affectation aux collectivités locales concernées de 70 % du produit des infractions relevées au niveau des forêts relevant de leur gestion.
Ce cadre juridique a été sensiblement renforcé avec l’entrée en vigueur des nouveaux textes sur la décentralisation. C’est ainsi que la loi n° 96-06 du 22 mars 1996 portant code des collectivités locales érige la région en collectivité locale, tandis que la loi n° 96-07 du 22 mars 1996 consacre le transfert d’importantes compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales en matière de gestion de ressources forestières.
Cette réforme institutionnelle a rendu nécessaire la modification du Code forestier, avec la Loi n° 98-03 du 08 janvier 1998, et le Décret n° 98-164 du 20 février 1998. La modification a visé d’abord à consacrer le pouvoir de gestion des collectivités locales sur les forêts situées hors du domaine forestier de l’Etat, ce dernier ayant aussi la faculté de confier à une collectivité locale, sur la base d’un protocole d’accord, la gestion d’une partie de son domaine forestier. Ensuite, les collectivités locales, au même titre que l’Etat, peuvent passer des contrats avec des personnes physiques ou morales sur le domaine forestier dont elles ont la gestion.
Toutefois, les droits d’exploitation reconnus aux collectivités locales s’exercent dans le respect des prescriptions des plans d’aménagement approuvés par l’Etat.
3.5 Stratégie du Gouvernement en matière de foresterie
En 1989, l’étude prospective "Sénégal 2015" a jeté les bases du développement économique et social du pays, en mettant l’accent sur la nécessité d’arrêter la baisse de productivité des systèmes de production agricole. Elle a également souligné la nécessité de modifier le système actuel d’exploitation des ressources forestières pour la satisfaction des besoins en dendroénergie, conçu sur une base non durable. Parallèlement, dans le domaine de l’environnement, la politique retenue recommandait l’implication et la responsabilisation des populations dans la gestion des ressources naturelles. C’est dans le souci de mettre à jour la politique forestière en vigueur que le Gouvernement a élaboré en 1993, avec l’appui de la FAO et de différents donateurs, le Plan d’action forestier du Sénégal (PAFS), dont les grands objectifs se présentent comme suit :
la conservation du potentiel forestier et des équilibres socio-écologiques,
la satisfaction des besoins des populations en produits ligneux et produits/services non ligneux.
Pour la conservation du potentiel forestier, il s’agira de faire l’inventaire des ressources forestières, d’entreprendre des actions d’aménagement en vue de rationaliser l’exploitation, et de limiter les défrichements et les feux de brousse, tout en mettant en œuvre les opérations sylvicoles requises pour maintenir ou améliorer le potentiel des formations.
Pour la conservation des équilibres socio-écologiques ; l’option principale consistera à développer une foresterie d’intégration de l’arbre et de la forêt dans les systèmes ruraux de production (gestion des terroirs villageois, responsabilisation/implication des populations locales dans la gestion de la forêt, protection et amélioration des sols, enrichissement des pâturages, …).
Pour la satisfaction des besoins, il s’agit, d’une part, d’organiser, de rationaliser et de valoriser la production forestière, et d’autre part, de créer les conditions favorables à une utilisation responsable des ressources forestières.
En définitive, les grands principes qui vont guider la stratégie de mise en œuvre du PAFS sont les suivants :
l’implication et la responsabilisation des populations dans la reconstruction et l’exploitation des formations forestières à travers l’approche participative, afin d’obtenir une participation effective de toutes les couches sociales, aussi bien au niveau communautaire, qu’au niveau collectif et individuel,
l’intégration de la foresterie dans le développement rural, par l’acceptation de la foresterie en termes d’aménagement et de gestion des ressources forestières au niveau des terroirs en vue d’une exploitation optimale et durable des potentiels de production agricole, pastorale et forestière,
la régionalisation et la décentralisation de la planification forestière, afin de l’adapter, en s’appuyant sur une responsabilisation accrue des services régionaux (IREF), au mieux à des contextes socio-économiques et écologiques spécifiques (zones éco-géographiques).