II est évident que les caractéristiques d'une pêcherie déterminent dans une mesure considérable les possibilités d'y réglementer l'effort de pêche. Dans la présente section, nous examinerons six types principaux de pêcheries: petites espèces pélagiques, espèces semi-pélagiques et démersales relativement peu nombreuses pêchées au chalut, espèces démersales multiples pêchées au chalut, thons, espèces sédentaires et espèces hautement vulnérables et anadromes. Nous avons conscience qu'il n'existe pas de pêcheries exactement conformes à notre classification. Nous espérons néanmoins réussir à mettre en lumière les importantes différences entre les catégories que nous avons définies du point de vue des possibilités d'aménagement.
En ce qui concerne le volume de la production, les pêcheries d'espèces pélagiques viennent de loin au premier rang dans le monde. La longévité de ces espèces est extrêmement variable: elle va de un à deux ans pour certains anchois à vingt ans pour le hareng atlanto-scandinave. Aux fins de l'aménagement, le mieux est de distinguer entre les espèces à vie courte - anchois, sardines, sprats, capelans - et celles à vie longue telles que les harengs et les maquereaux. Pour beaucoup, sinon pour la majorité des espèces, il y a eu des baisses impressionnantes du recrutement consécutivement à ou en association avec des réductions du stock reproducteur (Ulltang, 1980). Souvent, même après que la pêche ait été réduite ou arrêtée, il y a quelques stocks qui ne se reconstituent pas (Daan, 1980). L'abondance de beaucoup de stocks est également sujette à des variations à long terme, indépendamment de tout effet de la pêche (FAO/COI, 1983).
Dans la pêche à la senne coulissante et le chalutage semi-pélagique dirigé de ces espèces, on n'observe typiquement aucune corrélation entre les captures par unité d'effort et la taille du stock (Ulltang, 1975 et 1980). Les méthodes acoustiques sont celles qui permettent le mieux de surveiller directement l'abondance des stocks. L'analyse des populations virtuelles et l'analyse des cohortes sont tout à fait insuffisantes pour évaluer l'état des stocks d'espèces pélagiques à vie courte et celui des stocks d'espèces à vie longue qui ont été intensément pêchés (Bailey, 1908; Ulltang, 1980). La raison en est qu'un taux d'exploitation élevé a pour effet de réduire la taille des groupes d'âges les plus vieux et que la dynamique du stock est alors dominée par les groupes d'âges les plus jeunes; or ces deux méthodes ne permettent pas d'évaluer vraiment avec précision l'abondance de ces classes d'âge. Dans le cas des espèces à vie courte, le taux de mortalité naturelle est tel que les jeunes classes d'âge prédominent même en l'absence de pêche.
Il est évident que l'aménagement des pêcheries pélagiques soulève d'importants problèmes de conservation. Certains des exemples les plus spectaculaires de réduction des stocks sont offerts par les espèces pélagiques (Glantz et Thompson, 1981; Zuleta et Serra, 1984). Il importe donc absolument de sauvegarder à un degré raisonnable le stock reproducteur.
Un certain nombre de problèmes économiques et sociaux se posent fréquemment dans les pêcheries pélagiques. Dans le cas des espèces à vie longue, il y a souvent concurrence entre la pêche pour la fabrication de farine de poisson et la pêche pour la consommation humaine. Les opérations du premier type se concentrent normalement sur les classes d'âges les plus jeunes et les plus abondantes. Celles du second type visent en général une taille marchande minimale. Lorsqu'il y a concurrence directe entre elles en l'absence de dispositions réglementaires, la partie gagnate, a tendance à être la pêche industrielle qui est à même d'exploiter une classe d'âge avant qu'elle ne soit recrutée pour la pêche aux fins de la consommation humaine. L'absence de contrôle dans de telles pêcheries a eu pour résultat un appauvrissement spectaculaire de stocks hautement productifs. L'effondrement de la pêcherie de hareng de la mer du Nord (Saville et Bailey, 1980) en est un exemple bien connu; le lecteur en trouvera d'autres dans diverses communications de Saville (1980).
Les conflicts entre les engins très mobiles et les engins statiques sont particulièrement aigus dans les pêcheries d'espèces pélagiques. Comme il a déjà été dit, les taux des engins mobiles sont dans une large mesure indépendants de la taille des stocks, alors que les taux de capture des engins statiques ont tendance à rendre compte plus fidèlement de leur abondance. En conséquence, l'appauvrissement d'un stock n'aura initialement que peu d'incidences économiques sur les opérations des engins mobiles, alors qu'il entraînera de graves perturbations pour les opérations utililsant des engins statiques.
Etant donné que les espèces pélagiques sont en général extrêmement mobiles, un certain nombre de stocks pélagiques sont partagés entre les ZEE de différents Etats côtiers. Les problèmes d'aménagement sont donc rendus plus difficiles par la nécessité de conclure des accords internationaux sur les réglementations à mettre en application.
La surcapitalisation des flottilles exploitant des espèces pélagiques, peut être particulièrement marquée. Il y a deux raisons à cela: en premier lieu, les espèces pélagiques sont accessibles saisonnièrement, ce qui incite à accroître la capacité de pêche pour tenter d'obtenir une forte production pendant un laps de temps limité. En second lieu, le modèle de construction d'un senneur à senne coulissante est tel qu'il est plus facile de fabriquer des unités de grande tasille et de grande capacité. Par suite, il apparaît souvent nécessaire de réglementer de quelque manière la taille et la capacité de la flottille.
L'aménagement des espèces pélagiques à vie courte par l'attribution de CTA n'appraît possible que s'il existe un programme de prospections périodiques des stocks. Celles-ci doivent être conduites immédiatement avant les principales périodes de pêche.
L'analyse des populations virtuelles et l'analyse des cohortes peuvent être utilisées pour évaluer les stocks d'espèces à vie longue, mais elles ne présentent d'intérêt pour l'établissement de CTA que si l'intensitéde la pêche est relativement faible. Une espèce soumise à un taux élevé de mortalité par pêche devient en fait une espèce à vie courte et son abondance doit être évaluée par des méthodes directes.
Si l'on veut éviter les échecs du recrutement, la stratégie d'aménagement doit garantir de quelque mainère que la taille du stock de reproducteurs ne tombe pas au-dessous d'un niveau raisonnable. Il faudra donc surveiller à la fois les captures et l'abondance du stock, ce qui sera coûteux, en particulier si le but est d'obtenir un rendement aussi élevé que possible.
L'instauration judicieuse de zones et de saisons de fermeture de la pêche peut être une méthode valable pour réduire la mortalité par pêche des juvéniles. En effet, chez beaucoup d'ecpèces pélagigues, cette classe d'âge est très séparée géographiquement des autre à certaines époques de l'année. Un certain nombre de mesures de ce type ont été expérimentées pour aménager les stocks de ces espèces dans l'Atlantique Nord. Malheureusement, elles ont souvent été appliquées trop tard (Saetersdal,1980).
La fixation de limites de taille et la réglementation du maillage sont d'autres moyens de réduire la mortalité des juvéniles et d'améliorer le stock de reproducteurs. La réglementation du maillage tend à être assez peu utile dans les pêcheries pélagiques, elle est inutile lorsque l'on utilise des sennes coulissantes et, même dans le cas du chalutage semi-pélagique, elle doit être accompagnée de restrictions relatives à l'utilisation des engins, par exemple, la limitation de temps de remorquage. Toutefois, la fixation d'une limite de taille minimale, avec contrôle au lieu de débarquement, peut avoir un effet bénéfique en transformant les modalités de la pêche.
Le contrôle direct de l'effort de pêche par un système de licences, ne permettra guère de contrôler la mortalité par pêche, à moins d'adopter une politique très prudent quant au nombre de licences à délivrer. En effet, dans le cas des stocks pélagiques, les taux de capture ne tendent pas à diminuer avec la taille du stock. Cela signifie que, pendant les, mauvaises années, la capture totale ne diminuer pas alors que le stock s'appauvrira encore. Les stocks présentent souvent de toute façon des fluctuations naturelles marquées. La difficulté est donc que les opérations de pêche risquent de prolonger une période de diminution naturelle du stock, avec les risques d'échecs du recrutement que cela suppose.
Il n'y a pas de facteurs spéciaux à prendre en considération dans un système de licences visant à contrôler la surcapitalisation des flottilles pélagiques. En revanche, les administrateurs des pêcheries d'espèces pélagiques être confrontés à toute une série de problèmes liés aux conflits entre les différents groupes de pêcheurs. En général, la résolution de ces conflits en faveur des groupes les moins capitalisés et les moins mobiles aura des effets favourables sur le plan de la conservation. Il y a deux raisons à cela. En premier lieu, les taux de capture des engins peu mobiles dépendent davantage de la taille du stock que ceux des engins mobiles; par suite, pendant les années où le stock est peu abondant, les captures des engins mobiles diminueront. En second lieu, les engins peu mobiles visent plutôt les sujets plus vieux et de plus grande taille: à moins que les taux de prélèvement dans ces classes d'âge ne soient très élevés, il y a relativement peu de risques d'un appauvrissement du stock reproducteur entraînant un échec du recrutement.
On trouve dans les eaux tempérées toute une gamme d'espèces allant des véritables poissons plats démersaux aux espèces semi-pélagiques, telles que les merlus et les merlans. Leur pêche est économiquement importante, car elles ont une haute valeur marchande unitaire.
Ces pêcheries ont connu quelques effondrements impressionnantes imputables à un échec du recrutement. Des exceptions possibles sont la morue artique (Garrod, 1977), la morue grise du Pacifique (Ketchen, 1961; Westrheim, 1978) et l'églefin du banc Georges. Les problèmes de conservation sont habituellement associés à ce que exploitation trop intense des jeunes individus (growth over-fishing) ou, plus simplement, à une mortalité par pêche très supérieure à celle qui donnerait le rendement maximum par recrue. Souvent, les opérations visent les classes d'âges les plus jeunes qui, en l'absence de cette mortalité par pêche, accroiîtraient notablement la biomasse les années suivantes. Quoique l'on n'ait pas souvent observé d'échec du recrutement, il n'y en a pas moins eu des réductions impressionnantes des redements. Les captures de sole “yellowfin” dans le Pacifique Nord-Est, qui avaient dépassé le demi-million de tonnes en 1961, étaient tombées à77.000 tonnes en 1981. Plus spectaculaire encore est la baisse des captures de “Pacific Ocean perch” (Sebastodes alutus): en 1975, elles atteignaient presque le demi-million de tonnes; en 1979, elles étaient tombées à 13.000 tonnes; et en 1981, elle n'étaient encore que de 26.000 tonnes. Ces chiffres sont touefois quelque peu trompeurs, car les captures maximales ont tendance à être obtenues alors que la biomasse encore inecploitée est ramenée par la pêche jusqu'au niveau produisant le rendement maximum équilibré et en deça de ce niveau.
Il y a quelques exemples d'espèces démersales et semi-pélagiques qui sont restées peu abondantes pendant des périodes prolongées en l'absence d'exploitation. En fait, la plupart de ces espèces semblent réagir rapidement à une réduction de l'exploitation. Dans certains cas toutefois, en particulier les morues et les églefins, les effectifs par classe d'âge peuvent présenter d'énormes différences et le rapport de la classe la plus abondate à la classe la moins abondante peut être de l'ordre de mille(Hennemuth et al., 1980). Les taux de mortalité sont typiquement faibles et la longévité est relativement grande (Pauly, 1979b).
Ces caractéristiques peuvent être à l'origine d'importants problèmes d'aménagement, car les variations de taille des stocks s'amplifient beaucoup avec l'exploitation. La raison en que, plus une pêcheries est exploitée, plus grande est la contribution relative des nouvelles recrues. Les pêcheries intensément exploitées tendent à dépendre de quelques classes d'âges; si le recrutement présente de fortes oscillations, le revenue des pêcheurs deviendra lui aussi variable et il y aura des perturbations dans le système de commercialisation.
Sauf si la pêche porte sur des concentrations de géniteurs, les taux de capture semblent habituellement prportionnels à l'abondance. Quoique l'étalonnage d'un effort de pêche d'une efficacite croissante soulève des difficultés, elles sont relativement faciles à résoudre. Par suite, le contrôle de l'effort de pêche permettra de contrôler d'assez près la mortalité par pêche.
Evaluer la taille et l'etat du stock est relativement simple. L'analyse des populations virtuelles ou l'analyse des cohortes peuvent être entreprises aussi longtemps que l'on dispose de données fiables sur la composition par longueur ou par âge des captures et, dans la plupart des cas, leurs résultats devraient être valables. Il y a un corollaire à cette observation. Si le responsible de l'aménagement utilise des données les captures pour entreprendre des évaluations scientifiques de l'état des stocks, il devient nécessaire de mettre en place en place un programme propre à assurer que le rassemblement de ces données offre toutes garanties. Cela peut être coûteux.
Il y a généralement deux problèmes d'amenagements importants dans les pêcheries de ce type. Le premier est que la pêche tend à intéresser les sujets les plus petits si elle n'est pas réglementée, mais que la réglementation de la taille des captures a souvent pour résultat des taux éleves de rejet à la mer.
Le deuxième problème est qu'il y a d'importantes quantités de captures accessories, car l'espèce visée est rarement la seule espèce capturée. Il y a une tendance particulière à la capture et au rejet de petits sujets d'une espèce non visée.
Il y a tendance aux rejets même en l'absence de réglementations fixant une taille minimale, car la valeur marchande des espèces de ce type dépend habituellement de taille. La valeur marchande par unité de poids des grands spécimens peut être très supérieure à celle des petits spécimens (Gates et Norton, 1974) et les taux de rejet sont donc élevés pour ces derniers lorsque la capacité des cales risque d'être insuffisante ou lorsqu'il y a des quotas par bateaux individuels.
La réglementation par la limitation des captures est la méthode la plus communément adoptée dans le monde développé pour contrôler ces pêcheries. Le problème principal est celui de la sousdéclaration des captures. Il devient très difficile d'évaluer la taille des stocks si les données ne sont pas fiables et si l'analyse des cohortes et l'analyse des populations virtuelles sont lew seules techniques disponibles. De manière analogue, la seule limitation des captures (habituellement celle des quantités débarquées), même lorsqu'il y a des évaluations scientifiques douteuses, outre la perte débarquées), même lorsqu'il y a des évaluations scientifiques douteuses, outre la perte rejets. Cela peut également conduire à des évaluations scientifiques douteuses, outre la perte économique évidente. Les captures accesoires non rejetées soulèvent des problèmes analogues.
Pour aménager ces pêcheries, on prend donc souvent un certain nombre de dispositions réglementaries différentes concernant la taille des sujets capturés le volume des captures accessoires. La réglementation du maillage est de pratique courante, mais elle peut se révéler difficile à mettre en application. Dans certains cas, il peut être approprié d'interdire la fabrication ou l'importation de filets ayant une maillage inférieure à une limite déterminée. Ce type de mesure n'a souvent pas la faveur des pêcheurs qui le jugent snas rapport avec leurs besoins. En démontrer l'utilité, à savoir les rendements accrus à obtenir par les pêcheurs, est un problème que nous avons déjà examiné. Dans les pêcheries de l'Atlantique Nord, la réglementation du maillage a été pendant de nombreuses annés l'unique méthode de cotrôle en vigueur. Mais, si elle est sons doute valable en compliment d'une autre forme de réglementation des pêcheries de ce type, elle est insuffisante en elle-même pour protéger convenablement les stocks. On allègue que les pêcheurs qui réussissent le mieux dans un groupe donné tendent à opérer avec des filets à maille plus grande, même en l'absence de réglementations. Ils veulent probablement s'éviter la peine et la dépense que suppose une grande quantité de rejets.
L'institution de saisons de fermeture de la pêche a souvent tendance à cause de graves problèmes économiques, parce qu'elle a pour effet de perturber la commercialisation. Elle n'est pas particulièrement efficace pour résoudre les problèmes d'aménagement, à moins qu'il ne soit nécessaire de réglementer les opérations sur des bancs de géniteurs, pour des raisons de conservation de la qualité du poisson.
L'institution de zones de fermeture de la pêche peut donner d'assez bons résultats lorsqu'il s'agit de protéger, soit certaines espèces, soit certaines catégories de taille. Typiquement, les petits individus se concentrent plus près de la côte et la fermeture de ces zones peut être un moyen de contrôler l'effort de pêche portant sur ces groupes. Une difficulté importante est que ces eaux tendent à être exploitées par les pêcheurs qui opèrent avec des engins peu mobiles. Les engins mobiles sont normalement utilisés plus qu large pour capturer des sujets plus âgés. Dans ces pêcheries, un traitement préférentiel des engins mobiles peut donc se justifier jusqu'à un certain point si l'on met en place un système de contingentement des captures ou un système ou un système de licences.
La surcapacité dans les pêcheries de ce type a atteint de graves proportions (Anon., 1968; May, 1970); en outre, on s'est efforcé d'y remédier avec des subventions, ce qui a soulevé des problèmes considérables (Brochmann, 1984b).
Dans un certain nombre de zones tropicales, la composition des captures de poisson est extrêmement variable et un unique trait de chalut ramène typiquement plusieurs dizaines d'espèces. L'aménagement des pêcheries où vivent de telles communautés soulève des difficultés assez particulières. Nous recommandons le compte rendu d'un récent colloque (Pault et Murphy, 1981) comme introduction générale à ces problèmes.
Le premier est que les taux de capture peuvent diminuer fortement lorsque l'effort de pêche augmente. Dans le golfe de Thaïlande, où une intensification de l'effort de pêche a été doublée d'un programme de recherche, les taux de capture au cours des prospections effectuées à ce titre ont diminué de 80 pour cent entre 1963 et 1975 (Boonyubol et Hongskul, 1978) et il semble qu'ils aient également baissé dans d'autres zones moins bien étudiées. Pope (1979b) a étudié les caractéristiques du modèle production appliqué à l'ensemble de la communauté et Gulland (1982), qui a examiné ce travail, a indiqué que ce type d'analyse pourrait être utilisé pour détermine si la réduction de l'effort de pêche permettrait d'obtenir un rendement plus élevé de cette communauté. Toutefois, la principale difficulté sur le plan de la conservation est celle que Pauly (1982) a appelée surexploitation de l'écosystème. Cette dénomination frappante rend compte du processus moins spectaculaire selon lequel la composition par espèces d'une communauté où prédominaient les grands poissons téléostéens se modifie au profit des poissons de petite taille et des invertébrés. C'est ce qui s'est passé dans le golfe de Thaïlande, dans plusieurs zones autour de l'Indonésie et au large de la Malaisie (Boonyubol et Hongskul, 1978; Pauly, 1979a; Majid, 1984; Sardjono, 1980). Le problème est que cette évolution tend à réduire la valeur de la production puisque les captures contiennent une beaucoup plus forte proportion de “poissons de rebut”. Si les captures, effectuées lors des prospections dans le golfe de Thaïlande, semblent dénote des modifications de la communauté ichtyologique, les captures commerciales ne le font peut être pas: ce facteur ajoute aux difficultés de l'évaluation.
Le problème est facile à exposer, mais il ne s'en trouve pas résolu. A l'heure actuelle, il n'y a pas de corps de connaissances théoriques permettant de prévoir les effets de différents taux de prélèvement sur les communautés de cette sorte. Pope (1979) a essayé d'extrapoler des modèles de production simples à ces communautés. Il n'apparaît pas clairement si ces approches sont valables ou si elles peuvent être appliquées aux données généralement recueillies dans ces pêcheries. Pauly (1979a) examine les problèmes que soulère l'aménagement de tels systèmes et il formule un certain nombre d'hypothèses intéressantes. Il ne les développe pas jusqu'au point où elles pourraient être utilisées pour évaluer l'incidence de différents taux de prélèvement sur la communauté. Un certain nombre de communications de Pauly et Murphy (1982) font le point des connaissances théoriques.
Malgré l'absence de théorie cohérente, on peut raisonnablement supposer que de moindres taux de capture auraient un moindre effet de distorsion sur la structure des communautés. Cela signifie qu'il y a peut-être un dosage à trouver entre les taux de prélèvement et la composition par espèce ou par taille.
Une difficulté connexe concerne la composition par taille des captures et la choix des engins. Une tentative a été faite pour examiner les avantages possibles de la réglementation du maillage en termes d'augmentation des rendements (Jones, 1976). Le problème a souvent été posé, mais non °résolu. La taille optimale de première capute diffère d'une espèce à l'autre et la détermination d'un optimum pour le système dépend donc de la valeur relative de chacune des espèces. En outre, pour que les calculs de ce type soient valubles, il est absolument indispensable qu'il n'y ait pas d'interactions biologiques entre les espèces: la réalité est manifestement contraire. Malgré ces difficultés, il pourrait être bénéfique de modifier le maillage utilisé dans les pêcheries. Le choix de la maille serait toutefois largement arbitraire. Une autre difficulté est que les crevettes ont une haute valeur marchande tout en étant de petite taille et qu'elles semblent bénéficier d'une réduction de l'abondance des autres espèces dans ces communautés.
Pour toutes ces raisons, la réglementation des quantites capturées et du maillage ne peuvent être considérées comme des méthodes d'aménagement d'intérêt prioritaire en l'état actuel des connaissances.
Les modifications de la structure des communautés et les réductions des taux de capture ont suscité de très graves conflits sociaux. L'évolution de la composition par espèces vers les poissons de rebut est extrêmement préjudiciable aux artisans-pêcheurs dont les captures sont normalement destinées à la consommation humaine. En revanche, la haute valeur des crevettes et la proportion croissante de crevettes et d'encornets dans les prises des chalutiers hauturiers ont fait que la situation a comporté pour eux moins d'inconvénients économiques qu'il n'en aurait été autrement.
Le contrôle par un système de licences est la méthode experimentée experimentée autorités par les pour limiter les captures et, espèrent-elles, les modifications de leur composition. Pour le moment, les résultats sont difficils à évaluer car les données s'accumulent assez lentement et les mesures visant à restreindre le nombre de licences, ou bien n'ont guère été couronnées de succès (Majid, 1984), ou bien n'ont été adoptées que récemment (Indonésie). L'interdiction du chalutage en Indonésie offre une occasion intéressante d'en surveiller les effets sur la composition par espèces des communautés et sur les taux de capture.
Les espèces sédentaires telles que les palourdes, les huîtres, les crabes et les algues marines et, marginalement, des espèces moins sédentaires telles que les langoustes, les poissons de récifs et quelques crabes, soulèvent des difficultés d'aménagement assez particulières. Les problèmes de conservation sont considérables en raison de leur vulnérabilité; toutefois, si le recrutement est variable, il semble être indépendunt de la taille du stock adulte. Il n'y a donc pas à craindre beaucoup d'échecs catastrophiques du recrutement. Ces espèces sont toutefois vulnérables à l'exploitation trop intense des jeunes individus; or, en l'absence de réglementation, il y a tendance à une forte réduction de' leffectif des sujets de grande taille et l'on atteint le point où la pêche se concentre sur les sujets plus petits et de moindre valeur marchande. Etant donné le caractère sédentaire de ces espèces, leur aménagement par l'attribution de droits de propriété est un choix évident. En fait, on a souvent procédé ainsi: comme exemples bien connus, on peut citer les huîtres de la baie de Chesapeake (Christy, 1964), les langoustes trouvées au large du Maine (Acheson, 1975), les bancs de moules de nombreuses parties de l'Europe du Nord, les récifs coralliens du Pacifique Sud (Johannes, 1978) et les algues marines de la Bretagne. S'il s'agit souvent de petites pêcheries, elles n'en ont pas moins une bonne rentabilité économique et il est rare que l'on s'y heurte à des problèmes de conservation. Les exceptions sont les cas d'endommagement physique de l'habitat, par exemple lorsque les poissons de recifs sont pêchés à la dynamite ou au muro-ami.
Lorsqu'il n'existe pas de droits de propriété ou que la pression des circonstances a ébranlé les droits existants, les mesures d'aménagement consistent généralement à instaurer des périodes de fermeture de la pêche et à fixer des limites de taille. Ce mode d'intervention est tout à fait approprié pour les crustacés et les résultats des programmes mis en oeuvre pour toute une variété de pêcheries de crabes, de palourdes, d'ormeaux et de langoustes (Johannes, 1978) ont été très satisfaisants.
Souvent, la réglementation des engins permet de mettre effectivement en viguear des limites de taille sans que celles-ci exigent ensuite un contrôle spécial. Habituellement, les dispositions relatives aux engins ont pour objet de permettre aux sujets de petite taille de s'échapper.
Lorsqu'il existe un dimorphisme sexuel marqué, la limite de taille doit être choisie judicieusement. Dans la pêcherie de dormeur du Pacifique peu de femelles sont retenues par les engins, car il est rare qu'elles dépassent la taille minimale.
Quoique ces réglementations puissent être utiles pour résoudre les problèmes de conservation et qu'elles aient en fait donné de bons résultats, il n'y en a pas moins de graves problèmes d'inefficacité économique lorsque les entrées dans la pêcherie ne sont pas limitées.
Ses systèmes de licences ont été expérimentés pour les ormeaux dans diverses parties du monde, mais il n'en existe que de rares exemples pour les autres pêcheries d'espèces sédentaires.
Les espèces sédentaires sont particalièrement vulnérables aux engins mobiles qui peuvent menacer la productivité de la ressource pour la population locale. En cas d'expansion des opérations utilisant les engins très mobiles, il peut devenir nécessaire d'attribuer une certaine part de la ressource aux communautés locales.
Certaines espèces sont, en raison de leur cycle biologique, hautement vulnérables à la pêche. Lorsqu'il existe une forte sur-capacité dans la pêcherie, de graves problèmes de conservation se posent et certains stocks peuvent être véritablement menacés d'extinction. Les espèces anadromes, telles que le saumon, sont souvent dans ce cas, car elles se concentrent en bancs de grande taille pour frayer; un autre exemple est offert par certains harengs. Quelques mammifères marins facilement accessibles à l'époque de la reproduction ont la même vulnérabilité; citons les jubartes, les baleines franches et les otaries à fourrure. Pour conserver les stocks de poissons, il convient d'assurer avant tout qu'un nombre suffisant de sujets échappent aux opérations.
La principale méthode d'aménagement de ces pêcheries est la limitation des captures. Etant donné la vulnérabilité des espèces en cause, elle s'accompagne habituellement d'une abondance d'autres dispositions réglementaires visant à sauvegarder certains sujets. La pêche se concentre habituellement pendant de brèves périodes et elle est soumise à des réglementations concernant le maillage, la taille minimale du poisson capturé, les engins utilisés et les zones ou sont conduites les opérations.
Pour répartir la capture totale autorisée entre les unités concurrentes opérant dans la pêcherie, toute une variété de méthodes ad hoc sont utilisées. Lorsqu'une proportion de la CTA est allouée à un petit groupe de bateaux, il semble que cela entraîne un certain degré de surcapitalisation. Mais cet effet est mineur en comparaison avec ce que l'on observe dans les pêcheries où la stratégie adoptée fixe un pourcentage de capture à ne pas dépasser, mais où la capture autorisée n'est pas répartie. Dans certaines pêcheries de harengs capturés pour les oeufs, la totalité de la CTA peut être prélevée en quelques minutes. Crutchfield et Pontecorvo (1969) ont noté par exemple qu'il y avait un tel degré de surcapitalisation dans une pêcherie de saumon de l'Alaska que la quantité allouée aux bateaux opérant avec des filets maillants dérivants dans la baie de Bristol à la fin des années cinquante pouvait être capturée avec le sixième des engins présents à peu près.
Les droits de propriété alloués dans ces pêcheries ont été minés dans le passé par leur succès même. Dans les débuts de la pêche au saumon en Amérique du Nord, un certain nombre de droits de propriété avaient été établis dans les cours d'eau à saumons. La rente économique était si importante que le public exerça une pression pour les faire disparaîte.
Le tableau présenté par les pêcheries de saumon du Royaume-Uni est assez différent. Les droits de propriété dans les cours d'eau ont eu tendance à être érodés par les caractéristiques migratrices de l'espèce. Il existe maintenant des pêcheries en haute mer et dans les estuaires, aussi bien que dans les cours d'eau.
En résumé, le meilleur moyen d'aménager ces espèces très vulnérables est probablement de tenter d'assurer qu'une proportion constante du stock échappe aux opérations et cela, si possible, en limitant les captures. Dans ce dernier cas, les attributions devront de préférence être faites en proportion de la CTA disponible. Il sera également préférable, lors de l'allocation de ces droits, d'assurer que la rentabilité individuelle ne soit pas excessivement élevée. Ces méthodes d'aménagement pourraient englober des mesures monétaires.
Lorsqu'il n'est pas possible de limiter les captures, il devient nécessaire d'instaurer des périodes ou des zones de fermeture de la pêche pour assurer la sauvegarde d'une proportion raisonnable du stock adulte. A cet effet, le mieux sera de mettre en vigueur quelque forme de limitation des entrées ou de contrôle de l'effort de pêche.
Les thons sont classiquement considérés comme des espèces hautement migratrices, mais ils ont en fait des comportements très divers: ainsi, les populations de tongol du détroit de Malacca sont relativement stables, tandis que l'albacore du Pacifique se déplace typiquement sur une distance d'à peu près 5.600 milles, et que le thon rouge et le germon traversent des océans. Néanmoins, la plupart des stocks de thons visitent les ZEE de plusieurs pays et leur aménagement doit normalement faire l'objet d'accords internationaux.
Pour la majorité des thons, il n'y a guère d'indices de baisses du recrutement avec la réduction de la taille des stocks, quoique le thon rouge suscite quelques préoccupations. Pour certaines espèces, il existe des problèmes de conservation imputables à l'exploitation trop intense des jeunes individus, mais les principaux problèmes d'aménagement sont liés à la surcapacité et aux conflits entre les différents groupes d'utilisateurs.
Il est difficile de surveiller l'abondance des thons. Les méthodes acoustiques sont inappropriées et, quoique les captures par unité d'effort, notamment celles des palangriers, semblent présenter une corrélation avec la taille du stock, elles sont néanmoins extrêmement variables, ce qui rend délicates les analyses en fonction de l'effort. Il y a deux difficultés majeures. En premier lieu, il semble que le thon se concentre fortement sur les reliefs océaniques, ainsi que sur les detritus géologiques et tout autour des mammifères marins (en particulier les marsouins, ce qui tend à affaiblir la corrélation entre les c.p.u.e. et l'abondance (Clark et Mangel, 1979); en second lieu, les diverses unités participant aux opérations opèrent sur des éléments différents de la population: les palangriers ont tendance à capturer les grand spécimens et les engins de surface (par exemple canne et hameçon) les juvéniles. Les senneurs à senne coulissante peuvent capturer toute une gamme de tailles selon l'approche utisiée, par exemple selon qu'ils opèront au-dessus de bancs de marsouins ou utilisent des dispositifs de concentration du poisson. La difficulté de rendre comparables les données sur l'effort de pêche est donc d'autant plus grande.
Le fait que la taille préférée n'est pas toujours la même soulève des problèmes notables pour l'aménagement; ils sont tout à fait comparables à ceux que pose dans les pêcheries d'espèces pélagiques la coéxistence d'opérations orientées les unes vers la fabrication de farine de poisson et les autres vers la consommation humaine. En conséquence, les responsables de l'aménagement auront souvent beaucoup de difficultés à attribuer des parts.
La situation est compliquée par le fait que les taux de capture des bateaux sont extrêmement sensibles à la présence d'autres bateaux. La baisse des taux de capture due à l'intensification de l'effort de pêche a entraîné, dans certains cas, une grave surcapitalisation.
L'aménagement des stocks de thons par la limitation des captures semble possible, mais il faudra recueillir une importante quantité de données pour ajuster les limites de capture de manière à approcher le niveau maximale. En l'absence de répartition des prélèvements autorisés, il y aura probablement un grave accroissement de la capacité de pêche.
Lorsqu'il est impossible de limiter les captures, en raison peut-être du coût de la surveillance, on peut s'efforcer de réglementer la pêche par un système de licences ou par le contrôle de l'effort. Comme on l'a dit plus haut, les programmes d'octroi de licences ont tout intérêt à rester en deça des possibilités. Il existe un potentiel notable d'accroissement de l'efficacité de l'effort de pêche lorsqu'il porte sur une espèce de poisson ayant un schéma de comportement aussi caractérisé. Pour des motifs très semblables, il peut se révéler nécessaire d'imposer des restrictions relatives aux engins ou de mettre en place un système de licences pour les divers types d'engins.
Le progrès technique peut n'être qu'un demi-bien pour ces pêcheries s'il reste incontrôlé. Les dispositifs de concentration du poisson dont l'utilisation s'est récemment développée donnent de bons résultats, mais il a déjà fallu en limiter l'enmploi, par exemple par des lois stipulant qu'ils ne doivent pas être à portée de vue les uns des autres. Aux Maldives, aux Samoa et aux Philippines, on suggère l'observation d'une distance minimale entre ces dispositifs.
En ce qui concerne les captures accessoires dans les pêcheries de thons, le problème le mieux connu est celui des captures de marsouins associées aux opérations des senneurs dans la zone tropicale du Pacifique Est. On l'a récemment assez bien résolu en modifiant la technique des opérations. Toutefois, les captures accessoires soulèvent encore des difficultés. Une complication particulière dans le cas des palangriers capturant des mélanges d'espèces est que l'utilisation des c.p.u.e. comme indice de l'abondance des stocks peut être invalidée. Des captures subsidiaires d'autres espèces pélagiques sont souvent associées aux captures de thons. Elles peuvent avoir une grande importance économique, comme il en est dans les opérations utilisant des payaos (dispositifs de concentration du poisson) aux Philippines (White et Yesaki, 1982). En outre, le rejet à la mer des poissons de petite taille, y compris les thons juvéniles, par les senneurs à senne coulissante opérant en haute mer peut soulever un problème important, en particulier lorsque des contingents de capture ou des réglementations relatives aux captures accessoires sont en vigueur.