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II.4. OBJECTIF 2: RENFORCER LA DISPONIBILITÉ DE MATÉRIEL DE REPRODUCTION DE QUALITÉ


II.4.1. Gérer l’offre et la demande de semences
II.4.2. Sélectionner et améliorer les espèces prioritaires


Ces dernières décennies, les plantations forestières ont fait l’objet d’une attention soutenue mais aussi de critiques, notamment lorsqu’elles faisaient appel à des espèces introduites dont l’adaptation au site n’avait pas été établie au préalable. A l’avenir, les plantations devront jouer un rôle de plus en plus important dans l’approvisionnement de biens et services.

Cette diversification suppose la disponibilité de matériel de reproduction de qualité en quantité suffisante auprès des utilisateurs. Les graines et plants doivent répondre à une triple exigence de qualité: (i) génétique (espèces et provenances adaptées et performantes), (ii) phytosanitaire (absence d’insectes et de maladies nuisibles) et (iii) physiologique (graines et plants répondant à des critères de taille, d’état de conservation, d’humidité et de qualité germinative).

Le document Situation des ressources génétiques forestières des zones sahélienne et Nord-soudanienne confirme la diversité des utilisateurs actuels et potentiels de semences et de plants forestiers: administrations publiques, secteur coopératif, communautés villageoises, acteurs privés. L’expérience de ces acteurs en matière de plantation et de ligniculture étant hétérogène, des efforts de sensibilisation et de formation importants devront être consentis pour accompagner l’identification des espèces localement prioritaires et leurs objectifs d’utilisation, les sources de semences et de plants, les exigences sylvicoles ainsi que pour mettre en place les protections et entretiens après la plantation. Trop souvent par le passé, des options techniques discutables ont été dictées du fait des semences disponibles limitées et des connaissances restreintes en matière de sylviculture des espèces locales.

Un répertoire global des fournisseurs de semences forestières est produit par le CIRAF sous forme de livres et de CD Rom39. De plus, des informations mises à jour sont disponibles par Internet sur le site du CIRAF40.

39 Kindt et al., 1997
40 http://198.93.235.8/cfdocs/examples/treessd/treessd.htm

II.4.1. Gérer l’offre et la demande de semences

Justification:

Les changements intervenus dans les politiques forestières ont mis en évidence la part croissante des plantations réalisées par les communautés villageoises avec des espèces locales. L’utilisation de matériel indigène ne va toutefois pas sans poser un certain nombre de questions techniques qui ne sont pas encore toutes résolues.

La fructification irrégulière de certaines espèces et certains peuplements ne permet pas toujours un approvisionnement régulier ni en quantité, ni en qualité, d’autant que nombre de graines ne peuvent pas être séchées, ni partiellement déshydratées, en vue de leur conservation (graines intermédiaires et récalcitrantes). Les pertes sont parfois importantes en pépinière du fait de pratiques de culture des plants peu connues et faiblement documentées. Les entreprises publiques ou privées de distribution de semences forestières ont parfois du mal à fournir des provenances spécifiquement adaptées à des conditions locales précises. Souvent, elles ne peuvent offrir toutes les espèces ou les semences d’arbres d’intérêt secondaire, demandés en petites quantités.

Une attention particulière doit être accordée lorsque le matériel est issu de la multiplication végétative, technique nécessaire lorsque certaines espèces/populations sont en nombre trop limité pour assurer la reproduction ou lors de la multiplication de phénotypes exceptionnels. Une stratégie d’utilisation de ces matériels et une bonne connaissance des protocoles techniques de multiplication sont également importants dans les programmes de domestication.

L’importance d’un matériel de reproduction de qualité, lequel conditionne la valeur des produits et services de demain, a conduit certains pays à élaborer des politiques nationales de production de graines forestières. Des centres nationaux spécialisés en semences forestières d’espèces de zone sèche existent au Burkina Faso, au Sénégal et au Togo. L’intensité de l’intervention de l’Etat varie, selon que des systèmes de certification ou de contrôle sont mis en place ou non. La production de semences pour le reboisement peut être en concurrence avec d’autres utilisations (produits dérivés, médicaments, cosmétiques ou aliments).

Objectifs à long terme: améliorer la disponibilité et l’utilisation de semences forestières de qualité (d’un point de vue génétique, physiologique, phytosanitaire) et en particulier d’espèces locales. Définir des politiques nationales de semences forestières, articulées le cas échéant au niveau sous-régional. Contribuer à maintenir et développer la diversité biologique dans les forêts et les plantations hors forêt.

Objectifs intermédiaires: améliorer l’articulation des activités et des intervenants au sein du secteur des graines forestières. Définir les objectifs des politiques de reboisement et des filières de graines forestières. Favoriser la complémentarité des actions des entreprises publiques, coopératives, artisanales ou commerciales, dans la production, le stockage, la distribution des semences et l’élevage des plants. Favoriser une approche régionale dans la délimitation des peuplements semenciers, la récolte et l’approvisionnement en semences. Diffuser les connaissances en matière de choix d’espèce et de provenance ainsi que vulgariser les techniques de récolte, manutention et stockage des semences. Concevoir et développer des mécanismes viables de participation des communautés rurales à la gestion des peuplements semenciers mais également au traitement, au stockage et à la commercialisation, selon les cas. Contribuer à la sensibilisation et la formation des utilisateurs à l’importance de l’adaptation de l’espèce au site et aux techniques sylvicoles d’entretien après plantation. Sensibiliser les acteurs à la valeur ajoutée apportée par les semences sélectionnées et améliorées ainsi que les décideurs politiques à l’importance des programmes de sélection et d’amélioration dans les efforts nationaux de développement durable.

Activités recommandées:

- Evaluer au niveau local et national l’offre et la demande de graines, en termes économiques, techniques, institutionnels;

- Recenser, délimiter et entreprendre des actions de protection, conservation, utilisation durable des peuplements semenciers des espèces prioritaires;

- Recenser, synthétiser, vulgariser et diffuser les connaissances acquises sur la récolte, le stockage temporaire, le transport, l’extraction et le séchage des semences d’espèces prioritaires;

- Développer des méthodologies de conservation des graines d’espèces importantes, favoriser la mise au point de protocoles et de méthodes simples de manipulation;

- Développer des recherches coordonnées sur les graines d’espèces prioritaires récalcitrantes ou intermédiaires;

- Favoriser la création de centres de stockage de graines près dans les zones et régions utilisatrices;

- Renforcer les liens avec les banques de semences agricoles en vue du stockage à l’échelon local ou national de semences forestières orthodoxes d’espèces prioritaires;

- Contribuer à la réalisation et la publication de guides techniques pour l’échange et le transfert de graines: les aspects techniques, juridiques et commerciaux pourront utilement être pris en compte;

- Sensibiliser les décideurs nationaux et provinciaux des pays bordant le Golfe de Guinée (et possédant des forêts sèches dans leur partie nord) aux besoins spécifiques de ces zones sèches dans les programmes nationaux de reboisements et de semences forestières. En effet, ces zones, généralement pauvres, sont facilement oubliées.

Options techniques:

La stratégie d’approvisionnement en semences forestières peut être faite à l’échelon sous-régional (échanges et commerce entre pays), national (centre de graines, législation sur les semences) ou local (récoltes par et pour les communautés villageoises). Une articulation judicieuse entre ces trois niveaux est recommandée.

II.4.2. Sélectionner et améliorer les espèces prioritaires

Justification:

L’augmentation de la productivité des peuplements forestiers de la zone sahélienne et Nord-soudanienne est une nécessite vitale pour le développement des populations rurales ainsi que pour les économies nationales. La compétition croissante des intervenants pour l’accès à la terre et aux ressources hypothèque l’avenir de nombreuses forêts. Les forêts sèches étant au demeurant considérées comme peu productives, leur conservation n’est pas toujours considérée comme un besoin urgent.

Il est possible d’augmenter la productivité des terrains forestiers (c’est-à-dire obtenir davantage de produits sur la même surface) par des opérations simples tels que le choix d’arbres semenciers, la sélection et l’élevage des plants en pépinière, le suivi et l’entretien des plantations. Ces gains sont d’autant plus réalistes que peu d’efforts ont été consentis pour l’amélioration des espèces locales. Or, la diversité des conditions écologiques de l’aire de distribution naturelle de la plupart des espèces, son ampleur et la variété des utilisations traditionnelles par différentes communautés rurales, font supposer l’existence d’une importante variation intraspécifique et donc des opportunités élevées de gains génétiques. Les essais de provenance et de descendance mis en place pour quelques espèces tendent à confirmer cette hypothèse.

L’intérêt de la coopération régionale dans la mise en place de tels programmes est évident par l’économie d’échelle qu’elle permet dans des domaines tels que l’exploitation de l’ensemble de la variabilité d’une espèce, la cohérence des systèmes d’aires de conservation basés sur les réservoirs existants dans les pays, les programmes coordonnés d’essais de provenance multistationnels, l’accès à la connaissance d’une vaste gamme d’utilisations des produits et des services.

Les programmes de sélection et d’amélioration devront adapter leurs objectifs et leur intensité aux programmes prévisionnels nationaux de plantation ou de domestication en prenant en considération les demandes locales et régionales. Ces programmes ne doivent pas faire systématiquement appel à des stratégies d’amélioration sophistiquées ni à une technologie de pointe. Très souvent, des résultats remarquables sont obtenus à moindre coût et de manière décentralisée, en prêtant attention à la qualité des arbres semenciers, aux techniques de manipulation des graines et aux pratiques d’élevage des plants. Dans tous les cas, les programmes de sélection et d’amélioration doivent favoriser la conservation (in situ ou ex situ) d’échantillons représentatifs de la variabilité de l’espèce considérée. A long terme, le succès d’un programme d’amélioration est en effet conditionné par l’ampleur et la diversité de ses collections de base.

Enfin, il faudra être attentif à la base génétique des plantations mises en place, surtout si le matériel introduit est utilisé localement: la pollution génétique accidentelle peut aboutir à la perte irrémédiable dans les peuplements naturels environnants de caractères importants pour l’adaptation locale. De même, la durabilité à long terme des plantations clonales ou issues de multiplication végétative est conditionnée par un suivi rigoureux du matériel génétique et de son origine.

Au cours des programmes de domestication, notamment des arbres fruitiers (qui font aussi l’objet de nombreuses autres utilisations), il est important de garder un large éventail de diversité dans les caractères non soumis à la sélection. Les résultats seront différents de ceux visés par les programmes d’obtention de variétés améliorées en agriculture - lesquelles doivent être fixées, homogènes et homozygotes. Il faudra en particulier maintenir le plus grand nombre possible d’options quant à l’utilisation future des produits et donc mettre en place des programmes de domestication souples et adaptables.

Objectifs à long terme: assurer la disponibilité continue de matériel de reproduction amélioré et adapté aux conditions locales pour les espèces prioritaires. Noter et prendre en compte les changements dans l’utilisation finale des produits par les utilisateurs.

Objectifs intermédiaires: évaluer la diversité génétique du matériel reproductif des espèces prioritaires. Mettre en place des actions coordonnées de conservation de la diversité d’espèce. Définir l’intensité de sélection ou d’amélioration de chacune des espèces prioritaires.

Activités recommandées pour les espèces prioritaires:

- Identifier, délimiter et protéger les sources de semences (peuplements porte-graine, plantations, groupes d’arbres isolés);

- Mettre en place des réseaux d’échange de matériel génétique en vue de l’installation d’essais de provenance;

- Définir les termes juridiques de l’échange de matériel en vue de son usage expérimental (proposer les conditions d’accès à la ressource génétique et prévoir le cas échéant les implications de son utilisation);

- Développer des protocoles techniques pour les opérations de multiplication végétative: enracinement de boutures, rejuvénélisation des parties adultes, greffes, traitements hormonaux;

- Maintenir en état les collections, les sites expérimentaux, les tests d’élimination, de provenance et de descendance, les vergers à graines, même si les priorités varient soudainement.

Options techniques:

- Choix entre (i) des programmes de sélection et d’amélioration ou (ii) des stratégies à court terme de multiplication végétative;

- Domestication des arbres fruitiers;

- Choix de la méthode d’analyse de la variabilité génétique, compte tenu de l’information recherchée;

- Maintien d’un équilibre entre les efforts dévolus aux espèces indigènes et ceux consentis aux espèces introduites.


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