2. LE SECTEUR FORESTIER: LES MOTEURS DU CHANGEMENT
L’évolution générale des ressources naturelles est marquée par l’accélération du processus de dégradation écologique dans un contexte de crise climatique sévère dont les effets sont aggravés par les activités anthropiques (pression démographique, extension des cultures, développement des aménagements hydro-agricoles, urbanisation accélérée, etc.).
A partir de l’analyse du contexte général (biophysique, socio-économique et institutionnel), des orientations de la politique de développement et de la situation actuelle du secteur forestier, les conclusions suivantes se dégagent:
La dégradation du milieu naturel et du tissu économique, la persistance de la sécheresse, la croissance rapide de la population (surtout urbaine) et la régression des formations forestières se sont confirmées durant la décennie écoulée et rien ne permet encore d’espérer leur infléchissement à l’horizon 2015 ( cf. Etude prospective Sénégal An 2015)
D’une manière générale, le potentiel ligneux a accusé une baisse ces dernières années et aucune des actions entreprises durant cette période n’a pu freiner, de façon significative, le processus de déboisement
Les programmes mis en œuvre n’ont pas suffisamment d’envergure et de consistance pour avoir un impact sensible à court et moyen terme
Bien que des efforts certains aient été faits, dans le sens d’une approche globale du développement et de la gestion des ressources naturelles, il reste à instaurer une véritable concertation des actions menées dans les différents secteurs pour résoudre les problèmes spécifiques de conservation des ressources forestières
Les résultats encourageants obtenus par certains projets dans la restauration du potentiel forestier sont annihilés par le déboisement continuel difficile à contenir par une administration forestière dont les effectifs s’amenuisent d’année en année
2.2 FACTEURS DÉTERMINANTS DU SECTEUR FORESTIER
2.2.1 Facteurs socio-économiques et démographiques
La population est passée de trois millions en 1960 à 5 millions en 1976 et 6,9 millions en 1988. En 1993, les projections indiquaient un effectif d’environ 8 millions d’habitants dont 3,2 millions sont des citadins. Le Sénégal a le plus fort taux d’urbanisation dans la zone sahélienne. Cette population est inégalement répartie sur le territoire : 6,8 habitants/km² dans la région de Tambacounda contre 2 707 habitants/km² dans l’agglomération dakaroise.
La croissance démographique nationale est estimée à 2,9 % en zone urbaine et à 2,1 % en zone rurale. Si cette tendance se maintient, la population du pays atteindra plus de 13 millions en 2020, ce qui n’est pas proportionnelle à la croissance économique.
Les politiques d’ajustement structurel mises en œuvre depuis 1978 ont fini la récente dévaluation du franc CFA en faisant entrevoir une lueur d’espoir de restauration des équilibres macro-économiques et macro-financiers. Ces politiques ont induit, sinon favorisé, l’extension de la pauvreté tant en milieu rural qu’en milieu urbain.
Le produit intérieur brut du Sénégal était estimé à 1 490 milliards de FCFA en 1990. La contribution du secteur agricole est prépondérante avec 23%. Près de 70% de la population, à majorité rurale, travaille dans ce secteur. L’évolution du secteur agricole au cours des cinquante dernières années, essentiellement dominé par la culture de l’arachide, semble avoir renforcé le rôle des oligarchies confrériques dont l’influence n’a cessé de s’accroître, du fait de leur poids électoral. Ces groupes ont joué un rôle moteur dans l’expansion de la culture arachidière.
L’industrie et les mines contribuent pour 18% au PIB. Le secteur énergétique est fortement dominé par les importations de produits pétroliers (près de 47 milliards).
La biomasse énergétique tient une place prépondérante dans la consommation des ménages sénégalais, avec le bois et le charbon de bois qui sont utilisés en grande quantité par les ménages, au détriment des ressources ligneuses de plus en plus réduites.
L’exploitation des mines et carrières se développe dans la région de Thiès où elle cause des ravages sur le couvert végétal et les sols. L’extraction pétrolière « off shore » est imminente en Casamance, tandis que les gisements d’or, de marbre et de fer du Sénégal oriental suscitent de grands espoirs. La tourbe découverte dans la zone des Niayes pourrait, à l’avenir, faire l’objet d’exploitation à des fins de production d’énergie.
Ces différents facteurs socio-économiques et démographiques appellent à une planification rigoureuse de l’utilisation des ressources naturelles.
2.2.2 Politiques économiques
L’esquisse de cadrage macro-économique prolonge et précise les lignes d’actions du IX Plan d’Orientation et de Développement Economique et Social en vue de transformer la reprise constatée suite à la dévaluation du FCFA en un processus de croissance forte et durable qui devrait atteindre à l’horizon du Plan un taux de croissance à deux chiffres. Une telle ambition interpelle l’Etat, le secteur privé et les régions à travers des objectifs et des actions concrètes à mettre en œuvre à court et à moyen terme, au niveau national comme aux niveau local et sous-régional.
La dévaluation inaugure une période de rupture qui devrait se dérouler en deux étapes. D’abord, une étape transitoire, la plus courte possible, serait dominée par la lutte contre l’inflation et la mise en œuvre des réformes. Ensuite, une période au cours de laquelle, la reprise devrait être transformée en un processus de croissance durable.
Au cours de la période de transition, des mesures ont été prises ou sont annoncées qui fournissent des indications sur l’ampleur de la rupture. Les indicateurs de réussite annoncés au lendemain de la dévaluation étaient les suivants : taux d’inflation ramené à 3%; taux de croissance du PIB de l’ordre de 4 à 5 % ; déficit du compte courant contenu et réduit à 6 % du PIB ; déficit budgétaire à moins de 1% ; ainsi qu’un taux de scolarisation de 65 % en 1998. Par rapport à ces indicateurs, les mesures annoncées consistaient à:
Poursuivre les réformes macro-économique et structurelle en vue de restaurer la crédibilité financière de l’Etat, la confiance des bailleurs de fonds et accorder la priorité au secteur privé
Lutter contre la pauvreté et le chômage par des programmes spéciaux
Réaliser les grands travaux que sont le Canal du Cayor, le développement de la Rive Gauche du Fleuve Sénégal, la ceinture verte et la revitalisation des Vallées Fossiles
Développer des relations de partenariat entre l’Administration et le secteur privé
Plusieurs mesures d’ordre budgétaires, fiscal, monétaires ou portant sur les prix, les salaires et les réformes structurelles ont été prises pour conforter la reprise. Pour l’essentiel ces mesures témoignent d’un arbitrage rendu en faveur de la maîtrise de l’inflation d’abord, de la croissance ensuite et enfin, de la pleine utilisation de la capacité productive.
2.2.3 Changements politiques et institutionnels
Depuis son accession à l’indépendance, le Sénégal s’est lancé dans une politique de décentralisation progressive. La réforme administrative, territoriale et locale avait, depuis 1972 (et même avant, au début des années 60 avec la loi 64-46 portant sur le domaine national), consacré l’émergence des collectivités locales décentralisées en milieu rural. Ces Communautés Rurales, qui sont des personnes morales disposant de leur propre patrimoine et de leurs propres organes, offrent un cadre d’exercice du pouvoir par la participation consciente des citoyens. Les Communes et les Communautés rurales disposent des mêmes prérogatives. Le processus s’est poursuivi avec la réforme de 1990 caractérisée par un renforcement des pouvoirs des élus locaux.
La régionalisation va constituer une étape importante de la politique de décentralisation, surtout de par l’ampleur des compétences que l’Etat va transférer aux régions et leur focalisation sur le développement économique et social. Aux 48 communes et 320 communautés rurales, vont s’ajouter les 10 régions, nouvelles collectivités territoriales dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière.
Sur le plan national, les mesures prises dans le cadre de l’amélioration de la compétitivité restent marquées par la libéralisation. Elles rentrent dans le cadre de nombreuses actions qui sont :
La privatisation des entreprises publiques
La révision des conventions spéciales en vue de supprimer les monopoles
Les initiatives de développement de l’information, des concertations entre acteurs et de communication
La réforme de la législation du travail par l’article 47 qui vient supprimer les autorisations préalables de licenciement
2.2.4 Impact des activités agricoles sur la foresterie
Les nouvelles orientations macro-économiques et financières qui sont inscrites dans une dynamique de libéralisation se traduisent, dans le secteur de l’agriculture, par la suppression de la subvention à l’engrais, la réduction drastique des effectifs des sociétés de développement rural et la restriction de leurs champs d’intervention dans la perspective d’un dépérissement progressif, programmé sous forme de «lettre de mission» ou de «contrat-plan».
Le prélèvement et le transfert systématique des surplus générés par les spéculations de rente au profit de l’Etat ont privé les producteurs ruraux de toute marge d’accumulation primitive de capital. La baisse de leurs revenus et de leur pouvoir d’achat sur fond d’un encadrement chronique a considérablement désarticulé les forces productives autant que les conditions de la production agricole dans la sphère du premier foyer d’accumulation productive que représente le secteur primaire dans l’économie d’un pays en développement.
Globalement, la politique de développement agricole et la situation qu’elle a entraînée ont induit des effets néfastes sur l’environnement de la production en accentuant le phénomène de dégradation de la base des ressources, notamment foncières et végétales.
L’agriculture:
Pour l’essentiel, l’organisation du potentiel de production obéit à des considérations d’ordre économique et stratégique qui visent à promouvoir la diversification des cultures et la réduction de la dépendance alimentaire. Toutefois, la réalisation des objectifs peut être entravée par la non maîtrise des situations existantes ou à venir en rapport avec les mutations en cours ou latentes dans l’espace, particulièrement au niveau des sociétés rurales qui sont confrontées aux nouvelles privatisations (surtout foncière) et aux nécessités de rentabilisation (des équipements communautaires).
Dans ces conditions, la gestion des ressources naturelles (notamment la terre, l’eau et les forêts) aux niveaux individuel et collectif se présente pour l’ensemble des acteurs comme des espaces de compétition dont l’incidence sera décisive.
L’élevage:
Le pastoralisme induit des effets négatifs sur l’environnement dans la mesure où il est à l’origine de la dégradation des parcours sur lesquels il se pratique.
Quelques exemples permettent d’illustrer ce constat :
Les densités animales très élevées conduisent à un épuisement rapide des pâturages de la zone sahélienne. Il s’ensuit une dénudation des sols qui renforce les risques de déflation et de stérilisation des parcours
L’émondage abusif des ligneux pour l’affouragement du bétail en saison sèche constitue un facteur d’appauvrissement de la biodiversité
L’exploitation des zones fragiles par les animaux et la déstructuration des horizons de surface favorisent l’érosion éolienne surtout aux abords des forages pastoraux
La relation entre les ressources disponibles et la pression d’exploitation explique les impacts négatifs de l’élevage bien qu’elle contribue par ailleurs au maintien de certains équilibres naturels
La pêche:
Certaines activités de pêche induisent des impacts négatifs considérables sur les ressources forestiers. A titre d’exemple on peut citer:
L’utilisation du bois de la mangrove pour la transformation des produits halieutiques
La dégradation de la mangrove lors de la cueillette des huîtres
2.2.5 Développement industriel et ses effets sur les forêts
Les mines, l’énergie et l’industrie constituent, avec l’artisanat, les principales composantes du secteur secondaire de l’économie sénégalaise. Ce secteur s’est développé tout en se diversifiant dans ses principales branches que sont l’agro-industrie, l’industrie chimique, les activités minières, le textile et l’énergie.
Le développement industriel peut engendrer de multiples problèmes par rapport aux ressources naturelles: dégradation des sols, déforestation, pollution atmosphérique, etc. De même, la surexploitation irrationnelle du sable de mer et du sel du lac Retba peut entraîner l’avancée de la mer sur le continent et la disparition à terme du lac.
2.2.6 Impact du tourisme sur les forêts
Certaines mesures adoptées par les pouvoirs publics ou l’initiative des populations à la base, ainsi que les tendances actuelles des marchés, constituent des opportunités pour le secteur touristique notamment avec l’expérimentation par les professionnels du tourisme et les collectivités locales d’actions visant l’extension et la sauvegarde des ressources naturelles (parc zoologique de Nianing, réserve de Bandia et de Popenguine).
Cependant les interventions ont engendré des impacts négatifs comme:
Les plans d’aménagement de sites touristiques accompagnés souvent de déforestation, de déplacement de populations, de mise en place d’infrastructures sans tenir compte de la nécessité de préserver les ressources naturelles
L’exploitation économique du tourisme sans tenir compte des besoins de survie des populations riveraines des zones protégées; ce qui incite ces dernières à recourir au braconnage du gibier et à la surexploitation des ressources forestières
2.2.7 Changements de la consommation énergétique et les forêts
La répartition de l’énergie globale consommée au niveau national révèle une nette prépondérance du bois de feu (64,5% contre 11,5% pour électrique et 24% pour les combustibles dérivés du pétrole).
Cette prépondérance du bois et du charbon de bois (60%) au niveau de l’énergie primaire permet de mesurer l’importance des actions anthropiques dans l’exploitation des ressources forestières. En effet, prés de 8 millions de m3 de bois sont prélevés annuellement sur les formations ligneuses du pays pour la fourniture de combustibles domestiques. Les principaux consommateurs sont les ménages dont l’approvisionnement en énergie dépend encore pour 90% des combustibles ligneux.
2.2.8 Développement des infrastructures et des communications et les forêts
Les activités de transport induisent des effets négatifs multiples sur les ressources naturelles. Ces effets sont liés notamment à:
La surexploitation des matériaux utilisés pour la construction des routes (latérite, basalte, etc.)
Les déboisements réalisés dans le cadre des opérations de construction de routes et d’aéroports
2.2.9 Progrès technologiques dans le secteur des forêts et les secteurs connexes
Documentation pas encore disponible
2.2.10 Tendances de l’investissement dans le secteur des forêts
En Afrique, l’investissement dans le secteur forestier repose souvent sur des prêts ou dons accordés par des organismes de développement multilatéraux et bilatéraux. Les tendances de l’investissement dans le secteur forestier au Sénégal n’échappent pas à cette règle même si, de plus en plus, l’on parvient à mobiliser les ressources allouées par l’Etat par le biais du fonds forestier national.
Le fonds forestier national est un fonds provenant des taxes et redevances payées par les différents acteurs impliqués dans les filières de valorisation des produits issus de la forêt. Il s’agit en fait de ressources financières générées par la forêt et ristournées par la suite au service forestier pour lui permettre de mener à bien ses missions de contrôle et de surveillance. Ce fonds, quoique relativement intéressant, est loin en deçà des besoins d’investissement du secteur.
2.2.11 Autres facteurs changeants
Documentation pas encore disponible