Pour faire face aux risques présentés ci-dessus, il faut établir, d'abord, une méthodologie de la décentralisation faite de la régionalisation des besoins des populations rurales et de la différenciation de politiques (risque 1); ensuite, trois politiques d'accompagnement: information (risque 2), formation (risque 3) et organisation (risque 4); enfin, la concertation d'un calendrier adéquat de décentralisation (risque 5).
Pour éviter le premier risque de la décentralisation (substitution pure et simple d'une logique de l'offre par une logique de la demande), il faut avant tout construire un espace d'intersection entre, d'une part, les acteurs du développement rural qui ont une logique d'ensemble et une offre globale de politiques (organisations internationales et états) et, d'autre part, les acteurs qui ont la connaissance des circonstances locales et une demande spécifique de projets et de programmes d'appui (populations rurales, ONG, secteur privé). Cette intersection est l'espace naturel de la formulation décentralisée d'une stratégie de développement rural.[10]
Autrement dit, pour que l'offre de politiques ne soit pas trop globale, il faut différencier les politiques et donc disposer de typologies de producteurs et de régions. Sur cette base, il serait possible, d'une part, de cibler le type de population rurale qui serait l'interlocuteur privilégié de l'Etat et la population objectif de ses politiques et, d'autre part, d'identifier les instruments d'appui les plus adaptés à chaque type de producteur, à chaque produit et à chaque région.[11] Mais en même temps, pour que la demande d'appui de la part des populations rurales ne soit pas trop spécifique et locale, il faut régionaliser les besoins et les souhaits des populations rurales pour leur donner une portée plus vaste. Il convient peut-être de proposer ici une représentation graphique du contenu de cette intersection entre l'offre de politiques et la demande d'appui afin de bien comprendre quel est l'enjeu de la différenciation des politiques et de la régionalisation des demandes.
Sur l'axe vertical de ce graphique, est représente le passage du paquet 1 des politiques vers les paquets 2 et 3, qui traduit le passage des politiques peu adaptées et peu diversifiées vers des politiques chaque fois plus adaptées et diversifiées. Sur l'axe horizontal, apparaissent trois types de producteurs qui représentent des niveaux chaque fois plus élevés de développement et de maturité des organisations agricoles. On considère que le type 1 représente une agriculture de subsistance, le type 2 une agriculture stationnaire mais avec potentiel productif et le type 3 l'agriculture commerciale.
Dans la perspective du développement rural, l'objectif des politiques différenciées serait de permettre aux producteurs de type 1 de mettre en oeuvre des stratégies de diversification d'activités leur permettant de devenir de producteurs de type 2, c'est-à-dire de producteurs avec un potentiel productif, même si celui-ci n'est pas agricole. En ce qui concerne les producteurs de type 2, l'objectif serait de les aider à matérialiser leur potentiel productif et à sortir de leur état stationnaire pour démarrer une évolution vers un modèle d'agriculture mieux insérée dans les marchés. Dans les deux cas, il s'agit, pour la politique de développement rural, d'appuyer les efforts de ces types de producteurs pour augmenter leurs niveaux de développement et le niveau de maturité de leurs organisations.

La courbe de l'offre des services d'appui est décroissante car l'offre devrait être plus forte plus les producteurs les plus défavorisés et diminuer au fur et à mesure que le niveau de développement des producteurs augmente. La courbe de la demande d'appuis par contre est croissante car elle reflète l'asymétrie dans la capacité de formulation claire et cohérente des demandes, qui est plus grande pour les organisations ayant atteint un niveau d'organisation majeur.
Analysons maintenant ce que représentent les cinq possibles intersections entre l'offre de politiques et la demande d'appuis.
1. Cette situation représente la formulation de politiques bien adaptées et diversifiées pour la population la plus défavorisée. Ce sont des politiques bien ciblées mais avec une portée limitée en termes de développement rural étant donné la quantité et la qualité de ressources dont dispose la population cible. Ce point décrit en fait les politiques sociales et focalisées de lutte contre la pauvreté. Par elles-mêmes et d'une manière isolée; elles ont peu de chances de démarrer une dynamique de développement rural. Dans le meilleur des cas, elles peuvent aider ce type de producteurs à mettre en place des stratégies pour sortir de l'état d'agriculture de subsistance. Pour leur donner une plus grande efficacité en termes de développement rural, il faudrait les insérer dans une stratégie qui ne voit pas dans la lutte contre la pauvreté seulement une politique sociale mais une composante centrale des politiques de développement économique. Ceci impliquerait démarrer un processus de transition allant du point 1 (les populations les plus défavorisées) vers le point 5 (producteurs ayant une potentialité forte en termes de génération d'emplois, de revenus et de diversification).
2. Il s'agit de politiques faiblement adaptées et peu diversifiées, ce qui implique l'utilisation de subventions généralisées sans focalisation de bénéficiaires. Ce sont d'une manière générale les politiques compensatoires qui ont caractérisé les stratégies d'industrialisation et d'extraction de l'excédent agricole. Il s'agit de politiques inefficaces, chères et génératrices de rentes institutionnels pour les agents privés et publiques qui avaient accès aux marchés publiques implicites dans ces politiques.
3. L'intersection dans le point 3 est en fait la contrepartie de l'intersection 2, car elle décrit la politique clientéliste des États centralisés. Les politiques sont adaptées et diversifiées mais concentrées sur les grands producteurs. La viabilité de ces politiques dépendaient des ressources budgétaires qui finançaient les politiques de subventions au crédit, aux prix, et aux infrastructures.
4. Les appuis du point 3 ont alimenté les clientèles de l'Etat, lesquelles luttent aujourd'hui pour éviter que la nouvelle politique de l'Etat ne signifie pas pour eux le passage à la situation 4 sur la graphique. Cette situation représente pour eux la perte de subventions et des appuis.
5. La régionalisation et la différenciation cherchent à réorienter l'action de l'Etat vers la situation 5 où les politiques sont suffisamment adaptées et différenciées pour ce secteur de l'agriculture qui a une capacité réelle d'être la base d'une stratégie de développement rural, génératrice d'empois, de revenu et de diversification entre revenus agricole et non agricole, mais aussi pour les producteurs les plus pauvres et les plus démunis en termes d'actifs afin de les aider à augmenter leur capacité de transition vers le niveau intermédiaire. C'est pour assurer l'adaptation et la diversification des politiques pour ces deux types de producteurs ruraux qu'est proposé le modèle RED-IFO de décentralisation. Ce modèle voit donc la lutte contre la pauvreté comme une politique visant à assurer, d'un côté, un filet de sécurité sociale pour les plus démunis et, de l'autre côté, les conditions économiques de leur transition vers une reproduction élargie. Le modèle permettrait de: i) appuyer les processus d'organisation pour augmenter la maturité des organisations professionnelles, ii) créer de mécanismes d'accès à l'information stratégique sur l'environnement de ces deux types de producteurs, et iii) appuyer les processus de formation pour que les actions de développement rural soient assurées par les populations rurales elles-mêmes.
En effet, la mise en place d'une différenciation des politiques et d'une régionalisation des demandes peut jouer un rôle central pour préparer aussi bien les interlocuteurs forts et représentatifs de l'Etat, que les conditions du dialogue entre ces interlocuteurs et l'Etat. C'est sur la base de ce dialogue que peut être mise en oeuvre une stratégie de développement rural efficiente, transparente et différenciée. L'enjeu de ce dialogue est de coordonner les actions de chaque acteur sur la base d'une reconnaissance de la capacité de réponse spécifique de chaque région et chaque type de producteur aux stimulations positives et négatives des politiques de l'Etat. C'est donc dans un cadre général de différenciation et de régionalisation que les politiques d'accompagnement de la décentralisation devraient être conçues et mises en pratique.[12]
Pour accompagner la méthodologie de régionalisation et différenciation du modèle RED-IFO de décentralisation, il faut trois politiques qui visent à créer les conditions nécessaires pour assurer la participation des populations rurales dans la définition des politiques et d'une stratégie de développement rural: i) l'accès à l'information, ii) la formation et iii) l'appui à l'organisation des populations rurales.
Il a été signalé plus haut que l'absence ou l'asymétrie d'information entre les acteurs du développement ne facilitait pas la coordination des activités et la globalisation des demandes locales. Pour éviter ce risque, il faut accompagner la décentralisation d'une politique d'information avec un double objectif: i) production de l'information pertinente à une stratégie de développement rural et ii) création des conditions qui permettent un flux continu de cette information entre tous les acteurs du développement rural, y compris les niveaux locaux de gouvernement.[13] L'information et sa distribution symétrique est une condition du dialogue entre les État et les acteurs du développement rural, sans lequel il ne peut pas y avoir une stratégie de développement vraiment participative.
En effet, pour qu'un vrai dialogue entre les acteurs du développement puisse s'instaurer, il faut qu'il y ait des bases communes à ce dialogue, autrement dit que les interlocuteurs disposent de la même quantité et qualité d'information sur les contraintes et les opportunités institutionnelles, macro-économiques et technologiques, sur l'évolution des marchés, sur les avantages comparatifs par produit et par région, ainsi que sur les complémentarités éventuelles entre les pays membres d'un bloc commercial sous-régional.
La production d'information et son flux jouent donc un double rôle: i) introduire un certain contrôle des populations rurales sur les actions de développement[14] et ii) garantir une cohérence global aux actions, dans la mesure où les population rurales disposeraient d'une information plus vaste que celle des conditions et circonstances locales dans lesquelles ils évoluent.[15] Ceci est une priorité pour donner un contenu économique, technologique et participatif à la décentralisation. Mais l'information ne suffit pas à garantir le succès de la décentralisation. Il faut deux autres politiques d'accompagnement: la formation et l'organisation.
Pour éviter que la décentralisation ne se traduise pas en une offre amoindrie de services d'appui, il faut accompagner le transfert de fonctions d'un transfert de compétences vers les niveaux locaux de gouvernement ainsi que vers les organisations de producteurs. Sans ce transfert de compétences, rien ne garantit l'accomplissement des fonctions décentralisées. Après une longue période de paternalisme et de forte intervention de l'Etat centralisé, qui ont bloqué la capacité d'action autonome des populations rurales, les compétences techniques des autres acteurs du développement doivent être créées ou renforcées pour que les fonctions transférées soient effectivement réalisées.
L'exigence de la formation se pose également d'une manière décisive dans la mesure où, dans le contexte d'une politique de décentralisation qui met l'accent sur les demandes des populations bénéficiaires, il doit être reconnu que la capacité de formulation de demandes ne se distribue pas d'une manière symétrique entre les différentes municipalités et organisations de producteurs. Cette capacité dépend en effet d'une accumulation préalable de capital social et d'expériences particulières d'organisation. En ce sens, sans une politique très forte de formation, la décentralisation peut favoriser les municipalités et les organisations les plus riches et mieux organisés, qui ne sont pas nécessairement celles qui ont le plus besoin d'appui mais simplement parce que ce sont elles qui ont le plus de capacité de formulation de leurs demandes en termes de projets de développement. La formation doit donc s'orienter en priorité vers les municipalités et organisations de producteurs qui ont un potentiel productif mais qui ont une faible capacité de formulation de demandes.
L'appui à ces organisations les moins mûres moyennant la formation à la formulation de projets productifs et rentables qui puissent avoir accès aux financements externes, peut être un domaine d'action prioritaire pour l'action conjointe des états et des organisations internationales mais aussi pour la promotion de relations de partenariat avec le secteur privé industriel et l'expérimentation d'une approche entrepreneuriale du développement rural. On pourrait par exemple organiser des échanges entre des organisations de producteurs pour leur permettre de connaître et profiter de l'expérience d'autres organisations des pays qui ont déjà avancé dans la voie de la décentralisation et de la participation populaire. Les organisations internationales peuvent également participer au renforcement de l'organisation par l'appui aux rencontres entre des organisations de producteurs les plus mûres avec leurs homologues les moins développées ou par l'appui à la formation de cadres au service des associations intermédiaires. La FAO a proposé "d'analyser les effets politiques, économiques et fiscaux de différents types de décentralisation, afin d'aider les gouvernements à élaborer les stratégies voulues pour déléguer, au niveau local, plus de pouvoirs de décision, de perception de l'impôt et de dépenses".[16]
En bref, l'héritage du paternalisme et des interventions centralisées explique que les producteurs et leurs organisations ne semblent pas dans tous les cas préparés pour remplacer les agences d'État dans l'accomplissement de certaines fonctions. Le manque de préparation aux défis de la décentralisation ne concerne pas seulement les producteurs. Même les cadres de l'Etat au niveau local n'ont pas toujours les compétences nécessaires pour animer le dialogue avec les bénéficiaires des politiques, habitués qu'ils ont été à ne faire que mettre en oeuvre les orientations décidées plus haut, et à la préparation desquelles ils n'ont pas participé.
La disponibilité d'information pertinente et globale ainsi que la formation et le transfert de compétences sont par elles-mêmes les premiers obstacles à la possible appropriation de la décentralisation par les élites locales. Ces freins peuvent être insuffisants s'il n'existe pas une organisation forte de la part des populations rurales, qui leur permette de participer à la conception, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques. C'est pourquoi la troisième politique d'accompagnement de la décentralisation serait l'appui aux organisations existantes et, dans certains cas, la création des associations intermédiaires et la reconnaissance de ces associations en tant qu'interlocuteurs privilégiés de l'Etat, par la création d'un cadre juridique favorable à la participation.[17] L'importance de l'organisation a plusieurs dimensions.
L'organisation peut garantir d'abord que les modalités de la décentralisation soient plus une réponse à une demande réelle de participation de la part des populations rurales, qu'une politique décidée et formulée d'en haut et d'une manière centralisée. Les objectifs, les modalités et le rythme de la politique de décentralisation pourraient ainsi être définis et négociés avec les propres bénéficiaires de la décentralisation.
Ensuite, l'organisation peut être une condition pour le succès de la décentralisation dans la mesure où elle peut se traduire par des innovations endogènes qui permettent aux associations intermédiaires de participer activement à la différenciation et la régionalisation des politiques. C'est par l'organisation que les producteurs peuvent devenir les acteurs de leur propre développement, dans la mesure où elle leur permet soit de créer soit de renforcer leur capacité d'appropriation des fonctions auparavant centralisées.[18]
Enfin l'organisation est importante dans la stratégie de décentralisation car le succès de celle-ci repose sur la création de structures locales de médiation de conflits qui permettent à la pression sociale de se traduire en la définition de projets et programmes de développement. Pour cela, il faut que soit reconnu le rôle éminemment positif de la pression sociale, des mobilisations, voire même du conflit. Le conflit, avec des mécanismes décentralisés de médiation, peut être un dispositif pour structurer les demandes et les synthétiser dans une stratégie de développement rural. Les Etats centralisés avaient tendance à ne voir dans le conflit qu'une opposition à ses interventions. En fait, ce que le conflit exprimait, dans la plupart des cas, c'était une demande d'intervention. Or si cette demande prennait la forme d'un conflit, c'était parce qu'il n'y avait pas des espaces de dialogue au niveau local et régional.
Cependant, la faiblesse institutionnelle de l'Etat et/ou des organisations de producteurs ne peut que se traduire par l'échec de la médiation. Sans celle-ci, il ne peut y avoir ni des consensus, ni stratégie pour un développement rural viable, durable et participatif, ni un cadre général de relations dynamiques entre les acteurs du développement rural. Ainsi par exemple, il peut arriver que le gouvernement central n'arrive pas à impliquer les niveaux locaux de gouvernement vers l'objectif de la décentralisation dans la mesure où ils sont dominés par des pouvoirs locaux et des élites régionales, qui ont intérêt à un autre type d'orientation. Encore une fois, la pression sociale peut se révéler un relais efficace de l'Etat pour mettre en place sa politique de décentralisation.[19]
Or les conditions d'utilisation positive de la pression sociale n'existent pas toujours; elles doivent être créées par le dialogue, par la proximité aux situations concrètes et par la sensibilisation de l'Etat qu'il peut améliorer la performance de ses actions s'il voit dans le conflit non pas un obstacle à son intervention mais un dispositif pour capturer les demandes d'intervention implicites dans ce conflit. L'organisation peut ainsi aider à construire la notion de citoyenneté économique et sociale et à développer une nouvelle relation entre l'Etat et les associations intermédiaires faite de dialogue et de médiations.
Un tout premier domaine où le dialogue et la concertation entre l'Etat et les associations intermédiaires doit s'appliquer est celui qui concerne le rythme de la décentralisation. Il ne faut pas que ce rythme soit trop rapide afin de permettre les adaptations nécessaires de la part des bénéficiaires de la décentralisation,[20] mais il ne faut pas non plus qu'il soit trop lent, ce qui laisserait le temps aux forces qui n'ont pas intérêt à la décentralisation de s'organiser contre elle et de la freiner définitivement.
Dans la définition du rythme de la décentralisation, il faut reconnaître que la diversité des situations régionales, des conditions de production et des stratégies de chaque type de producteur sont des contraintes qui exigent que la décentralisation se fasse sur la base d'un dialogue multiple entre les acteurs nationaux et locaux et d'une régionalisation des résultats de ce dialogue par la prise en compte du point de vue des associations intermédiaires. Ceci permettrait de moduler le rythme de la décentralisation en fonction de la capacité spécifique de chaque région, de chaque municipalité et de chaque type de producteur à assumer et développer les fonctions décentralisées.
La décentralisation devrait donc être conçue comme un processus progressif de transfert de fonctions, de ressources et de pouvoirs de décision, de l'Etat vers les associations intermédiaires et les niveaux locaux de gouvernement, en suivant le rythme permis par le renforcement des associations intermédiaires et par la création et la consolidation des instruments qu'elles se donnent au fur et à mesure de leur développement. Dans les conditions de forte hétérogénéité des espaces ruraux et des types d'agriculture, la décentralisation ne peut être qu'un processus global, étalé dans le temps, où le franchissement de chaque étape se fait au fur et à mesure que les conditions de chacune d'entre elles ont été créées et institutionnalisées.[21] Ce qui doit s'accompagner d'une concertation entre les états et les associations intermédiaires, avec l'appui d'autres institutions économiques et techniques, sur le calendrier le plus adéquat de la décentralisation.
La progressivité de la décentralisation concerne bien évidemment aussi le calendrier de transfert des sources et mécanismes de financement des fonctions décentralisées. De ce point de vue, l'horizon de moyen terme serait que chaque entité ayant reçu une fonction ou une action décentralisée devrait avoir une complète autonomie financière pour la réaliser en toute opportunité.[22]
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[10]
La FAO organise actuellement une réflexion comparée sur les
processus de décentralisation en cours dans les pays du Maghreb et du
Sahel, dont l'objectif est d'identifier les mécanismes d'interface entre
les niveaux central et local et le rôle de l'échelon
régional dans cette problématique. Les résultats d'un
atelier régional que la FAO organise sur ce sujet pourront orienter les
développements futurs du modèle RED-IFO. [11] Cette approche de différenciation de politiques et de typologie des régions a été proposée par la FAO pour les pays de l'Afrique du nord dès 1990: "Some regions in which conditions are not favourable may suffer low levels of prosperity. To accelerate their development, higher levels of investment will be required in these regions than in the relatively more prosperous zones. This should start with an investigation of the economic potentials of these regions", FAO (1990b), p. 11. [12] Il faut préciser ici que le concept de région implicite dans le modèle n'est pas prioritairement administratif ou agro-écologique, mais économique: "it is the network of interconnections that gives a region its identification and unity", FAO (1990b), p. 47. Ceci aura évidemment des conséquences sur les instruments classiques des stratégies de développement rural. Une politique décentralisée et différenciée qui répond à des demandes régionalisées devrait donner une priorité aux instruments qui par nature peuvent être plus facilement ciblés en fonction des problématiques spécifiques de chaque type de producteur ou de chaque région. Ainsi par exemple les prix ne peuvent pas être l'instrument d'une politique différenciée car le marché a tendance à produire l'unicité des prix. Une subvention aux prix créerait donc des fuites vers des producteurs qui n'ont pas besoin de cet appui. On peut dire la même chose pour les crédits subventionnés qui produisent une rente pour les grands producteurs. De ce point de vue, il serait plus efficace d'utiliser des appuis directs pour le capital de travail, pour des investissements en infrastructure, pour la mise en place de nouveaux procédés de production ou de transformation, ou même pour financer la consommation des producteurs les moins favorisés. Dans la mesure où il n'existe pas une tradition qui permette de travailler avec des politiques différenciées et régionalisées, le rôle de la FAO peut être très important par son appui à la modernisation institutionnelle pour mettre en place des politiques différenciées, par son offre de méthodologies pour la réalisation de typologies de producteurs, et l'assistance technique pour la régionalisation des demandes. [13] Il faut se rappeler en effet que l'une des conséquences de la crise de la dette et des programmes de stabilisation a été l'abandon de la majeure partie des efforts de production d'information qui permettaient de donner une orientation à la formulation des politiques publiques. En plus, quand cette information existe, elle est centralisée dans les niveaux nationaux de décision de l'Etat. Une information stockée n'est pas un dispositif adéquat de dialogue. Il faut donc à la fois produire l'information et construire un flux d'information entre les interlocuteurs pour qu'autour de la table le dialogue puisse se développer. A ce propos, une initiative intéressante de la FAO consiste en la création d'un réseau d'information pour les collectivités rurales méditérranéennes, qui aurait pour objectif "l'échange d'expériences entre partenaires locaux (...). En brisant leur isolement, elle peut les conduire à raccourcir les délais et améliorer la qualité des décisions qu'ils sont amenés à prendre et donc à en réduire les coûts sociaux. Elle peut aussi contribuer à un meilleur partage entre court et long terme dans la programmation des investissements et la gestion des ressources naturelles", FAO/SDA, "Système d'information pour les collectivités rurales méditérranéennes (CORUMED)", novembre 1995. [14] De cette manière, les acteurs pourraient identifier les problèmes que la décentralisation pose au fur et à mesure de son instrumentation ainsi que les remèdes à mettre en place. [15] La FAO a ainsi proposé aux gouvernements de "mettre en place des mécanismes appropriés pour assurer, sur une base régulière et systématique, la collecte, le traitement et la diffusion des données relatives à la participation de la population et aux organisations populaires, de manière à faciliter la formulation des politiques et la prise de décisions (et de) rassembler, traiter et diffuser l'information sur la participation populaire, sur la base d'indicateurs adaptés à la nature spécifique des différents types d'organisations populaires", FAO (1992), p. 12. [16] FAO (1992), p. 9. Ce thème, on l'aura compris, est transversal au risque 3 (offre amoindrie des services d'appui) et au risque 4 (appropriation de la part des élites locales de la décentralisation). Il sera donc repris plus loin au moment de présenter les politiques d'appui à l'organisation. [17] "Les lois qui reconnaissent le droit des ruraux de créer des organisations économiques autonomes pour la satisfaction de leurs besoins ou qui donnent aux autorités locales le pouvoir de dépenser les recettes fiscales perçues sur place peuvent favoriser les initiatives locales à l'appui à la participation populaire", FAO (1992), p. 7. [18] Dans les situations où les expériences d'organisation sont faibles et qu'il n'existe pas de structures capables d'animer le dialogue avec l'Etat, un dispositif de remplacement peut être mis en place qui prendrait la forme des états généraux de l'agriculture, qui se tiendraient une ou deux fois par an, sur de thèmes précis et au niveau local et, ensuite, régional. Une expérience de ce type a été organisé en Iraq: "In these congresses, farmers and central government officials are represented. These meetings formulate the working plan document for the following agricultural season in line with national agricultural development objectives and strategies", FAO (1990b), p. 22. Un autre exemple d'innovation endogène est celui de la Jordanie où "in many villages, the daily work is usually carried out by mutual understanding between the head of family clans (al-Mukhtar) and the administrative representative of the central government", Idem. [19] "Summoning up the necessary political will to apply rural development policies (...) -in the face of resistance by human and economic interest such as local élite groups, bureaucrats, economic grouping, the military- is without doubt the most difficult task facing governments. This would made easier if a broad-based alliance behind such a policy could be forged", FAO (1995a), p. 2. L''expérience de Népal analysée par la FAO montre que ceci est l'une des contraintes importantes de la décentralisation, "namely the reluctance of the established administration to part with power", FAO (1985), p. 26. [20] Dans la section III seront présentées quelques unes de ces adaptations. [21] L'expérience de l'Inde sur ce point peut être intéressante. D'après le rapport de la FAO sur la décentralisation en Asie et dans le Pacifique, "in a federal setup such as that of India, where states are in various stages of the centralisation-decentralisation continuum, the stages approach provides a particularly flexible avenue making prgoressive transformation possible, accumulating experience and making necessary adaptations", FAO (1985), p. 15 et annexe II de ce rapport. [22] Un contre-exemple à ce propos est celui de la République du Soudan, qui est, d'après la FAO, "one of the most extensive attempts in the Near East and North Africa at devolution of power from the centre to regional levels (but) according to critics, while a wide range of responsibilities were assigned to the regions, little money was passed with these responsibilities", FAO (1990b), p. 29 et p. 31/ |