par
C. Cossalter
Ingénieur des Travaux des eaux et forêts
Chef de la Mission Graine Indonésie
REPARTITION D'ENSEMBLE DES PROVENANCES D'EUCALYPTUS DEGLUPTA ET LES LIMITES DE L'AIRE NATURELLE
Dans les îles Célèbes
Dans la province indonésienne de Sulawesi regroupant les îles Célèbes, l'Eucalyptus deglupta est connu sous le nom vernaculaire de Kaju Leda. A des latitudes comprises entre les parallèles 1 degré Nord et 2 degrés Sud, cette espèce colonise sous forme de peuplements purs de nombreux sites côtiers et d'altitude. En ce qui concerne les sites côtiers (Annexe 1): Dumoga 1, Tapa 2, Ongka 3, Tolitoli 4, Balukan 5, Kolawi 6, Saweiti 7, Tibao 8, Ampibabo 9, Marantalo 10, Sausu 11, Lariang 14, Kolonodale 16, Bongka 17, Ampana 18, Kabali 19, Batui 20, Balantal 21. Pour ce qui est des sites d'altitude: Palolo 12, Gimpu 13, Pindolo 15.
Au Sud de cette bande les peuplements naturels d'E. deglupta qui ont été inventoriés sont plus rares, ils sont essentiellement concentrés dans la plaine côtière qui s'étend de Palopo à Malili, au Nord du golfe de Bone entre les péninsules du Sud-Est et du Sud-Ouest de l'île (Parara 23, Kaloukou 24, Tobou-Tobou 25, Tendantana Padang 26, Mario 27, Kandoa 28). Aux mêmes latitudes on signale sur la côte Ouest l'existence d'un peuplement dans la plaine marécageuse de Sampaga 22.
Enfin au Sud du parallèle 4 degrés Sud on ne dénombre plus que deux cours d'eau le long desquels on rencontre cette espèce. Il s'agit des rivières Wempalle (29) et Berong (30) qui viennent se jeter sur la côte Ouest de l'île. Dans les deux cas, l'on est en présence non pas de peuplements mais d'arbres dispersés poussant le long de torrents qui traversent les derniers contreforts montagneux avant de déboucher sur la plaine littorale. Les E. deglupta du lieu dit Parenglui (provenance rivière Berong 30), situé à 5 degrés 15 minutes de latitude Sud dans l'arrière-pays de Sungguminasa à l'extrême Sud-Ouest de l'île, seraient les spécimens connus de cette espèce les plus éloignés de l'équateur en territoire indonésien.
M. Ardikoesoema, forestier de l'Institut de Bogor a signalé l'existence d'E. deglupta poussant à l'état naturel à proximité de certains hauts sommets de la moitié Ouest de l'île Flores, dans des régions qui bénéficient d'une pluviométrie abondante. Dans l'hypothèse où ce renseignement se révélerait exact la limite Sud de l'aire naturelle de E. deglupta se trouverait repoussée en Indonésie aux environs de la latitude 8o 30' Sud, au voisinage immédiat de la limite Nord-Ouest de l'aire naturelle de l'E. urophylla. Les provenances d'E. deglupta de l'île Flores auraient la particularité d'être avec les provenances de Papouasie les moins équatoriales de toute l'aire naturelle de l'espèce.
Dans l'île de Céram
Alors que dans les îles Célèbes l'espèce est indifféremment présente dans les plaines des régions montagneuses et sur les côtes telles que la côte Ouest et les côtes en bordure de golfes de Tomini de Bone et de Tolo, dans des sites assez dispersés représentant un assez large éventail de milieux écologiques différents, il semble au contraire que dans l'île de Céram, l'E. deglupta (Kaju Patola dans la langue vernaculaire), ait une aire naturelle limitée à quelques sites de la moitié Est de l'île. Les rivières en bordure desquelles pousse cette espèce sont des cours d'eau de 10 à 15 kms de longueur moyenne qui prennent naissance sur les flancs Nord et Est de cette île montagneuse; ils traversent une étroite bande littorale au relief plat intégralement couverte comme les versants montagneux d'une forêt dense humide. Les principaux peuplements d'E. deglupta de ces côtes Nord-Est et Est occupent les rives des cours d'eau aux débits les plus forts (rivières Samal 35, Matakabo 36, Boebi 37, Masiwang 40) ainsi que les bords de rivières de moindre importance (rivière Wahai 31, Toloearang 32, Moeal 33, Isal 34, Lola 38, Nif 39). La rivière Wahai qui se jette sur la côte Nord au centre de l'île semble être la limite Ouest de l'aire naturelle de l'espèce à Céram.
Des documents des services agricoles d'Ambon signalent la présence de cette espèce sur la côte Sud-Est de l'île, sans qu'il soit donné plus de précisions quant à la localisation exacte de ces spécimens et à la nature des peuplements qu'ils composent. Compte tenu de cette éventualité, l'aire naturelle de l'E. deglupta serait contenue à Céram entre les latitudes 2°45' et 3°45'. Il n'y aurait pas dans cette île de provenances des régions montagneuses.
DONNEES CLIMATIQUES
Iles Célèbes
Les facteurs climatiques sont certainement la raison de la quasi totale limitation de l'espèce à une bande qui s'étend de part et d'autre de l'équateur sur une profondeur de 5° de latitude, avec une forte concentration de provenances dans les régions côtières les plus proches de la latitude zéro degré. Un climat chaud très humide à pluviométrie abondante, sans période sèche marquée, convient particulièrement bien à cette espèce. Sur une grande longueur de régions côtières des Célèbes d'exposition et d'orientation diverses, on a relevé les caractéristiques climatiques communes suivantes:
température moyenne annuelle élevée, de l'ordre de 25 à 27° C
humidité atmosphérique élevée tout au long de l'année
pluviométrie totale annuelle abondante, comprise entre 2 000 et 3 500 mm, en général voisine de 2 500 mm.
Pendant une période qui varie de 9 à 11 mois par an, la pluviométrie mensuelle est supérieure à 100 mm tandis que l'on compte en moyennè une période d'un mois au maximum pendant laquelle la pluviométrie est inférieure à 60 mm. Cette période sèche peut exceptionnellement durer 3 à 4 mois dans un nombre limité de sites. Ce type de climat correspond aux provenances d'E. deglupta de la côte Ouest qui sont situées au-dessus de la latitude 3° Sud (provenances 4, 5, 6, 7, 8, 14, 22), aux provenances de la plaine côtière qui s'étend au Nord du golfe de Bone (provenances 23, 24, 25, 26) ainsi qu'aux provenances des régions de Poso sur le golfe de Tomini (provenances 11, 17, 18) et de Kolonodale sur le golfe de Tolo (provenances 16, 19).
Les provenances des plaines d'altitude situées dans le massif montagneux de la région centrale au voisinage des lacs Lindu et Poso (provenances 12, 13, 15) bénéficient de conditions climatiques identiques avec toutefois une température moyenne annuelle moins élevée (de l'ordre de 22 à 24° C) en raison de l'altitude comprise entre 500 et 1 000 m. La période sèche est encore moins marquée que pour les climats côtiers. La pluviométrie mensuelle peut exceptionnelement être inférieure à 60 mm pendant 1 à 2 mois les années les plus sèches. D'ordinaire ces périodes sèches durent 10 à 20 jours par an.
D'autre part, on compte en moyenne 11 mois dans l'année à pluviométrie supérieure à 100 mm et des totaux pluviométriques annuels pouvant atteindre 5 000 mm.
Les côtes d'exposition Est et Sud en bordure du golfe de Tomini ainsi que l'extrémité de la péninsule de Luwuk et la côte Sud-Ouest de l'île sont des régions soumises à des conditions climatiques plus sèches. Pour une pluviométrie moyenne annuelle s'étendant entre 1 500 et 2 300 mm, on compte 3 à 4 mois secs comptant moins de 60 mm de pluviométrie. Cette période peut exceptionnellement durer 5 à 6 mois. La saison humide quant à elle a une durée moyenne de 7 à 8 mois. Ce type de climat s'applique particulièrement aux provenances 2, 3, 9, 10, 20, 21.
Ile de Céram
A Céram le climat des côtes Nord-Est et Est se situe entre les deux types de climats côtiers que l'on vient de définir pour les îles Célèbes. La pluviométrie totale annuelle est de l'ordre de 1 800 à 2 300 mm, la saison sèche a normalement une durée de 1 mois et demi à 3 mois, exceptionnellement 5 à 6 mois, tandis que l'on compte en moyenne 7 à 9 mois à plus de 100 mm de pluviométrie. Les provenances 31 à 40 sont soumises à ces conditions ainsi que les provenances 27 et 28 du golfe de Bone dans les îles Célèbes.
Tous ces types de climat correspondant à l'aire naturelle de E. deglupta sont désignés par le code Afa dans la classification de Köppen.
REGENERATION, ASPECT DES PEUPLEMENTS NATURELS ET HABITAT de l'EUCALYPTUS DEGLUPTA
Processus classique de régénération
Il semble que l'apparition des bourgeons floraux se fasse au coeur de la saison des pluies pendant la période de pleine végétation qui coïncide avec les maximums pluviométriques de la saison chaude. Une floraison massive suit généralement la période de forte précipitation. Un délai d'une douzaine de semaines à compter de l'époque d'apparition des bourgeons floraux est nécessaire à la production des fruits mûrs qui vont conserver leurs graines 2 à 3 semaines supplémentaires avant de s'ouvrir. Ceci reporte la période de dissémination des semences à la fin de la saison des grosses pluies à une époque où le débit des cours d'eau étant déjà en forte baisse, les rivières découvrent dans leurs lits et sur leurs berges de larges bancs de graviers et de sables mélangés à du limon. Les graines transportées par la rivière en décru se déposent sur ces plages dépouillées de toute végétation et surchauffées par le soleil. Dans ce processus se trouvent réalisées les conditions propices à la germination des semences, à l'installation et à la croissance des jeunes semis (photo No 1). Les dépôts successifs de matière limoneuse qui, à chaque nouvelle crue viendront enrichir ce substratum, créeront peu à peu le sol du futur peuplement.
Aspect des peuplements naturels
L'E. deglupta est une espèce de pleine lumière dont les exigences en eau sont particulièrement strictes; elle ne tolère ni les terrains mal drainés et les eaux stagnantes, ni l'éloignement de la nappe phréatique. Compte tenu de ces exigences et du mode de régénération il est aisé de comprendre l'habitat de cette espèce et la structure qui caractérise ses peuplements naturels. L'E. deglupta est essentiellement restreint aux berges et aux îlots de rivières colonisés par des bouquets purs, équiennes à superficie limitée. Ces bouquets ont l'allure de futaies régulières contenant des arbres de forme très élancée, poussant à forte densité. Les sujets d'un même bouquet ont sensiblement les mêmes mensurations.
Au cours des premières étapes de leur évolution, ces peuplements sont dépourvus de sous-étage. Des espèces de la forêt dense humide, telles que: Vitex cofanus, Dillenia sp, Plerospermum celebicum, Calamus sp, Pangium edule, Dracantomelan mangiferum, Calophyllum soulathi, peuvent s'installer sous des peuplements adultes.
Sous les plus vieux peuplements, telle la parcelle de Tobou-Tobou sur la rivière Tomoni (provenance 25), c'est une véritable forêt secondaire qui s'est reconstituée en un épais sous-bois. En ce lieu, les E. deglupta, dont la densité est de l'ordre de 30 à 40 arbres à l'hectare, atteignent dans l'ensemble les mensurations suivantes: 65 à 70 m de hauteur totale pour 40 à 45 m de tronc rectiligne et 115 cm de diamètre à la base. Les plus gros sujets de ce peuplement ont 75 à 80 m de haut pour un diamètre à la base de 150 cm (photo No 2). A aucun stade de son évolution, on ne remarque la présence de régénération naturelle sous un peuplement fermé d'E. deglupta.
Habitat
De l'embouchure d'un cours d'eau à sa source, il existe une grande variété de sites favorables à l'installation de l'E. deglupta. On rencontre des peuplements de cette espèce le long des derniers méandres de la plaine littorale. A Céram la limite aval des peuplements d'E. deglupta atteint le niveau à partir duquel la rivière n'est plus sujette au mouvement des marais. Par contre, il n'a pas été trouvé dans les provenances côtières des îles Célèbes, des sujets poussant à moins d'une quinzaine de kilomètres de la mer. L'E. deglupta peut également coloniser les berges de torrents dans les hauts de vallée (photo No 3).
Les plaines d'altitude semblent être des sites particulièrement favorables à l'installation et à la propagation de l'espèce. Dans la plaine de Palolo où s'effectue la jonction des rivières Sopou et Lindu, les berges des deux cours d'eau sont peuplées d'une mosaïque de bouquets d'E. deglupta dont les stades d'évolution s'échelonnent de la tache de semis au peuplement adulte composé d'arbes de 50 m de haut et 1 m de diamètre à la base poussant à une densité voisine de 100 arbres à l'hectare (photo No 4). La plaine de Gimpu sur le cours supérieur de la rivière Lariang est également un bon exemple de la vigueur de l'espèce dans ce type de site.
Enfin la propagation de l'espèce semble étroitement liée à l'importance du cours d'eau le long duquel elle se trouve présente. Dans des vallées à fort profil en long, parcourues par des torrents qui dévalent le versant montagneux sur quelques kilomètres et atteignent aussitôt le littoral, l'espèce se limite à quelques bouquets de superficie réduite, parfois même à quelques sujets isolés poussant en bordure du torrent. C'est le cas des rivières Tampak et Ampibabo par exemple. On a pu remarquer à Céram que l'espèce était essentiellement présente sur les grands et moyens cours d'eau et d'autant plus commune que la rivière était importante avec une fréquence et une étendue des peuplements qui augmentaient au fur et à mesure que l'on remontait le cours.
Il existe par contre des régions traversées par d'importantes rivières où l'espèce est ponctuellement présente en de nombreux endroits sans que l'on puisse dire qu'elle soit commune. C'est particulièrement le cas de la plaine côtière qui s'étend au Nord du golfe de Bone où pour 6 rivières, dont 5 sont de taille importante, on peut facilement recenser une dizaine de sites où cette espèce se trouve présente. L'expansion limitée de l'E. deglupta en chacun de ces points conduit à dire que la présence de l'espèce dans cette plaine a un caractère occasionnel.
ANNEXE I
LISTE DES PROVENANCES D'EUCALYPTUS DEGLUPTA DES ILES CELEBES ET DE CERAM
ILES CELEBES
CERAM
* Sites visités par la Mission Graine du C.T.F.T. en mai 1975.

Régénération naturelle de E. deglupta le long des berges de la rivière Sopou (plaine de Palolo, région centrale des Célèbes, provenance no 12). Photo COSSALTER no 1.

Peuplement de Tobou-Tobou sur les berges de la rivière Tomini, (région centrale des Célèbes, provenance no 25). Photo COSSALTER no 2.

Peuplement d'E. deglupta sur les berges du torrent Tampak (région centrale des Célèbes, provenance no 27). Photo COSSALTER no 3.

Bouquets d'E. deglupta, d'âges variés, le long des berges de la rivière Lindu (plaine de Palolo, région centrale des Célèbes, provenance no 12). Photo COSSALTER no 4

TYPE DE PLUVIOMETRIE DES ILES CELEBES ET CERAM
D'après le rapport entre le nombre de mois secs et le nombre de mois humides
| extrait de la carte: VERHANDELINGEN mapr djawatan meteorologi dan geofisik DJAKARTA | ![]() | |
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Remarques: Pour une station donnée, le nombre de mois secs
n'est pas le nombre de mois dont la moyenne de pluviométrie
mensuelle (calculée sur un grand nombre
d'années) est inférieure à 60 mm. C'est le nombre sur
plusieurs années de mois dont la pluviométrie est
chaque année inférieure à 60 mm. Cette valeur est
plus faible que la valeur trouvée pour le nombre de
mois dont la pluviométrie moyenne est inférieure à
60 mm, car il n'y a pas d'effet de compensation d'une
année sur l'autre. | ||
| On calcule de la même façon le nombre de mois humides; ce mode de calcul, de la durée des saisons sèches et humides, tient compte du décalage qui peut exister d'une année sur l'autre aux changements de saison, il réduit considérablement les effets des années exceptionnelles. | ||
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