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2. Aménagement - évolution des approches

En Afrique, avant les indépendances nationales, l'aménagement s'inspirait des règles utilisées dans les pays tempérés par les écoles forestières européennes, mais avec une expérience et une connaissance restreintes et partielles d'un milieu sans nul doute plus complexe et plus fragile que ceux des pays colonisateurs. Ainsi, entre 1940 et 1955, pour produire le combustible indispensable aux locomotives à vapeur le long de la ligne Dakar-Bamako, 18 000 hectares ont été mis en exploitation selon la méthode du taillis simple. On procédait à des coupes à blanc-étoc sur des blocs de 100 hectares (4 km le long de la voie ferrée sur 250 mètres de profondeur) avec une production moyenne de 35 stères/ha. L'aménagement était certes rudimentaire, mais pas inexistant. Cependant, on s'est aperçu très rapidement que l'on avait surestimé les capacités de régénération de la forêt et sous-estimé les effets secondaires engendrés par les déplacements des populations vers la voie ferrée.

Le taillis-sous-futaie a été de rigueur dans les formations d'Afrique australe, principalement dans les forêts de Baikiaea plurijuga ou de Pterocarpus angolensis et Marquesia macroura, exploitées pour le bois d'oeuvre et aménagées par les forestiers anglais ou belges de l'époque. D'autres forêts ont également été aménagées du fait de leur proximité d'une mine (cuivre en Zambie et au Zaïre). Régulièrement, on a surestimé les capacités globales de régénération des écosystèmes concernés.

Après leur indépendance, faute de moyens et d'hommes suffisamment formés, les pays ont connu de nombreuses difficultés pour protéger les forêts. La pression anthropique augmentant, même les forêts classées n'ont pu être contrôlées. La forêt naturelle et les formations arborées étaient en fait en accès libre et il s'ensuivait que le bois de feu était un produit sans valeur marchande sur pied.

Avec une demande en bois-énergie augmentant, en absence de contrôle des forêts et en raison de la rapide extension des surfaces agricoles (encouragée par les sociétés de développement et facilitée par les progrès techniques), le déboisement s'est accru durant cette période. Aucune forêt sèche africaine n'a été réellement aménagée. Dans le meilleur des cas, l'aménagement proposé a été quelque peu suivi, puis abandonné. Par exemple, le plan d'aménagement de la forêt de Koumpentoum (Sénégal), située en bordure de la voie ferrée Dakar-Bamako, n'a jamais pu être appliqué faute de moyens administratifs et techniques et, surtout, d'intégration des riverains.

A partir des années 70, la pénurie de bois de feu dans les grandes agglomérations et les difficultés de répondre aux besoins par la seule mobilisation de la ressource disponible dans les forêts naturelles ont conduit à développer des programmes centrés sur les reboisements. Il s'agissait de chantiers de grande envergure portant sur plusieurs milliers d'hectares, utilisant surtout des engins mécaniques pour la préparation des terrains de plantation, et procédant même à l'élimination des forêts naturelles dégradées. Les populations rurales étaient généralement maintenues à l'écart de ces projets, qui se sont soldés par des échecs successifs, alors que pendant ce temps, les forêts classées et autres massifs naturels étaient impunément exploités sans contrôle. Par la suite, au début des années 80, les systèmes agraires ont été mieux analysés, ce qui a permis l'émergence des techniques agroforestières.

Depuis le milieu de la décennie 80-90, la prise en compte des problèmes fonciers et de la problématique multi-acteurs, multi-usages (dans laquelle s'inscrivent les espaces forestiers), a infléchi l'aménagement vers une gestion décentralisée des ressources naturelles au profit des habitants des terroirs, et ceci notamment grâce à un nouveau cadre réglementaire fournissant les incitations pour une exploitation rationnelle et favorisant la commercialisation du bois de feu par des populations villageoises mieux structurées.

En Inde, avant la colonisation britannique, la culture itinérante était la pratique courante. Les ruraux conservaient de nombreux liens avec la forêt; la subsistance de nombreuses communautés villageoises, spécialement au début de la mousson, dépendait des ressources alimentaires "sauvages" (racines, bulbes, feuilles, fruits, champignons, insectes, etc.) récoltées en forêt. Par contre, les paysans cultivant des terres devaient payer une rente aux princes et aux chefs indiens, ce que l'administration anglaise ne tarda pas à recouvrer pour son propre compte.

La colonisation anglaise favorisa, dans un premier temps, le déboisement au profit de l'extension des terres arables et des grandes plantations de café ou de thé. Celui-ci s'amplifia avec le développement du réseau ferroviaire (chaudières des trains à vapeur et traverses). Le commerce du teck (Tectona grandis) accéléra le mouvement d'appropriation des forêts au détriment des ruraux.

"En 1865 les Anglais établissent le premier "Indian Forest Act"(...). C'est le début de la gestion scientifique des terres et forêts. Cette loi facilite l'acquisition des forêts par le gouvernement (...). Les ruraux ne peuvent s'installer dans /es forêts de l'Etat mais peuvent les exploiter" (Delouche, 1992).

Vers 1880, des forestiers européens prirent conscience de la nécessité de protéger les forêts. En 1906 fut créé l'"Imperial Forest Research Institute". Malheureusement les guerres mondiales, en favorisant une dégradation rapide des forêts, limitèrent les effets de ces premiers efforts.

Dès 1952, après l'accession à l'indépendance en 1947, l'Inde instaura une nouvelle politique forestière: "Le rôle des forêts es/ d'approvisionner en matières premières les industries du bois. Les revendications des collectivités villageoises situées aux abords des forêts doivent céder le pas devant l'intérêt national" (Delouche, 1992).

Pour les communautés, ces lois restrictives aboutirent à une perte de contrôle de leur mode de vie. Les populations villageoises, déresponsabilisées et survivant au jour le jour, dégradèrent de plus en plus le couvert végétal.

A la politique de classement de forêts et à l'aménagement des forêts productives (santal, teck, etc.) s'ajouta dès 1952 une politique de reboisement, qui au fil du temps se développa suivant trois axes: plantations industrielles, protection de l'environnement et foresterie sociale. Cette dernière n'a pris son essor qu'au cinquième plan quinquennal (1974-1979). Les droits d'usage ont été modifiés et la foresterie sociale s'étend aux terres incultes. Le développement des plantations sur des terres dégradées ou sous-utilisées a pris peu à peu de l'extension.

De 1972 à 1984, les forestiers ont pu noter l'émergence de systèmes d'aménagements mixtes circonscrits à des régions bien précises. Ainsi, à Arabari et Purulia (Bengale occidental), le responsable de district forestier "proposait aux collectivités d'assumer une partie des tâches de protection contre un dédommagement e.' bois de feu et autres produits forestiers (...). Il a offert aux villageois des emplois dans les plantations en échange d'un engagement de leur part ci cesser tout pâturage et toute coupe sur le site. Faute d'un budget suffisant et de possibilités d'emploi il a dû par la suite modifier l'accord promettant aux villageois 25% du bois de sal (Shorea robusta) et des droits sur tous les produits forestiers non ligneux. Cet accord a plu aux villageois qui ont cessé de faire paître leur bétail et d'abattre les arbres et ont commencé ci protéger la forêt des incursions étrangères (...). Bien que fructueux, ces accords sont restés pendant dix ans des cas isolés" (Poffenberger et Singh, 1992).

Aujourd'hui tout le problème est de savoir si les ruraux sauront se limiter à exploiter leur milieu. L'expérience semble prouver le contraire, d'où la nécessité de laisser en défens certaines zones forestières fragiles ou dégradées (...). De plus les pénuries de fourrage pourraient devenir plus dangereuses que celles du bois de feu (...). Deux sylvicultures s'opposent: la première qui vise à un développement local pour et par les communautés rurales, et la seconde qui voudrait insérer les ruraux dans le jeu de l'économie de marché " (Delouche, 1992).

L'épuisement des ressources forestières a eu comme résultante inéluctable la fragilisation des communautés rurales qui en dépendent. L'Etat n'a pas pu subvenir lui-même aux besoins des ruraux. Les systèmes d'aménagement forestier actuellement en vigueur en Inde ne sont pas viables sans la participation des populations. Néanmoins, les directives nationales publiées le 1er juin 1990 sont favorables à une évolution dans ce sens.

En somme, la forêt peut faire l'objet de deux représentations duales, d'un côté un "écosystème naturel", de l'autre un corps sur lequel s'inscrit un grand nombre d'activités et de fonctions socio-économiques. Dans sa conception restreinte, sinon conventionnelle, l'aménagement limitait son approche aux aspects strictement forestiers, et il le faisait le plus souvent au regard d'une motivation unidimensionnelle, comme par exemple la production de bois.

Parallèlement, il négligeait de prendre en compte comme sujet central les pratiques et les usages des populations concernées et qui sont autant de facteurs de complexité. Peut-être, l'aménagiste pensait-il de façon plus au moins consciente, que le milieu naturel présentait plus de résistance et de contrainte que le milieu humain, dont il était possible de modeler le comportement au travers de réglementations et de taxes. Cette attitude se traduisait par un gros effort sur la description du milieu "naturel" (caractéristiques géographiques, climatiques, floristiques, pédologiques, écologiques, etc.), de sa dynamique (potentialités, évolution, croissance) et de son contexte, mais rarement les données sociales étaient rassemblées.

Ce qui précède étant acquis, le plan d'aménagement prescrivait la sylviculture, la durée de révolution, l'intensité des coupes et leur rythme, la production escomptée, etc., puis établissait les modalités de contrôle d'application de l'aménagement et de révision de celui-ci au fur et à mesure de l'évolution dans le temps.

Cette méthode rigoureuse et traditionnelle mettant l'accent sur la production n'a pratiquement pas été appliquée sous les tropiques, car elle s'est trouvée confrontée à deux principales données événementielles qui infléchissent ses orientations et sa conception:

- la forte croissance de la population dans la plupart des pays concernés, et les conséquences de course aux terres et de déboisement;

- et l'augmentation sans cesse grandissante, dans ces mêmes pays, de la demande de produits (principalement ligneux) issus de la forêt.

En conséquence, les conditions d'élaboration de plans d'aménagement "modernes" des forêts tropicales doivent être obligatoirement assujetties à la satisfaction raisonnable des besoins en terres et en produits forestiers des populations. En outre, la connaissance de l'écosystème forestier, de son évolution, de ses potentialités et des options de valorisation ne peut être que stérile faute d'analyse approfondie d'éléments connexes agricoles, politiques et sociaux.

C'est la notion d'aménagement intégré qui émerge et qui doit s'inscrire dans la durée, c'est-à-dire dans la notion d'aménagement durable présentée ci-après.

3. Les principes de l'aménagement durable

L'objectif de ce chapitre est de rappeler quelques idées de base permettant de mieux saisir les avantages et les contraintes de l'aménagement durable.

La notion d'aménagement durable fait référence à celle de "développement durable", popularisée par le rapport Brundtland3. Elle indique que lorsqu'une activité de production s'effectue à partir d'un stock de ressources naturelles renouvelables, mais susceptibles d'être irréversiblement détruites, elle doit être limitée à la capacité de régénération de la ressource, sauf à risquer de compromettre sa propre vitalité.

3 En fait, il s'agit de la publication en 1987 de propositions de la Commission mondiale pour l'environnement et le développement. Le binôme aménagement durable, qui a une connotation plus statique, est de plus en plus fréquement remplacé par "aménagement viable", qui lui fait intervenir une notion plus évolutive. L'adjectif viable inclut les notions d'évolution et de choix alternatifs permettant d'éviter les irréversibilités (Le Roy et al., 1996).

La définition, issue de la réflexion du Comité de mise en valeur des forêts tropicales de la FAO (10ème session décembre 1992), permet de préciser la notion d'aménagement durable:

- l'aménagement est la planification et l'exécution d'actions destinées à assurer la conservation et l'utilisation d'une forêt en fonction d'objectifs (entre autres de production ligneuse) et du contexte physique et socio-économique;

- pour un développement durable, il faut aménager et conserver les ressources naturelles, afin de satisfaire les besoins des générations actuelles et futures. En ce qui concerne l'écosystème forestier; il s'agit de conserver les terres, les eaux, lé patrimoine végétal et animal et de les valoriser en utilisant des moyens techniques économiquement et socialement appropriés et respectueux de l'environnement.

Cette définition doit être assortie de deux commentaires toujours de la FAO pour trouver un compromis entre les tendances et les intérêts en apparence antagonistes que sont l'exploitation et la protection:

"Les forestiers aménagistes doivent désormais considérer les forêts non plus seulement comme un stock à faire fructifie'; mais comme un système écologique complexe à gérer de manière durable. "

"Il faut dès le départ accepter l'idée que l'utilisation d'un écosystème forestier donné entraîne certains changements dans sa structure et sa composition et que sa durabilité ne se résume pas à la reproduction identique de l'écosystème dans son étal d'origine. Il en va de même de la conservation de la diversité génétique d'une forêt donnée (...) qui ne saurait être maintenue comme telle. En particulier, on acceptera un certain degré de simplification de la composition qui devra néanmoins être maintenue à un niveau minimum. "

Il résulte de ce qui précède que le choix d'aménager durablement suppose donc que la forêt soit exploitée/valorisée et que les différents acteurs économiques concernés puissent y trouver leur compte. Ainsi, en considérant le fait que la valorisation repose essentiellement sur le prélèvement du bois de feu en zones sèches, il en ressort un double principe à admettre:

- d'une part, l'exploitation exercée de manière compatible avec le renouvellement de la ressource est aujourd'hui la principale source de valorisation de l'écosystème et contribue ainsi à sa protection contre d'autres usages destructifs. La perspective de disposer d'une ressource à long terme est par ailleurs un argument déterminant pour que les Etats mettent en place des politiques (elles aussi durables) d'aménagement forestier;

- d'autre part, la nécessité d'exploiter pour le développement dans le cadre de l'aménagement durable, impose la négociation de compromis entre les différents usagers ou acteurs économiques qui en dépendent. En effet, la condition de réussite "non technique" la plus importante est que la valorisation de la ressource forestière et sa conservation puissent reposer sur un large consensus entre paysans, commerçants, représentants de l'Etat et sylviculteurs/aménagistes.

La notion de compromis est fondamentale, mais il semble mieux approprié de parler d'abord de contrat, ce qui va au-delà d'un consensus informel. En zone tropicale sèche, le cas le plus général de l'aménagement d'une forêt ou d'un espace forestier est celui où toutes les ressources sont exploitées sur le même espace, par des acteurs différents, à des périodes déterminées, selon des règles particulières. Il y a là une superposition de droits et de pratiques sur un même espace, ce qui repose le problème de la pertinence d'un zonage. La négociation passe par l'acceptation par tous de contrats (voir Quatrième Partie, étude de cas n° 4).

Notons toutefois que l'aménagement ne se limite pas aux seules "forêts productives" et que dans certains cas la protection des bassins versants ou tout simplement le tourisme peuvent constituer des motivations suffisantes.

C'est pourquoi il est indispensable que l'aménagiste insère la notion de mise en valeur des ressources forestières dans le plan général d'utilisation des terres. Rappelons aussi que l'insertion du domaine forestier dans un schéma foncier stable est essentiel à l'aménagement durable des espaces forestiers.

Ajoutons que l'aménagement traduit localement une politique plus globale et que l'harmonisation entre ces deux niveaux d'intervention est nécessaire. De même, est indispensable un véritable investissement local en hommes et en moyens. On peut donc considérer que l'aménagement durable et intégré s'associe à un retour des agents forestiers sur le terrain et peut-être au-delà à la mise en place d'une véritable politique de régionalisation.

4. Impératifs techniques

Ce chapitre traite essentiellement des techniques d'aménagement forestier à des fins de production ligneuse (bois de feu notamment) qui n'est qu'une des possibilités parmi d'autres, de valoriser l'écosystème de savanes et de forêts denses sèches. D'ailleurs le prélèvement de matière ligneuse n'est pas indépendant des usages traditionnels d'exploitation des produits non ligneux (pâturages fruits gibier etc.).

La réalisation théorique d'un aménagement se décline en quatre étapes:

- la connaissance et la description de l'existant;
- la définition des objectifs, des outils et des moyens;
- la négociation et la rédaction d'un plan d'aménagement;
- et la mise en oeuvre de ce plan, son suivi et son contrôle.

a/ la connaissance et la description de l'existant

Il s'agit d'une étape préalable et indispensable destinée à établir l'inventaire de tous les éléments susceptibles de jouer un rôle lors de la conception du plan d'aménagement. Cette première étape comprend deux niveaux majeurs d'information.

* L'environnement humain, en mettant l'accent sur l'identification des usages traditionnellement réservés aux ressources des écosystèmes concernés (élevage, exploitation forestière de bois-énergie, autres produits forestiers, chasse, tourisme, etc.) et sur les modes d'appropriation de ces ressources. L'évaluation des besoins locaux est à mettre en phase avec les besoins nationaux, le tout dans un contexte économique, de filières commerciales et de politique forestière bien identifiés. Tout ceci concerne donc les facteurs sociaux, politiques et culturels d'une part et les facteurs économiques et financiers d'autre part.

L'existence d'exercices tels que le Plan d'Action Forestier National (PAFN) ou le Plan National d'Action Environnementale (PNAE) facilite la tâche et surtout permet de positionner l'aménagement dans un contexte solide et garant de pérennité, dont le meilleur atout est sans conteste l'existence, l'application et le respect d'un plan national (ou régional) d'aménagement du territoire. Les outils et les techniques pour mener à bien cette évaluation de l'environnement humain sont présentés dans le chapitre dévolu à l'apport des sciences humaines (socio-économie, anthropologie), qui ont pris leur essor depuis une dizaine d'années dans le domaine de l'aménagement sylvo-pastoral. Les outils légaux (taxation, etc.) sont surtout illustrés dans les études de cas (Quatrième Partie, étude de cas n° 4).

* Le diagnostic de l'écosystème, en mettant l'accent sur la description de l'espace forestier concerné par l'aménagement. Ce niveau d'information est celui qui est "classiquement mené" par les forestiers aménagistes pour bien appréhender les facteurs physiques, biologiques et écologiques. La tâche majeure à mener consiste en l'évaluation des ressources ligneuses et non ligneuses par des inventaires dont la nature et la pertinence sont détaillés dans le chapitre 6 consacré aux outils d'évaluation. Cette ressource doit être positionnée dans l'espace et dans le temps, d'où la nécessité de travaux de cartographie, de délimitation, l'élaboration d'un référentiel qui peut prendre la forme d'une base de données, où doivent figurer les connaissances physiques disponibles (climatiques, édaphiques, phytogéographiques, etc.) ainsi que dynamiques (productivité) relatives à l'écosystème forestier et à la zone périforestière.

Enfin, ce diagnostic ne saurait être complet sans l'évaluation des données écologiques et de leur évolution possible en fonction des différents scénarios d'intervention humaine. Il s'agit ici de faire jouer l'ensemble des connaissances pour le maintien de la diversité biologique, de la réserve de gènes, du sol, de la qualité des eaux et du milieu. Certains outils sont présentés notamment dans les chapitres 5 et 7.

b./ La définition des objectifs, des outils et des moyens

Parmi les données récoltées dans la phase précédente, figurent les divers rôles dévolus à l'espace forestier à aménager; choisir et hiérarchiser ces rôles constitue une démarche essentielle qu'il faut négocier avec les différents acteurs économiques impliqués par et pour l'aménagement. Cette négociation aboutit à la définition d'un objectif final, complexe et multiple, qui ne peut être un empilement des intérêts particuliers, mais traduit un compromis et justifie le plan d'aménagement et le conditionne. Ainsi, l'objectif final peut comporter des éléments antagonistes (par exemple: exploitation ligneuse et/ou transhumance et/ou conservation). Ceci est classiquement résolu par une fragmentation de l'espace en zones d'objectifs différents. Il faut cependant noter que cette technique est très mal adaptée au règlement des questions de droits d'usage, du fait de leurs recouvrements dans le temps et dans l'espace.

Les objectifs étant clairement définis, il s'agit alors de préciser les moyens et les outils à mettre en oeuvre pour les atteindre:

- zonage spatial (parcellaire);
- techniques et paramètres sylvicoles (rotation, volume et assiette des coupes, etc.);
- mesures de protection (délimitation, gardiennage, etc.);
- parcours d'élevage (sylvo-pastoralisme);
- prélèvement de produits non ligneux;
- contrats liant les parties (cahiers des charges, taxations, etc.).

Les outils et les techniques permettant d'atteindre les multiples objectifs envisageables sont largement présentés dans ce qui suit (ils constituent l'essentiel de ce texte).

c/ Le plan d'aménagement

C'est en fait le résultat de tout ce qui précède, consigné au sein d'un document exhaustif et récapitulatif. Aujourd'hui, la qualité de sa rédaction et son opérationnalité peuvent être nettement améliorées en ayant recours à la constitution de bases de données connectées à un système d'information géographique, mais des insuffisances dans ces domaines ne doivent pas constituer un obstacle pour l'application d'un plan moins bien parachevé.

Au cours de sa préparation, les options techniques sont à présenter et à justifier pour assurer une réelle négociation; par exemple, pour les assiettes de coupe, puisqu'il faut faire coïncider le taux de prélèvement de bois avec le potentiel de production du massif, les besoins doivent être quantifiés et limités dans le temps, car ce n'est pas la ressource qui doit s'adapter aux changements, mais le contraire !

Autre exemple: les mesures d'accompagnement de sylviculture, après ou avant le prélèvement pour stimuler la croissance des essences les plus utiles, peuvent être justifiées y compris économiquement, mais s'avérer irréalisables, faute de liquidités financières, de savoir-faire ou de moyens humains. Une bonne gestion des coupes et des feux peut à elle seule constituer le fondement d'une sylviculture adéquate ou suffisante.

La négociation des plans d'aménagement est illustrée par les études de cas (Quatrième Partie étude de cas n° 1: Burkina Faso et n° 3: Madagascar).

Remarques: des outils techniques tels que les plantations ou les systèmes agroforestiers sont des options pratiques pour l'aménagement, mais elles ne sont pas développées dans ce qui suit, car elles débordent du cadre de l'étude.

De même, la méthodologie générale d'élaboration d'un plan d'aménagement et d'un plan de gestion n'est pas détaillée dans le cadre de cette étude, le lecteur intéressé par ces aspects consultera la bibliographie spécialisée (Kabore, 1989; Dubourdieu, 1989; Soulères, 1990 et 1991; Peltier, 1991; Adama et Taieb, 1994).

d/ La mise en oeuvre du plan, le suivi et l'évaluation

L'application du plan d'aménagement est en principe sous la responsabilité du service forestier gestionnaire, dont le rôle essentiel est de veiller à ce que les exécutants et bénéficiaires respectent les règles édictées.

La distribution des tâches et des obligations doit suivre les spécifications (négociées) figurant dans le plan d'aménagement et aboutissant à des cahiers de charges et des contrats liant les différents acteurs.

Comme toute décision de gestion, un plan d'aménagement n'est utile que si le suivi et le contrôle sont assurés sur le terrain, étape fondamentale qui conditionne la réussite de l'opération. Ce contrôle doit mener à une évaluation permanente qui consiste à analyser la pertinence du plan vis-à-vis de l'évolution du contexte (marchés ruraux, filières de commercialisation des produits, état des peuplements, évolution de la population riveraine, etc.), ce qui doit permettre d'adapter le plan d'aménagement aux données nouvelles. Car un aménagement n'est pas immuable, il est à réviser en fonction des variations des conditions et des contraintes liées à son application.

Les tâches de contrôle doivent être simples et réalistes, adaptées aux moyens (souvent trop faibles) alloués aux services forestiers. Il est par exemple plus simple de compter le nombre de stères de bois que de dénombrer les tiges coupées ou recépées (les études de cas - quatrième partie - fournissent des éléments parlants pour illustrer ce qui précède).

Une voie pourrait être la mise au point d'indicateurs fiables permettant, à partir de paramètres simples, de valider le plan d'aménagement et sa mise en oeuvre. La FAO vient de démarrer un programme d'actions pour identifier les meilleurs critères et indicateurs de l'aménagement durable et intégré pour les zones sèches (voir chapitre X).


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