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2. Estimation des ressources

a/ Estimation des volumes

Du fait de l'utilisation principale du bois comme combustible, l'estimation des volumes dans les zones sèches diffère des zones humides, où l'objectif principal est le bois d'oeuvre L'attention se porte sur l'ensemble de la biomasse ligneuse, incluant pour chaque arbre le tronc et les branches, à l'exception des tiges de trop faible diamètre et des espèces protégées ou jugées non adaptées à fournir du bois de feu Les méthodes classiques de mesure des volumes des bois sur pied ne sont pas vraiment adaptées à ces milieux: le volume de bois dans le houppier est difficilement évaluable et difficile à modéliser en raison de l'importance de l'hétérogénéité spécifique. Il est souvent nécessaire d'avoir recours à des méthodes destructives pour réaliser des tarifs de cubage et des estimations aussi justes que possible du volume ligneux total

Les résultats des inventaires, souvent donnés sans précision quant à la méthodologie retenue, sont à analyser avec prudence. Il convient d'étudier les mesures réalisées et les tarifs de cubage utilisés. En particulier, il est important de savoir:

- si toutes les espèces ont été prises en compte ou si certaines ont été exclues, car ne correspondant pas à l'objectif assigné. Ainsi, certaines essences sont réputées dégager une fumée toxique ou ne brûlent pas bien (mauvaise valeur calorifique, production très importante de cendres) et ne sont pas retenues dans un inventaire "bois de feu";

- quelles ont été les dimensions minimales de prise en compte des espèces, afin ne pas induire une sous-estimation du volume total "bois de feu"; le petit bois abandonné sur le terrain varie énormément selon les distances de transport, certains tarifs signalent le diamètre de la découpe, mais cette donnée est parfois absente (la découpe inférieure à prendre en compte pour la consommation de bois de feu devrait être fixée à un diamètre de 3 cm, étant donné l'importance que revêtent les tiges de petites dimensions dans le cadre de l'énergie domestique dans les zones rurales);

- quels ont été les facteurs de conversion utilisés entre poids (tonne) et volume (mètre cube et stère);

- et si les volumes sont calculés sur ou sous écorce Ceci est particulièrement important pour le bois de feu (cas des Guiera senegalensis et des Combretaceae). A l'intérieur de ces dernières, le volume d'écorce est important pour les espèces du genre Terminalia et beaucoup moins pour les espèces du genre Combretum.

b/ Pourcentage d'écorce et d'aubier

Pour le bois-énergie, les mesures sont généralement réalisées sur écorce, sauf pour les arbres morts sur pied. Cependant, dans le cas d'exploitation de bois d'oeuvre ou de service, il peut y avoir surestimation du volume L'écorce peut représenter jusqu'à 25% du volume total Il est donc important de bien évaluer l'épaisseur et le volume de l'écorce lors de l'estimation des volumes Les données relatives au pourcentage d'écorce en fonction du diamètre et de l'âge sont rares

Van Laar (1981) a étudié en Gambie le volume sur et sous écorce pour deux espèces (tableau n° 9) en fonction du diamètre Au Mali, une étude donne quelques précisions pour huit espèces (tableau n° 10) Pterocarpus erinaceus montre le pourcentage le plus élevé d'écorce, soit 17,6% (Anderson et al., 1991)

Tableau n° 9: Pourcentage d'écorce en Gambie en fonction du diamètre pour deux espèces de bois d'oeuvre

Diamètre (en cm)

Daniellia oliveri

Pterocarpus erinaceus

10

18

25

20

12

14

30

9

10

40

8

9

50

7

8

60

7

7

Extrait de Van Laar, 1981: in Jensen, 1995

Tableau n° 10: Pourcentage d'écorce de huit espèces au Mali

ESPECES

%

N

Pterocarpus erinaceus

17,6

154

Khaya senegalensis

15,6

58

Combretum fragrans

14,7

29

Bombax costatum

14,1

14

Daniellia oliveri

14,0

112

Burkea africana

12,7

47

Isoberlinia doka

10,9

87

Anogeissus leiocarpus

8,1

119

Extrait de Anderson et al. (1991), où N = nombre d'observations

Pour le bois d'oeuvre, la connaissance du pourcentage d'aubier présente également un grand intérêt. Peu d'études en font état, d'autant plus que celui-ci semble varier avec le diamètre et les conditions de croissance de l'arbre.

c/ Tarifs de cubage

Les tarifs de cubage se divisent en deux catégories:

- tarifs de peuplement: le volume total porté par une superficie donnée est exprimé en fonction de caractéristiques du "peuplement" associé: nombre de tiges par classes de diamètre, hauteur moyenne, hauteur des arbres les plus hauts, nombre d'arbres de moins de cinq mètres de hauteur, etc. Ces tarifs sont parfois utilisés (bien que très souvent critiqués par les utilisateurs) dans les formations buissonnantes ou dans celles présentant beaucoup de petites tiges, qui abondent dans les zones sèches;

- tarifs individuels: utilisés pour le calcul du volume d'un arbre d'une espèce donnée. En pratique, ce type de tarif s'applique aux essences présentant des diamètres d'exploitabilité relativement importants et souvent destinées à produire du bois d'oeuvre ou de service A défaut de tarifs de peuplement "valables", ils sont employés également pour les petits diamètres.

Pour établir un tarif de peuplement, on procède généralement de la façon suivante: sur des parcelles qui ont la même superficie que celle de l'inventaire, on mesure certaines caractéristiques du "peuplement", en particulier, le nombre de tiges par classe de diamètre et un paramètre associé aux classes de hauteur. On effectue une coupe de l'ensemble des tiges participant à la ressource, dont on évalue la valeur par enstérage, par pesée ou par calcul du volume On met en relation la variable mesurant la ressource et les variables décrivant le peuplement par des méthodes statistiques classiques comme la régression, la segmentation,... La taille de l'échantillon, qui est fonction de l'hétérogénéité de la formation végétale, ne doit pas être inférieure à cinquante éléments.

Le diamètre minimal (diamètre de précomptage) revêt une importance cruciale lors de l'estimation des ressources, spécialement dans les fourrés, steppes et savanes arbustives, où les femmes chargées de la récolte du bois de feu coupent des ligneux dont le diamètre est souvent inférieur à 10 cm. Or plusieurs plans d'aménagement réalisés dans les années 80 se basaient sur des inventaires dont le diamètre de précomptage était de 20 cm Des diamètres de 20, ou même 10 cm, peuvent induire une sous-estimation considérable des ressources en bois de feu dans certaines régions L'inventaire national du Mali, dans la forêt de Doukoloma (précipitations = 750 mm/an), a permis de constater que 19% du volume total de cette forêt proviennent d'arbres dont le diamètre à la base est inférieur à 7 cm Au Niger, dans la forêt de Faïra constituée principalement par une brousse tigrée, le volume produit par les tiges de 2 à 4 cm de diamètre (mesuré à 25 cm au-dessus du niveau du sol) correspond à 68% du volume sur pied (Mengin-Lecreulx et Chabannaud, 1986)

Un diamètre minimal de 7 à 10 cm pourrait être préconisé, seulement pour les inventaires dans les régions où la demande de bois de feu n'est pas trop importante (le nombre de tiges inférieures à ce diamètre doit cependant être compté afin d'estimer les potentialités de régénération) Par contre, dans les formations ligneuses très dégradées telles que celles du domaine sahélien, la perte d'information en ne considérant que des diamètres minima de 7 cm est telle qu'un inventaire exhaustif de tout le matériel végétal sur pied se justifie.

d/ Enstérage et conversion des mesures (poids, volume)

Les coefficients d'enstérage sont très variables selon les milieux. Dans la théorie, le coefficient d'empilage ne peut pas dépasser 0,785 (volume obtenu lorsque tous les bois enstérés sont réguliers et de diamètre circulaire). Dans la littérature, ils varient selon les catégories, les espèces et les milieux, de 0,2 dans le cas de gros billons difformes à 0,8 dans le cas exceptionnel de quartiers de bois fendus Pour chaque forêt soumise à un aménagement, il est donc souhaitable de les calculer

Certains auteurs, faute de données précises, ont simplifié la conversion volume/poids en estimant qu'un mètre cube de bois vert correspond à 0,5 tonne de bois sec à 12% d'humidité, ce qui peut entraîner des estimations biaisées. De même, la conversion stère/volume a très longtemps été chiffrée à 0,5 m3 pour un stère

Selon les points de vue et les métiers, les termes dans lesquels s'effectue l'évaluation de la ressource varient. Les uns parlent en stères, d'autres en mètres cubes, certains en poids ou en équivalent énergie. Ainsi, les économistes préfèrent exprimer les quantités de bois de feu exploitées ou consommées en tonnes et non en stères ou en mètres cubes La mesure en tonne a un inconvénient majeur: les coûts de transport reposent pour une part importante sur l'estimation du volume occupé par le bois coupé

Diverses études ont permis d'établir des correspondances entre ces unités.

Arbonnier et Faye (1988) avancent les chiffres suivants pour la forêt de Koupentoum (Sénégal):

- pour le très petit bois (2 cm<diamètre<4 cm): 1 stère = 0,26 m3;
- pour le petit bois (4 cm<diamètre<8 cm): 1 stère = 0,31 m3.

Le projet "Inventaire des Ressources Ligneuses au Mali" (Nasi et Sabatier, 1988) a permis également de préciser les facteurs de conversion entre mètre cube et stère (tableau n° 11), où trois classes ont été prédéfinies:

- petit bois: de 3 à 6 cm de diamètre;
- moyen bois: de 7 à 12 cm de diamètre;
- gros bois: diamètre supérieur ou égal à 13 cm.

Tableau n° 11: Taux de conversion entre m3 et stères au Mali en fonction des isohyètes et du diamètre au fin bout des branches

Diamètre au fin bout

de 3 à 6 cm

de 7 à 12 cm

13 cm et plus



N

m3/st

st/m3

N

m3/st

st/m3

N

m3/st

st/m3

Situation

au nord de l'isohyète 900 mm

52

0,25

3,9

40

0,39

2,6

34

0,51

2,0


au sud de l'isohyète 900 mm

57

0,28

3,5

58

0,47

2,2

27

0,57

1,7

Légende: N = nombre d'observations, m3 = mètre cube; st = stère


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