En raison de la diminution croissante des forêts tropicales humides dans le monde, les produits forestiers non ligneux (PFNL) sont plus importants que jamais car leur aménagement permettrait de freiner la déforestation en préservant la couverture forestière et en contribuant à la création de revenus. Les PFNL ont souvent été considérés comme le remède miracle contre la déforestation mais il y a également de nombreuses contraintes et la promotion des PFNL a susciter de nombreux faux espoirs. A ce titre, le groupe de travail international sur les PFNL, qui s'est réuni au Jardin Botanique de Limbe au Cameroun, constitue un véritable progrès et a permis de développer des stratégies possibles pour évaluer dans quelle mesure les produits forestiers non ligneux peuvent contribuer à la conservation et aux initiatives de développement des ressources.
Bien que ce groupe de travail ait comme objet d'étude principal l'Afrique centrale, les travaux sont également applicables à l'ensemble des forêts humides du monde. J'ai eu récemment l'occasion d'assister à plusieurs réunions où l'on débattait des PFNL. Deux choses m'ont particulièrement frappé: en premier lieu, l'exploitation commerciale des PFNL est souvent entreprise de manière non-durable et deuxièmement les recherches de base tant biologiques que socio-économiques, rendant possible l'exploitation des PFNL, sont encore très insuffisantes. Cependant, malgré ces quelques réserves, il est clair que les PFNL auront un rôle important à jouer dans l'avenir des forêts tropicales et les conclusions et recommandations publiées suite à cet atelier sont bienvenues pour compléter le débat sur une gestion plus rationnelle des PFNL.
Les espèces des forêts humides se répartissent généralement dans de très faibles densités. Dans la majorité des parcelles d'inventaires recensant une grande partie des espèces, certaines espèces produisant des produits non ligneux ont une densité extrêmement faible. Par exemple, dans un inventaire sur trois hectares, établi dans la région de Rio Xingu au Brésil, 125 des 265 espèces inventoriées sont représentées par un seul individu et 54 sont représentés par deux individus. Cependant parmi les espèces inventoriées on a également recensé 79 individus de l'espèce très importante des palmiers babassu (Orbignya phalerata). De manière générale, les espèces à faible densité sont peu susceptibles d'être des sources commerciales importantes de PFNL, car elles sont très sensibles aux conséquences de la surexploitation. Même de nombreuses espèces parmi les plus communes produisant des PFNL sont, elles aussi, fréquemment surexploitées et les nombreux exemples présentés dans notre étude illustrent ce problème. Le type de recherche présentée par van Dijk est essentiel, dans la mesure où il identifie les ressources d'une région forestière humide d'Afrique centrale, qu'elles soient rares ou abondantes, sans pour autant négliger les aspects socio-économiques de leur exploitation.
Comme le souligne Charles Peters, il est également essentiel de tenir compte d'autres facteurs, tels que l'impact de l'exploitation des PFNL sur les pollinisateurs et les vecteurs de dissémination des graines, ainsi que le risque de la perte d'éléments nutritifs essentiels dans la forêt. De nombreuses forêts humides se caractérisent par des sols peu fertiles et certains des éléments nutritifs essentiels sont concentrés dans les parties exploitées des plantes, à savoir l'écorce et les fruits. C'est pourquoi, il est fondamental, pour l'exploitation des PFNL, que la régénération des espèces ne soit pas empêchée par l'extraction d'un trop grand nombre de graines ou par les dégâts causés par le piétinement des semis au moment de la récolte.
Comme la majorité de la récolte des PFNL est surtout effectuée par les habitants des forêts, il est essentiel de les impliquer dans l'aménagement des ressources. L'article de Ruth Malleson est particulièrement précieux à cet égard car il traite précisément de l'aménagement communautaire des ressources forestières et met en évidence l'importance des institutions sociales qui peuvent jouer un rôle dans l'exploitation des PFNL.
Notre publication comprend une grande partie des recherches qui ont été menées récemment sur les PFNL dans la région d'Afrique centrale. Cependant, beaucoup de travaux de recherche importants seront encore nécessaires avant de pouvoir être sûr que tout PFNL est géré d'une manière durable. Nous espérons que cette publication contribuera non seulement à promouvoir l'utilisation des PFNL, mais également à stimuler les recherches futures - ethnobotaniques, écologiques et socio-économiques - sur tout produit que doit être promu. Ce n'est que grâce à ces recherches de base que les PFNL joueront véritablement un rôle significatif dans la conservation et l'utilisation durable des forêts tropicales.
Sir Ghillean Prance FRS
Directeur
Royal Botanic Gardens, Kew