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PERSPECTIVES D'UNE GESTION AGRICOLE DES PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX DANS LA ZONE PROTÉGÉE DU PARC NATIONAL DE KORUP AU CAMEROUN: LES LIENS ENTRE LES MÉNAGES ET LA FORÊT

Michael B. Vabi et Nicodème Tchamou

1. Introduction

Depuis des millénaires, les forêts ont été exploitées par les peuples forestiers. De nombreuses études, décrivant les relations entre les peuples et les forêts, ont mis en évidence, en plus de l'importance socioculturelle des forêts, l'utilisation des ressources naturelles par les peuples habitants ou dépendants des forêts. Des recherches mettant l'accent sur le rapport entre les populations et les forêts ont indiqué que les PFNL contribuent à la sécurité alimentaire, fournissent des médicaments aux ménages et deviennent une source de plus en plus importante de revenus financiers. Dans ce contexte, les PFNL sont au centre des débats sur la relation entre les habitants et les forêts. De même les campagnes axées sur la promotion des techniques d'exploitation forestière durables, y compris celles des PFNL, ont pris une grande importance dans les agendas des organismes de conservation et de développement.

En se basant sur les sources de revenu financier des ménages, sur les activités rémunératrices et sur des calendriers d'activités, cet article introduit le concept de systèmes agricoles pour l'exploitation des PFNL et esquisse un modèle de réponse, adaptée aux ménages habitants et dépendants de la forêt, dans quatre villages de la zone protégé du Parc national de Korup. Le ménage est utilisé ici comme un concept sociologique composé de plusieurs entités socio-économiques, dont les fonctions et les rôles se superposent. Le ménage représente un ensemble où se mèle production, consommation et échange de nourriture. De manière similaire, le système agricole tel que décrit dans cet article est un ensemble comprenant ménage, ferme, forêt (incluant toute surface d'eau) et bétail. Dans ce contexte très général, les membres de la famille s'efforcent de maîtriser les éléments clés de leur milieu rural pour assurer leur sécurité alimentaire.

Un des intérêts d'introduire la perspective de systèmes agricoles pour l'exploitation des PFNL, est de mettre en évidence les interactions dynamiques existant entre les ménages et leurs composantes. Nous pensons que ce n'est pas la ferme, le travail salarié, le bétail, ou encore le revenu qui assurent la sécurité alimentaire des foyers, mais la combinaison de ces différents facteurs, parfois dans des proportions très réduites. En outre, la contribution des PFNL à la survie des ménages et à la sécurité alimentaire est aussi un élément important. Tous les membres du foyer participent à l'exploitation, la consommation et la commercialisation des PFNL.

2. Sélection des villages étudiés, récolte et analyse des données

Le Parc national de Korup, crée en 1996, se situe dans la province du Sud-ouest du Cameroun et s'étend sur une superficie de 1259 km2. En plus de cette zone protégée, trois réserves forestières entourent le Parc: les réserves de Ejagham, Nta-Ali et Rumpi Hills. Ces réserves et les quelques 172 villages situés dans et autour du Parc constituent la zone protégée du projet Korup et recouvrent une superficie de 3500 km2. A l'heure actuelle, les organismes donateurs les plus importants dans le projet du Parc national de Korup sont l'Union Européenne, Le WWF -UK, le DFID et la GTZ.

Selon Thomas et al. (1989) et Mutuba et Balinga (1996), la population locale concernée par ce projet peut être divisée en 5 groupes linguistiques distincts: les Ejagham, les Balong, les Korup, les Isangele et les Oroko mais en tenant compte des nuances dialectales, on peut les classer en 10 groupes: Njamaya, Ngunaya, Obang, Keru, Korup, Bakoko, Batanga, Bima, Bakundu et Ngolo.

Une enquête a été réalisée sur les ménages, dans le Nord et le Nord-est de la zone protégée de Korup , également zone d'intervention de la GTZ. Cette zone comprend tous les groupes éthniques/tribaux décrits plus haut.

En prenant l'appartenance ethnique ou tribale comme premier critère de classification, on a procédé à la sélection des villages d'étude en appliquant un procédé d'échantillonnage par stratification. Les villages sélectionnés (Abat, Bakebe, Banjo et Otu) correspondaient à la fois aux critères d'échantillonnage et aux objectifs des programmes de conservation axée sur le développement des communautés locales dans la zone du projet Korup. Ces villages entretiennent d'importantes relations commerciales avec de nombreux autres villages agricoles dans la zone du projet de Korup (voir tableau 1). Ceux-ci constituent une sorte de centre de transit pour les villages voisins entre l'enclave de la zone protégée et l'extérieur. Qui plus est, le village d'Otu est un centre important de commerce transfrontalier et partage la même histoire socio-culturelle que les villages Ejagham situés au-delà de la frontière, dans le Cross River State du Nigeria. Le village de Banyo se situe à la frontière du Parc, immédiatement adjacent à l'un des villages situés l'intérieur du Parc et qui a fait l'objet d'une proposition de délocalisation.

Tableau 1: Villages ayant des rapports commerciaux avec les villages étudiés au cours de notre enquête.

ABAT

BAKEBE

BANYO

OTU

Bayib-Ossing

Fortabe

Barika-Batanga

Ayaoke

Mgbegati

Tinto-Kore

Babianbanga

Ekoneman

Osselle

Tinto-Wirye

Ijoye

Ekang (Nigeria)

Bakut

Tinto-bu

Mofako

Nfamiyen (Nigeria)

Ekogati

Ashum

Lobe

Kamen (Nigeria)

Basu

Nfaitock

Ndoyle

Bebang (Nigeria)

Bajoh

Eyang

Dibonda-Mosina

Ojock (Nigeria)

 

Nchamba 1

Itali

Debiji (Nigeria)

 

Mbiyo

Ipongi

Owom (Nigeria)

 

Nfaichang

Bobange

Nyaje (Nigeria)

 

Mbinjong

Masaka

 
   

Baromba

 
   

Dienge-Mwangale

 
   

Mokwalibe

 
   

Sikan

 
   

Ayong

 

3. Collecte et analyse des données

Des outils et techniques sélectionnés, basés sur l'évaluation rurale participative8, ont été utilisés pour la collecte quantitative et qualitative des données. On a déterminé pour chaque village les principales activités économiques (y compris la récolte des PFNL) en utilisant un système de classement basé sur une matrice.

Les critères utilisés pour cette sélection étaient: le revenu en espèces du ménage, la consommation / utilisation des ménages et le nombre estimé de personnes pratiquant ces activités au sein du village.

3.1. Interviews des communautés

Après la classification socio-économique, on a interviewé spécifiquement les différents groupes d'exploitants: hommes, femmes, enfants, adolescents, chasseurs. Lors de ces interviews, les activités socio-économiques identifiées ont été classées selon une technique fonctionnant par paires. On a retenu les six activités les plus rentables afin d'approfondir le sujet lors de discussions ultérieures avec les principaux groupes exploitant les PFNL. Au total, ont été réalisées 4 interviews de communauté, soit une pour chaque village, et quelques interviews spécialisées en groupe (au moins deux dans chaque village). Hommes, femmes, enfants et adolescents étaient pris séparément. Des discussions ont également eu lieu avec les chefs de village, les membres de conseils traditionnels et les membres de groupes socio-culturels ou agricoles. Enfin, on a étudié les activités rémunératrices (agriculture vivrière, extraction de vin de palme et transformation de garri) pour examiner leur potentiel de développement et leurs difficultés.

De manière semblable, des interviews individuelles ont été réalisées afin de rassembler des données quantitatives sur le revenu annuel en espèces de 57 villageois, sélectionnés d'après leur disponibilité et leur volonté de collaborer. Environ 36% des personnes interrogées étaient des femmes, le reste étant des hommes adultes.

Les informations quantitatives collectées ont été analysées en utilisant des écarts-types et des calculs de fréquence.

4. Résultats et discussions

4.1. Modèles des activités rémunératrices selon le sexe

Le Tableau 2 montre que la ferme, la forêt, les fleuves et le bétail sont des sources de revenus équivalentes, tant pour les hommes que pour les femmes. La récolte des PFNL est une des activités importantes pour les femmes: la collecte d'eru (Gnetum africanum), de mangues de brousse (Irvingia spp.) et de njansang (Ricinodendron heudelotii), alors que les hommes se consacrent à la chasse, au piégeage et à la récolte de mangues de brousse ou d'oignons de brousse (Afrostyrax spp.). Il est clair que les PFNL jouent un rôle important en complétant les ressources d'aliments conventionnels, la source principale de nourriture pour les foyers étant l'agriculture. Les PFNL compensent les pénuries alimentaires saisonnières dans les villages (entre juin et juillet). Les mangues de brousse, le njansang, l'egusi (graines de courge), l'oignon de brousse et le poivre de brousse sont généralement ajoutés à des sauces ou des soupes qui accompagnent les aliments de base tels que les bananes plantain, les bananes, les ignames et la farine de manioc. Il paraît que les femmes et les enfants consomment la partie pulpeuse et sucrée de la mangue sauvage (Irvingia gabonensis) comme casse-croûte.

Une évaluation des sources de revenus a montré que la culture du cacao est la principale activité lucrative pour les hommes, suivie de près par la chasse et le piégeage. Les données de cette évaluation qualitative ont été confirmées par des informations quantitatives, obtenues auprès d'un échantillon composé de 37 hommes adultes. Dans les deux cas, la cueillette des fruits (surtout d'oranges, d'ananas et de bananes), la récolte de plantes alimentaires et l'extraction de vin de palme sont des activités lucratives insignifiantes pour les hommes. Notons qu'une partie importante de la nourriture, produite par les hommes et les femmes, est consommée par le ménage. Les PFNL ne représentent que 6% du revenu financier annuel des hommes.

En utilisant la même technique d'évaluation pour les femmes, il apparaît que les principales activités rémunératrices sont la récolte du manioc, qu'il soit transformé (en foufou ou garri) ou vendu directement. Cette évaluation qualitative a également été confirmée par la collecte de données auprès d'un échantillon de 20 femmes interrogées individuellement.

Tableau 2: Activités rémunératrices selon le sexe dans des villages situés dans le parc de Korup

ABAT

 

BAKEBE

 

BANYO

 

OTU

 

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

FERME

FERME

FERME

FERME

FERME

FERME

FERME

FARM

Cacao

Café

Plantain

Oranges

Manioc Cocoyams Poivre Légumes Haricots

Mais

Arachides Egusi

Ignames

Cacao

Café

Plantain

Manioc Cocoyams Egusi

Ignames

Bananes

Plantains

Bananes

Manioc Cocoyams Egusi

Ignames

Poivre

Haricots Légumes

Mais

Arachides Pommes de terres

Plantains

Cacao Plantains Bananes

Huile de palme

Manioc Cocoyams Egusi

Ignames Plantains Haricots

Mais

Légumes Arachides Poivre

Okra

FORÊT

FORÊT

FORÊT

FORÊT

FORÊT

FORÊT

FORÊT

FORÊT

Chasse Piégeage Extraction Pêche

Huile de palme

Mangues de brousse Njansan

Eru

Extraction

Chasse

Piégeage

Pêche

Mangues de brousse

Oignon de brousse

Njansan

Eru

Pêche

Mangues de brousse

Extraction Chasse Piégeage

Pêche

Njansan

Eru

Mangues de brousse Agkwana

Extraction

Chasse

Piégeage

Pêche

Mangues de brousse

Bois d'œuvre

Noix de cola

Mangues de brousse Njansan

Eru

   

BÉTAIL

BÉTAIL

BÉTAIL

 

BÉTAIL

BÉTAIL

   

Chèvres

Poulets

Poulets

 

Moutons Chèvres

Chèvres

ACTIVITES NON AGRICOLES

ACTIVITES NON AGRICOLES

ACTIVITES NON AGRICOLES

ACTIVITES NON AGRICOLES

 

ACTIVITES NON AGRICOLES

ACTIVITES NON AGRICOLES

ACTIVITES NON AGRICOLES

Petit commerce

Petit commerce

Petit commerce

Petit commerce

 

Petit commerce

Petit commerce

Petit commerce

Notons que les femmes vendent une proportion importante de manioc sous forme de fou-fou ou de garri. Ces produits sont vendus en combinaison avec des légumes tels que l'eru (Gnetum africanum). Une quantité importante de poivre de brousse cultivé par les femmes est utilisé pour assaisonner des soupes au poivre à base de gibier et de plantains. Il en résulte que la vente de plantes alimentaires et le petit commerce sont deux activités rémunératrices complémentaires, réalisées par les femmes dans les villages étudiés. Le tableau 2 montre que les PFNL représentent environ 20% du revenu financier annuel des femmes. Enfin, le classement des principales activités rémunératrices des femmes varie peu de village en village.

4.2. Importance relative des activités contribuant aux revenus des ménages

Le tableau 3 montre que la culture commerciale de cacao est l'activité la plus rentable pour 81% des hommes, produisant un revenu moyen annuel de 176.859 F CFA. Pour 51% des hommes, la chasse et le piégeage sont d'importantes activités secondaires. Les PFNL, produisant un revenu moyen annuel de 23 459 F CFA, sont considérés comme une source de revenus importante pour 46% des hommes. Enfin, seuls 32% des hommes interrogés individuellement ont déclaré tirer un revenu financier de l'extraction du vin de palme, du petit commerce et de la culture du café.

Dans notre cas d'étude, 90% des femmes estiment que la vente de plantes alimentaires cultivées constitue une source de revenus importante. Elles estimaient gagner un revenu annuel moyen de 40 366 francs CFA grâce à cette activité. La vente de plantes alimentaires cultivées est suivie de près par le petit commerce et l'exploitation des PFNL, grâce auxquels 70% des femmes estimaient tirer un revenu annuel moyen de 34 269 francs CFA. On évalue à 50% la contribution de la vente de légumes aux revenus financiers annuels des femmes. Cependant, la plupart des légumes et des cultures vivrières, surtout le manioc et le plantain, sont cuisinés et vendus dans les restaurants situés le long des routes. De plus, une grande partie des cultures alimentaires servent à la consommation des ménages et/ou sont souvent offerts à des visiteurs, des amis dans le besoin ou des membres de la famille, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du village.

Les données rassemblées dans le tableau 3 montrent que, pour les hommes, la chasse (y compris le piégeage) et la culture de cacao sont des activités relativement concurrentes en terme de création de revenus. Alors que les revenus annuels moyens dérivés de la chasse et du piégeage s'élèvent à 163 269 francs CFA, la culture de cacao génère un montant semblable: soit une moyenne annuelle de 176 859 francs CFA pour un total de 8% des hommes interrogés. De même, pour les femmes, la vente de plantes alimentaires cultivées procurrent des revenus très semblables à ceux générés par la vente de produits forestiers non ligneux ou le petit commerce. Etant donné que la viande de gibier constitue un article majeur pour les activités commerciales rémunératrices des femmes, celles-ci tendent à encourager les hommes à partir à la chasse. En comparant les variations du revenu annuel dans le petit commerce et la vente de PFNL, nous pouvons conclure que les PFNL sont une source de revenu régulière pour les femmes interrogées dans le cadre de notre étude.

Lors de notre étude, nous n'avons pas pu discerner un schéma type des activités lucratives valable pour tous les villages. Cependant, à Abat et à Bakebe, la chasse et le piégeage sont les principales sources de revenu pour les hommes. A Banyo et Otu, la culture du cacao représente, en moyenne, respectivement 39% et 50% des revenus annuels. La seconde source de revenus à Banyo est la culture du café, alors qu'à Otu, ce sont la chasse et le piégeage qui constitue la seconde source de revenus. Dans les villages étudiés, la pêche, l'extraction de vin de palme, la cueillette des fruits, la vente de moutons, de chèvres ou de poulets procurent les revenus les plus faibles. Notons que la production de vin de palme est davantage destinée à la consommation qu'à la vente.

Tableau 3: Importance relative des différentes sources de revenus

 

Nombre d'exploitants générant un revenu

Total

     

Sources de revenus

ABAT

BAKEBE

BANYO

OUT

N

%

Moyenne

Ecart-type

             

(en F CFA)

 

TOTAL HOMMES

10

7

9

11

37

100

-

-

Cacao

6

5

8

11

30

81

176,86

104.727

Café

4

3

5

N/A

12

32

54.925

10.328

Petit commerce

4

2

4

2

12

32

129.125

88.066

PFNL

3

2

4

8

17

46

38.797

23.459

Cultures alimentaires

3

5

6

8

22

59

26.897

7.248

Chasse

4

3

7

5

19

51

163.279

81.439

Piégeage

N/A

4

6

2

12

32

25.392

14.197

Fruits

2

3

3

5

13

35

17.763

4.449

                 

TOTAL FEMMES

3

5

6

6

20

100

-

-

Plantes alimentaires

3

5

6

5

18

90

57.542

40.366

Légumes

3

3

N/A

4

10

50

5.903

3.333

Petit commerce

1

5

5

3

14

70

60.750

34.27

PFNL

3

4

2

5

14

70

33.138

7.123

                 

4.3. Calendriers d'activité des ménages

Pour la plupart des plantes cultivées par les femmes, à l'exception de l'eru et du manioc, la saison de la récolte se situe entre le mois de juin et le mois d'août (voir tableaux 4 et 5). Cette période correspond à la saison de chasse et de piégeage, activités pratiquées par les hommes. Tout en continuant leur activité de piégeage d'animaux, certains hommes de Bakebe ou d'Otu ont rapporté qu'ils accompagnaient leurs femmes à la cueillette de la mangue sauvage (Irvingia spp.). La plupart de ces activités sont davantage liées aux saisons qu'à la baisse de la demande de main d'œuvre dans d'autres activités. Par exemple, lors de la saison des pluies, les hommes préfèrent pratiquer le piégeage car la croissance de la végétation, recouvrant le tapis forestier, facilite la reconnaissance des passages d'animaux. De même la cueillette de mangue sauvage (Irvingia spp.) est facilitée lors de la saison des pluies, du fait de l'abondance des fruits à ce moment de l'année. En outre, de nombreuses femmes choisissent souvent cette période pour éviter la germination des fruits.

Il n'existe pas, de modèle bien défini pour la commercialisation. Cependant, la vente de mangue sauvage (Irvingia spp.) et de njansang (Ricinodendron heudelotii) a lieu le plus souvent entre octobre et novembre. Cette période correspond à la période où les routes menant aux centres sub-urbains de la zone protégée sont presque impraticables. Ce facteur a un impact négatif sur les ventes de mangues de brousse et d'autres PFNL, et donc sur les prix payés aux cueilleurs.

Les prix de tous les produits vendus par les femmes ont connu une hausse significative lors des cinq dernières années. Inversement, les hommes ont remarqué que, bien que fluctuant, le prix du café et du cacao a baissé. L'immense majorité du cacao ainsi que les plantes agricoles produites à Otu sont soit exportées vers le Nigeria, soit acheté par des négociants nigérians directement au village. La commercialisation de la plupart des PFNL et des produits agricoles reflète leur nature saisonnière: prix bas au moment de la récolte et tendance à la hausse des prix avec la diminution de l'offre. Généralement, la période comprise entre novembre et janvier correspond à la pleine saison de la récolte. C'est durant cette période qu'a lieu la vente de cacao, de café, d'oranges, de poivre de brousse, de njansang et de mangue sauvage fumée (Irvingia spp.).

Ces données montrent que, pour une activité donnée des habitants de la zone protégée, il n'existe pas de période bien précise. Au contraire, les hommes et les femmes exercent plutôt une série d'activités à différentes périodes de l'année, et réalisent d'autres activités, si elles sont jugées opportunes en terme de gains sociaux ou financiers.

5. Conclusion et suggestions

Les résultats de ces études montrent le besoin de faire évoluer l'objectif d'accroissement de revenus agricoles vers celui de l'amélioration de la sécurité alimentaire de l'ensemble des foyers. Celle-ci dépend d'un grand nombre de facteurs, dont les PFNL. La sécurité alimentaire est une préoccupation majeure des ménages situés près des aires protégées dans la région forestière du Cameroun. Il serait raisonnable de considérer la sécurité alimentaire comme un objectif opérationel dans les projets de conservation et de développement. L'indicateur de base pour le succès de ces projets ne devrait pas se limiter à la protection des espèces ou des écosystèmes, ni encore à l'accroissement de la valeur de conservation des forêts, mais devrait également inclure la sécurité alimentaire des ménages.

Dans ce cadre, une approche axée sur les systèmes agricoles et considérant la ferme et le ménage comme des unités sociales interdépendantes, est davantage représentative de la réalité que l'attention traditionnellement accordée au confort et à l'agriculteur dans les programmes de recherche et de vulgarisation. De simples progrès dans la production et la commercialisation de PFNL sont plus importants pour l'amélioration du bien-être des ménages que la concentration des efforts sur le développement de technologies pour les besoins spécifiquement alimentaires. Les activités doivent être très diversifiées et avoir, comme objectif, l'amélioration de toute une série d'options techniques accessibles aux habitants et dépendants des forêts.

Pour la plupart des foyers de la zone forestière du Cameroun, les liens entre les différentes composantes du monde rural sont non seulement biologiques, mais aussi sociaux et économiques. C'est pourquoi, il est important de tenir compte, dans les programmes d'assistance sociale et technique, des fonctions biologiques, sociales et économiques des PFNL. Adopter une approche de système agricole pour l'exploitation des PFNL permet aux agences de développement de reconnaître que les ressources des villages représentent différents types d'actions et d'intérêts sociaux qu'on retrouve à travers l'exploitation des PFNL.

Au niveau politique, cela signifie qu'une approche uni-sectorielle est insuffisante pour améliorer la sécurité alimentaire des communautés autour des zones forestières protégées. Les foyers vivant dans les zones protégées assurent leur autosuffisance alimentaire en générant des revenus, en nature et financier, de toutes les composantes du système, y compris la zone protégée. Ces considérations méritent d'être sérieusement prises en compte pour l'élaboration de stratégies d'intervention en faveur des ménages dépendants ou habitants des forêts.

Références

Activités

Période de pleine saison

Période de commercialisation maximum

Débouchés commerciaux

Fluctuations des prix au cours des cinq dernières années

         

Production de cacao

Septembre-novembre

Octobre-décembre

Ménages

En baisse

         
         

Production de café

Décembre-février

Janvier-mars

Ménages

En baisse

         
         

Oranges et ananas

Octobre-novembre

Octobre-novembre

Ménages

Stable

         
         

Production de plantains/bananes

Juillet-septembre

Juillet-septembre

Ménages

En hausse

     

Marché du village

 
         

Extraction de vin de palme

Novembre-décembre

Novembre-décembre

Ménages

En hausse

     

Marché du village

 
         

Production d'huile de palme

Septembre-octobre

Septembre-octobre

Ménages

En hausse

     

Marché du village

 
         

Récolte de mangues sauvages

Février-mars

Mars-mai

Ménages

En hausse

 

Juin-octobre

Juillet-octobre

Marché du village

 
         

Pêche

Novembre-mars

Novembre-mars

Ménages

En hausse

         
         

Chasse et piégeage

Juillet-septembre

Juillet-septembre

Ménages des forêts

En hausse

     

Marché du village

 

Tableau 5: Calendrier des activités des femmes dans les villages étudiés

Activités

Période d'exploitation et de collecte maximum

Période de commercialisation

Marchés courants / Débouchés

Fluctuations des prix au cours de cinq dernières annèes

Production de poivre

Juin-août

Novembre-février

Ménages

En hausse

     

Marché du village

 
         

Production de plantain/bananes

Août -octobre

Septembre-octobre

Ménages

En hausse

   

Marché du village

 
         

Njansan

Août -octobre

Octobre-mars

Ménages

En hausse

     

Marché du village

 
         

Mangues sauvages

Juin-septembre Février-mars

Juillet-octobre

mars-mai

Ménages Marché du village

En hausse

         

Eru

Toute l'année, plus intensément durant les vacances

Toute l'année, plus intensément durant les vacances

Ménages

En hausse

     

Marché du village

 
         
       

Production de cocoyams

Août -septembre

Mai-juin

Ménages Marché du village

En hausse

         

Production de manioc

Mars-juin

Toute l'année, plus intensément après les premières pluies en mars

Ménages

En hausse

     

Marché du village

 
         
         

Production de mais

Juin-septembre

Juin-septembre

Ménages

Marchés de village

En hausse

 

8 Participatory rural appraisals (PRA)

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