L'option de l'aménagement - d'une partie des forêts naturelles comme des autres forêts - vise à rendre compatibles plusieurs usages de la ressource en conciliant plusieurs niveaux d'intérêts, en restant en deçà des seuils d'irréversibilité et en préservant les intérêts des générations futures. Le schéma théorique d'un plan aménagement comporte trois étapes clés:
· Un ensemble d'analyses de la forêt et de son environnement: les contextes législatif et réglementaire (aménagement du territoire, etc.), historique et humain (besoins sociaux, aspects culturels, etc.), socio-économique (besoins économiques, infrastructures, marchés, etc.), le milieu naturel (faune, flore, peuplements forestiers, etc.) et les itinéraires techniques envisageables (coupes rases, éclaircies, intensité d'exploitation, reconstitution du potentiel, etc.).
· Un ensemble de synthèses aboutissant à des décisions d'aménagement: la hiérarchisation des objectifs de production, le zonage de la forêt, le choix des itinéraires techniques, la programmation des interventions (coupe, travaux, etc.) et la validation sociale, économique et écologique de ces programmes.
· Un mécanisme de suivi-évaluation et de contrôle: l'analyse des résultats obtenus/objectifs assignés et les révisions périodiques du plan d'aménagement.
La conception d'un plan aménagement forestier doit au minimum intégrer quatre niveaux d'information dans son contenu: les facteurs sociaux, politiques et culturels, les facteurs physiques, biologiques et écologiques, les facteurs financiers et économiques et les facteurs techniques (sylviculture, exploitation, transformation). Les conditions d'élaboration des plans d'aménagement doivent, pour pouvoir assurer la pérennité des massifs, être assujetties à la satisfaction des besoins en terres et en produits forestiers des populations. La connaissance de l'écosystème forestier, de son évolution, de ses potentialités et des options de valorisation sera inutile sans une analyse approfondie d'éléments connexes agricoles, politiques et sociaux. Il faut toujours garder à l'esprit que les forêts tropicales sont des écosystèmes complexes, encore peu connus, localisés dans des zones socio-économiquement très diverses. Les tentatives faites pour essayer de simplifier ces écosystèmes se sont traduites par des échecs dans la plupart des cas. Il est nécessaire de tirer parti de cette réalité en réalisant impérativement une approche souple et adaptative aux différents niveaux d'intervention (local, régional, national). Il n'y a pas de méthode d'aménagement universelle.
La planification et la gestion des forêts doivent avoir pour but un développement durable et équilibré des ressources naturelles (eau, sol, végétaux, faune, etc.) et viser à maintenir la santé et la vitalité des écosystèmes forestiers.
7.1.1 La planification de la gestion forestière
Elle concernera la production d'une gamme de services et produits, ligneux ou non, sur une base durable. La préservation et l'amélioration des fonctions de protection des forêts sont à favoriser.
L'évaluation et le suivi des ressources forestières doivent être assurés de manière permanente et continue. Ils prendront en compte les facteurs biotiques et abiotiques-clés qui peuvent affecter la vitalité des écosystèmes forestiers (parasites, surpâturage, incendies, variations climatiques, pollutions, etc.). Les plans d'aménagement périodiquement actualisés doivent considérer l'ensemble des ressources, des droits de propriétés et des usages forestiers. Ils préciseront les moyens et méthodes propres à minimiser les risques de dégradation des écosystèmes forestiers. La réhabilitation des écosystèmes dégradés est systématiquement à rechercher. L'échange d'information et la concertation entre les différents acteurs doivent être favorisés.
7.1.2 Les pratiques de gestion forestière
Elles équilibreront, en quantité et en qualité, l'accroissement et le prélèvement en minimisant les dégâts directs ou indirects aux ressources naturelles. Les opérations de régénération, d'entretien et d'exploitation devront être programmées dans le temps et dans l'espace de manière à ne pas réduire les capacités de production du site. La planification des infrastructures minimisera les impacts négatifs sur l'environnement. Les pratiques sylvicoles devront promouvoir la diversité des structures dans les peuplements forestiers et favoriser la régénération naturelle. Le reboisement des jachères ou des terres déboisées devra être pris en considération chaque fois qu'il sera susceptible d'ajouter une valeur économique, écologique, sociale et culturelle. Il reposera sur des essences et des méthodes sylvicoles adaptées aux sites. Les systèmes agroforestiers et sylvo-pastoralistes doivent être encouragés pour concilier des objectifs de gestion complémentaires économiquement viables. Des mesures doivent être adoptées pour équilibrer la pression des populations d'animaux et du pâturage sur la régénération et la croissance des forêts, ainsi que sur la biodiversité.
Une gestion minimale de l'espace. Pratiquement, l'espace forestier fait l'objet d'un zonage qui repose sur:
· L'identification de différentes zones à vocation de production forestière ou à vocation particulière (mise en défens, agroforesterie, etc.).
· L'élaboration de plans de gestion de l'espace agro-sylvo-pastoral et cynégétique en fonction des choix précédents.
La gestion d'un massif dans un but de production à long terme ne se conçoit pas sans la maîtrise de l'espace. L'aménagiste doit être assuré de la pérennité de son action. Il faut donc délimiter et protéger ensuite contre tout empiétement le domaine forestier qu'il soit public, communautaire ou privé. Cette délimitation nécessite en particulier la réalisation de deux opérations: une cartographie du massif et l'ouverture et la matérialisation des limites. L'association avec les communautés rurales jouxtant la forêt lors de la réalisation des limites doit être recherchée. Leur adhésion à cette opération permettra d'identifier en particulier les cas de litiges à résoudre rapidement. Il est bien évident que la délimitation suppose que les aspects liés au foncier ont été préalablement pris en compte et les problèmes aplanis (l'existence du moins d'un aménagement du territoire connu et respecté). L'expérience passée a clairement démontré la vacuité des opérations d'aménagement forestier lorsque cette phase préalable n'a pas été correctement réalisée.
La protection des massifs. La mise en _uvre d'un aménagement nécessite un certain nombre de mesures de protection du massif, propres à rendre durables les actions entreprises, notamment contre les exploitations illicites, les défrichements et les feux. Ces trois aspects sont interdépendants et doivent donc faire l'objet d'une approche globale. Avant même de procéder à l'aménagement d'un massif, il est souvent nécessaire de prendre des dispositions temporaires susceptibles d'en assurer l'intégrité.
Adapter le prélèvement à la production. Des estimations de productivité sont disponibles pour l'ensemble des forêts tropicales humides. Elles permettent de fixer des ordres de grandeur pour la durée de rotations permettant la reconstitution de la ressource en quantité.
En forêt dense humide la productivité bois d'_uvre est comprise entre 0.5 et 3 m3/ha/an dans les forêts intouchées. Dans les forêts exploitées de manière durable cette productivité peut atteindre 4 à 6 m3/ha/an. Il y a lieu de rappeler ici que cette production de bois d'_uvre n'est qu'une partie de la production des formations naturelles dont la capacité de production est élevée: la production annuelle de phytomasse est en effet de 10 à 35 tonnes/ha/an alors que la phytomasse aérienne est de 200 à 500 tonnes/ha. Le bois d'_uvre ne représente au plus qu'environ 10% du matériel ligneux produit. Cet aspect ne doit jamais être sous-estimé dans l'aménagement des forêts de production.
Pour les mangroves la productivité est de l'ordre de 5 à 10 m3/ha/an, l'essentiel étant utilisé en bois-énergie .
Pour les forêts claires du domaine soudano-guinéen, la productivité bois-énergie varie entre 1 et 5 m3/ha/an.
Choisir des rotations d'exploitation adaptées. Le choix de la durée de la rotation est soumis à diverses contraintes structurelles, économiques, techniques, sociales, etc. Il est apparu à l'usage que de trop longues durées étaient irréalistes face aux rapides mutations des règles de société. De trop courtes rotations compromettent la durabilité de l'aménagement. L'utilisateur doit disposer de garanties suffisantes pour un investissement important (infrastructures, matériel, etc.) qui est le garant d'une bonne utilisation de la ressource. Cela conduit à des périodes dont l'ordre de grandeur est de vingt ans.
La rotation doit aussi tenir compte des contraintes de croissance des peuplements. Il est apparu à cet effet qu'il est nécessaire d'attendre plusieurs décennies pour voir se reconstituer les peuplements (sans que pour autant ils soient identiques à ceux d'origine). L'appropriation par le gestionnaire de la forêt doit le conduire à manifester sa présence aussi souvent que possible. Plus la mise en valeur est forte, plus il est possible d'affirmer la propriété ou la jouissance de l'écosystème (y compris sur le sol). Il faut donc éviter de laisser en attente des parcelles pendant de trop longues périodes. En tenant compte des contraintes sylvicoles (voir synthèse des méthodes sylvicoles en Annexe 4), il faut opter pour des rotations entrant dans le cycle de la mémoire des générations (20-40 ans).
Classer les peuplements en fonction des objectifs. Les résultats d'inventaire permettent un classement des peuplements en fonction de leur potentiel et de leur attribuer ainsi un objectif précis; ce qui se traduit par leur affectation dans différentes séries. La série est un ensemble de parcelles pas nécessairement contiguës, qui forme une unité d'objectif et de traitement. Les séries pourront être définies en fonction de la richesse des peuplements en essences commerciales et de critères écologiques.
· Les séries de production - Toute série où des récoltes de bois seront, tôt ou tard possibles et où on peut appliquer ou envisager une sylviculture optimisant cette fonction de production.
· Les séries de production et de protection - Une récolte de bois peut être raisonnablement envisagée mais les contraintes de protection physique sont très marquées. Elles se traduisent par des contraintes sylvicoles qui ne permettent plus d'optimiser la fonction de production.
· Les séries de protection - Les conditions de station ou les contraintes que la protection impose au traitement des peuplements ne permettent d'espérer aucune récolte vendable. Les peuplements doivent jouer un rôle de protection affirmé. Des interventions sylvicoles devront assurer le maintien de l'état boisé.
· Les séries hors-cadre - Aucun objectif de production ni de protection lié à l'état boisé ne paraît justifier, même à terme, une intervention sylvicole. Des objectifs agricoles, agroforestiers, agrosylvopastoraux, etc., peuvent être assignés à ces séries.
· Les réserves biologiques - L'objectif est essentiellement la sauvegarde des richesses naturelles, des biotopes d'espèces animales ou végétales rares ou menacées de disparition.
Celle-ci a fait l'objet de critiques, car elle est, ou a été, considérée comme déconnectée de la réalité du terrain. Pourtant de nombreux dispositifs expérimentaux ont été matérialisés dans le monde tropical, notamment pour l'étude très pragmatique d'évolution et de dynamique des peuplements forestiers soumis aux interventions humaines, dont l'exploitation au sens large. Ces différents dispositifs, dont certains bénéficient d'un recul dans le temps important, fournissent une masse considérable d'informations difficiles à présenter ici et qui font l'objet de synthèses de grande valeur, comme par exemple celles du projet FORAFRI en Afrique.
Pourtant beaucoup reste à faire, par exemple, en ce qui concerne la dynamique précise d'espèces de valeur telles que les méliacées, Swietenia macrophylla et Cedrela odorata d'Amérique latine, qui constituent un goulot d'étranglement de la durabilité faute d'une régénération suffisante et maîtrisée. Autant pourrait être encore dit vis-à-vis du comportement des Dipterocarpacées qui a compromis le bon déroulement technique des systèmes d'aménagement malais et indonésiens (voir études de cas 6 et 7). Ici, se pose aussi le problème de la durabilité de l'appui à la recherche et de son financement. Il faut citer le manque de personnel apte à conduire et à appliquer les plans d'aménagement. Pour contourner cet écueil, les chercheurs de terrain sont invariablement convaincus que la meilleure école est celle de la recherche-action. Celle-ci est caractérisée par la nécessité de "coller" à la réalité de terrain d'action par le fait même que c'est ce terrain qui constitue le laboratoire expérimental. Ce laboratoire est sans conteste le meilleur centre de formation du personnel devant plus tard gérer la forêt.
Il reste encore à mettre au point certains outils d'aménagement, citons sans être exhaustif:
· Les techniques d'inventaires de terrain, bien adaptés aux objectifs, ne font l'objet d'aucune expérimentation rigoureuse pour déterminer les bons taux de sondage, les modalités de sondage (taille idoine des placettes, etc.) et les aménagistes sont désorientés dès qu'il s'agit de planifier un inventaire "ad hoc" sur de grandes superficies devant combiner effort minimum (et coûts) et informations maximales (correspondant bien aux objectifs).
· La télédétection (photos aériennes, optique ou radar) s'avère être un appui essentiel pour mener à bien le plan d'aménagement d'un massif ou du territoire environnant: des efforts d'application sont à poursuivre car il s'agit d'un outil fondamental de cartographie, de stratification, d'aide à l'inventaire de terrain et d'aide à la décision quand les données satellitaires sont intégrées dans la base de données d'un système d'information géographique (S.I.G.).
· Le suivi des peuplements naturels avant/après exploitation, et/ou éclaircie, doit être impérativement assuré par un réseau de parcelles de contrôle géré par une recherche d'accompagnement à ne pas sous-estimer lors de l'élaboration des projets.
· La qualité du bois sur pied est un domaine encore peu exploré qui devrait fournir des économies de dégâts, de production, d'environnement... Encore un effort expérimental à assurer! La qualité du bois sur pied introduit d'ailleurs la notion fondamentale de valeur de bois sur pied, qui est la pierre d'angle du raisonnement économique et fiscal. Les techniques d'approche économique, d'étude de marchés et de filières-bois ou d'enquêtes sociologiques sortent du cadre de cette présentation mais sont aussi fondamentales.
Pour finir, il est bon de souligner que si les plans d'aménagement forestiers sont rarement révisés en fonction de variables externes (telles que la demande du marché du bois), ceci est surtout dû au fait que les données multiples (inventaires, données satellitaires, cartes enquêtes, réseau routier) restent statiques sous forme de documents insuffisamment cohérents entre-eux. La reprise et le croisement des données en fonction de nouvelles circonstances (conjoncturelles) s'avèrent, presque toujours être un exercice impossible qui n'est que partiellement résolu par de nouvelles récoltes de données coûteuses. Ainsi, apparaît-il nécessaire qu'une construction de base de données actives et manipulables gérées par des méthodes adaptées comme les Systèmes Informatiques de Gestion (S.I.G). soit une condition ultime pour l'aménagement durable et rationnel des ressources. Ce serait la garantie de durabilité, car à tout moment du déroulement du plan de gestion, celui-ci serait révisable et donc adapté aux besoins évolutifs dans le temps.
7.2.1 L'exploitation forestière
La production de plans prévisionnels d'exploitation, un an au moins à l'avance des travaux de terrain, comprenant entre autres les opérations d'inventaire à fins de marquage des arbres à récolter et la planification des réseaux routiers principaux et secondaires, doivent éviter "la divagation" des tractoristes à la recherche des arbres abattus dans la forêt. Le respect de cette planification devrait constituer une part essentielle du contrôle des services forestiers. Des travaux d'entretien et de drainage des routes, respect des gradients maxima de pente (environ 40%) pour les pistes de débardage, et les aires de stockage et de transport doivent être obligatoires. L'utilisation d'engins de taille appropriée est une mesure nécessaire (des engins trop gros incitent au passage en force, des engins sous-dimensionnés à l'embourbement, à la création d'ornières, etc.) mais difficile à rendre effective. En considérant que les modalités d'exploitation constituent aussi une approche sylvicole, il s'agit avant tout de prévoir une planification détaillée des pistes d'approche et de débardage permettant un prélèvement le moins destructif possible. Le principe de responsabilité légale du concessionnaire sur chacune des opérations liées à l'exploitation: les opérations de sous-traitance du prélèvement et celles liés directement au prélèvement (ouverture des routes) sont à proscrire. Il s'agit d'éviter l'emploi de tractoristes payés au rendement causant des dégâts considérables à la forêt.
Il faut aussi maintenir en l'état des couloirs de végétation naturelle le long des rivières afin de préserver la qualité de l'eau et de constituer un habitat pour la flore et la faune. Une valeur indicative de 20 mètres de largeur peut être recommandée pour les rivières permanentes, mais le plus important consiste dans l'application et le respect de ce principe.
7.2.2 La régénération naturelle
Ce sont l'existence et la vitalité de la régénération naturelle qui assurent le renouvellement des peuplements de production exploités. Les perturbations occasionnées par l'ouverture des peuplements induisent une réaction du peuplement rémanent. Dans un premier temps, ce peuplement est déstabilisé avec une forte mortalité des jeunes tiges. Une ouverture au-delà du tiers du peuplement (30% de la surface terrière initiale) favorise les espèces pionnières, envahissantes et peu longévives, au détriment des espèces héliophiles présentant un intérêt structurel, biologique et/ou commercial. Après deux à trois ans, la mortalité diminue mais reste plus forte que dans les peuplements intacts. Le recrutement de jeunes tiges et la croissance des arbres de taille moyenne de remplacement sont stimulés pendant une dizaine d'années.
C'est finalement avec un délai proportionnel à l'intensité du prélèvement (20 ans pour 5 à 15 m3/ha de bois exploité, mais 50 ans ou plus pour une exploitation dépassant 25 m3/ha), que le peuplement retrouve sa surface terrière avant exploitation qui doit être de l'ordre de 25 à 30 m2/ha.
Par ailleurs, la régénération de la plupart des essences de valeur exige le maintien des semenciers régulièrement disséminés en forêt. Des bouquets ou îlots sélectionnés sont donc à préserver au sein des zones exploitées afin de servir de refuge et de réservoir génétique. Des corridors devraient les relier aux parties inexploitées de la forêt. Ils doivent être préservés et relevés avant les opérations de coupe. Cette recommandation est présente dans les directives de l'OIBT, et elle est préconisée également par l'UICN. Elle est très difficile à faire appliquer, malgré son importance pour l'écosystème et seul un dispositif incitatif très efficace permettrait son respect de la part des utilisateurs de la ressource.
7.2.3 La reconstitution assistée des peuplements naturels
Il s'agit de favoriser par des coupes d'exploitation et des soins culturaux, la régénération et le développement des espèces commerciales tout en conservant au peuplement sa structure d'origine et si possible sa diversité.
La reconstitution du peuplement est à favoriser par les soins sylvicoles traditionnels. Les systèmes sélectifs à courte rotation de 20 à 30 ans, ne peuvent être appliqués qu'au sein de peuplements riches en espèces d'avenir et ceci, à condition de pratiquer des éclaircies d'amélioration aux dépens des arbres de grande taille en surnombre ou inutilisables. Autrement, il faut adopter des rotations plus longues, de l'ordre de 50 ans. Les limites inférieures de diamètre d'exploitabilité dépendent de la composition et de la structure des forêts (ainsi que d'autres facteurs tels que les marchés ou les possibilités de transformation) et aucune recommandation standard n'est valable, si ce n'est d'adopter des marges de sécurité. Pour éviter une destruction irréversible des peuplements, dans tous les cas, il faut éviter d'éliminer plus de 30% de la surface terrière sur pied.
Le recours aux éclaircies systématiques d'amélioration par dévitalisation sur pied d'espèces inutilisables est à envisager au sein de forêts homogènes et riches, mais à éviter lorsque le peuplement trop pauvre ne justifie pas cette action coûteuse; dans ce cas, seules des éclaircies sélectives cantonnées au voisinage immédiat des arbres à favoriser sont envisageables (voir Figure 6). Elles sont à moduler pour préserver la biodiversité. Par ailleurs, il faut souligner que dans le cadre d'un aménagement, ces travaux d'éclaircie ne doivent pas être confiés à un concessionnaire ("à chacun son métier") et qu'ils ne peuvent être effectués que par un service forestier "opérationnel".
L'utilisation d'arboricides pour mener les dévitalisations sur pied constitue une plate-forme de débats "pour" et "contre", notamment en Amérique latine. Il s'agit d'une pratique ancienne dont les risques n'ont pas été quantifiés, même si jusqu'à présent aucun effet néfaste n'a été décelé. Un bilan (mené sous l'égide d'entités internationales à ce sujet) s'impose. Quoi qu'il en soit, d'autres modalités de dévitalisation sont possibles (quoique moins performantes) mais il est indubitable que l'élimination par abattage entraînerait des dégâts considérables et des coûts prohibitifs.
Figure 6: Traitement combinant exploitation et éclaircie

L'enrichissement est une méthode sylvicole extensive pour des peuplements naturels appauvris en essences commerciales. L'enrichissement consiste à compléter le capital d'essences commerciales préexistantes par plantation serrée (3-4 mètres) d'espèces précieuses dans des layons parallèles ouverts en forêt (écartement 20-30 mètres). Cette méthode a été utilisée partout dans le monde, parfois avec succès, sur des superficies relativement modestes mais bien contrôlées. En effet, son caractère est certes extensif mais elle exige une grande rigueur dans le suivi. L'enrichissement a le mérite de conserver en l'état la forêt naturelle sans trop la perturber, mais il présente aussi des inconvénients: contrôle difficile des travaux, planification sur une longue durée des interventions, besoins en main d'_uvre élevés, etc.
7.2.5 La conversion en plantations
La conversion en plantations s'adresse à des peuplements forestiers très dégradés, faiblement productifs, qui sont ainsi remplacés après coupe à blanc. Le degré d'intensification des méthodes peut être variable en fonction des moyens disponibles et des objectifs. Il faut prendre en considération: le choix adéquat des sites à boiser ou reboiser et de la technique de reboisement adaptée, l'utilisation d'un matériel végétal performant, l'entretien des jeunes plantations, la conduite des peuplements artificiels (élagages, éclaircies, etc.), la protection des reboisements contre les risques phytosanitaires et la qualité technologique des bois produits.
L'ensemble de ces mesures doit permettre une maîtrise des coûts qui est nécessaire pour intensifier les efforts de reboisement. Différentes méthodes sont utilisables pour la conversion des forêts naturelles: manuelle, mécanisée, associant reboisement/agriculture. Le choix devra être fait en fonction de critères écologiques, économiques, sociologiques et techniques. Les méthodes manuelles nécessitent de mobiliser une main d'_uvre importante qui n'est pas toujours disponible au moment voulu. La nécessité de reboiser durablement des superficies importantes, exige souvent d'avoir recours à la mécanisation de certaines tâches.
Les problèmes des plantations mono-spécifiques intensives réalisées sur de grandes superficies sont nombreux (notamment dans le domaine phytosanitaire) et surtout difficiles à gérer logistiquement. Les associations en mélange permettent d'augmenter la variabilité de la structure et de l'architecture des peuplements plantés, favorisent l'élimination des adventices indésirables, limitent les risques de feux et assurent une bonne protection des sols contre l'érosion.
Tableau 9: Recommandations techniques sylvicoles pour les forêts denses humides
La régénération naturelle |
- Conserver plus de 15 m2/ha de surface terrière sur pied (optimum 20-25 m2/ha). - Limiter le prélèvement en exploitation: au plus 25 m3/ha. - Contrôler l'abattage, le débardage et l'évacuation des bois. - Pour les espèces de valeur, il est nécessaire de garder des semenciers régulièrement répartis pour l'ensemble des espèces. - Le prélèvement doit être dosé afin d'une part, de protéger le peuplement d'avenir et la régénération installée et d'autre part de limiter la prolifération des lianes et autres adventices indésirables dans les trouées d'exploitation. - Rechercher à réduire les dégâts d'exploitation qui peuvent détruire ou endommager une grande partie de la régénération. | |
Après exploitation |
- Ne pas réexploiter avant la fin de rotation. Des délais de l'ordre de trente ans sont nécessaires, en fonction des groupes d'espèces, pour reconstituer en nombre le stock initial de tiges commerciales exploitées. - Etage supérieur: Dégagements et éclaircie (si nécessaire) au profit des espèces commerciales. - Etage inférieur: Recéper les brins cassés par l'exploitation. Favoriser la régénération dans les trouées. | |
Les enrichissements |
- Ouvrir la forêt sur au moins 3 mètres avec des lignes distantes de moins de 25 mètres. - Orienter les lignes E-W pour favoriser l'éclairement des plants. - Utiliser des espèces héliophiles à croissance rapide en hautes tiges (2 ans). - Planter serré sur la ligne (< 3 mètres). - Garder les lignes ouvertes pour limiter la concurrence le temps nécessaire pour que les plants atteignent l'étage dominant. - Disposer d'un personnel suffisant pour assurer les entretiens le temps nécessaire. Eclaircir si nécessaire. - Ne pas réexploiter la forêt pendant cette période de reconstitution. | |
Les plantations intensives |
- Diversifier les espèces utilisées. Utiliser du matériel végétal de qualité. - Respecter l'adéquation site/espèce/tempérament. - Reboiser en prioritéles formations forestières très dégradées. Eviter le décapage des sols. - Reconstituer une couverture complète rapidement (naturellement ou artificiellement). - Planter suffisamment serré (> 700 tiges/ha). - Assurer un éclairement suffisant des plants. - Eclaircir précocement. - Protéger des feux. | |
La moitié du cheptel tropical (dromadaire, chèvre, mouton, zébu, etc.) se retrouve dans les zones sèches qui représentent moins de 20% des superficies forestières. L'aménagement des formations ligneuses dans les terres de parcours et dans les terroirs agro-pastoraux doit en tenir compte. C'est donc l'agro-sylvo-pastoralisme qui s'est avèré être le régime le plus approprié pour la gestion "raisonnable" de ces zones.
7.3.1 Concilier les usages multiples
Les actions de défense et de restauration des sols sont fondamentales en particulier dans les zones arides sensibles à la désertification. La production forestière est un des aspects de la gestion agro-sylvo-pastorale. Elle concerne la production ligneuse, fourragère, fruitière, etc.
La gestion des terres de parcours et des terroirs agricoles doit être ainsi intégrée dans la gestion des espaces forestiers. Le principal facteur limitant est la sécheresse avec comme corollaires l'importance des feux de brousse et la gestion des strates herbacées pour le pâturage.
Des règles d'usage équitables concernant l'exploitation des terres de parcours par les transhumants doivent être édictées. La gestion de l'hydraulique pastorale est un élément clé de la gestion intégrée des formations sèches. Il faut conserver un équilibre entre la strate ligneuse et herbacée. La gestion des parcours doit permettre la lutte contre l'embroussaillement et le maintien des potentialités sylvo-pastorales. La charge animale doit être adaptée au stock fourrager dans l'espace et dans le temps. Les parcours seront mis en repos périodiquement. Le feu est un élément-clé de la gestion des formations sèches. Les feux précoces (début de saison sèche) seront préférés aux feux tardifs pour favoriser la dynamique des végétaux ligneux et herbacés. Etant donné le contexte (surtout africain), il ne faut pas oublier le rôle primordial des femmes dans les domaines de la formation et de la vulgarisation des pratiques de gestion durable.
La sylviculture tiendra compte des fortes contraintes du milieu physique, biologique et sociale (sécheresse, feux de brousse, élevage extensif, transhumance, etc.). L'essentiel des efforts portera sur la gestion sylvicole des formations naturelles. La régénération naturelle par voie végétative (rejets, drageons) est à privilégier: plus le régime hydrique est défavorable, plus la régénération naturelle sexuée cède la place à la reproduction végétative. Le sylviculteur aura comme exemple l'action de la nature lui dictant les techniques à utiliser: régénération sexuée en milieu favorable et stolons, rejets, marcottes, etc., en milieu présentant des stress hydriques sérieux.
L'enrichissement est possible à l'instar de ce qui est fait en forêt dense humide avec les mêmes avantages et un inconvénient en plus: la vulnérabilité potentielle du fait de passage de feux (même de faible intensité). Il doit être cantonné aux zones de forêt ouverte et de savane arborée ou arbustive réunissant des conditions de pluviosité suffisantes (minimum 800 mm sur des périodes étalées dans le temps) ainsi que de suivi en entretien et protection.
Des mesures de protection des espèces fruitières et fourragères seront prises (contrôle de l'élagage et l'émondage). Pour le taillis, le diamètre minimum d'exploitation est fixé à 6-8 cm selon les espèces. Les rotations sont courtes, 7 à 14 ans. La hauteur de recépage sera adaptée à chaque espèce. Pour la futaie à vocation bois d'_uvre, les diamètres minimums d'exploitation sont de 30-35 cm avec des rotations de 20 à 40 ans, parfois davantage (plus de 50 ans).
Tableau 10: Recommandations techniques pour les forêts sèches
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· Des groupes d'espèces ligneuses seront constitués par usage dominant (bois-énergie, bois d'_uvre, fruitier, fourrager, etc.). · Pour chaque groupe d'espèces, un mode de gestion (diamètre minimum d'exploitation, rotation, coupes sanitaires, hauteur et période de recépage, régimes de protection et conservation...) sera défini. · Après exploitation forestière, une courte mise en défens (pâturage, feux) de quelque mois, est préconisée pour favoriser la régénération naturelle. · Pour le taillis, le diamètre minimum d'exploitation est fixé à 6-8 cm selon les espèces. Les rotations sont courtes, 7 à 14 ans. La hauteur de recépage sera adaptée à chaque espèce. · Pour la futaie à vocation bois d'_uvre, les diamètres minimums d'exploitation sont de 30-35 cm avec des rotations de 20 à 40 ans, parfois davantage (50-60 ans). · Des opérations sylvicoles intermédiaires, éclaircies sanitaires voire dépressages, sont à prévoir tous les 10-15 ans dans les arbres destinés à la futaie. · Les espèces fruitières seront protégées intégralement avec des éclaircies sanitaires aux dépens des arbres dépérissants. · L'élagage et l'émondage des arbres fourragers seront contrôlés. Les espèces fourragères seront élaguées à une hauteur supérieure à deux mètres pour les protéger du bétail. · La multiplication par voie végétative complétera celle par voie sexuée aussi souvent que nécessaire, surtout en conditions biotiques défavorables. |
Les mangroves sont des écosystèmes qui relèvent d'une gestion multi-usages du fait de leur spécificité. Leur gestion est étroitement dépendante de celle du territoire, et plus particulièrement des mesures influant les dynamiques hydriques et côtières qui régulent son fonctionnement.
A cet effet, les récoltes de produits ligneux doivent être compatibles avec les autres fonctions de production de cet écosystème halophile (gibier, poissons, crustacés, mollusques, apiculture, sel, etc.) ainsi qu'avec les fonctions de protection (faune, flore, biodiversité). Un diamètre minimum d'exploitabilité de 15-18 cm doit être respecté pour maintenir les autres fonctions de production et de conservation de cet écosystème. La rotation sera d'au moins 10 ans.
Lors des récoltes, un soin particulier doit être apporté pour limiter les dégâts du sol et assurer la régénération naturelle. Des porte-graines doivent être conservés si celle-ci est insuffisante (au moins 2,500 tiges/ha de plus de 30 cm de hauteur). En l'absence de régénération naturelle, des plantations sont préconisées. Les canaux primaires et secondaires doivent être utilisés pour l'évacuation des produits et soigneusement entretenus. La profondeur des nouveaux canaux sera inférieure à 1.5 m pour limiter les phénomènes d'érosion et de dégradation des sols.
Deux précautions majeures sont à rappeler en priorité:
· Identifier et retenir des aires représentatives des diverses zones écologiques.
· Actualiser les plans de gestion pour d'une part atteindre les objectifs de maintien de la biodiversité et d'autre part valoriser au mieux la ressource (chasse, vision de faune, écotourisme, activités récréatives, etc.).
Tableau 11: Recommandations pour la conservation et l'amélioration de la biodiversité dans les écosystèmes forestiers
Parcs nationaux et Réserves naturelles |
- Identifier et délimiter de nouveaux parcs et réserves pour représenter chaque zone écologique. - Actualiser les plans de gestion des parcs et réserves pour réaliser des objectifs de biodiversité à l'échelle nationale et mondiale. - Limiter les activités humaines (écotourisme et activités récréatives) à certaines zones pour éviter les perturbations du comportement ou de la reproduction de certaines espèces animales. - Elaborer des politiques et programmes participatifs pour la planification des aires protégées et des zones tampon. - Etablir des bases de développement durable des espèces d'un point de vue biologique via des programmes de recherche intégrés. - Etablir des programmes de formation et d'éducation du personnel et des collectivités locales des aires protégées. |
Forêts de production |
- Améliorer les interventions sylvicoles, administratives et sociales. - Favoriser la diversité des habitats dans les terres forestières pour le maintien de nombreuses espèces animales. - Encourager des méthodes d'exploitation "plus douces" que la coupe rase pour éviter des changements drastiques de l'écosystème forestier. - Eviter l'accumulation des résidus d'exploitation près des ruisseaux et des cours d'eau, afin d'empêcher la dégradation des qualités physiques et chimiques des eaux et la perturbation des habitats des espèces végétales et animales aquatiques. - Etablir des bases juridiques et administratives pour encourager la participation de la population locale (établissement, soin, gestion, récolte et commercialisation de produits forestiers). - Mettre au point des projets de construction de petits réservoirs, de terrasses (prévention de l'érosion du sol) et de barrages contre les inondations le long des cours d'eau. |
Sites de reboisement et de boisement |
- Inclure des espèces à usages multiples dans les plantations. - Encourager les plantations d'espèces productrices de nectars, fruits et semences en association avec des arbres producteurs de bois d'_uvre. - Etablir divers microhabitats dans et le long des sites de plantation. - Appliquer des techniques de lutte biologique contre les attaques phytopathogènes et encourager les recherches sur la lutte biologique. |