Synthèse des études de cas sur le rôle des femmes dans les communautés de pèche
par
B.P. Satia
Coordonnateur du Programme
et
C. Zanou Wétohossou
Consultante
L'implication de la femme dans les activités de pêche artisanale fait d'elle une actrice incontournable dans le développement socio économique des pays de l'Afrique de l'Ouest. Malgré ce rôle de choix, l'importance de sa contribution est souvent mal connue. En 1995, le Programme DIPA a constitué un Groupe de travail sur la position centrale des femmes et les questions liées aux relations entre les hommes et les femmes dans les communautés de pêche. Ce groupe est composé de onze femmes, éminentes scientifiques et techniciennes du développement rural dans la sous-région. Ce groupe de travail a entrepris dix études de cas dans quatorze localités dans huit pays. Il a aussi organisé deux rencontres pour mener des réflexions approfondies sur la participation effective des femmes dans les communautés de pêche.
INTRODUCTION
Comme la compréhension du rôle des femmes dans le développement change, la politique concernant les femmes évolue progressivement.
Les changements les plus pertinents, à partir d'une perspective théorique, sont:
1. La femme qui était essentiellement considérée comme reproductrice l'est, dorénavant, dans son triple rôle de reproduction, de production et des travaux au sein de la communauté.
2. Le passage de la vision d'une population non différenciée de femmes à celle des relations entre femmes et hommes, c'est-à-dire le passage du concept de "femmes dans le développement" à celui de "rapports d'équité entre les hommes et les femmes".
3. Le passage de la considération des besoins pratiques à celle des besoins stratégiques, c'est à-dire qu'on s'intéresse dorénavant aux relations de pouvoir et de contrôle social entre femmes et hommes, ou encore au pouvoir exercé par les femmes.
4. Un changement dans l'unité d'analyse qui est passée de la femme et le ménage aux différents groupes socio-ethniques de femmes et d'hommes et aux relations qu'ils entretiennent.
5. Le désir de rompre avec le "Syndrome de Mamu", c'est-à-dire l'interprétation de la société qui serait monopolisée par les hommes adultes d'âge moyen ayant une formation universitaire.
Dans ce processus, le Programme de DIPA n'est pas resté en marge. Il a, depuis son démarrage en 1983, accordé une attention particulière aux activités situées en aval du secteur de la pêche artisanale, ainsi qu'aux activités de développement communautaire au sein des communautés de pêche En 1990, il a organisé une table ronde pour synthétiser les informations relatives à la contribution des femmes à la pêche artisanale. En 1995, le Programme a mis sur pied un Groupe de travail pour réfléchir aux rôles des femmes et aux questions liées aux rapports d'égalité entre les hommes et les femmes dans les communautés de pêche. Les membres de ce Groupe de travail sont onze scientifiques et techniciennes reconnues provenant des pays couverts par le DIPA.
OBJECTIFS DES RENCONTRES DE COTONOU
Elles ont été organisées du 28 au 30 août et du 9 au 12 octobre 1995
La première réunion de réflexion a porté essentiellement sur l'élaboration de la stratégie relative à l'analyse du rôle des femmes, à l'identification des difficultés auxquelles elles sont confrontées et à la recherche des solutions pour l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail.
Au cours de la deuxième rencontre, le groupe de travail a analysé les études de cas par pays, identifié les aspects spécifiques à chacun et élaboré un cadre méthodologique pour des études détaillées.
PARTICULARITES DES PAYS
Les dix études de cas ont porté sur les activités liées à la pêche dans les localités de M Bour et Joal au Sénégal, Kaback et Kamsar en Guinée, Koko dans l'État du Delta au Nigéria, Limbé et Kribi au Cameroun, Brufut et Gunjur en Gambie, Grand Lahou et Adiaké en Côte d'Ivoire, Aguégué et Ayiguinnou au Bénin et Elmina au Ghana.
Dans toutes ces localités, l'activité principale des femmes est dominée par la transformation et la commercialisation des produits halieutiques.
Au Sénégal, les femmes préfinancent en partie les moyens de production, se constituent en groupements d'intérêt économique et en fédération pour pérenniser leurs activités dans le milieu de la pêche.
Au Cameroun et au Bénin, les rapports entre les femmes et les hommes sont souvent des rapports de partenariat et de dépendance. Dans la localité de Koko au Nigéria, les femmes sont impliquées dans la production halieutique. En Gambie, les femmes souhaitent recevoir une formation pour mieux s'impliquer dans la production et accroître leurs revenus.
PROBLEMES
Au terme des investigations réalisées dans ces huit pays, il ressort que toutes les communautés de Pêche rencontrent des difficultés similaires. Les problèmes auxquels les femmes sont confrontées résultent du manque de crédit, de l'inexistence d'infrastructure de stockage et de la dépendance vis-à-vis des hommes pour l'approvisionnement en poisson.
Des études relèvent également que les femmes consacrent plus de 50% de leurs revenus à l'alimentation. Les soins des enfants et l'épargne occupant la deuxième et la troisième place. A cela s'ajoutent les problèmes écologiques, d' hygiène et parfois de santé dûs au fumage, ainsi que le manque de formation des femmes en comptabilité et en organisation.
OPPORTUNITES ET PERSPECTIVES
Les opportunités de développement du secteur de la pêche sont marquées par l'intérêt de la communauté internationale à promouvoir la femme, et surtout la femme en milieu rural.
Devant ces atouts et au vu des lacunes et parfois des potentialités existant dans les huit pays étudiés, le groupe de travail a recommandé:
- de renforcer au Ghana, en Gambie et en Côte d'Ivoire, l'organisation des femmes dans les communautés de pêche,
- de calculer les coûts de production et les revenus générés par les activités des femmes dans les communautés de pêche du Nigéria, du Bénin et de Guinée,
- d'évaluer les aspects nutritionnels, d'hygiène et de santé des femmes et des enfants dans les communautés de pêche du Cameroun et du Sénégal.