5. Quels impacts environnementaux élargis ont été générés par la mise en pratique de lAction 21? |
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RÉSUMÉ |
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Dix cas ont été sélectionnés pour montrer les impacts environnementaux plus larges causés par la mise en pratique réussie de l'ADRD. |
Ce projet concerne la conservation de la biodiversité biologique par lentretien et la mise en valeur dhabitats à lintérieur des plantations de café en sous-bois, sous la forme de couloirs biologiques entre deux zones protégées. Il vise également laccroissement du revenu des agriculteurs producteurs de café «pro-biodiversité» et la création dune industrie exportatrice de café préservant la biodiversité.

Le projet vise à conserver la biodiversité menacée au Salvador, par le biais de la préservation et de lamélioration dhabitats dans un couloir biologique reliant les zones protégées de «El impossible» et de «Los volcanes». Le couloir couvre environ 75 000 ha et il a été reconnu comme lun des corridors nationaux les plus importants en terme de biodiversité et comme un maillon stratégique dans le Couloir régional biologique Méso-américain. Le Salvador est un pays où de graves dégradations de lenvironnement se sont produites. Seulement 2 pour cent de la couverture forestière originelle est encore dans un état naturel et beaucoup de terres sont dégradées ou érodées du fait de pratiques culturales non-durables. Dans ces conditions, létablissement de zones protégées supplémentaires ne constitue pas une solution pertinente pour conserver la biodiversité sur de grandes étendues. Restaurer les terres dégradées et mettre en valeur les milieux productifs pour maintenir la biodiversité constituent donc des étapes nécessaires pour assurer la conservation de la biodiversité. Le projet a donné les résultats suivants: a) laugmentation des plantations de café en sous-bois, en utilisant des pratiques préservant la biodiversité, en conformité avec le schéma directeur mis en place; b) linitiation de la délimitation dun couloir biologique dhabitats dans les plantations de café en sous-bois connectées aux zones protégées; et c) lobtention de subventions pour les industries dexportation de café promouvant la préservation de la biodiversité au Salvador.
Source: IPGRI

Ce projet porte sur la réhabilitation des techniques traditionnelles de fauchage pour la production de foin dans les prés semi-naturels afin de compenser la baisse de lintensité du pacage dans ces pâturages côtiers traditionnels. Il concerne 100 ménages sur 400 ha. Les terres marécageuses de Matsalu, dimportance internationale, sétendent à louest de lEstonie. La plupart de ses habitats ont été affectés par lintervention de lhomme, en particulier par le fauchage, le pacage ainsi que par la déforestation et la récolte des roseaux. Les communautés semi-naturelles faunistiques et floristiques constituent des éléments dune très grande valeur de ces terres marécageuses. En conséquence, le plan de gestion des terres marécageuses de Matsalu attache une grande importance à ladoption de mesures pour compenser labandon des terres de pâturage. Ces mesures consistent principalement à passer des contrats de pâturage et de fauchage avec les agriculteurs et à leur payer des indemnités en fonction de la nature des engagements. Depuis 3 ans, de telles modalités de gestion sont mises en uvre selon les termes du Plan. Des mesures supplémentaires qui nétaient pas prévues dans le Plan, mais qui participent à la poursuite de cet objectif, ont été constituées par des investissements en équipements mis à la disposition des agriculteurs. Lévolution négative de ces milieux a été freinée, mais beaucoup de travail reste encore à faire. Les résultats les plus probants se traduisent par le fait que la zone de fauche a été restaurée sur 2 000 ha, que lintensité du pacage a cessé de diminuer, que le savoir-faire technique des agriculteurs concernant lexploitation des pâturages a été amélioré et quil existe à présent une compréhension mutuelle entre les autorités chargées de la conservation de la nature et les agriculteurs.
Source: Pretty (1998). La terre vivante

Le Parc national de Prespa est proche des frontières albanaise et macédonienne. Il comprend une vallée montagneuse avec deux lacs et les plaines dinondation qui les entourent. Cet endroit abrite la plus grande colonie de pélicans dalmatiens (Pelecanus crispus) du monde. La zone est isolée, ses activités principales sont la culture des haricots, lélevage du bétail et la pêche pour compléter les revenus. Le système traditionnel de gestion des terres a joué un rôle central dans la préservation du capital naturel, dans la mesure où le bétail pâture dans les prairies humides et contrôle lextension des roselières, créant ainsi des habitats favorables pour les oiseaux et les poissons. Mais ladoption de méthodes intensives de culture des haricots a conduit à la conversion de certaines prairies en terres arables et à une augmentation considérable de lutilisation de fertilisants inorganiques et de pesticides. Ces deux éléments ont eu un impact important sur les ressources aquatiques, entraînant la disparition du canard souchet et de libis luisant. En 1993, de nombreuses organisations ont commencé à promouvoir la culture des haricots biologiques, la diversification de lagriculture et le développement dun tourisme valorisant la faune sauvage du parc.
Les agriculteurs obtiennent à présent de plus hauts rendements en haricots et les prix sont subventionnés. Cela les encourage à adopter des pratiques durables. Grâce à lécotourisme, le nombre de visiteurs dans le parc est passé de 5 300 à 13 000. La fréquentation touristique est mieux répartie au long de lannée. Des jeunes de ces communautés ont été formés à la gestion environnementale et deux centres touristiques ont été ouverts. Cela a facilité le changement dattitude des locaux envers la conservation de lenvironnement aussi bien quenvers les visiteurs. La croissance de lécotourisme a favorisé la création de deux auberges gérées par des femmes de la région et de nombreux restaurants et tavernes ont bénéficié des dépenses accrues de la part des visiteurs. Environ 50 à 60 personnes sont à présent employées dans le secteur de lécotourisme. Le gouvernement a également investi dans les infrastructures décotourisme et dans lagriculture multifonctionnelle.
Source: Pretty (1998). La terre vivante
Les «dehesas» sont des systèmes fortement intégrés contribuant dune manière significative au capital social et au capital naturel. Le terme «dehesa» désigne un mélange de parcours forestiers et de pâturages non boisés, mélange dominé par le chêne vert et le chêne liège, avec des cultures céréalières et de lélevage (ovins, bovins, cochons et caprins). Les animaux se nourrissent dherbes et de glands. Ce sont des systèmes très intégrés: les arbres produisent du charbon de bois, du bois de chauffe, de lombrage, des glands et du liège. Les céréales produisent des grains et du fourrage et les animaux produisent de la viande et des produits laitiers. Les rotations varient de 4 à 20 ans pour les terres de culture, ce qui fait que les paysages sont constitués par une mosaïque dhabitats variés.
Ces paysages ont une flore et une faune très riches: plus de 60 espèces animales par mètre carré: des papillons, des oiseaux et des espèces menacées telles que laigle royal espagnol, le vautour égyptien, la cigogne noire et le lynx ibérique. Les «dehesas» sont également dimportantes sources demploi pour la population locale quand ils sont gérés correctement. Par exemple, un domaine de 7 000 ha en Andalousie produit du liège, du bois de construction, du bois de chauffe, du bétail (moutons, cerfs et bovins) et des plantes sauvages (des herbes aromatiques et des champignons). Ce système associant terres arables et pâturages exige peu dintrants, mais demande beaucoup de main-duvre. Le besoin de main duvre est plus élevé que dans les domaines voisins qui ne sont pas gérés de manière intégrée. Cependant, un grand nombre de ces zones sont actuellement en déclin: les arbres sont abattus pour permettre une agriculture plus intensive et à grande échelle ou des terres sont reboisées avec des pins et des eucalyptus.
Il en va de même pour la biodiversité des habitats en Ecosse. Des recherches à long terme sur lîle dIslay dans les Hébrides Intérieures ont de nouveau révélé le rôle crucial que joue un paysage complexe et varié pour les oiseaux. Islay comporte neuf espèces importantes doiseaux: les oies bernaches, le crave, le râle des genêts, laigle doré, le pluvier doré, le busard, lémerillon, le faucon pèlerin et loie à pattes blanches. En classant les systèmes semi-naturels et agricoles de lîle en 8 milieux différents et en cartographiant lensemble des 687 kilomètres carrés de lîle, il est apparu que différentes espèces utilisent différents types de milieux à des moments différents de lannée. Cest cette mosaïque qui est dune importance cruciale: «lune des caractéristiques les plus importantes (est) ...de savoir comment les différents types de terres sont sélectionnés à certains moments de lannée. En conséquence nous avons conclu que cest la variété des milieux qui permet la survie dun aussi grand nombre despèces doiseaux». Il apparaît que la question nest pas simplement de préserver un ou deux habitats ou despaces résiduels au beau milieu de terres agricoles exploitées de façon intensive. Lensemble des paysages a besoin dêtre protégé par des pratiques mixtes et durables dagriculture. Ce qui est bon pour les oiseaux est bon pour les hommes.
Source: Diaz et al. (1997); Cuff et Rayment (1997); Bignall et McCracken (1996)

Le Projet Darby dans lOhio est le fruit dun effort collectif financé par la Fondation WK Kellogg pour préserver, améliorer et entretenir 163 000 ha du bassin versant, en intervenant sur ses composantes écologiques et agricoles. Un grand nombre de groupes gouvernementaux, non-gouvernementaux, privés et communautaires ont travaillé ensemble pour modifier les attitudes et les pratiques des agriculteurs et celles des populations locales. Le bassin versant est en premier lieu consacré à lagriculture - environ 80 pour cent est tourné vers la culture intensive du maïs et du soja, avec quelques pâturages, un peu de légumineuses ou des petites graines comme culture de couverture. Environ 10 pour cent du bassin est consacré à des pâturages de qualité médiocre. Lurbanisation sétend rapidement sur de larges surfaces de terres agricoles. Lagriculture moderne et lexpansion urbaine constituent une menace pour ce paysage biologiquement riche. 86 espèces de poissons et 40 espèces de moules deau douce vivent dans les rivières et les ruisseaux; plus de 104 espèces doiseaux, 35 de mammifères, 33 de reptiles et damphibiens et plus de 25 espèces de plantes menacées sont également répertoriées.
Les activités de conservation ne sont pas nouvelles dans cette région. Les autorités ont essayé de promouvoir la conservation du sol et de leau depuis les années 40. Ce qui est nouveau, cependant, cest la façon dont beaucoup dagences sassocient à présent pour résoudre les problèmes de conservation en prenant en compte lensemble du bassin. Lobjectif nest pas seulement dimpliquer les agriculteurs, mais aussi les consommateurs de loisirs, les associations environnementales et les groupes communautaires. Environ 5 000 enfants sont actuellement impliqués dans des programmes dévaluation et de suivi de la qualité des cours deau, dautres sont engagés dans le classement des chenaux empruntés par les eaux lors de fortes pluies afin de décourager les décharges sauvages dordures ménagères. Des randonnées en groupe sont organisées pour les amoureux de la nature, les ménages sont encouragés à entretenir leurs pelouses et leurs jardins de manière durable et les familles sont incitées à participer au processus de planification locale et à la prise de décisions.
Les progrès dans le domaine agricole se sont traduits par la formation dune association appelée «Opération Future». Cette association a débuté avec douze agriculteurs et en compte à présent 170. Beaucoup dentre eux étaient attachés à lancien modèle dagriculture et une aide a été nécessaire pour les inciter à faire les premiers pas vers lagriculture durable. Comme la signalé Wes Berry: la question la plus fréquente que lon me pose actuellement est celle-ci: «quelles méthodes puis-je utiliser pour cultiver de manière à préserver lenvironnement et que puis-je faire pour réduire les intrants chimiques?». Lespoir vient du fait quau fur et à mesure que ces agriculteurs progressent, de nouveaux agriculteurs du bassin deviendront eux aussi réceptifs aux approches et aux technologies, renforçant ainsi les effets observables sur lensemble du bassin versant. Jusquen 1996, un tiers des fermes du bassin ont mis en uvre des plans de conservation des terres, 18 nouvelles zones humides ont été créées, et la réduction du transport de sédiments par les cours deau a été de 35 000 tonnes par an.
Source: Pretty (1998). La terre vivante; Wes Berry, pers.com.; rapports sur le projet Darby
Le projet milan rouge est un exemple qui montre comment un tourisme valorisant la vie sauvage et une exploitation agricole adéquate peuvent stimuler une économie rurale. La région centrale du Pays de Galles comprend le nord et louest de Brecknock, le nord de Direfork, Ceredigion, le sud de Montgomeryshire et louest de Radnorshire. Cest une zone de bas salaires, de déclin de lemploi dans le secteur agricole et elle souffre dune stagnation économique. Cest également une zone qui abrite les survivants dune population autochtone de milans rouges, un oiseau de proie en voie de disparition. Lagriculture est fortement dépendante de lélevage du bétail. La densité de la population est faible et la population rurale vieillit.

Le projet milan rouge a été lancé en 1994 en partenariat avec le conseil du district et le conseil du comté, le RSPB, le CCW, l'Agence de tourisme du Pays de Galles, l'Agence de développement rural du Pays de Galles et l'Entreprise du tourisme et de la forêt de la région centrale du Pays de Galles. Il est financé par des fonds provenant de l'objectif 5b, de l'Office du tourisme et du secteur privé. L'objectif est d'accroître le tourisme dans la région, de promouvoir la vie sauvage et l'environnement, de faire connaître la région à un public plus large et de l'encourager à allonger la durée de ses séjours et à développer ainsi l'économie locale. Le projet a ouvert six centres de tourisme pour les visiteurs, a amélioré les transports publics, assuré la promotion du cyclisme et de la marche. Il a installé un système de vidéo-observation à distance de la faune ainsi qu'une zone spéciale d'alimentation, de telle sorte les oiseaux peuvent être observés sans être gênés. Des panneaux des renseignements ont été installés et on a développé des partenariats communautaires pour promouvoir le tourisme vert et le schéma «tourisme à la ferme» avec la participation de 130 fermes.
Les résultats ont été remarquables. En 1995-96, il y a eu 148 000 visiteurs dans les centres de tourisme du projet milan rouge. Ils ont dépensé 8,64 millions de dollars EU au profit de l'économie de la région centrale du Pays de Galles. On a estimé que la moitié des visiteurs ont été attirés par la présence du milan. Un tiers de ces visites se font pendant l'hiver, autrefois basse saison pour le tourisme. Les visiteurs ont tendance à rester plus longtemps et à revenir plus souvent. Le projet a créé et/ou a sauvegardé 114 emplois FTE dans la communauté locale et 14 emplois supplémentaires ont été créés par le recrutement de l'équipe du projet et par les entreprises qui lui sont associées. L'année 1995 a également été la meilleure année de reproduction pour le milan, avec 120 couples donnant naissance à 112 oisillons.
Source: Rayment (1997)
En 1980, le département dirrigation du gouvernement Sri Lankais, linstitut de recherche et de formation agricole (ARTI) et le comité de développement rural de luniversité CORNELL ont commencé à travailler avec des petits agriculteurs du système dirrigation de Gal Oya. A cette époque, cétait le système le plus important mais aussi le plus dégradé du Sri Lanka. Lapproche de la réhabilitation prévoyait de mettre en place sur le terrain de jeunes organisateurs de communautés, ceux-ci devant encourager les agriculteurs à sorganiser en associations dusagers deau, de manière à ce quils puissent résoudre par eux-mêmes les problèmes liés à lirrigation. Le contexte historique était celui de 30 années de conflit et de non-coopération. Un haut fonctionnaire du département dirrigation a déclaré: «Si nous pouvons faire des progrès à Gal Oya, nous pourrons en faire nimporte où au Sri Lanka».
Les organisateurs ont été recrutés et formés par ARTI pour vivre et travailler au sein de la communauté, avec pour principal objectif de sassurer que tous les plans élaborés létaient par et pour les agriculteurs. Des groupes dusagers deau ont été formés, mais sans usage de la contrainte. Les organisateurs, également nommés animateurs, promoteurs ou incitateurs, ont agi comme des catalyseurs pour stimuler lorganisation locale. Lapproche habituelle pour créer des organisations rurales (organisation de réunions, approbation dune charte et élection de représentants) était connue pour son inefficacité pour aboutir à des organisations durables. Ici, lapproche consistait à laisser le groupe évoluer, en commençant par lidentification du problème et par une action collective, ce qui pouvait ultérieurement conduire à une organisation officielle. Les dirigeants issus de ce processus social étaient plus fiables, plus altruistes et bénéficiaient dun soutien solide de la part des agriculteurs membres du groupe.
Le projet a réhabilité 10 000 ha, le rapport des bénéfices aux coûts étant de 1,5 sur 1. Les bénéfices économiques du projet résultent principalement dune meilleure efficacité dans lutilisation de leau, ce qui a permis aux agriculteurs dintensifier leurs cultures et donc, daugmenter la production. Il y a eu également des augmentations de rendements. Les changements concernant lefficacité et léquité par rapport à lutilisation de leau ont été considérables et durables. Le nombre de plaintes concernant la distribution de leau reçues par le département dirrigation a chuté pour devenir proche de zéro, au fur et à mesure que des ajustements ont été réalisés par des agriculteurs et les personnels techniques sur place. Avant le projet, 80 pour cent des répartiteurs étaient en mauvais état, par la suite, ce problème a pratiquement disparu. Les organisations dagriculteurs se sont maintenues, se sont renforcées en tant quinstitutions et ont développé leurs propres capacités à faire face aux problèmes.
Une fois installées, les organisations dagriculteurs ont mobilisé leurs propres capacités pour faire face à de nouveaux problèmes, tels que la protection des cultures, laccès au crédit, larbitrage de disputes mineures, la consolidation de la tenure des terres et la réduction de lalcoolisme. La réorientation de lintervention administrative a été déterminante dans cette réussite. Cette nouvelle orientation a été facilitée, au niveau des ingénieurs et des fonctionnaires, par la mise en évidence des savoirs paysans et de la capacité des agriculteurs à obtenir des améliorations inespérées. Le caractère itératif de ce processus a été déterminante: «La mise en évidence de la capacité dinitiative et de lintelligence des agriculteurs leur a permis de gagner le respect des fonctionnaires, ce qui à son tour a encouragé les agriculteurs à développer de nouvelles capacités, ce qui a accru dautant le respect accordé par les fonctionnaires.» (Norman Uphoff).
La valeur du capital social a été confirmée en 1999, lors dune sécheresse. Selon le gouvernement, il y avait juste assez deau pour lirrigation des 4 900 ha de riz, mais les agriculteurs ont persuadé le département dirrigation de laisser couler leau, disant quils irrigueraient avec parcimonie lensemble des 26 300 ha. Grâce à la coopération et à une gestion prudente, ils ont produit une récolte supérieure à la moyenne, dune valeur estimée à environ 20 millions de dollars EU. (Uphoff - 1999).
Source: Uphoff (1999); Wijayaratna et Uphoff (1997)
LEtat de New York fournit un bon exemple du rapport entre les coûts dune réparation de dommages affectant un capital naturel par rapport aux coûts de la prévention. La ville de New York tire 90 pour cent de son eau potable des 512 000 ha du bassin versant de Catskill (Delaware), qui produit 5,48 milliards litres deau par jour pour 9 millions dusagers. A la fin des années 80, la ville sest trouvée confrontée à la nécessité de construire une station de filtration pour se conformer aux nouvelles normes de potabilité de leau, station dont le coût aurait été de 5 à 8 milliards de dollars EU, sans compter les 200 à 500 millions de dollars EU pour assurer le fonctionnement annuel. Des estimations effectuées à ce moment-là indiquaient que 40 pour cent des terres arables du bassin versant devraient être soustraites à la culture en vue de réduire un ruissellement sur les sols érodés qui entraînait des pesticides, des nutriments et des agents pathogènes, bactéries et protozoaires.
Il a alors été convenu de mettre en uvre une approche participative avec les agriculteurs. Celle-ci a débouché sur la création du conseil agricole du bassin, en partenariat avec les agriculteurs, le gouvernement et des organisations privées qui cherchaient en amont des solutions volontaires au problème posé par l'eau potable. L'objectif était d'assurer à la fois l'approvisionnement en eau potable de la ville et de soutenir l'économie rurale. Il se traduit dans une planification générale au niveau de chaque exploitation agricole, en adaptant les solutions aux conditions locales pour réduire au maximum les coûts hors-site ou externes. L'objectif initial était de mobiliser 85 pour cent des 550 agriculteurs, s'il n'était pas atteint, la ville se réservait le droit de renforcer les réglementations concernant les activités agricoles. Les deux premières phases du programme aboutissant à l'objectif des 85 pour cent coûteront 100 millions de dollars EU. Ceci représente une petite fraction du coût d'une station de filtration de l'eau. Non seulement la ville et ses contribuables font des économies, mais il en est de même pour les communautés du bassin versant et pour leur capital naturel local.
Source: Pretty (1998). The Living Land
Plusieurs études ont cherché récemment à estimer le coût des externalités négatives de lagriculture moderne en Allemagne, en Hollande, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis et à évaluer la diminution des services rendus par les écosystèmes du fait de la modernisation de lagriculture en Suède. Toutefois, les données ne sont pas totalement comparables dans leur forme originale, dans la mesure où différents cadres référentiels et méthodes dévaluation ont été utilisés. Certaines études posent également des problèmes méthodologiques.
Certains ont noté que plusieurs effets nont pas pu être évalués en termes monétaires, tandis que lévaluation dautres a semblé plus arbitraire (par exemple, le coût de 2 milliards de dollars EU pour les morts doiseaux aux Etats-Unis a été obtenu en multipliant le nombre de 67 millions doiseaux morts par 30 dollars EU pour chaque oiseau). Une étude réalisée sur lagriculture au Pays-Bas était encore plus arbitraire, en prenant en compte les coûts que les agriculteurs auraient à couvrir pour atteindre les objectifs politiques préconisés, alors que ces coûts se basaient sur une prévision de la diminution des rendements de lordre de 10 à 25 pour cent entraînée par ladoption de technologies ni économiques ni avantageuses, menant ainsi à une surestimation du dommage environnemental.
Un nouveau cadre de référence a été récemment développé par luniversité dEssex qui a mené une étude sur lagriculture du Royaume-Uni, étude qui fournit de nouvelles données comparatives pour évaluer les externalités négatives sur lenvironnement au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Allemagne (voir tableau). Ce cadre utilise sept catégories de coûts pour évaluer les impacts négatifs sur lenvironnement et la santé. Deux types de dommages ont été estimés pour le Royaume-Uni: i) les coûts du traitement et de la prévention (ceux supportés pour nettoyer lenvironnement et restaurer la santé humaine, afin de se mettre en conformité avec la législation ou pour retourner au stade initial); ii) les coûts de la gestion et des suivis (ceux incombant aux autorités publiques et aux agences qui assurent le suivi des paramètres environnementaux, alimentaires et sanitaires). Seuls les externalités qui ont donné lieu à des coûts financiers ont été évaluées.
Ce cadre de référence porte seulement sur les externalités supportées par la société du fait des activités des agriculteurs, mais non ceux supportés par ces derniers. Des coûts supplémentaires privés sont supportés par les agriculteurs eux-mêmes et ils ne sont pas inclus. Il sagit par exemple de ceux liés à laugmentation de la résistance des ravageurs et des mauvaises herbes qui résultent de lusage abusif de pesticides et de désherbants. Cependant les problèmes daffectation des coûts sont parfois difficiles. Par exemple, lapparition dune épidémie de ravageurs due à lutilisation excessive de pesticides peut affecter lensemble des agriculteurs, même ceux qui nutilisent pas de tels produits.
Même sil subsiste de nombreuses lacunes et des domaines dans lesquels les coûts doivent encore être calculés, ces études montrent que les externalités de lagriculture moderne en 1996 sont passées de 81 à 117 dollars EU par ha de terre arable et de pâturage en Allemagne et aux Etats-Unis, mais atteignent 343 dollars EU au Royaume-Uni. Toutefois, les différences observées pourraient ne pas être aussi significatives, du fait de grosses lacunes et du manque de fiabilité des données (par exemple, si nous ne prenons pas en compte lESB, le coût par ha au Royaume-Uni tombe à 254 dollars EU). Il apparaît que les externalités par ha des terres arables sont plus élevées que ceux des pâturages. Les externalités atteignent 3,7 à 14,2 dollars EU par kg d'ingrédient actif utilisé pour les seuls pesticides. Ce sont des charges substantielles supportées par les secteurs non-agricoles de léconomie.
Pour différentes raisons, les estimations ci-dessous pourront être considérées comme plutôt faibles:
certains coûts sont réputés considérablement sous-évalués (par exemple, celui lié aux intoxications aiguës et chroniques des populations par les pesticides, les coûts du suivi, de leutrophisation des réservoirs, de la compensation pour les destructions de haies vives);
certains coûts ne peuvent pas être calculés actuellement (par exemple, ceux du dragage pour entretenir les voies navigables, de la construction de digues anti-inondation, de leutrophisation marine, de lintoxication danimaux domestiques);
les coûts dun retour aux conditions anciennes de lenvironnement et de la santé humaine nont pas été calculés;
les coûts des traitements et des mesures de préservation sont sans doute sous-estimés par rapport aux sommes que les populations seraient disposées à payer pour voir se concrétiser des externalités positives;
les données ne prennent pas en compte le temps écoulé entre lorigine dun problème et son expression en termes de coûts (cela peut être le cas, par exemple, de processus arrêtés depuis longtemps, mais qui peuvent encore générer des coûts; certaines pratiques actuelles peuvent ne pas avoir été comptabilisées à ce jour, car elles nont pas encore entraîné de coûts);
cette étude ninclut pas les externalités provenant du transport daliments des fermes jusquaux entreprises agroalimentaires, aux grossistes, détaillants et aux consommateurs eux-mêmes.
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Les coûts annuels collatéraux de lagriculture moderne au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Allemagne (en millions de dollars EU, indexés aux prix de 1996) |
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Catégories de coûts |
Royaume-Uni |
Etats-Unis |
Allemagne |
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1. Dommages causés au capital naturel: Eau |
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Pesticides dans les sources deau potable |
187 |
921 |
90 |
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Nitrate, phosphate et sédiments dans les sources deau potable |
110 |
1 267 |
+ |
| |
Zoonoses (Cryptosporidium) dans les sources deau potable |
36 |
+ |
+ |
| |
Eutrophisation, pollutions accidentelles, mort de poissons, coûts du suivi |
26 |
265 |
51 |
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2. Dommage au capital naturel: Air |
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| |
Emissions de méthane, dammoniaque, doxyde nitrique et de dioxyde de carbone |
1 733 |
17 028 |
1 752 |
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3. Dommage au capital naturel: Sol |
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| |
Dommages hors site causés par lérosion |
22 |
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+ |
| |
Inondations, drains bouchés, diminution du stockage de leau |
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3 561 |
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Dommages causés à lindustrie, la navigation et la pêche |
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8 978 |
|
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pertes en matière organique et en dioxyde de carbone par les sols |
128 |
+ |
+ |
|
4. Dommage au capital naturel: biodiversité et milieux |
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| |
Pertes en biodiversité/en vie sauvage |
39 |
340 |
6 |
| |
Pertes en haies vives et en murets en pierres |
154 |
+ |
+ |
| |
Pertes en colonies dabeilles et préjudices aux animaux domestiques |
3 |
237 |
2 |
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5. Dommage à la santé humaine: Pesticides |
2 |
137 |
14 |
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|
6. Dommage à la santé humaine: Nitrates |
0 |
+ |
+ |
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|
7. Dommage à la santé humaine: Microorganismes/Agents des maladies |
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| |
Epidémies bactériennes et virales dans lalimentation |
263 |
+ |
+ |
| |
ESB et nouvelle variante du CJD |
946 |
+ |
+ |
| |
Utilisation abusive dantibiotiques |
+ |
+ |
+ |
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Total annuel des coûts externes |
3 650 |
32 762 |
1 917 |
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Coûts totaux par hectare de terres arables et de pâturage |
324 |
76 |
111 |
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Coût par hectare de terre arable seule |
355 |
106 |
259 |
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Coût par kg d'ingrédient actif de pesticides |
13,4 |
3,4 |
6,1 |
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+ = estimations des coûts non calculés (ou non disponibles) |
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Source: |
Pretty et al. (2001). Les défis politiques de l'internalisation
des externalités de l'agriculture moderne. |
Les systèmes agricoles contribuent aux émissions de carbone par lintermédiaire de:
® lutilisation directe de carburants fossiles par les activités agricoles;
® lutilisation indirecte de lénergie incorporée dans les intrants pour ceux dont la fabrication est coûteuse en énergie;
® la culture des sols lorsquelle se traduit par des pertes en matière organique.
Par ailleurs, lactivité agricole compense de telles pertes quand elle accumule de la matière organique dans le sol, lorsque la biomasse ligneuse agit à la surface du sol comme un puits de carbone permanent ou quand cette biomasse est utilisée comme une source dénergie qui remplace le carburant fossile. Des possibilités pour réduire les émissions de carbone provenant des exploitations agricoles sont la limitation de lutilisation de carburant et une moindre consommation dénergie, la réduction du labour pour réduire les émissions de CO2 à partir du sol, les systèmes de pâturages à base dherbe pour réduire les émissions de méthane, lusage de compost pour réduire lémission de méthane à partir du fumier, le remplacement des carburants fossiles par des bio-carburants, une réduction de lutilisation des machines agricoles et des fertilisants minéraux et lemploi raisonné de fertilisants à action lente.

Les possibilités damélioration des puits à carbone au niveau des exploitations agricoles sont également constituées par un labour minimum ou nul, par des rotations diversifiées utilisant des cultures de couverture et de lengrais vert, par la réduction des jachères estivales, par lutilisation du compost et du fumier, par lamélioration des pâturages et des parcours par une bonne gestion de la pression animale et celle de la végétation, par lutilisation despèces fourragères pérennes plutôt quannuelles, du fait que les premières ont de 60 à 80 pour cent de leur biomasse en-dessous du sol, à comparer avec 20 pour cent pour les espèces annuelles. Dautres possibilités encore résultent de la réhabilitation et la protection des terres hydromorphes (à la condition que la séquestration de carbone soit plus importante que la production de méthane), la conversion de terres agricoles en zones forestières, ladoption de lagroforesterie et les cultures destinées à la fabrication de carburants écologiques (plantes annuelles, taillis).
Source: Pretty et Ball (2001)
Le labour zéro est un système dagriculture qui supprime le labour traditionnel mécanisé. Après la moisson, les résidus de la culture sont laissés dans les champs pour assurer une protection contre lérosion des sols. Lors du semis, la graine (et le fertilisant, si nécessaire) est insérée dans un sillon ouvert à la surface du sol. Les mauvaises herbes sont souvent, mais pas toujours, contrôlées par des désherbants. Ainsi, la surface du sol est toujours couverte et le sol nest jamais retourné. Les agriculteurs utilisent des méthodes intégrées de gestion des ravageurs (IPM) comme les rotations qui permettent une gestion fine des ravageurs et des nutriments. Par exemple, les avoines noires sont à présent couramment introduites dans la rotation durant lhiver pour assurer la couverture des sols et la suppression des mauvaises herbes. Des cultures de couverture à base de légumineuses sont utilisées pour enrichir le sol en azote. En Argentine, le labour zéro a été expérimenté pour la première fois par les agriculteurs dans les années 80, et en 1990, il y avait environ 100 000 ha de terres en labour zéro. Les années 90 ont enregistré une croissance remarquable des surfaces bénéficiant de la nouvelle technologie, surfaces qui ont atteint 7,3 millions dhectares en 1999 et couvrent 30 pour cent de toutes les terres arables dArgentine. Le labour zéro sest aussi répandu rapidement au Paraguay et dans le sud du Brésil au cours de la même période. Il y a plusieurs raisons à cette extension rapide:
® des bénéfices privés significatifs pour les agriculteurs. Les rendements du maïs se sont accrus de 37 pour cent, passant de 2 à 3,5 - 4 tonnes/ha avec le labour zéro et celui du soja a augmenté de 11 pour cent, passant à 2,47 tonnes/ha. Les coûts de production ont baissé grâce à une utilisation réduite dénergie, un emploi plus efficace des intrants, des besoins réduits en main-duvre (qui passent de 50 dollars EU à 30 dollars EU par ha) et du fait de lamélioration de la production agricole grâce à laccroissement de la teneur en matière organique des sols, à un meilleur contrôle des ravageurs et à une capacité de rétention en eau du sol améliorée;
® des bénéfices environnementaux publics significatifs, grâce à une réduction de lérosion des sols et de la pollution de leau par les pesticides et les nitrates et à une séquestration accrue du carbone dans les sols;
® le soutien direct de la nouvelle technologie et sa promotion par les organisations dagriculteurs elles-mêmes, en particulier lAAPRESID (organisation des agriculteurs argentins pour le labour zéro). Comme le souligne Roberto PEIRETTI: «Ladoption du labour zéro en Argentine et dans les pays voisins a été un mouvement mené par les agriculteurs ... [et] attribué au bon sens des agriculteurs et à leur capacité à discerner les avantages économiques, physiques et autres du système». Des groupes de recherche et de vulgarisation ont été formés par les agriculteurs locaux et mis en relation avec les groupes régionaux et nationaux. De telles coalitions dagriculteurs ont été déterminantes dans le développement continu, ladaptation et lextension de la technologie du labour zéro.
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Source: |
Roberto Peiretti, Membre du Conseil d'administration et comités
techniques AAPRESID et membre du Comité d'organisation de CAAPAS |
