Page précédente Table des matières Page suivante

Conclusions

Cette publication décrit les progrès réalisés par des pays développés et par ceux en voie de développement en matière d’utilisation durable des terres et de l’eau par les systèmes agricoles et elle évalue dans quelle mesure de tels projets ou initiatives ont amélioré la production alimentaire. Nous avons sélectionné cette série d’exemples afin de mettre en évidence ce qui pourrait être accompli grâce à l’agriculture durable, plutôt que d’analyser ce qui a été accompli dans un projet typiquement agricole. Nous avons écarté certains cas, notamment: i) ceux pour lesquels il n’y avait pas de lien évident avec l’agriculture durable; ii) ceux pour lesquels des subventions ont été versées pour encourager la participation des agriculteurs (on peut mettre en doute la persistance des effets bénéfiques une fois les subventions supprimées); iii) ceux qui étaient basés sur l’utilisation intense d’intrants dérivés d’énergies fossiles. (Il ne s’agit pas de rejeter ces technologies, mais ces cas n’étaient pas pertinents par rapport aux objectifs de notre recherche); iv) ceux pour lesquels les données fournies étaient insuffisantes ou les résultats peu fiables.

Il s'agit de la plus grande enquête connue sur l'agriculture durable dans les pays en développement. Elle a concerné 45 projets en Amérique Latine, 63 projets en Asie et 100 en Afrique. Dans ces 208 projets ou initiatives, environ 8,98 millions d'agriculteurs ont adopté les pratiques et technologies de l'agriculture durable sur une surface totale de près de 29 millions d'hectares. Comme il y a 960 millions d'hectares de terre cultivée (terre arable et cultures permanentes) en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, l'agriculture durable est présente sur au moins 3 pour cent de ces terres (l'ensemble des terres arables s'étend sur 1 600 millions d'hectares en 1995/97, dont 388 millions se trouvent dans les pays industrialisés, 267 millions d'hectares dans les pays en transition et 960 millions d'hectares dans les pays en voie de développement: FAO, 2000).

Les pays les mieux représentés dans la base de données sont l'Inde (23 projets ou initiatives), l'Ouganda (20), le Kenya (17), la Tanzanie (10), la China (8), les Philippines (7), le Malawi (6), le Honduras, le Pérou, le Brésil, le Burkina Faso, l'Ethiopie (5) et le Bangladesh (4). Les projets et les initiatives couvrent une large gamme d'échelles spatiales, puisque nous passons d'un projet concernant 10 foyers sur 5 hectares au Chili à un projet concernant 200 000 agriculteurs sur 10,5 millions d'hectares au sud-est du Brésil. La plupart des agriculteurs des projets étudiés sont de petits exploitants. En ce qui concerne la taille des exploitations agricoles de cette base de données, 50 pour cent ont une surface de moins d'un hectare par agriculteur et 90 pour cent ont une surface inférieure où égale à

2 hectares par agriculteur. Environ 8,64 millions de petits agriculteurs pratiquent l'agriculture durable sur 8,33 millions d'hectares et 349 000 exploitants plus importants en Argentine, au Brésil et au Paraguay utilisent la méthode du labour zéro sur 2,59 millions d'hectares. Cette agriculture durable s'est surtout développée au cours de la décennie passée. Sur la base des archives des projets, nous estimons que la surface concernée par des pratiques d'agriculture durable était comprise entre 100 000 et 500 000 hectares il y a 10 ans.

Ces cas montrent que des améliorations dans la production alimentaire résultent de l’un des cinq mécanismes suivants:

1. l’intensification d’un seul composant du système de production agricole (avec des changements mineurs pour le reste de l’exploitation agricole) tels que l’intensification de la culture des légumes et/ou des vergers de jardins familiaux, l’introduction de la culture des légumes sur les diguettes des rizières ou l’introduction dans le système d’exploitation d’étangs de pisciculture ou d’une vache laitière;

2. l’ajout d’une nouvelle production au système agricole, comme l’élevage de poissons ou des crevettes en rizière, ou l’introduction de l’agroforesterie. Cette addition d’un élément stimule la production totale agricole et/ou les revenus, mais n’affecte pas nécessairement la productivité céréalière;

3. une meilleure utilisation du potentiel naturel pour augmenter la production totale de l’exploitation, spécialement celle de l’eau (par la collecte de l’eau et la gestion de l’irrigation) et celle des terres (par la réhabilitation des terres dégradées), en permettant ainsi de développer de nouvelles cultures sur des terres arides et/ou d’augmenter la disponibilité de ressources en eau pour les cultures irriguées (et accroître ainsi l’intensité de la production agricole);

4. des améliorations du rendement à l’hectare des cultures vivrières grâce à l’introduction de nouveaux éléments régénérateurs dans les systèmes agricoles (par exemple des légumineuses ou la gestion intégrée des ravageurs);

5. Des améliorations du rendement à l’hectare grâce à l’introduction de variétés de cultures et de races animales nouvelles et adaptées au contexte local.

Ainsi, un projet réussi d’agriculture durable peut améliorer substantiellement la consommation d’aliments locaux ou accroître le troc d’aliments locaux ou leurs ventes grâce aux jardins potagers ou aux poissons élevés dans les rizières, ou encore grâce à une meilleure gestion de l’eau, sans nécessairement affecter le rendement par hectare des céréales. Selon la base des données, le mécanisme le plus courant a été l’amélioration des rendements à l’hectare par le biais de technologies régénératrices ou par de nouvelles variétés de semences et/ou de nouvelles races d’animaux et ce, dans 60 pour cent des projets, pour 56 pour cent des agriculteurs et sur plus de 89 pour cent de la superficie.

On observe l’intensification des jardins potagers dans 20 pour cent des projets, mais étant donné leur petite taille, ils ne représentent que 0,7 pour cent de la superficie. Une meilleure utilisation des terres et de l’eau a permis l’essor de cultures intensives, observable dans 14 pour cent des projets, soit 31 pour cent des agriculteurs et 8 pour cent de la superficie. L’incorporation de nouveaux éléments productifs dans les systèmes agricoles, principalement l’introduction de poissons et de crevettes dans les rizières, a été signalée dans 4 pour cent des projets et a représenté la plus petite proportion d’agriculteurs et de surface.

Comme les mécanismes 4 et 5 étaient les plus fréquents, nous les avons analysé avec plus de détails. La base de donnée comprend 89 projets (139 combinaisons en utilisant à la fois l’entrée par les cultures et celle par projet) avec des données fiables sur le changement de rendement à l’hectare du fait de ces mécanismes 4 et 5. Ces cas montrent que l’agriculture durable a conduit à une augmentation moyenne de 93 pour cent de la production alimentaire grâce aux mécanismes 4 et 5. En valeur relative, l’amélioration du rendement est plus importante pour les rendements les plus faibles, ce qui signifie que les bénéfices sont plus importants pour les agriculteurs pauvres et pour ceux qui ont été ignorés pendant ces dernières décennies du développement de l’agriculture moderne.


Page précédente Début de page Page suivante