Le présent examen couvre un large éventail de questions relatives au tabac dans neuf domaines: demande, offre et échanges de tabac en feuilles, demande de cigarettes, publicité pour les cigarettes, taxes sur les cigarettes, coûts sociaux de la consommation de tabac, importance économique de lindustrie du tabac et questions agricoles liées à la lutte antitabac. Pour choisir les textes les plus pertinents en vue de cet examen, on a utilisé dabord des mots clés, afin de localiser des articles portant sur les neuf domaines, en se servant de trois grandes bases de données: Arcola créé par la bibliothèque agricole nationale du département de lagriculture des États-Unis, la base de données nationale sur le tabagisme gérée par lOffice du tabagisme et la santé des Centres pour la maîtrise et la prévention des maladies aux États-Unis, et Ecolit (littérature économique) disponible auprès de la bibliothèque de lUniversité du Kansas. Le résumé et la version intégrale de chaque étude identifiée ont ensuite été passés en revue et les résultats résumés. La période détude couverte par lexamen se situe entre 1985 et 2000, mais quelques études réalisées avant 1985 sont aussi incluses.
La majorité du tabac produit dans le monde nest pas consommé comme produit final mais utilisé pour fabriquer des produits à base de tabac. La production de cigarettes absorbe la plus grande partie du tabac mondial. Aux États-Unis, par exemple, la production de cigarettes a utilisé 90 pour cent de la quantité totale de tabac consommée en 1996 (USDA, 1996). Dautres produits comprennent le tabac à chiquer et à priser et les cigares.
La demande de tabac provient en premier lieu de la demande de cigarettes des consommateurs. Les facteurs qui influencent la demande de cigarettes affecteront donc aussi la demande de tabac. Ces facteurs seront examinés dans une autre section consacrée à la demande de cigarettes.
Les fabricants de cigarettes utilisent le tabac et dautres intrants pour produire les cigarettes. Il est important, dans lidentification des facteurs influençant la demande de tabac, de déterminer sil existe un relation remplaçable entre le tabac à létat brut et dautres intrants de production. Sumner et Alston (1987) ont examiné la question en utilisant une fonction de coût généralisée Leontief avec des données sur la production de cigarettes aux États-Unis. Leurs résultats ont montré que lutilisation de tabac produit aux États-Unis nétait pas un pourcentage fixe de la production de cigarettes. Le tabac importé, ainsi que dautres intrants, remplaçait le tabac américain. Lélasticité-prix estimée de la demande à tous les niveaux de la production pour le tabac des États-Unis était de -2.3. Lélasticité-prix croisée de la demande de tabac importé, par rapport au prix du tabac aux États-Unis, était de 2.0. Daprès létude, le remplacement du tabac par les autres intrants de production avait lieu sous deux formes différentes: en accroissant le pourcentage dadditifs contenu dans les cigarettes et en réduisant le gaspillage de tabac. Ces processus de remplacement se réalisaient en mettant au point de nouvelles techniques de production. La technique de conservation de la feuille avait accru la capacité de remplissage du tabac. Dautres techniques permettaient aussi lutilisation de la feuille entière. En raison de ce remplacement, la quantité de tabac utilisée pour produire 1 000 cigarettes avait diminué, passant de 2,70 livres en 1950-54 à 1,70 livres en 1987 (Sumner et Alston, 1987).
Le tabac cultivé dans différents pays ou régions dun pays varie au plan du type et de la qualité. Ce nest pas un produit homogène. Beghin et Chang (1992) ont étudié les possibilités de remplacement par différents types de tabac comme le tabac séché à lair chaud, le burley ou les tabacs dOrient. Ils ont établi une équation des parts de quatre types de tabac tirée dune fonction translog du coût en utilisant les données des séries chronologiques de lindustrie de fabrication des cigarettes des États-Unis. Lélasticité limitée du remplacement estimée à partir de leur étude suggère une capacité réduite de remplacement par les quatre types de tabac utilisés dans la production de cigarettes aux Etats-Unis. Comme pour létude de Sumner et Alston, ils ont aussi observé que si les tabacs nationaux et étrangers sont des produits de remplacement, il nen demeure pas moins que le niveau de remplacement est beaucoup plus faible.
Rezitis, Brown et Foster (1998) ont utilisé un modèle dynamique pour améliorer lélasticité de la demande de tabac américain par les fabriques de cigarettes des États-Unis par rapport aux deux études précédentes. Leurs résultats ont montré que la demande de tabac américain était plus inélastique. Ils ont estimé, par exemple, que lélasticité-prix totale propre pour le tabac des États-Unis était de -1,46, par rapport à la valeur de -2,5 évaluée par Sumner et Alston. Leur propre élasticité-prix pour tous les niveaux de la production pour le tabac séché à lair chaud était estimée à environ -1,0 par Beghin et Chang, à -2,0 par Sumner et Alston, et à seulement -0,4 par Rezitis, Brown et Foster.
Le tabac est cultivé dans plus de 100 pays, dont environ 80 sont des pays en développement. Grâce à sa robustesse, le tabac peut être produit sous une grande variété de conditions climatiques et topographiques. Il pousse bien dans les terrains sablonneux bien drainés et tolère des conditions météorologiques extrêmes (Jacobs et al., 2000). La production de tabac mondiale est concentrée géographiquement. Les quatre principaux producteurs, à savoir la Chine, les États-Unis, lInde et le Brésil, produisent environ les deux tiers, et les 20 plus grands producteurs ont produit plus de 90 pour cent du tabac mondial en 1997 (Jacobs et al., 2000).
La production mondiale de tabac sest accrue de presque 60 pour cent entre 1975 et 1998. Cet accroissement, toutefois, na pas été réparti de façon uniforme entre tous les pays producteurs. Presque toute la croissance de la production sest concentrée dans les pays en développement. Entre 1975 et 1998, la production dans les pays développés a diminué de 31 pour cent, alors que celle des pays en développement sest accrue de 128 pour cent (Jacobs et al., 2000). Laccroissement de la production de tabac dans les pays en développement est attribuable à plusieurs facteurs, y compris laugmentation de la demande de cigarettes, des recettes majeures tirées du tabac, une plus grande efficacité de production et une meilleure qualité du tabac produit.
Dans un marché compétitif, loffre de tabac est déterminée par le prix du tabac et les coûts de sa production relativement à des cultures concurrentielles. Les prix réels du tabac ont fléchi dans la plupart des pays, mais beaucoup moins rapidement que les prix dautres cultures agricoles et produits de base. Le tabac est lune des spéculations les plus rentables dans de nombreux pays. Cest ainsi quau Zimbabwe, il est environ sept fois plus rentable que la deuxième meilleure culture (Marvanyika, 1997). Aux États-Unis, le revenu net denviron 2 000 dollars par acre tiré de la culture de tabac dépasse de loin le revenu net dégagé de la plupart des autres cultures. Le tabac est une culture de rente pour de nombreux agriculteurs des pays en développement. Cest donc une culture que les agriculteurs préfèrent dans presque tous les pays producteurs.
Le marché du tabac ne ressemble pas à un marché libre (Coady, Pompelli et Grise, 1991). Lintervention du gouvernement influence la production et le commerce du tabac dans la plupart des pays producteurs. Les types de programmes de soutien intérieur et de commerce mis en oeuvre par les pays sont résumés au tableau 8.1. Pour 1928-87 on trouvera au tableau 8.2 davantage de détails sur les politiques de lintervention pour les huit principaux pays commercialisant le tabac et la Communauté européenne.
Table 8.1 - Types de programmes intérieurs et commerciaux dans les pays producteurs et consommateurs
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PROGRAMMES DE SOUTIEN |
PROGRAMMES COMMERCIAUX |
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Soutien des
prix: |
Obstacles
tarifaires: |
Combinaison de règlements ou contingents
dimportation: |
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Appui aux
marchés: |
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Octroi de
licences: |
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Subventions à
lexportation: |
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Subventions aux
intrants: |
Restrictions sur les résidus de
pesticides: |
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Source: Grise, V. N. 1990.
Tableau 8.2 - Politiques influençant la production et les échanges de tabac, 1982-87
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Instruments de politique |
Argentine |
Brésil |
CE-10 |
Inde |
Japon |
Corée, Rép. |
Turquie |
États-Unis |
Zimbabwe |
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Soutien du revenu: |
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Paiement direct |
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Assurance-récolte |
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Interventions sur les prix: |
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Taxes à lexportation |
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Contingents de commercialisation |
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Commerce étatique |
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Tarifs |
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Obstacles non tarifaires |
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Soutien des prix intérieurs |
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Assistance aux intrants: |
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Subventions à lachat dengrais |
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Aide au crédit |
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Subvention à lachat de carburant |
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Subventions à lirrigation |
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Mécanisation agricole |
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Infrastructures: |
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Recherche et vulgarisation |
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Construction de réseaux dirrigation |
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Amélioration des terres |
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Lutte contre les ravageurs et les maladies |
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Mécanisation agricole |
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Développement du marché |
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Au plan économique: |
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Taux de change |
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Électrification rurale |
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Politique fiscale nationale |
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Politique régionale: |
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Appui aux zones moins favorisées |
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Promotion, recherche, etc. appuyées par lÉtat |
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Source: Coady, Pompelli et Grise, 1991.
Le niveau dintervention du gouvernement varie considérablement entre les pays. Dans certains, elle est intense et pèse lourdement sur la plupart des décisions concernant la production et le commerce. De hauts niveaux dintervention comprennent souvent une subvention intérieure, des obstacles au commerce international, des restrictions légales ou des taxes sur la production agricole et lexportation. Dans dautres pays, lintervention du gouvernement est négligeable et na guère dinfluence, voire aucune, sur la production et le commerce du tabac. Il est toutefois difficile de mesurer lensemble des programmes dintervention en raison de la diversité et de la complexité de ces politiques (Coady, Pompelli, et Grise, 1991).
Jacobs et al. (2000) ont résumé les différences qui caractérisent les politiques appliquées dans les pays en développement et développés. Ils ont observé que les pays en développement tendent à taxer la production de tabac car le tabac est une importante source de devises et de recettes fiscales. Quelques pays subsahariens dAfrique sont particulièrement tributaires du tabac et dautres produits importants pour leurs recettes en devises. De nombreux pays à faible revenu reposent sur les recettes tirées des accises des industries exportatrices car les impôts sur le revenu sont difficiles à gérer dans les pays moins développés (Beghin, Foster et Kherallah, 1996, Pena et Norton, 1993). LArgentine, le Brésil, la Turquie et le Zimbabwe ont tous frappé de taxes dexportation les produits à base de tabac. Dans certains pays, les offices centralisés de commercialisation ou les monopoles du tabac achètent le tabac à de faibles prix, taxant ainsi implicitement les producteurs (Beghin, Foster et Kherallah, 1996). Dans certains pays en développement les gouvernements subventionnent aussi les tabaculteurs par loctroi de crédit, la fourniture délectricité, etc., qui compensent la taxation. Toutefois, lampleur de la taxation a été réduite ces dernières années en raison de la limitation des achats centralisés des monopoles dans le cadre des exigences du GATT/OMC, de la transition de léconomie dans certains pays appartenant au bloc de lEst et des conditions de prêt du FMI dans plusieurs pays asiatiques (Jacobs et al., 2000). Malgré la taxation, le tabac demeure plus rentable que dautres spéculations dans la plupart des pays en développement.
Les gouvernements des pays développés tendent à subventionner les producteurs de tabac. La régulation de loffre est un outil largement utilisé dans la production de tabac. Cependant, la mise en oeuvre de la régulation de loffre diffère entre les pays. Aux États-Unis et en Australie, les éléments de base de lopération sont le soutien des prix, la limitation de la production par le biais de contingents de production et des restrictions sur les importations moyennant des mesures tarifaires et non tarifaires. (Zhang et Husten, 1998). Dans lUnion européenne, les principales caractéristiques pour le tabac en feuilles sont les prix garantis pour les planteurs, les primes aux acheteurs, les subventions à lexportation et des mesures de protection du marché européen. On applique aussi au besoin le contrôle de la production (Grise, 1990). Les politiques relatives au tabac dans les pays développés ont déterminé la hausse et assuré la stabilité des prix du tabac, et acheminent davantage de ressources à la production de tabac dans la mesure permise par les contingents de production. Ces derniers ont réduit efficacement la production de tabac dans ces pays. Leur élimination y produirait une augmentation de loffre de tabac.
Les interventions gouvernementales dans la production et les échanges de tabac compliquent lestimation des élasticités de loffre de tabac. Lélasticité marginale du coût de la production de tabac dans le cadre du système des contingents aux États-Unis a été estimé à 0,25 (Goodwin et Sumner, 1992). Lélasticité de loffre de tabac sans contingents de production était estimée à 7.0 (Fulginiti et Perrin, 1993). Cette élasticité devrait être relativement forte, notamment à longue échéance, puisque le tabac utilise un pourcentage limité des terres arables du monde et de tout pays, et que le revenu net tiré de sa production est plusieurs fois supérieur à celui de la deuxième culture la plus rentable dans maints pays.
Le tabac est commercialisé sur le marché mondial pour trois principales raisons: 1) certains pays ne produisent pas de tabac, en produisent peu ou ne produisent pas un type particulier; 2) quelques pays ne produisent pas du tabac de qualité suffisamment élevée ou nen produisent pas suffisamment pour satisfaire la demande intérieure; 3) les prix varient pour des types et qualités donnés entre les pays ayant différentes combinaisons de demandes de produit (Grise, 1990).
En 1997, environ le cinquième de la production mondiale de tabac a été commercialisé sur le marché mondial. Le rapport entre lexportation et la production pour des pays individuels varie entre zéro et 75 pour cent (Jacobs et al., 2000). Un pays individuel peut être à la fois un exportateur et un importateur de tabac en feuilles puisque les tabacs produits dans différents pays ne sont pas homogènes. LEspagne, par exemple, exporte près de la moitié de sa production de tabac et importe aussi 1,3 fois autant quelle a produit en 1997.
Le commerce mondial de tabac a été entravé par des obstacles tarifaires et non tarifaires. De nombreux pays, y compris des pays et régions développés, comme les États-Unis et la Communauté européenne, et des pays en développement, comme la Chine, lInde et le Zimbabwe, imposent des tarifs élevés sur le tabac brut et les produits à base de tabac importés (tableaux 8.1 et 8.2). Les obstacles non tarifaires servant à limiter les importations comprennent les besoins de licences, les listes de produits réglementés, le contrôle des changes, des règlements concernant les mélanges (qui régissent le pourcentage de tabac national contenu dans les produits manufacturés) et les contingents. Le modèle du commerce est également faussé par les promotions de lexportation par le biais daccords commerciaux bilatéraux, les échanges à des conditions privilégiées, les subventions à lexportation et dautres interventions du gouvernement dans la production intérieure (Grise, 1990).
La libéralisation du commerce, définie comme lélimination des obstacles tarifaires et non tarifaires et des programmes intérieurs, y compris la régulation de loffre, les programmes de soutien des prix et les autres programmes qui altèrent les décisions relatives à la production, influencerait la production, la consommation et les échanges commerciaux mondiaux de tabac. Grise (1990) a analysé limpact de la libéralisation du commerce sur les prix, la production, la consommation et le commerce.
Si lon compare les prix du tabac dun même type en vigueur dans différents pays, on saperçoit quils ont été altérés sensiblement par les restrictions commerciales et les politiques nationales dans les principaux pays producteurs et consommateurs. La libéralisation entraînerait donc un changement du prix du tabac sur les marchés mondiaux. Les États-Unis ont appliqué un système de protection des prix sur le marché mondial en raison de la part relativement importante de ce marché leur revenant. Le prix du tabac cultivé dans ce pays est beaucoup plus élevé que celui produit par dautres grands exportateurs du marché mondial. Lélimination du programme pour le tabac abaisserait son prix aux États-Unis de 20-30 pour cent (Zhang, Husten et Giovino, 2000). Le prix du tabac aux États-Unis aussi bien que sur les marchés mondiaux diminuerait si le commerce était libéralisé, encore quil serait ardu destimer dans quelle mesure il serait inférieur. Bien quune analyse des différences caractérisant les prix dans plusieurs pays offriraient certains indices, elle ne tiendrait pas compte du fait que le tabac cultivé dans ces pays nest pas un produit homogène, et que le coût du transport du tabac exporté par différents pays vers la même destination varierait aussi. Toutefois, les grands écarts de prix persisteraient, reflétant les demandes de différents types et qualités de tabac.
Dans quelle mesure la consommation mondiale de tabac hausserait-elle ou baisserait-elle dans un milieu libéralisé? Les prix plus élevés qui prédominent dans le cadre des politiques existantes, associés aux effets des programmes de soutien et des restrictions sur les importations, limitent les types et la qualité du tabac disponible et découragent la consommation. La libéralisation du commerce finirait par accroître la consommation de tabac. Toutefois, cet effet serait limité pour deux raisons. Dabord, la réduction du prix du tabac naurait quun impact minimal sur le prix des cigarettes, puisque le tabac ne représente quun faible pourcentage de la valeur de détail des cigarettes. Compte tenu de la structure monopolistique ou oligopolistique de lindustrie du tabac dans de nombreux pays, la réduction du prix du tabac en feuilles naurait sans doute quun faible impact sur le prix de détail des cigarettes et, étant donné que la demande des produits à base de tabac est inélastique, tout impact sur la consommation de cigarettes serait probablement négligeable.
La libéralisation du commerce du tabac aurait probablement un impact notable sur les modèles de commerce. Elle réduirait les prix du tabac et augmenterait la consommation. Les prix intérieurs à la production dans les pays importateurs et exportateurs appliquant un soutien des prix diminueraient si ces politiques disparaissaient. La production dans les pays importateurs fléchirait, alors que la demande saccroîtrait en réponse à la baisse des prix. Les flux des échanges commerciaux se renforceraient, la production accrue dans les pays où elle est bon marché compensant la perte de production dans les pays où son prix est élevé. Les États-Unis, le Brésil et le Zimbabwe accroîtraient sans doute notablement leurs exportations, alors que les pays de la CE, lAustralie et le Canada importeraient davantage de tabac. En outre, les pays qui ont déjà libéralisé leurs programmes commerciaux en Asie de lEst, par exemple, assisteraient à un accroissement ultérieur de leurs importations. Le volume des échanges augmentera sans doute. Compte tenu des différences actuelles inhérentes aux coûts de production entre divers pays, la libéralisation totale des échanges entraînerait un augmentation du commerce qui dépasserait de 50 pour cent la production mondiale (Grise, 1990). Les mesures daide sociale traditionnelles favoriseraient les consommateurs. Toutefois, laccroissement de la consommation de tabac augmenterait aussi les maladies et les morts dues au tabagisme. Les groupes concernés par la santé publique ont exprimé leur inquiétude quant à limpact possible de la libéralisation des échanges sur la santé mondiale, notamment dans les pays en développement (Yach et Mackay, 1996), présentant ainsi un dilemme aux décideurs. Aux États-Unis, par exemple, on sest demandé sil existe un conflit entre lobjectif commercial de promotion des exportations de cigarettes et lobjectif sanitaire de réduire le tabagisme national et de se joindre au mouvement antitabac international (GAO, 1992).
Aucune étude ne paraît avoir estimé quantitativement limpact de la libéralisation des échanges sur la production, la consommation et le commerce mondiaux. Les études disponibles sur cet impact se sont centrées sur des politiques spécifiques, comme labaissement des tarifs douaniers à limportation ou limposition dune prescription relative à la teneur en tabacs nationaux dans un pays individuel comme les États-Unis (Beghin et Chang, 1992; Beghin et Hu, 1995). Des modèles multipays et multiproduits utilisés pour estimer limpact de la libéralisation du commerce sur les flux des échanges commerciaux aux États-Unis ont inclus le tabac. mais ces modèles partent de lhypothèse implicite selon laquelle le tabac produit dans différents pays est un produit homogène (Roningen et Dixit, 1989). Ces modèles ignorent la politique de régulation de loffre dans la production de tabac aux États-Unis, les flux commerciaux dans les deux sens et les liaisons en aval entre la tabac et la production de cigarettes (Beghin et Chang, 1992). Il faudrait des études quantitatives qui évaluent limpact de la libéralisation du commerce sur la production, la consommation et les échanges mondiaux de tabac.
Les décisions du Conseil du GATT dans le différend entre les États-Unis et la Thaïlande sur le commerce des cigarettes a présenté un autre exemple de conflit entre les politiques sanitaires et commerciales dans le contexte international. Pour protéger sa position de monopole, le gouvernement thaïlandais a pratiquement interdit les importations de tabac. En outre, le monopole dÉtat a entièrement arrêté ses propres initiatives de publicité et de promotion en faveur de la cigarette depuis 1989. En réponse à une pétition de la United States Export Association, le représentant commercial des États-Unis a porté plainte au GATT concernant linterdiction dimporter des cigarettes en provenance de son pays. Le Conseil du GATT est convenu quune interdiction frappant les importations était une violation de laccord de commerce international. Cependant, il a confirmé le droit du Gouvernement de la Thaïlande de limiter lapprovisionnement général en cigarettes par le biais dune série de mesures, y compris des taxes élevées sur les cigarettes et linterdiction den faire la publicité. Le Conseil du GATT a noté que les pays membres pouvaient utiliser diverses politiques pour protéger la santé de leurs citoyens à condition quelles sappliquent uniformément aux produits étrangers et nationaux. En outre, il a conclu que les politiques comme linterdiction de faire de la publicité, qui empêchait les nouvelles sociétés étrangères de concurrencer celles existantes, étaient justifiées au titre du GATT, étant donné que la publicité pouvait accroître la demande de cigarettes, notamment parmi les jeunes (Chaloupka et Laixuthai, 1996).
La modélisation de la demande de cigarettes a longtemps intéressé les économistes. Nombre dentre eux considéraient autrefois le fait de fumer et dautres formes de comportements dictés par la dépendance comme irrationnels et ne convenant donc pas à lanalyse économique conventionnelle (Winston, 1980; Schelling, 1984). Daprès eux, la demande de cigarettes ne suit pas la loi fondamentale de léconomie, y compris la courbe descendante de la demande. Cependant, ce point de vue a changé depuis quun grand nombre de chercheurs économiques ont démontré que la demande de cigarettes répond clairement à lévolution des prix et à dautres facteurs. Cette demande a été étudiée de manière approfondie depuis 1985.
Les études sur la demande de cigarettes ont appliqué plusieurs catégories de modèles économiques à différents types de données à laide de diverses techniques destimation. Dune manière générale, deux catégories de modèles économiques sont utilisés: le modèle conventionnel de la demande et le modèle de la demande dictée par la dépendance. Ces modèles ont été appliqués à deux types de données: des données cumulées comprenant, dune part, des données tirées de séries chronologiques pour une seule unité géographique et des données transversales groupées provenant de séries chronologiques et, dautre part, des données individuelles tirées denquêtes.
Les modèles conventionnels de la demande qui utilisent des données cumulées présentent normalement léquation de la demande de manière que la quantité de cigarettes demandées est fonction de leurs prix, du revenu, des politiques antitabac et dune variété de facteurs socioéconomiques et démographiques (Bishop et Yoo, 1985; Baltagi et Levit, 1986; Chaloupka et Saffer, 1992; Flewelling et al., 1992; Seldon et Doroodian, 1989; Seldon et Boyd, 1991; Showalter, 1991; Simonich, 1991; Tegene, 1991; Sung et al., 1994; Hu et al., 1994, 1995; Barnett et al., 1995; Tremblay et Tremblay, 1995; Yurekli et Zhang, 2000). Mais il y a deux exceptions (Baltagi et Goel, 1987; Peterson et al., 1992) où une approche quasi-expérimentale a été utilisée pour comparer les changements dans la consommation de cigarettes dans certains États des États-Unis, qui avaient augmenté les taxes sur les cigarettes, avec la consommation dans dautres pays où les taxes étaient restées inchangées. Un nombre limité mais croissant détudes ont utilisé des données individuelles tirées denquêtes dune grande envergure (Lewit et al., 1981; Lewit et Coate, 1982; Grossman et al., 1983; Jones, 1989; Wasserman et al., 1991; Blaylock et Blisard, 1992; Yen et Jones, 1996; Chaloupka et Grossman, 1996; Chaloupka et Wechsler, 1997; Chaloupka et Pacula, 1998a, 1998b; Farrelly et al., 1998). Ces études diffèrent de celles utilisant des données cumulées dans le mesure où elles estiment normalement un modèle à deux volets, en évaluant dune part la probabilité quun individu fumera et, de lautre, le niveau de consommation parmi les fumeurs. Le modèle conventionnel de la demande ne tient pas compte de la dépendance que crée lusage du tabac.
Il existe plusieurs versions du modèle de dépendance qui ont été utilisées pour étudier la demande de cigarettes: le modèle de dépendance imparfaitement rationnel, le modèle de dépendance myope et le modèle de dépendance rationnel (Chaloupka et Warner, 1999). Le modèle de dépendance imparfaitement rationnel suppose que les consommateurs ont des préférences à brève et longue échéance stables mais illogiques. Un individu choisit une plan de consommation futur qui maximise son utilité actuelle, mais au fil du temps il modifie ce plan (Schelling, 1978). Toutefois, ce modèle na pas été appliqué empiriquement à lusage de la cigarette. Lesprit du modèle de dépendance myope est semblable à celui des modèles de création dhabitudes ou de demande irréversible. Lapplication empirique du modèle suppose que la consommation actuelle de cigarettes dépend, outre les facteurs compris dans le modèle conventionnel de la demande, dun «stock dhabitudes» représentant la somme dépréciée de toute la consommation passée (Mullahy, 1985; Baltagi et Levin, 1986). Le modèle de dépendance rationnel est le modèle le plus récent employé pour modéliser la demande de cigarettes (Becker et Murphy, 1988; Becker et al., 1991; Pekurinen, 1991; Chaloupka, 1990, 1991, 1992; Keeler et al., 1993, Sung et al., 1994; Conniffe, 1995; Duffy, 1996; Cameron, 1997; Bardsley et Olekalns, 1998). La rationalité dans ce cas veut simplement indiquer que les individus incorporent linterdépendance de la consommation passée, actuelle et future dans leurs processus de maximisation de lutilité. Cette hypothèse est contraire à celle - implicite dans les modèles de dépendance myope -selon laquelle les conséquences futures sont ignorées au moment de prendre la décision actuelle. Autrement dit, les comportements myopes supposent une actualisation infinie de lavenir, alors que les comportements rationnels laissent entendre que les conséquences futures sont prises en compte. Dune manière empirique, dans léquation de la demande, la quantité de cigarettes demandées aujourdhui est fonction de la consommation passée et future, ainsi que des autres facteurs compris dans le modèle conventionnel de la demande.
Becker et Murphy (1988) et Becker et al. (1991) ont formulé plusieurs hypothèses à partir du modèle de dépendance rationnel de base. Dabord, les quantités dun produit qui crée une dépendance consommées en différents moments sont complémentaires. De ce fait, la consommation actuelle dun produit qui crée une dépendance est inversement proportionnelle non seulement aux prix actuels du produit, mais aussi à tous les prix passés et futurs. Cest pourquoi leffet à long terme dun changement permanent dans les prix dépassera leffet à court terme. En outre, le rapport entre leffet-prix à long et court terme augmente à mesure que saccroît que le niveau de dépendance. De plus, le modèle prédit que limpact dun changement prévu des prix sera supérieur à celui dun changement non prévu comparable, alors quun changement permanent des prix aura sur la demande un impact plus fort quun changement temporaire. Enfin, la sensibilité-prix varie avec la préférence au fil du temps: les habitués ayant des taux dactualisation plus élevés seront plus sensibles aux changements de prix que ceux ayant des taux dactualisation inférieurs.
Les données provenant de différents pays, y compris les États-Unis (Becker et al., 1991; Chaloupka, 1990, 1991, 1992, Keeler et al., 1993, et Sung et al., 1994), la Finlande (Pekurinen, 1991), lAustralie (Bardsley et Olekalns, 1998), le Royaume-Uni (Duffy, 1996), la Grèce (Cameron, 1997) et lIrlande (Conniffe, 1995) ont permis de tester ces hypothèses tirées du modèle de dépendance rationnel. Les résultats de ces études varient. Celles utilisant des données provenant des États-Unis, de la Finlande et de lAustralie appuient, en général, lhypothèse tirée du modèle de dépendance rationnel, mais les études utilisant les données du Royaume-Uni, de la Grèce et de lIrlande nont guère soutenu ce modèle. Cependant ces dernières études sont généralement limitées par le nombre exigu dobservations disponibles pour lanalyse et par lemploi de plusieurs variables indépendantes fortement corrigées.
Certaines variables spécifiques comprises dans le modèle de la demande de chacune de ces études varient en fonction du modèle économique utilisé et de la disponibilité et du type de données. Parmi les importants facteurs évalués figurent les coûts de la consommation de cigarettes, le revenu du fumeur, la publicité et dautres activités de promotion, ainsi que des informations concernant la santé. Le coût de la consommation de cigarettes devrait comprendre non seulement le prix dachat des cigarettes mais aussi le temps et les autres coûts associés à leur consommation. Les restrictions frappant lusage du tabac dans les lieux publics et les emplacements de travail privés, par exemple, imposent des coûts additionnels aux fumeurs en les obligeant à fumer en plein air, accroissant par là le temps perdu et le malaise subi du fait de leur habitude, ou en imposant des amendes à ceux qui fument dans des lieux restreints. De même, les restrictions sur lusage du tabac par les jeunes pourraient accroître le temps et les coûts légaux potentiels associés à sa consommation. Les conclusions sur la manière dont chaque facteur influence la demande de cigarettes tirées de ces études sont résumées ci-dessous.
Il a été observé que la consommation de cigarettes est négativement liée au prix. Les élasticités-prix estimées à partir des études qui utilisent des données cumulées varient entre -0,14 et -1,23, mais la plupart sont contenues dans la gamme plus étroite allant de -0,3 et -0,5, y compris celles des deux études quasi-expérimentales (Baltagi et Goel, 1987; Peterson et al., 1992). Les élasticités-prix estimées à partir des études qui utilisent des données individuelles sont, normalement, comparables aux estimations des études utilisant des données cumulées.
Presque toutes les études concernant le rapport entre le prix et la demande portent sur les pays développés. Warner (1990) soutient que la sensibilité-prix dans les pays moins développés pourrait être plus forte que dans les pays plus développés, étant donné les revenus relativement faibles et la consommation relativement inférieure de cigarettes par les fumeurs des pays pauvres. Quelques études ont évalué le rapport entre les prix et la consommation de cigarettes dans les pays en développement. Les conclusions de ces études qui utilisent des données provenant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (Chapman et Richardson, 1990), de Chine (Mao, 1996; Xu, Hu et Keeler, 1998), dAfrique du Sud (van der Merwe, 1998), du Zimbabwe (Maranvanyika, 1998), et de Taiwan., province de Chine (Hsieh et Hu, 1997) confortent cette hypothèse.
La possibilité dune sensibilité-prix plus forte chez les jeunes que chez les adultes a été examinée dans un certain nombre détudes en utilisant des données individuelles (Lewit, et al., 1981; Lewit et Coate, 1982; Grossman et al., 1983; Wasserman et al., 1991; Chaloupka et Grossman, 1996; Farrelly, et al., 1998, et Tauras et Chaloupka, 1998). Les conclusions de ces études varient. Les premières études sur ce thème (Lewit, et al., 1981; Lewit et Coate, 1982; et Grossman et al., 1983) suggèrent que les jeunes sont plus sensibles aux prix que les adultes. Cependant, ce résultat a été contredit par une autre étude réalisée par Wasserman et al. (1991), qui a observé que la sensibilité-prix des jeunes ne sécartait guère de celle des adultes. Des études plus récentes sur la consommation de cigarettes par les jeunes et les adultes jeunes (Chaloupka et Grossman, 1996; Farrelly et al., 1998; Tauras et Chaloupka, 1998) confirment en général les premiers résultats, à savoir que la sensibilité-prix de la demande de cigarettes était inversement proportionnelle à lâge. Ces études récentes estimaient que lélasticité-prix de la demande de cigarettes par les jeunes était comprise entre -1,1 et 1,3, et donc très proche de -1,44, chiffre estimé par Lewit et al. en1981.
La sensibilité-prix de groupes de sous-population par niveau de revenu a été analysée par un certain nombre de chercheurs (Townsend, 1987; Chaloupka, 1991; Townsend et al., 1994; Farrelly et al., 1998). Les résultats de ces études montrent que la demande de cigarettes est moins élastique quant aux prix pour des individus plus instruits ou à revenu plus élevé. Farrelly et al. ont donc estimé que des individus dont le revenu familial était inférieur à la moyenne de léchantillon (70 pour cent) étaient plus sensibles aux prix que ceux dont le revenu familial était plus élevé.
Les résultats de lenquête sur la manière dont la demande de cigarettes change à mesure que saccroît le revenu des consommateurs navaient guère de cohérence. Le coefficient estimé de la variable du revenu dans la plupart des études sur la demande de cigarettes est significatif et positif, et laisse entendre que les cigarettes sont des produits «normaux» et quun revenu croissant aurait un effet positif sur leur demande. Cependant, un certain nombre détudes (Wasserman et al., 1991, Keeler et al., 1993, Yurekli et Zhang, 2000, par exemple), notamment celles utilisant des données transversales tirées denquêtes, ont aussi conclu que leffet du revenu sur la demande de cigarettes était soit insignifiant soit négatif. Une méta-analyse réalisée par Andrews et Franke (1991), qui ont utilisé les résultats de 48 études, a estimé que lélasticité-revenu moyenne pondérée est de 0,36, chiffre qui est beaucoup supérieur à zéro. Ils ont aussi observé que lélasticité-revenu pour les cigarettes diminuait au fil du temps.
À mesure que les informations sur les conséquences pour la santé de lexposition à la fumée de tabac présente dans lenvironnement se sont répandues, les gouvernements de nombreux pays ont adopté des mesures visant à limiter lusage du tabac dans les lieux publics et les emplacements de travail privés. Une enquête menée par lOrganisation mondiale de la santé (1997) sur les politiques de lutte antitabac dans 134 pays a montré que la grande majorité des pays appliquaient des restrictions sur la consommation de tabac dans les lieux publics. Bien que ces restrictions visent en premier lieu à réduire lexposition des non-fumeurs à la fumée présente dans lenvironnement, elles peuvent aussi influencer les fumeurs car elles réduisent les occasions de fumer ou haussent le «coût» du tabagisme. Les restrictions peuvent aussi changer les attitudes concernant lacceptabilité sociale de cette habitude.
Limpact que les restrictions antitabac ont sur la demande de cigarettes a été évalué dans un certain nombre détudes (Wasserman et al., 1991; Chaloupka, 1992; Chaloupka et Saffer, 1992; Keeler et al., 1993; Chaloupka et Grossman, 1996; Evans et al., 1996; Chaloupka et Wechsler, 1997; Chaloupka et Pacula, 1998; Bardsley et Olekalns, 1998; Yurekli et Zhang, 2000). Dune manière générale, il a été observé que les mesures antitabac réduisent tant la prédominance de la consommation de tabac que la consommation journalière moyenne de cigarettes parmi les fumeurs. Yurekli et Zhang (2000) ont estimé, par exemple, que les restrictions ont réduit la consommation de cigarettes par habitant de 4,5 pour cent aux États-Unis en 1995.
Un grand nombre détudes ont été menées pour évaluer la demande de cigarettes dans de nombreux pays. Les élasticités-prix estimées de la demande de cigarettes tirées de ces études varient. Mais la plupart des estimations tendent à être inférieures à un, cest-à-dire que la demande de cigarettes est inélastique quant aux prix. Une méta-analyse des facteurs déterminants de la consommation de cigarettes, qui a examiné les résultats de 48 études, a donné une élasticité-prix moyenne pondérée de la demande de cigarettes de -0,4 (Andrews et Franke, 1991). Lélasticité-prix à court terme recommandée par un groupe dexperts de lanalyse des politiques est de -0,4 (National Cancer Institute, 1993). Lélasticité à long terme est environ 1,5 fois lélasticité-prix à court terme. Les jeunes et les pauvres tendent à être plus sensibles aux changements de prix des cigarettes. Le revenu est normalement lié positivement à la demande de cigarettes. Lélasticité-revenu estimée est de 0,36, mais diminue au fil du temps. Les restrictions sur lusage de la cigarette dans les lieux publics et les emplacements de travail privés ont sensiblement réduit la demande de cigarettes.
Des études réalisées sur la demande de cigarettes ont appliqué différents modèles économiques à deux types de données, les données cumulées et les données individuelles. Lanalyse de chacun de ces deux types de données présente des avantages et des désavantages. Les données cumulées sont soit des données de séries chronologiques soit des données transversales groupées et tirées de séries chronologiques. La forte corrélation entre un grand nombre des variables indépendantes clés et les prix peut représenter un problème lorsque lon utilise les données de séries chronologiques. De ce fait, les estimations de limpact que les prix et dautres facteurs peuvent avoir sur la demande pourraient être sensibles à linclusion et lexclusion des autres variables. Le problème que pose les données groupées concerne la mesure de la consommation de cigarettes. A laide de ces données, lusage du tabac est normalement mesuré par les ventes annuelles de cigarettes libérées dimpôts. Tant les achats transfrontières entre États voisins que la contrebande à grande distance entre États à faible et haut niveaux de taxation peuvent être déterminés par les différences entre les taxes frappant les cigarettes. Si lon ne tient pas compte de ces facteurs on obtiendra des surestimations de limpact du prix sur la demande de cigarettes. Enfin, avec les données cumulées, la demande et loffre de cigarettes doivent être modélisées simultanément, étant donné que le prix, la vente et la consommation de cigarettes sont déterminés en même temps. En revanche, lemploi de données individuelles peut atténuer certains des problèmes associés aux données cumulées, comme des distorsions simultanées résultant du prix et de la consommation, et la multicollinéarité entre les prix des cigarettes et dautres facteurs influençant la demande. En outre, les données individuelles permettent aux chercheurs détudier la sensibilité-prix de différents groupes de sous-population comme ceux fondés sur le revenu, linstruction et lâge. Le problème que posent les données individuelles concerne lexactitude avec laquelle la consommation de cigarettes est mesurée. La consommation autosignalée est normalement sous-estimée.
Lemploi dun modèle de dépendance rationnel pour la modélisation de la demande de cigarettes a prêté à controverse. Les détracteurs du modèle soutiennent quil est improbable quune personne se mette, à un moment donné, à étudier son revenu futur, les technologies de production, la fonction investissement/dépendance et les préférences des consommateurs pendant toute la durée de sa vie, ainsi quà maximiser la valeur actualisée de son utilité attendue, avant de décider de devenir un alcoolique. Les travaux empiriques réalisés pour tester les comportements de dépendance rationnelle ont aussi donné des résultats variables.
Malgré le grand nombre détudes existant sur la demande de cigarettes, quelques-unes seulement ont été réalisées pour les pays en développement, en dépit de la consommation croissante de cigarettes.