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FINANCEMENT DU PROGRAMME


104. Le coût supplémentaire total de tous les besoins en investissements publics indiqués dans ce programme sera de l’ordre de 24 milliards de dollars EU (prix de 2002). Sur ce montant, environ 5 milliards de dollars EU seront utilisés pour combattre la faim, par des transferts directs aux personnes sous-alimentées. Il faudra aussi 19 milliards de dollars EU pour lutter contre la sous-alimentation et la pauvreté rurale, en renforçant la croissance et la productivité de l’agriculture dans les zones rurales. Les sources de financement possibles pour cette dernière composante son examinées ci-dessous.

105. Durant l’année 1999, les flux totaux d’aide publique au développement (APD) (dons bilatéraux et multilatéraux et flux d’aide publique à des conditions préférentielles) en faveur du développement agricole et rural dans les pays en développement et en transition se sont élevés à environ 8,1 milliards de dollars EU4, alors que les flux d’aide publique aux conditions du marché étaient de l’ordre de 3 milliards de dollars EU. En termes réels, on a assisté à une baisse d’environ 31 pour cent entre 1990 et 1999 de l’aide à des conditions de faveur au secteur agricole dans son sens large et de 48 pour cent au secteur agricole dans son sens étroit (voir figure 2). Malheureusement, cette tendance à la baisse n’a pas été compensée par un accroissement des prêts à l’agriculture par les institutions financières internationales (IFI)5. La part de l’agriculture dans la totalité des prêts - à des conditions de faveur ou aux conditions du marché - par les IFI a baissé de plus de la moitié sur cette période, passant d’environ 20 pour cent de la totalité des prêts en 1990 à environ 9 pour cent en 1999. En termes réels, le volume total des prêts à l’agriculture a baissé de 40 pour cent.

Figure 3
Sources de financement possible

Note: tous les chiffres sont en exprimés en dollars EU de 1999.

La figure représente l’une des options possibles pour le partage du coût des investissements proposés ici.

  • Environ 13 pour cent des dépenses totales pour le développement agricole et rural proviennent de prêts aux conditions du marché. Le restant est couvert à peu près à parts égales par les budgets nationaux et l’APD.

  • Environ 90 pour cent des dépenses pour la promotion d’un accès direct à la nourriture proviennent de l’APD, le solde étant couvert par les budgets nationaux.

Tableau 2
Sources possibles de financement pour le Programme

Domaine d’action prioritaire

Besoins
supplémentaires
totaux par an
(milliards $EU)

Aide publique
au développement
supplémentaire
(milliards $EU)

Aide supplémentaire
aux conditions
du marché
(milliards $EU)

Supplément
à financer
par les pays
bénéficiaires
(milliards $EU)

Amélioration de la productivité agricole dans les communautés rurales pauvres

2,3

1,0

0,3

1,0

Mise en valeur et conservation des ressources naturelles

7,4

3,2

1,0

3,2

Création d’infrastructures rurales et élargissement de l’accès au marché

7,8

3,3

1,2

3,3

Renforcement des capacités de production de connaissances

1,1

0,6

0,0

0,5

Total développement agricole et rural

18,6

8,1*

2,5

8,0

Accès des plus démunis à la nourriture

5,2

4,7

0,0

0,5

Total

23,8

12,8

2,5

8,5

* Dont prêts à des conditions de faveur = 2,8 milliards de dollars EU, dons multilatéraux = 2 milliards de dollars EU et dons bilatéraux = 3,3 milliards de dollars EU.

Source: Calculs FAO.

106. Le problème de la baisse des flux de ressources publics au développement agricole et rural est aggravé par le fait que la répartition régionale des flux de ressources n’est pas conforme à la répartition de la faim dans le monde. Dans le cadre du Programme de lutte contre la faim qui est proposé ici, on suggère qu’une réorientation des flux de ressources additionnels soit effectuée au profit des régions où l’incidence de la sous-alimentation est élevée.

107. Les contributions relatives de l’APD, de l’aide aux conditions du marché et des dépenses nationales au coût total de ce programme sont indiquées ci-après (figure 3), avec une ventilation plus détaillée au tableau 2. Les ressources totales requises pour la composante développement agricole et rural du Programme s’élèvent à 18,6 milliards de dollars EU. Sur ce montant, on prévoit qu’environ 2,5 milliards de dollars EU seront financés par des flux d’aide aux conditions du marché. Cela est considéré comme étant essentiel pour inciter le secteur privé à prêter des fonds. Les 16 milliards restants seront financés à la fois par des flux externes d’APD à des conditions de faveur et par des ressources intérieures. On prévoit que la composante d’accès direct à la nourriture sera financée par une APD.

108. La répartition variera suivant les postes d’investissement et les pays. Historiquement, le financement des programmes de développement agricole et rural a été réparti grosso modo à raison de 65:35, entre les sources intérieures et extérieures. Compte tenu des demandes concurrentielles auxquelles doivent faire face les budgets des pays en développement pour atteindre les Objectifs de développement pour le Millénaire, et des efforts déployés durant la conférence de Monterrey pour accroître l’aide au développement, il semble raisonnable de se baser sur une répartition de 50:50 entre l’APD et les ressources mobilisées dans les pays, pour les ressources additionnelles nécessaires au titre du Programme de lutte contre la faim. Il sera toujours possible, le cas échéant, de baisser la contribution financée par des sources intérieures, pour les pays qui ont une forte proportion de la population qui souffre de la faim. Si ce principe général était appliqué, cela se traduirait, en moyenne, par des parts d’APD plus élevées pour les régions où l’incidence de la faim est élevée, comme l’Afrique subsaharienne (pour laquelle on propose un rapport de 60:40 entre l’APD et les ressources intérieures) et plus faibles dans les régions où la sous-alimentation est moins répandue, comme les pays en transition (25:75).

Figure 4
Part de l’agriculture dans les dépenses publiques, et part de l’agriculture dans le PIB: pays regroupés en fonction de la prévalence de la sous-alimentation

Ce graphique met en corrélation la part des dépenses publiques consacrées à l’agriculture dans les dépenses totales, et la part de l’agriculture dans le PIB total. On voit ainsi dans quelle mesure la part de l’agriculture dans les dépenses totales reflète l’importance de l’agriculture dans l’ensemble de l’économie. Les pays ont été regroupés en fonction de la prévalence de la faim. La Catégorie 1 comprend les pays où la proportion de personnes sous-alimentées dans la population totale est inférieure à 2,5 pour cent, etc. Faute de données, les pays où la proportion de personnes sous-alimentées est comprise entre 2,5 et 5 pour cent de la population n’ont pas été inclus. La figure montre que dans les pays qui ont le mieux lutté contre la faim, le poids de l’agriculture est mieux reflété dans les dépenses nationales que dans les pays qui ont obtenu de moins bons résultats, même si dans ce dernier groupe de pays, l’agriculture est la clef de voûte de l’économie. L’abandon relatif de l’agriculture au profit de l’industrialisation a empêché de nombreux pays de réaliser leur potentiel de croissance et de lutte contre la faim.

109. Si les fonds sont accordés, la répartition moyenne proposée de 50:50 se traduira par un doublement de l’APD (flux à des conditions de faveur) en faveur du développement agricole et rural, qui passerait de 8 milliards de dollars EU en 1999 à 16 milliards de dollars EU par an. Mesuré par rapport au PIB agricole total des pays en développement, un doublement de l’APD porterait sa part à un niveau plus proche (quoique légèrement inférieur) de celle de 1988. Ainsi, même si l’APD en faveur du développement agricole et rural double, le déclin continu enregistré depuis le pic de 1988 sera tout juste compensé. Il semble y avoir un consensus croissant en faveur d’un tel doublement comme le montre par exemple la déclaration finale du Débat de haut niveau 2003 du Conseil économique et social des Nations Unies. Cette déclaration souligne la nécessité d’une approche intégrée du développement rural puis, rappelant les promesses faites à Monterrey d’augmenter sensiblement l’APD, invite aujourd’hui à prendre des mesures immédiates en vue de multiplier au moins par deux, par rapport aux niveaux actuels, l’APD en faveur de l’agriculture et du développement rural.

Encadré 2
Concilier l’aide et le commerce

Les pays développés poursuivent leur politique de subvention massive de l’agriculture; en revanche, l’aide publique au développement (APD) consacrée à l’agriculture et au développement rural dans les pays en développement n’a cessé de diminuer. En valeur réelle, elle a reculé de 31 pour cent au moins au cours des années 90, tombant à des niveaux aussi faibles que 6 dollars EU par travailleur agricole. Le manque de ressources pour le développement agricole et rural freine les efforts des pays en développement pour accroître la productivité et la compétitivité de leur agriculture et de leur agroindustrie. Nulle part cela n’est aussi évident que dans le domaine de l’infrastructure rurale - on note en particulier l’absence de routes rurales, de programmes de recherche et de vulgarisation, de moyens d’irrigation, mais aussi d’installations portuaires, de secteur énergétique et de télécommunications.

Quant à eux, les pays en développement n’ont souvent ni les moyens financiers, ni les moyens humains nécessaires pour appliquer les politiques et les réformes institutionnelles qui leur permettraient de tirer parti des possibilités commerciales découlant de l’Accord sur l’agriculture (AA) de l’OMC. D’importants investissements sont aussi nécessaires pour renforcer les capacités de mise en œuvre des accords relatifs aux mesures sanitaires et phytosanitaires (MSP), aux obstacles techniques au commerce (OTC) et aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Les capitaux nécessaires avoisinent le budget de développement annuel de nombre de pays parmi les moins avancés.

L’aide ne peut se substituer à l’élimination des obstacles au commerce, mais elle reste essentielle pour lutter contre la faim et la pauvreté dans beaucoup de pays très pauvres. Un flux accru d’APD vers les zones prioritaires au titre du Programme de lutte contre la faim permettrait notamment de renforcer la compétitivité du secteur agricole et rural dans les pays en développement, sur les marchés intérieurs et extérieurs. En appliquant le principe d’une «aide destinée à renforcer les échanges», on permettrait aux pays en développement de profiter des avantages de la libéralisation des échanges.

110. Pour les budgets nationaux des pays en développement, les dépenses totales consacrées à l’agriculture augmenteront en moyenne de 20 pour cent, par rapport aux années récentes. La figure 4 met en évidence l’impact de ce genre de dépense. Elle montre que les pays ayant alloué davantage de ressources publiques à l’agriculture avaient une incidence de la faim moins élevée.

Figure 5
Niveau des dépenses effectives et proposées pour l’agriculture et le développement rural par source de financement

APD en faveur de l’agriculture et du développement rural: Le niveau actuel, 8 milliards de dollars EU en 1999, s’applique à l’agriculture et au développement rural au sens large.

Budgets nationaux: Etant donné que seul un nombre limité de pays communique des données sur les dépenses de l’Etat consacrées à l’agriculture, le chiffre correspondant pour tous les pays en développement a dû être estimé. Par conséquent, la part moyenne des dépenses en faveur de l’agriculture des pays ayant communiqué des données a été multipliée par les données de 1998 sur «les dépenses de consommation finale des administrations publiques» pour tous les pays en développement en dollars EU courants. Les sources des données étaient: La Banque mondiale. Indicateurs du développement dans le monde 2001; et Statistiques financières publiques du FMI.

Prêts non assortis de conditions de faveur: La source du chiffre des prêts actuels non assortis de conditions de faveur est calculée par la FAO à partir de données de l’OCDE/CAD et des institutions financières internationales.

111. Diverses options sont possibles pour mobiliser les ressources extérieures supplémentaires nécessaires pour financer le Programme de lutte contre la faim. De nouvelles formes de financement devraient aussi être envisagées. Deux possibilités sont examinées ci-après.

112. Avec la libéralisation du commerce des produits agricoles, les pays développés réaliseront des économies importantes grâce à la réduction du soutien à leurs secteurs agricoles. Une partie des ressources économisées pourraient être canalisées sous forme d’une aide au développement, pour promouvoir le développement agricole et rural dans les pays en développement. L’encadré 2 passe en revue certaines de ces questions.

113. La figure 5 compare les investissements supplémentaires proposés dans l’agriculture et le développement rural avec les flux récents de crédits budgétaires nationaux, l’aide internationale à des conditions de faveur et les prêts non assortis de conditions de faveur à l’agriculture et au développement rural. Il est souligné que la proposition de partage des coûts avancée dans le Programme de lutte contre la faim est l’une des nombreuses options envisageables pour répartir les coûts entre les diverses sources de financement.


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