0478-B5

Promotion des agroforêts cacao en Afrique de l'Ouest et Centrale (AOC)

Sonwa Denis J. 1,2, Weise Stephan F. 1, Ndoye Ousseynou 3 & Janssens Marc J.J. 2


Résumé

En Afrique de l'Ouest, les cacaoyères sont installées après abattage de la forêt alors qu'en Afrique Centrale (Cameroun) le cacaoyer se gère sous ombrage, après aménagement du couvert forestier. Cette pratique résulte du passage de la cacao-culture des entreprises «modernes» aux mains de petits paysans dans les années 1920. Au fil des ans, ces paysans ont fait un savant dosage des connaissances de gestion de la forêt dans laquelle ils vivent depuis des siècles avec des pratiques agricoles de la cacao-culture introduite au Cameroun en 1886. Cette harmonisation leur permet aujourd'hui de tirer de ces agroforêts des produits alimentaires, des plantes médicinales, des plantes pour la fabrication d'objets d'art et des revenus, ce qui n'est pas le cas en Afrique de l'Ouest. En plus, ces agroforêts permettent d'atteindre les exigences internationales en matière environnementale, faisant d'elles des modèles dans la promotion des systèmes agroforestiers à base de culture pérenne en Afrique Centrale et de l'Ouest. L'étude présente l'importance des agroforêts cacao dans le contexte forestier et la synergie qui s'est faite autour du partenariat secteur privé et public pour la promotion des systèmes agroforestiers durables à base de cacaoyers en Afrique Centrale et de l'Ouest.


Introduction.

Introduite en Afrique de l'Ouest et Centrale depuis plus d'un siècle, la culture du cacao occupe des terres importantes issues des forêts. Dans les principaux pays producteurs de la sous région (Côte d'Ivoire, Ghana, Nigeria et Cameroun) la superficie cacaoyère est passée d'environ 3 à 5 millions d'Ha de1961 à l'an 2000 (tableau1). Si en Afrique de l'Ouest, les cacaoyères sont installées après abattage de la forêt, en Afrique Centrale elles se gèrent en harmonie avec les arbres par aménagement du couvert forestier pour procurer de l'ombre aux cacaoyers. Cette multitude de composantes (Cacaoyers et plantes compagnes) confère à ces systèmes une certaine flexibilité de gestion et d'amortissement des chocs. C'est ainsi que face aux mutations socio-économiques (baisse des prix, dévaluation du Franc CFA, libéralisation du secteur agricole) les cacaoculteurs vont s'appuyer sur les arbres compagnons du cacaoyer en les intensifiant/diversifiant dans les plantations. A la faveur de la volonté internationale de conservation des ressources forestières in et ex situ et de lutte contre la pauvreté, le mode de gestion sous ombrage de l'Afrique Centrale est aujourd'hui perçu comme durable (Leakey 2001, Sonwa et al. 2000&2001). L'étude présente l'importance des agroforêts cacao dans la zone forestière Camerounaise et la synergie qui s'est faite autour du partenariat secteur privé et public pour la promotion des systèmes agroforestiers durables à base de cacaoyers en Afrique Occidentale et Centrale.

Menaces sur les forêts et importance de la foresterie en Afrique Occidentale et Centrale.

Les forêts, dans les quatre principaux pays producteurs de cacao de la région, couvrent le 1/4 du territoire (Tableau 2) et jouent un rôle important. Dans la zone forestière du Nigeria, 171 espèces de valeur économique ont été recensées par Okafor (1980). Parmi les nigérians 90% des ruraux et 40% des citadins dépendent partiellement/totalement de la médecine traditionnelle (Osemebo 1993). Au marché de Kumassi, qui est le plus grand du Ghana, 700 personnes sont impliquées à temps plein dans la commercialisation des Produits Forestiers Non-ligneux (PFNL) (FAO 2001a). Dans la zone forestière de la Côte d'Ivoire, Garcinia afzelli, Garcinia lucida, Allanblackia floribunda, Voacanga africana et Grifonia spimplicifolia sont reconnues comme plantes médicinales importantes (FAO 2001b).

La destruction du couvert forestier est plus importante en Afrique Occidentale (tableau 2). Les boisements pouvant contribuer au frein de cette déforestation ne permettent pas toujours de combler tous les services offerts par les forêts naturelles. C'est ainsi que 94% des ghanéens vivant autour de la zone du projet "Subri Development Project" centré sur la plantation de Gmelina arborea (destiné à la production du bois de chauffe et de la pâte à papier) se plaignent de ce que ce projet a réduit les services que leur offraient les forêts (FAO, 1990). De plus, les projets de foresterie concernent très-peu/presque pas les plantations de cultures pérennes, qui pourtant sont installées sur des terres précédemment forestières. Les initiatives comme celle de promotion de cacaoculture durable de la GTZ et de la chocolaterie MARS autour du parc National de Tai (Côte d'Ivoire) (Koehler 2001) méritent donc encouragements.

Les agroforêts traditionnelles à base de cacao du Sud-Cameroun

La culture du cacao est depuis 1920 presque entièrement pratiquée par les petits paysans sur des parcelles de petites dimensions (Gokowski et Dury 1999) à l'ombre de la forêt. Pendant les défriches qui précèdent l'installation certains arbres sont régulièrement laissés en raison de leur capacité à produire de l'ombre. Pendant le développement de la cacaoyère, certains plantes sont alors laissées/introduites dans le système. Trente-huit et 47% des cacaoculteurs plantant D. edulis le font par exemple avec respectivement quatre non fruitiers et quatre fruitiers (Sonwa et al. 2002). En plus de l'ombrage ces arbres procurent des services et des revenus (encadré 1 et 2). Les paysans gèrent dans les agroforêts-cacao des PFNL comme Dacryodes edulis, Irvingia gabonensis et Elaeis guinensis; des bois d'œuvre de haute valeur comme Terminalia superba et Chlorophora excelsa; des fruitiers exotiques comme Persea americana, Mangifera indica, Citrus spp et des plantes médicinales comme Alstonia boonei. Tous ces arbres jouent un rôle essentiel dans le quotidien des paysans. Ceci contraste avec la volonté ultérieure d'association de Terminalia sp. aux cacaoyers étudiés précédemment en Côte d'Ivoire, Togo, Cameroun et RDC en milieu expérimental mais non adoptée par les cacaoculteurs (PetitHuguenin 1995). Des quinze premières espèces que les paysans des zones forestières humides de l'Afrique de l'Ouest et Centrale souhaitent voir améliorées(Franzel et al. 1996), onze sont consommées (Tableau3), soulignant l'importance de cette catégorie de plantes dans le quotidien des populations.

La structure complexe des agroforêt-cacaos, similaire à celle des forêts qu'elles ont remplacées permet une conservation de la biodiversite forestière(Sonwa et al. 2000). Elle présente des similarités avec les agroforêts indonésiennes perçues comme modèles qui doivent être reproduites ailleurs sous les tropiques en tenant compte des réalités locales (Leakey 2001). Ces agroforêts indonésiennes abritent 50% des plantes (30% des arbres, 50% des arbustes et épiphytes, 50 à 95% de lianes et 100% des plantes de sous bois), 60% des oiseaux et 100% de la mésofaune de forêt (ICRAF et al. 1997). Les cacaoyères peuvent aussi jouer un rôle important dans le piégeage du carbone (Encadré 3).

Synergie autour du partenariat secteur public et privé dans la promotion des agroforets à base de culture pérenne en Afrique Occidentale et Centrale

A fin de promouvoir les pratiques agroforestieres à base de culture pérenne, un nouveau programme dénommé STCP «Sustainable Tree Crop Programm» a été lancé en Afrique Occidentale et Centrale. Basé à l'IITA et financé par l'USAID et les compagnies de chocolat d'Amérique et d'Europe, il vise de manière participative la lutte contre la pauvreté en milieu rural par la promotion d'une utilisation durable des ressources forestières dans les cacaoyères (FAO 2002). Ce programme inaugure ainsi une coopération entre les industries de chocolat, les Systèmes Nationaux de Recherche Agronomique, les bailleurs de fond bilatéraux et multilatéraux, les centres de recherche internationaux et les Organisations Non gouvernementales dans la région. Il traduit aussi le partenariat secteur privé et public dans lequel les industriels peuvent jouer un rôle important d'appui aux actions de recherche et de développement.

Conclusion.

En Afrique Occidentale les écosystèmes forestiers transformés pour la cacaoculture sont devenus des espaces pourvoyeurs seulement d'argent via la vente des fèves de cacao qui en sont issues. Par contre en Afrique Centrale les fonctions de satisfaction des besoins vitaux (alimentation, santé, revenu, etc..) de la forêt s'en sont trouvées modifiées mais maintenues par la gestion des arbres compagnons aux cacaoyers. Cette gestion d'arbres confère une certaine durabilité aux agroforets cacao et justifie ainsi leur usage comme modèle de promotion dans le cadre du développement (création/gestion/renouvellement) des systèmes agroforestier à base de cultures pérennes en Afrique Occidentale et Centrale par l'USAID, les compagnies de chocolat d'Europe et d'Amérique dans le cadre d'un programme basé à l'IITA.

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Annexe:

Tableau 1: surfaces cacaoyères dans les quatre principaux producteurs de cacao de l'Afrique de l'Ouest et Centrale aux années 1961, 1970, 1980, 1990 et 2000(source, FAOSTAT, 2000)

Pays (surface du territoire en ha)

Surface occupée par les cacaoyères en Ha (pourcentage de cet espace par rapport au territoire national)

 

1961

1970

1980

1990

2000

Cameroun
(47 544 000)

380 000
(0,80)

390 000
(0,82)

444 052
(0,93)

360 000
(0,76)

370 000
(0.78)

Nigeria
(92 377 000)

700 000
(0.76)

700 000
(0,76)

700 000
(0,76)

715 000
(0,77)

966 000
(1,05)

Ghana
(23 854 000)

1 756 000
(7,36)

1 451 000
(6,08)

1 200 000
(5,03)

693 249
(2,91)

1 500 000
(6,29)

Côte d'ivoire
(32 246 000)

260 000
(0,81)

404 300
(1,25)

836 700
(2,59)

1 566 500
(4,86)

2 220 000
(6,88)

Total
( 196 021 000)

3 096 000
(1,58)

2 945 300
(1,50)

3 180 752
(1,62)

3 334 749
(1,70)

5 056 000
(2,58)

Tableau 2: Surfaces couvertes par les forêts en l'an 2000 et taux de déforestation par rapport à 1990(tiré de FAO, 2001a)

Pays

Couverture forestière

Déforestation de 1990 à 2000

 

En superficie (x 1000 Ha)

Pourcentage par rapport au territoire national

En 1000 Ha/an

En %/an

Cameroun

23 858

51,3

-222

- 0,88

Nigeria

13 517

14,8

- 398

- 2, 55

Ghana

6 335

27,8

- 120

- 1,72

Côte d'ivoire

7 117

22,4

- 265

- 3,12

Total

50 827

26,44

   

Tableau3: Espèces prioritaires en matière de domestication dans les zones forestières humide d'Afrique Centrale et de l'ouest (Franzel et al. 1996) suivant les préférences paysannes.

Ordre de préférence+ Nom français

Espèce

Famille

Principales utilisations*

1. Mangue sauvage

Irvingia gabonensis /I. wombolu

Irvingiaceae

F,C,M,T,W

2. Safoutier/Adjouaba

Dacryodes edulis /D. Klaineana

Burseraceae

F,C,M,W,S

3. Pomme étoilée

Chrysophyllum albidum

Sapotaceae

F,C

4. Njansang

Ricinodendron heudelotii

Euphorbiaceae

F,C,M,T,W

5. cola amère /

Garcinia kola /G. afzelii

Clusiaceae

F,C

(*Principales utilisations: F= aliment; C= source monétaire; M= médicinale; T= Bois d'oeuvre; W= Bois de chauffage; S= Ombrage)

Encadré 1: Importance de l'argent issu des agroforêts cacaoyères (modifiée de FAO, 2002).

La gestion du cacaoyer et des plantes compagnes dans les agroforêts cacaoyères génère des devises dont les répercussions se situent aussi bien au niveau rural que national.

Sur le plan macro-économique, pendant les années de cours favorables, les prélèvements par stabilisation étaient au-dessus de 60 milliards de Francs CFA par an (66 milliards en 1984/1985) (Losch et al., 1991). Ces sommes prélevées pour la stabilisation ont beaucoup servi au développement d'autres secteurs de la vie nationale. Dixpour cent de taxes sont prélevés par l'état sur l'exportation du cacao ainsi que 6,5pour cent sur l'importation des intrants comme les pesticides et 17pour cent de «turn-over taxes» (Gockowski et Dury, 2000). La filière cacao procure de l'argent aux acheteurs de cacao, aux transporteurs, aux vendeurs de pesticides, etc.

La vente du cacao procure des quantités importantes de revenus aux ménages. Durant la décennie 80, la cacaoculture contribuait de 50 à 75pour cent du budget total de 90pour cent des ménages du Centre et du Sud Cameroun (Leplaideur, 1985). Lors de la campagne de 1983-1984, près de7 milliards ont été versés aux planteurs de la Lekie, soit 230000 Francs CFA par planteur. L'argent du cacao sert généralement à la satisfaction des grands besoins des paysans (dotation d'une épouse, construction d'une maison, traitement d'une maladie, scolarisation des enfants, etc.).

La vente des produits forestiers non ligneux (PFNL), et autres fruitiers exotiques, généralement faite par les femmes et les enfants, permet de préparer la rentrée scolaire et de satisfaire d'autres besoins socio-économiques des ménages et contribue ainsi à mieux lutter contre la pauvreté. De la production de Dacryodes edulis, un des PFNL intensément géré dans les cacaoyères (Sonwa et al., 2002), 60pour cent sont consommés et le reste procure un revenu minimum de 9 à 80 $/an/paysan (Ayuk et al., 1999). Les femmes utilisent les revenus issus de D. edulis pour acheter les nécessités de base comme le savon, le sel et le pétrole, une partie étant souvent donnée à l'époux suivant l'humeur de la femme (Shreckenberg et al., 2002). La filière des PFNL procure également des revenus à un nombre non négligeable de commerçantes dont beaucoup sont des femmes du Sud Cameroun.

En zone forestière du Cameroun en général, alors que l'exploitation forestière procure des revenus à quelques opérateurs économiques détenant moins d'un demi millier de compagnies d'exploitation forestière, la gestion des cacaoyères génère des revenus qui sont repartis auprès d'un demi million de ménages de petits paysans qui les utilisent dans la satisfaction de leurs besoins élémentaires.


Encadré 2: Productivité des plantes compagnes aux cacaoyers

Très peu d'informations existent sur la gestion et la productivité des plantes compagnes aux cacaoyers.

Parmi les PFNL, Dacryodes edulis, Ricinodendron heudelotii et Irvingia Gabonenesis ont des densités moyennes respectives de 4, 1 et moins de 1(0.46-0.82) arbres/Ha avec des productivités moyenne de 1.5, 1.87 et 0.65 sacs/arbre dans les cacaoyères (Ondo, 1998). Ndoye (1995) estime, respectivement à 68, 84 et 56 Kg le poids d'un sac de Dacryodes, Ricinodendron et Irvingia. Une combinaison de ces deux sources d'informations montre que ces 3 PFNL ont respectivement des productivités de 408, 157 et moins de 37 (17-30) Kg/Ha/an au Sud-Cameroun.

Persea americana et le Mangifera indica, deux des espèces exotiques les plus plantées par les cacaoculteurs, ont des densités moyenne de 22 pieds/Ha dans les cacaoyères de la bordure Nord du Bassin du Congo (Gockowski et Dury,1999) et présentent des productivités respectives moyenne de 14 et 13 Kg/arbre (Massein, 2000).

Le bois de chauffe provenant des cacaoyères est généralement issu de la chute des branches/arbres. Boyer(1973) obtient une production annuelle, de bois, de 1360 à 2450 Kg/Ha/an en étudiant la chute de litières sous cacaoyers au Sud Cameroun. Cette estimation est probablement en dessous de la production réelle, si l'on tien compte du fait que les arbres sur pied morts (qui n'ont probablement pas été pris en considération dans l'étude de Boyer), une fois tombées servent aussi comme bois de chauffe.

Des bois d'œuvre issue des cacaoyères, Terminalia superba est l'un des plus important. L'association de cacaoyers avec Terminalia ivorensis peut permettre une productivité de 91.5 m3/Ha au bout de 6 ans (Jimenez et Beer 1999).

La rareté de l'information sur la gestion et la productivité des plantes compagnes aux cacaoyers souligne les efforts à consentir sur le plan de la recherche pour mieux asseoir une gestion durable des cacaoyères.


Encadré 3: Contribution des agroforêts cacao dans la conservation du carbone (Modifié de FAO, 2002)

Le stock de carbone total dans les cacaoyères est de 179 Mg/ha contre 275 en forêt au Sud-Cameroun (Nolte et al. 2001). Le dégagement des gaz à effet de serre dans les plantations cacaoyères est respectivement de 739, 136.33 et 8,51ug/m2/Ha pour le CO2, NO2 et CH4 (ASB, 2000). On ne note pas ici de différence significative avec les autres modes d'occupation du sol de la région. Ceci souligne non seulement la nécessité de protéger et de mieux gérer ces agroforêts, mais aussi de pouvoir en créer de nouvelles (boisements et/ou reboisements) pour piéger le carbone.

Le piégeage du carbone par établissement d'agroforêts sur les sols dégradés montre que des systèmes utilisant des espèces de bois d'œuvre(Cordia alliodora et Erythrina poeppigiana) au Costa Rica comme arbres d'ombrage, augmentent le stock de carbone au niveau du sol respectivement de 75 et de 65pour cent à la 10ème année, avec un taux d'accumulation annuelle de 4,28 et 3,08 tonnes de carbone/ha/an (Beer et al., 1990). Après 10 ans, le taux de carbone est respectivement de 214 et 221 tonnes de carbone/ha. Dans la Lekie (zone de transition forêt-savane au nord de la province du Centre-Cameroun), l'établissement d'une cacaoyère sur des jachères de courte durée peut permettre de sauver 95 tonnes de carbone à l'hectare (Gockowski et Dury, 1999). Des études sont en cours au Sud-Cameroun et au Nigeria pour l'installation des agroforêts cacao sur des jachères dégradées de Chromoleana odorata et d'Imperata cylindrica.

Sauf en situation de saturation foncière doublée d'une raison suffisante pour créer des plantations de cacaoyers sur des terres dégradées, les populations créent toujours les agroforêts cacao sur des terres précédemment forestières plus fertiles. L'inscription de création et de la gestion durable de ces agroforêts dans le cadre du marché de carbone permettrait ainsi d'atteindre des objectifs globaux sur le plan environnemental mais aussi de satisfaire les besoins du paysan.



1 International Institute of Tropical Agriculture, Humid Forest Ecoregional Center (IITA-HFC), P.O.Box 2008, Messa, Yaoundé-Cameroon, Email: [email protected] Website: http://www.iita.org/about/cameroon.htm

2 Institut of Horticulture, University of Bonn, Auf-dem-Hugel 6, D-53121 Bonn, Germany. Email: [email protected] Website: http://www.obstbau.uni-bonn.de/tropen/tropen_frame.htm

3 Center for International Forestry Research (CIFOR) www.cifor.cgiar.org, P.O.Box 2008, Messa, Yaoundé-Cameroon,Email: [email protected] Website: http://www.cifor.cgiar.org