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ANNEXE 16

MODELISATION DES MIGRATIONS DE SARDINELLES DANS LA REGION
DU SENEGAL

par

Alain Fonteneau
Biologiste des pêches
ORSTOM, 213 rue Lafayette, 75010 Paris, France

1. GENERALITES

La plupart des poissons pélagiques côtiers effectuent dans la zone comprise entre la Mauritanie et la Guinée Bissau d'importantes migrations saisonnières, liées en particulier àla forte variabilité de l'environnement. Le cycle biologique des espèces principales, par exemple Sardinella aurita, est globalement et qualitativement assez bien connu suite aux travaux de divers auteurs (Boëly 1980, Fréon 1988, etc…). Une synthèse qualitative de la distribution des divers groupes d'âges et de leurs migrations supposées est par exemple celle donnée à la figure l (reprise de Fréon 1988).

Par ailleurs la récente mise àdisposition des données de fréquences de tailles des captures par les flottes étrangères à la région permet enfin d'estimer les captures par tailles (et donc par âge si l'on accepte la courbe de croissance proposée par Boëly et al. 1982), par zone et par saisons réalisées par les diverses pêcheries qui opèrent dans la région. De plus la distribution géographique saisonnière de la biomasse qui a été bien mise en évidence grâce aux multiples campagnes d'échointégration réalisées dans le secteur.

Aucune tentative de modéliser globalement la distribution fine, les migrations de ce stock et son exploitation par les pêcheries n'a donc été réalisée àce jour. Seule une approche locale par simulation des fréquences de tailles des captures sur la Patite Côte du Sénégal a été réalisée par Fréon 1988 (annexe 14). Or, on constate que cette intéressante modélisation serait sans doute permise par les données actuellement disponibles et qu'elle serait même sans doute relativement simple àréaliser. En effet, les migrations sont qualitativement bien connues, et se déroulent pour la plupart dans un axe Nord/Sud parallèlement à la côte. De ce fait, un modèle migratoire “àcompartiments” et de type “caténaire”, particulièrement simple à mettre en oeuvre, pourrait aider à tester la validité des connaissances et des hypothèses relatives àla distribution et aux mouvements migratoires de ce stock. Ce sont ces perspectives de modélisation qui seront discutées dans la présente note.

2 - VERS UN MODELE MIGRATOIRE CATENAIRE

2-1. LES CONNAISSANCES QUALITATIVES SUR LES MIGRATIONS

La plupart des principales espèces exploitées dans la régions, Sardinella aurita en particulier, ont fait l'objet de diverses recherches qui ont permis une description qualitative du cycle vital de ces espèces: zones de ponte principales et secondaires, zone de nurseries, zone de concentrations alimentaires, voies migratoires saisonnières aux divers âges. Ces connaissances, obtenues àla fois par l'échantillonnage des captures commerciales et par les campagnes océanographiques menées dans la régions, se limitent encore essentiellement àdes descriptions qualitatives des migrations et àdes cartographies saisonnières de la localisation des biomasses. On sait par ailleurs bien que les migrations dans la région sont le plus souvent importantes, en particulier par suite de la forte variabilité saisonnière de l'environment dans le secteur qui se traduit par une altemance d'eaux froides (température de 15 à20 degrés durant l'upwelling) et d'eaux chaudes durant l'été (température supérieure à25 degrés). Cette variabilité de l'environnement est bien montrée par les températures de surface mensuelles relevées quotidiennement dans le secteur par les navires marchands (figure 2).

2-2. LES RÉSULTATS DES ANALYSES SEQUENTIELLES DES POPULATIONS: ESTIMATIONS DES POPULATIONS SOUS JACENTES GLOBALES DU STOCK.

Malgré quelque incertitudes, la croissance de Sardinella aurita est bien connue; cette loi de croissance moyenne permet, associée àla connaissance des prises par âges, de réaliser des calculs d'analyses séquentielles des populations. Leurs résultats permettent de déterminer les effectifs des populations sous jacentes par âges, i.e. le nombre total de poissons présents àchaque âge dans l'ensemble du stock. On ne fait pas àce stade d'hypothèse sur la localisadon géographique de ces populatìons sous jacentes aux divers âges, seule la population totale par âge étant estimée. Toutefois, on connaît mensuellement, par les statistiques de pêches, les prises et les rendements par tailles (et donc dans une certaine mesure par âge) par secteur de pêche. D'autre part, la distribution géographique saisonnière de la biomasse par âge est aussi mise en évidence par les multiples campagnes d'échointégration réalisées dans le secteur (au moins durant les campagnes où des pêches de contrôles ont été réalisées).

De toute évidence ces données statistiques, associées aux connaissances scientifiques générales sur les ressources, permettent potentiellement de construire des hypothèses réalistes sur la distribution géographique saisonnière des divers groupes d'âge et donc sur leurs migrations. Ce sont ces hypothèses qui peuvent être ensuite introduites dans le modèle migratoire.

Dans un premier temps, le modèle permettrait de préciser les hypothèses migratoires; un certain nombre de celles ci s'avèreront sans doute incompatibles avec les données des statistiques de pêches et des analyses séquentielles des populations. De telles difficultés avaient été rencontrées par Fréon (1988) lors de simulations admettant l'hypothèse de 4 recrutements annuels sur l'ensemble de la zone et de dates de migrations en fonction de la taille (et non de l'âge).

Dans un deuxième temps, le modèle migratoire peut constituer un outil extrêmement utile pour l'analyse de l'état des stocks et pour leur gestion rationnelle par les pays de la sous région. Il fournit par exemple potentiellement un outil précieux pour évaluer les interactions, en termes de production par recrue, entre les divers engins de pêche qui exploitent le stock dans diverses zones et à divers âges.

2–3. LES BASES CONCEPTUELLES D'UN MODÈLE MIGRATOIRE CATENAIRE “A COMPARTIMENTS”:

Pour des stocks homogènes constitués d'une seule sous population et effectuant des migrations nord sud parallèlement aux côtes (hypothèse de travail retenue actuellement pour S. aurita dans la région), il est simple de mettre au point une modélisation de type “caténaire” (Jaquez 1972), où les effectifs du stock sont distribués à chacune des étapes de leur vie dans divers compartiments adjacents, disposés “en chaîne” géographiquement (figure 3). Etant donnée toute hypothèse de distribution des biomasses par âge dans chacun des secteurs, l'exploitation par diverses pêcheries (en compétition pour la ressource) de ce stock fractionné géographiquement peut alors être aisément simulée. Seule la connaissance (ou la bonne estimation) d'un certain nombre de paramètres est requise, en particulier:

Un tel modèle caténaire a l'avantage d'être conceptuellement et mathématiquement simple à mettre en oeuvre (Jaquez 1972), même si sa paramétrisation réaliste pose certains problèmes et peut en particulier demander de multiples essais pour restreindre les paramètres migratoires employés à des niveaux réalistes.

3–UN EXEMPLE DE MODÉLISATION EMPLOYANT LE MODÉLE SIMTON

Il existe dans la modélisation des pêcheries divers modèles de simulation de type caténaire qui sont potentiellement applicables aux ressources cotières de la région. L'un de ceux ci est le modèle SIMTON (Fonteneau 1981), employé pour modéliser les migrations est–ouest d'albacore de l'Atlantique et les pêcheries thonières multi–engins qui exploitent la ressource. Les caractéristiques de ce modèle simple, en particulier sa stratification et son caractère multi engins, permettent d'envisager son emploi pour les pêcheries de pélagiques côtiers, de Sardinelle aurita en particulier. Les effectifs de la population exploitée suivent dans ce modèle les lois simples du modèle de Thomson et Bell 1934.

Zones:

Le modèle actuel issu du modèle thonier comprendrait trois secteurs nord, centre et sud (figure 3). Il serait bien sur aisé, tant que la structure caténaire du modèle serait conservée, de créer un plus grand nombre de compartiments. Cela accroîtrait toutefois le nombre de paramètres à évaluer et ne se justifierait donc que par l'utilité de disposer d'un plus grand nombre de compartiments géographiques plus homogènes.

Temps:

Le trimestre est le pas de temps retenu dans le modèle thonier. Cette base de temps semble globalement bien adaptée à la saisonnalité des pêcheries de S. aurita et à la vie relativement brève de l'espèce. Un pas de temps mensuel pourrait aisément être employé; il aurait l'avantage de mieux décrire la saisonnalité des pêcheries, mais il aurait l'inconvénient de multiplier par trois le nombre des paramètres migratoires à estimer.

Capturabilité: paramètre q de l'équation F = q * effort de pêche

Chacune des strates est exploitée par un certain nombre d'engins de pêche (ayant chacun son propre profil de capturabilité (q) par âge. Ce profil des capturabilités par âge peut être exprimé dans le modèle de deux manières:

Effectifs présents dans le stock en fonction de l'âge, recrutements par zone:

Ces paramètres sont estimés en combinant les résultats de l'analyse séquentielle des populations et les connaissances biologiques. Les effectifs totaux recrutés doivent ainsi être ventilés par zone, d'une manière compatible avec les connaissances biologiques sur les nurseries et les pêcheries de juvéniles. Le modèle SIMTON actuel suppose un recrutement annuel fixé chaque année par hypothèse de travail. Le modèle pourrait aisément être autorégénérant et calculer une estimation du recrutement en fonction du stock reproducteur et d'une relation stock recrutement.

4–DISCUSSION

INTERET POTENTIEL DU MODELE MIGRATOIRE:

LIMITES DU MODELE:

5–CONCLUSION

L'emploi d'un modèle migratoire aux stocks de petits pélagiques de la région, Sardinella aurita en particulier, ne pourrait qu'apporter une amélioration sensible de la connaissance sur la structure de ces stocks migrants de la région, et devrait aussi aider significativement à l'aménagement de ces ressources. Ces résultats pourraient être aisément obtenus et à un coût qui serait très faible, on comparaison des coûts divers investis en amount dans les recherches halieutique (par exemple pour la réalisation des campagnes scientifiques à la mer ou pour la collecte des statistiques de pêche). Une telle modélisation devrait donc logiquement être développée rapidement dans la région.

BIBLIOGRAPHIE

Boély (T.) 1980. Biologie des deux espèces de sardinelles: Sardinella aurita (Valenciennes 1847) et Sardinella maderensis (Lowe 1841) des côtes sénégalaises. Thèse doctorat d'état. Université de Paris 6: 286p.

Fréon (P.) 1988. Réponses et adaptations des stocks de Clupléidés d'Afrique de l'ouest à la variabilité du milieu et de l'exploitation. Thèse de doctorat, Université Aix Marseille, Juin 1986, ORSTOM Editions, 287 p.

Fonteneau (A.) 1981. Dynamique de la population d'albacore (Thunnus albacares, Bonnaterre, 1788) de l'océan Atlantique. Thèse de doctorat, Université Paris 6, Novembre 1981, 324 p.

Jacquez (J.A.) 1972. Compartimental analysis in biology and medecine. Elsevier. Amsterdam, 1972.

Thompson (W.F.) and Bell (F.H.), 1934.– Biological statistics of the Pacific halibut fishery. (2) Effects of changes in intensity upon total yields and yield per unit of gear. Rept Int. Fish. Comm. 8 : 49 p.

Figure 1

Figure 1: Description synthétique qualitative des migrations de Sardinella aurita dans la région (Repris de Fréon 1988).

Figure 2

Figure 2: Variation saisonnière moyenne des températures de surface (données des navires marchands) dans la région.

Figure 3

Figure 3: Les bases conceptuelles d'un modèle migratoire caténaire appliqué aux pêcheries de pélagiques côtiers de la région Mauritanie-Guinée Bissau. Exploitation d'un stock (Population Nik) migrant à la fin de chaque intervalle de temps, par une pêcherie multiengins exerçant une mortalité par pêche Fijk, et capturant à chaque intervalle de temps une prise Cijk.

i = âge des individus (trimestriel)

j = engin de pêche

k = zone de pêche


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