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Cadres juridiques nationaux pour la gestion des incendies de forêt

V. Mosoti et A. Mekouar

Victor Mosoti est juriste et Ali Mekouar est chef, Service droit et développement, Bureau juridique de la FAO, Rome.

La législation relative aux incendies de forêt peut assigner des responsabilités, définir des mesures de protection et de lutte contre les incendies, et mettre en place des mécanismes pour compenser les dommages et remettre en état les forêts.

A l’heure actuelle, il existe dans le monde entier au moins 182 textes de législation nationale relatifs aux incendies de forêt. Parmi ces textes, 84 concernent spécifiquement les incendies de forêt; les autres traitent de certains aspects de la gestion des incendies dans le cadre de lois forestières plus générales1. Dans ce dernier cas, les dispositions sont habituellement moins nombreuses, donnant un cadre moins détaillé pour la gestion et la maîtrise des situations où interviennent les incendies de forêt.

La législation nationale concernant les incendies de forêt porte en général sur les sujets suivants:

  • mesures générales de lutte contre les incendies, obligeant les départements ou organismes gouvernementaux pertinents à combattre ou aider à maîtriser les incendies, sans tenir compte normalement du régime foncier des forêts en jeu;
  • attribution à des individus de la responsabilité de signaler les incendies de forêt ou les situations de risque qui pourraient en découler, certaines lois considérant comme délictueux le non-acquittement de cette obligation;
  • création de mécanismes d’échange d’informations et de données sur des changements météorologiques prévus, par l’entremise par exemple de comités ou d’autres méthodes de coordination, qui aident à prédire les risques d’incendies et à améliorer la promptitude des interventions;
  • définition de l’autorité des fonctionnaires responsables aux niveaux national et local, pour assurer le maximum de contrôle et d’efficacité des opérations d’extinction des incendies;
  • identification de mesures de protection spéciales et responsabilité de leur mise en œuvre en cas d’incendies ou de risques d’incendies, afin de protéger le public et l’environnement;
  • mécanismes compensatoires pour les dommages encourus par les personnes engagées dans des opérations de lutte contre les incendies et mesures d’incitation pour garantir que des situations de risques potentiels sont signalées en temps utile;
  • remise en état des terres boisées touchées par le feu.

Quelques exemples
Législation générale comprenant des dispositions détaillées relatives à la gestion des incendies de forêt. En Espagne, la loi forestière n° 43 de 2003 oblige les organismes pertinents à combattre les incendies dans toutes les forêts, indépendamment de leur régime foncier, par des mesures de prévention, de détection et autres. Les individus sont tenus d’informer les autorités compétentes de l’apparition d’incendies de forêt et de participer à leur extinction. La loi impose la création de programmes de prévention coordonnés, mettant l’accent en particulier sur les causes fondamentales d’incendies criminels; la mise au point de programmes de sensibilisation à la prévention visant à promouvoir la participation de la population à la protection des forêts; la réglementation des activités susceptibles de provoquer des incendies, y compris des normes de sécurité pour les activités de construction dans les forêts (par exemple, établissement de structures ou de routes d’accès) et des restrictions ou interdictions frappant le transport à travers les forêts; et la formation de groupes de volontaires, y compris les propriétaires forestiers, pour aider à prévenir et à combattre les incendies.

Les articles 81 à 87 du Code forestier guinéen n° L99/013/AN de 1999 interdisent l’allumage de «feux de brousse» dans les forêts, mais permettent quelques exceptions, notamment à des fins agricoles et pastorales. Dans certains cas, des feux préventifs et précoces sont autorisés, à condition que soient appliquées les mesures de précaution nécessaires. Ces feux ne peuvent être utilisés que pendant des périodes limitées de l’année, durant la journée et en l’absence de vent. Les terres destinées à isoler les feux doivent être clairement délimitées, et les populations voisines doivent être prêtes à intervenir au besoin pour éviter la propagation du feu. Le ministre responsable des forêts est tenu d’assurer la création, la formation et l’équipement des corps de sapeurs-pompiers. Il peut, par des règlements, interdire le pâturage dans les forêts ayant fait l’objet d’incendies, jusqu’au moment de leur régénération. Les habitants locaux des forêts ont le devoir d’aider les pompiers à éteindre les incendies.

Législation relative aux incendies de forêt. En Italie, le décret n° 353 de 2000 sur les incendies de forêt est essentiellement une loi-cadre imposant aux autorités italiennes régionales d’établir des règlements ou dispositions juridiques ultérieurs. Il énonce cependant les principes généraux qui régissent les activités de lutte visant à protéger et conserver les forêts. Il impose aux autorités régionales d’approuver et de mettre en œuvre les programmes relatifs à la prédiction, la prévention et la maîtrise des incendies, y compris l’identification des zones forestières touchées par le feu l’année précédente et celles qui sont considérées comme menacées par de futurs incendies. Le décret spécifie les techniques de lutte à appliquer et impose la dissémination efficace des informations par le gouvernement et les autorités régionales, afin de promouvoir des pratiques rationnelles de gestion des incendies. Sur la base de cette loi, un certain nombre de régions ont édicté une législation régionale relative aux incendies de forêt.

En Hongrie, le décret n° 12 de 1997 sur la protection des forêts contre les incendies, émis par le Ministère de l’intérieur, oblige le Département des forêts à élaborer un plan de protection des forêts menacées par les incendies. Le décret fournit aussi des règles détaillées concernant la prévention des incendies et des activités susceptibles de les déclencher. Il impose des règles spéciales sur l’extinction des feux et fournit des directives pour l’indication des périodes où l’allumage de feux est interdit.

Au Ghana, la loi de 1990 relative à la maîtrise et à la prévention des feux de brousse rend illégal l’allumage des feux de brousse, définis comme le «brûlage incontrôlé d’exploitations, de forêts ou d’herbages, quels qu’ils soient». Dans des cas exceptionnels, la loi permet au conservateur en chef des forêts ou à ses fonctionnaires délégués d’allumer des feux dans des forêts ou des aires de conservation de la faune sauvage à des fins de gestion ou pour les protéger contre des feux accidentels. Elle impose aussi la création d’une équipe de pompiers volontaires dans chaque ville et d’un sous-comité de lutte contre les feux de brousse dans chaque district pour contribuer à la mise en vigueur de la loi et fournir des conseils à cet égard. Ce groupe devra établir chaque année la période autorisée pour le brûlage des résidus agricoles, herbes et herbages, et «éduquer les résidents quant aux dangers des feux incontrôlés».

Au Brésil, le décret n° 2.959 de 1999 établit des mesures à appliquer pour combattre les incendies de forêt, notamment dans la région amazonienne. En outre, le décret fournit diverses mesures pour la prévention des incendies de forêt et l’éducation en matière d’environnement, afin d’éviter l’incidence des incendies ou de les combattre. Il établit le Programme de prévention et de maîtrise des incendies de forêt en Amazonie, au titre duquel la recherche est menée dans les zones où les risques sont le plus élevés. Ce programme vise aussi à sensibiliser les communautés rurales aux risques d’incendies et à former du personnel en matière de gestion, maîtrise et lutte.

Perspectives
Un grand nombre d’autres pays sont actuellement engagés dans le processus de formulation d’une législation nationale pour la gestion des incendies de forêt, ou prévoient la mise au point d’une telle législation. La Bulgarie, le Guatemala et la République arabe syrienne reçoivent à l’heure actuelle une aide de la FAO pour la préparation de leur législation, alors que la Croatie, le Nicaragua et les Seychelles ont l’intention d’en faire autant et ont demandé le soutien de la FAO. L’incidence des incendies de forêt incitera sans doute d’autres pays à envisager d’édicter une législation détaillée qui leur permettra de prévenir ou d’affronter plus efficacement les incendies de forêt.

Il faudra davantage de recherches, notamment au niveau du terrain, pour comprendre dans quelle mesure la législation existante est mise en vigueur de façon efficace, et quel est son rôle pratique dans la gestion et la maîtrise des incendies. Cependant, la législation paraît avoir servi de cadre aux décideurs pour la prise des mesures nécessaires. Le travail de la FAO dans les pays qui ont demandé son aide pour la gestion des incendies de forêt pourrait entraîner de nouvelles recherches et l’analyse des cadres juridiques, et fournir du matériel pour des études de cas pouvant intéresser d’autres pays.

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