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Gestion communautaire des incendies en Afrique australe

M. Jurvélius

Mike Jurvélius est forestier (Gestion des incendies de forêt) à la Division des ressources forestières, Département des forêts de la FAO, Rome.

La participation des populations locales à la planification de la gestion des incendies de forêt peut contribuer à réduire le nombre et l’extension des feux.

Le nombre et la gravité des incendies de forêt – feux brûlant sans contrôle et sans objectif dans les espaces naturels, y compris les forêts – augmentent dans de nombreuses parties du monde. Quelque 95 pour cent de ces incendies sont causés par les activités humaines. Dans les initiatives nationales et internationales visant la mise en place de stratégies pour combattre les incendies, une question clé revient: comment réduire les causes humaines des feux, à savoir comment changer les attitudes humaines. Au cours de la décennie écoulée, on a reconnu de façon croissante que la participation des populations locales à la planification de la gestion des incendies est un facteur indispensable pour réduire le nombre et l’extension des feux.

Depuis 1996, certains pays d’Afrique australe ont obtenu des résultats encourageants en introduisant des programmes participatifs de gestion des incendies, auxquels prenaient part des organismes publics, des organisations non gouvernementales (ONG), des communautés locales, des groupes de femmes et des organisations d’agriculteurs œuvrant en faveur de la prévention, la détection et la maîtrise des incendies de forêt (Jurvélius, 2003). Des approches pilotes de la gestion participative des incendies ont été mises en œuvre dans quelques millions d’hectares de forêts de savane, de terres boisées et de plaines d’inondation dans plusieurs pays.

Autrefois, les populations locales d’Afrique australe ne pouvaient pas allumer de feux sans la permission des autorités traditionnelles, et ces feux étaient limités à certaines occasions. Les terres de cette zone géographique étaient touchées par les incendies environ tous les 12 ans. Pendant l’époque coloniale, de nouvelles lois sur les feux et des politiques interdisant leur allumage calquées sur les modèles européens ont été introduites, et les mécanismes locaux de lutte ont été révoqués. Seuls les fonctionnaires du gouvernement, et non pas les populations locales, étaient autorisés à allumer des feux. Cependant, depuis le début du XXe siècle, le manque de surveillance, notamment dans les zones reculées, a rendu de plus en plus aveugle l’usage du feu par les populations locales. Au milieu des années 90, de 50 à 85 pour cent des forêts, terres boisées et savanes en Angola, au Botswana, en Namibie, en Zambie et au Zimbabwe brûlaient chaque année.

En 1995, lorsque 300 têtes de bétail ont péri dans la région de Caprivi, en Namibie, à cause de la perte des pâturages due à des incendies généralisés, les autorités traditionnelles ont reconnu qu’une nouvelle approche s’imposait pour réduire les brûlages. Elles ont proposé une approche communautaire appliquée à la gestion des incendies qui, après avoir été mise à l’essai sur le terrain et perfectionnée, a été adoptée par le gouvernement. L’approche préconise:

En Namibie, la gestion communautaire des incendies a permis de réduire les incendies dans la région de Caprivi de plus de 50 pour cent (de 840 000 à 400 000 ha par an) au cours des cinq années suivantes. Après ce succès, la FAO a contribué à la diffusion de l’approche dans d’autres pays d’Afrique. Depuis 1996, des dizaines de milliers d’individus appartenant à la population locale et au personnel du gouvernement ont été formés en matière de gestion des incendies et d’activités connexes en Namibie, au Burkina Faso (Wright et Byring, 2003) et plus récemment au Mozambique. L’approche, qui a été adaptée aux cultures et conditions locales, est maintenant diffusée dans d’autres pays en développement d’Afrique, d’Asie, du Proche-Orient et d’Amérique latine (FAO, 2003), ainsi que dans des pays aux économies en transition.

Toutes les communautés ont un certain niveau d’hétérogénéité en termes d’intérêts économiques, de prise de décisions, de pouvoir, de traditions et de systèmes d’utilisation des ressources. Ces différences ont souvent d’importantes répercussions sur la gestion des incendies, car les feux qui nuisent à certains peuvent profiter à d’autres. Dans la gestion communautaire des incendies, la communauté identifie un groupe de personnes qui ont besoin de coopérer en vue d’atteindre des objectifs convenus. Cette approche permet de faire en sorte que toutes les communautés participent activement aux prises de décisions et que ces décisions soient réellement mises en œuvre. Pour que le concept se concrétise, les communautés doivent:

En outre, il est essentiel que les programmes de sensibilisation aux incendies s’adressent aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Des études réalisées en Namibie (NFFP, 2000) et au Mozambique (Virtanen, Hämäläinen et Ntela, 2002) ont révélé que, même s’il est vrai que le défrichement des nouvelles terres dans l’agriculture itinérante est normalement réalisé par les hommes, 80 pour cent des feux sont allumés par les femmes, ces dernières étant d’ordinaire chargées du brûlage des résidus agricoles après la récolte et du brûlage localisé destiné à éliminer les souches des zones défrichées.

Enquêtes sur l’attitude des gens vis-à-vis du feu et des brûlages à Katima Mulilo, en Namibie (une ville dont le nom signifie «éteindre le feu» en langue lozi, car le Zambèze éteint les incendies de savane à Katima Mulilo), 1998

M. JURVÉLIUS


Contrôle des brûlages dirigés à l’aide de battes à feu fabriquées localement, Katima Mulilo, Namibie, 1998

M. JURVÉLIUS


«Attention au feu – il peut faire mal», une affiche de sensibilisation dessinée par un artiste appartenant à l’association locale des arts à Katima Mulilo, en Namibie

KASIWA MUKENANI SAASA

Bibliographie

Abberger, H. et Marbyanto, E. 2003. CBFiM concept draft: future fire management? Reflections on 10 years of the GTZ IFFM Project. Rapport d’un atelier, Donggala, Sulawesi, 1-8 novembre 2003. (Inédit)

FAO. 2003. Gestion communautaire des feux: études de cas en Chine, en Gambie, au Honduras, en Inde, en République démocratique populaire lao et en Turquie. Publication RAP 2003/08; document de travail FFM/2 du Service de la mise en valeur des ressources forestières. Bangkok, Thaïlande, Bureau régional de la FAO pour l’Asie et le Pacifique.

Jurvélius, M. 2003. Developing participatory forest fire management strategies, with special reference to sub-Saharan Africa. Mémoire présenté au XIIe Congrès forestier mondial, Québec, Canada, 21-28 septembre 2003.

NFFP (Namibia-Finland Forestry Programme). 2000. Progress Report. Windhoek, Namibie.

Virtanen, K.S., Hämäläinen, J. et Ntela, P. 2002. Análise do inquerito de base: percepção e comunicação das comunidade sobre os recursos naturais relacionadas às queimadas descontroladas; Campanha de combate às queimadas descontroladas na província da Zambezia, Mozambique. Quelimane, Mozambique, Projecto Maneio Sustentado de Recursos (PMSR), Finnish Development Cooperation.

Wright, P. et Byring, T. 2003. Projet de gestion des feux en milieu rural: les feux de brousse au Burkina Faso – expériences du Burkina Faso. Rapport présenté à l’atelier préalable au projet de lutte contre les incendies de l’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) et de l’Union mondiale pour la nature (UICN), Kumasi, Ghana, 22-23 mai.

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