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Invasions de dendroctones et incendies: une combinaison dévastatrice pour les forêts de pins d’Amérique centrale

R.F. Billings, S.R. Clarke, V. Espino Mendoza, P. Cordón Cabrera, B. Meléndez Figueroa,
J. Ramón Campos et G. Baeza

Ronald F. Billings travaille auprès du Service forestier du Texas, College Station, Texas (Etats-Unis).
Stephen R. Clarke travaille auprès de la Forest Health Protection Unit, Service forestier du Département de l’agriculture des Etats-Unis (USDA), Lufkin, Texas (Etats-Unis).
Vicente Espino Mendoza travaille auprès de la Corporación Hondureña de Desarrollo Forestal, Tegucigalpa (Honduras).
Pablo Cordón Cabrera travaille auprès de l’Instituto Nacional de Bosques, Guatemala (Guatemala).
Benjamín Meléndez Figueroa travaille auprès du Servicio Forestal y de Fauna, San Salvador (El Salvador).
Juan Ramón Campos travaille auprès de l’Instituto Nacional Forestal, Managua (Nicaragua).
Gumercindo Baeza travaille auprès du Département des forêts du Belize, Belmopan (Belize).

Causes et effets des invasions de dendroctones, notamment leur interrelation avec les incendies, et nouvelles perspectives pour la protection intégrée contre les ravageurs.

Les 3,8 millions d’hectares de forêts naturelles de pins (Pinus spp.) en Amérique centrale ont longtemps été menacés par une grande variété d’agents destructeurs, y compris les ouragans, les sécheresses, les incendies, les activités humaines et les invasions d’insectes nuisibles. La combinaison de ces événements au cours de ces dernières années a exercé une incidence négative sur les ressources forestières de la région. Au milieu des années 90, le phénomène climatique, connu sous le nom de El Niño, a déterminé des conditions de sécheresse et l’accumulation de combustibles, ce qui a entraîné de graves incendies partout au Mexique et en Amérique centrale en 1998. En octobre 1998, l’ouragan Mitch a provoqué des vents violents et des pluies torrentielles en Amérique centrale, causant des inondations et des coulées de boue qui ont ravagé les communautés locales, les forêts et les infrastructures, notamment au Honduras et au Nicaragua.

Au cours des années suivantes (de 1999 à 2003), des invasions sans précédent de dendroctones du pin dans toute la région ont détruit quelque 90 000 ha de forêts de pins. Les mesures visant à maîtriser ces invasions consistaient à abattre les arbres infestés et les arbres sains avoisinants sur de vastes superficies. En raison de l’ampleur de ces invasions et de l’absence de marchés du bois, la plupart des arbres morts sur pied ou abattus sont restés sur place, ce qui a accru considérablement les amoncellements de combustibles. En 2003, lorsque la plupart des invasions de dendroctones ont pris fin, les zones traitées sont devenues des foyers d’incendies de grande envergure.

Le présent article se propose d’analyser les causes et les impacts récents des invasions de dendroctones du pin en Amérique centrale, y compris le rôle du feu, et de décrire les différentes méthodes adoptées pour lutter contre ces insectes nuisibles dans les pays d’Amérique centrale, où les forêts de pins et les dendroctones du pin coexistent naturellement: Honduras, Belize, Guatemala, Nicaragua et El Salvador.


LES DENDROCTONES DU PIN EN AMÉRIQUE CENTRALE

Les dendroctones du pin du genre Dendroctonus (Coleoptera: Scolytidae) sont les insectes les plus destructeurs de la région, partout où les forêts de pins sont présentes naturellement. Douze espèces de dendroctones du pin originaires du Mexique et de certaines régions d’Amérique centrale ont été décrites. D. frontalis et D. adjunctus (ce dernier au Guatemala, en particulier) sont les plus nuisibles (Vité et al., 1975). Les autres espèces, y compris D. mexicanus, D. vitei, D. approximatus, D. parallelicollis et D. valens, sont moins nocives (Wood, 1982). Midtgaard et Thunes (2002) ont signalé l’apparition d’une nouvelle espèce de Dendroctonus en Amérique centrale, mais son rôle dans les événements récents qui ont déterminé la mort d’un grand nombre d’arbres dans la sous-région reste incertain. Pour les besoins du présent article, les dernières invasions en Amérique centrale sont attribuées principalement au dendroctone du pin méridional, D. frontalis.

A l’exception possible de D. adjunctus dans la région de l’Altiplano du nord-ouest du Guatemala (Vité, 1980), les pertes les plus graves de forêts de pins d’Amérique centrale ont été imputées à D. frontalis au cours des 40 dernières années (Vité et al., 1975; Billings et Schmidtke, 2002). Le dendroctone du pin méridional est aussi l’insecte le plus destructeur des pinèdes du sud des Etats-Unis et de certaines parties du Mexique (Payne, 1980). La femelle pond des œufs le long de galeries en forme de «S» creusées dans l’interface entre l’écorce interne et l’aubier. Les larves se nourrissent de l’écorce interne et se transforment en nymphes dans des cavités proches de la surface de l’écorce. Après avoir complété leur développement, les nouveaux adultes se fraient un chemin hors de l’écorce à l’aide de leurs mandibules, pour s’envoler ensuite en quête de nouveaux arbres à attaquer. Bien que les dendroctones ne percent pas le bois, ils y introduisent un champignon responsable du bleuissement qui réduit rapidement les possibilités de commercialisation des grumes.

Les premières attaques visent normalement les arbres affaiblis. Toutefois, c’est la capacité qu’a D. frontalis de tuer des arbres exempts de maladies qui lui confère son statut de ravageur. Une fois amorcée leur attaque sur le tronc, les insectes émettent des phéromones qui attirent les deux sexes. Des milliers de dendroctones adultes peuvent répondre à ces signaux et à l’odeur de résine, et leur action concentrée annihile le système de défense de l’arbre (production de résine). En présence de phéromones d’agrégation, les dendroctones qui émergent attaquent souvent l’arbre au bord de l’infestation, provoquant sa progression rapide et augmentant la mortalité des arbres (Hedden et Billings, 1979; Payne, 1980).

D’autres aspects contribuent au pouvoir de destruction de D. frontalis, à savoir un cycle de vie rapide avec la possibilité de 10 générations se chevauchant par an en Amérique centrale; l’aptitude des femelles à établir de multiples couvées (Payne, 1980); la capacité d’infester et de tuer des pins hôtes au-dessus de cinq ans, à mesure que s’étendent les infestations et indépendamment de l’état physique de l’arbre (Lorio, 1980); et des cycles d’infestation qui atteignent leur point culminant tous les six à neuf ans dans certains endroits de son aire de répartition.

Un programme de protection intégrée contre les ravageurs est l’approche préférée pour diminuer les pertes. Les mesures de prévention, comme l’éclaircie pour réduire la densité du peuplement, l’élimination des arbres endommagés et affaiblis et la récolte du bois avant la surmaturité de l’arbre, en sont les principaux éléments. Une fois l’invasion amorcée, il importe de détecter et d’éliminer promptement les infestations individuelles, qui peuvent réduire de façon sensible les pertes de ressources (Clarke et Billings, 2003). Les méthodes de lutte directe comprennent la coupe de récupération, la coupe et l’abandon sur place des débris, la pulvérisation d’insecticides, ainsi que l’entassement et le brûlage des arbres infestés (Swain et Remion, 1981). La méthode de la coupe et abandon ne s’emploie que pour D. frontalis; elle consiste à abattre tous les arbres nouvellement infestés ou contenant des couvées de dendroctones, outre une bande tampon d’arbres non infestés adjacents qui sont laissés sur place. Cette manière de procéder réduit la survie des insectes dans les arbres infestés et, en interrompant la production de phéromones, elle empêche les petites infestations de s’étendre.

Jusqu’à récemment, un seul programme de protection intégrée contre le dendroctone du pin a été mis en œuvre en Amérique centrale. En 1984, la société nationale de mise en valeur forestière (Corporación Hondureña de Desarrollo Forestal, COHDEFOR) a lancé au Honduras un vaste programme de lutte contre D. frontalis, avec l’appui financier d’organisations internationales (Billings, 1982, 2001b). Le programme était géré, dans chaque région forestière, par un coordinateur national des opérations de lutte contre les ravageurs et des coordinateurs de la protection des forêts, chargés d’intervenir lors d’incendies et d’infestations de dendroctones. Un système permanent de tenue des dossiers servant à enregistrer les informations sur la détection et la maîtrise de D. frontalis, le premier en Amérique centrale, a été établi en 1982 et maintenu depuis lors. Lorsque la coupe de récupération se révèle irréalisable, on a normalement appliqué avec succès au Honduras la méthode de la coupe et abandon (Billings et Schmidtke, 2002). Entre 1984 et 1993, on a détecté au Honduras 6 233 infestations de D. frontalis, dont 73 pour cent ont été dominées, grâce principalement aux méthodes d’abandon sur place ou d’élimination des arbres coupés. La taille moyenne des zones d’intervention était de 2,1 ha par infestation, contre plus de 15 ha en 1983 avant la généralisation de la méthode de la coupe et abandon sur place des arbres (Billings, 2001b).

Le dendroctone adulte du pin méridional ne mesure que de 2 à 4 mm de long

G. LENHARD


Galeries en forme de «S» que les femelles du dendroctone du pin méridional creusent dans Pinus caribaea pour y déposer leurs œufs (Jalapa, Nicaragua)

R.F. BILLINGS


Les mesures de prévention contre les invasions de dendroctones comprennent l’élimination des arbres endommagés ou affaiblis; des bœufs sont souvent attelés aux débusqueuses pour traîner les grumes jusqu’à la route la plus proche (Siguatepeque, Honduras)

R.F. BILLINGS


INTERACTION ENTRE LES DENDROCTONES ET LE FEU

Les populations locales d’Amérique centrale ont traditionnellement utilisé le feu dans les zones rurales pour étendre les terres agricoles avec des coûts de main-d’œuvre minimaux, ou pour éliminer les anciens résidus de cultures (Murillo, 2003). De nombreuses forêts de pins sont incendiées chaque année pour accroître le couvert herbeux servant de pâturage au bétail. Des brûlages de faible intensité et contrôlés dans des peuplements de pins de 10 ans ou davantage réduisent la compétition, tout en accroissant la vigueur de l’arbre et sa résistance aux attaques de dendroctones. Cependant, des feux d’une intensité excessive ou trop fréquents peuvent affaiblir les pins établis s’ils ne les tuent pas directement. Les pins affaiblis produisent moins de résine et sont moins susceptibles de se défendre contre les premières attaques de dendroctones primaires (Dendroctonus spp.) et secondaires (Ips spp.). Cette situation se rencontre notamment dans les forêts naturelles de Pinus oocarpa et Pinus caribaea à des altitudes inférieures à 1 000 m, où D. frontalis est indigène. Des brûlages périodiques tuent aussi la plupart des plants de pin de moins de cinq ans, interdisant la croissance permanente de la végétation intérieure nécessaire pour obtenir des forêts inéquiennes. C’est pourquoi les forêts de P. caribaea et P. oocarpa en Amérique centrale sont normalement des forêts équiennes, qui sont très vulnérables aux attaques de D. frontalis (Hicks, 1980; Lorio, 1980).

Le feu est désormais une mesure très répandue de lutte contre les dendroctones, car on peut incendier les sites traités par la méthode de la coupe et abandon pour accroître la mortalité de l’insecte. Les feux allumés après les traitements détruisent la régénération établie. Ces sites sont souvent convertis à des utilisations agricoles ou à la construction d’habitations, ce qui contribue au déboisement.

Les invasions de dendroctones influencent aussi la fréquence et l’intensité des incendies, car de nombreux arbres tués par les insectes demeurent souvent sur pied ou sont coupés et abandonnés sur place. L’abondance de combustibles accroît la menace d’incendies pendant la saison sèche annuelle (de décembre à mai). Les propriétaires fonciers mécontents allument aussi des feux dans les zones traitées, à titre de représailles pour l’abattage de leurs pins par les équipes de lutte du gouvernement.

Une infestation de dendroctones au Honduras, maîtrisée grâce à la coupe et abandon sur place des arbres – une mesure de lutte qui crée un énorme tas de combustibles pouvant être à l’origine d’incendies

R. F. BILLINGS


ACTIVITÉS RÉCENTES DES DENDROCTONES EN AMÉRIQUE CENTRALE


Honduras

Le Honduras a environ 5,4 millions d’hectares de terres boisées, qui occupent plus de la moitié du territoire. Sur ces terres, 3 millions d’hectares sont adaptés à l’établissement de pinèdes (en particulier P. oocarpa et P. caribaea), mais près du tiers de cette superficie a été dénudée par des pratiques culturales impropres, l’agriculture itinérante et le pâturage (Sharma, 1992).

Entre 1962 et 1965, plus de 2 millions d’hectares ont été infestés par D. frontalis au Honduras. En 1964, on estimait que l’infestation se propageait à la vitesse de 150 000 ha par mois (Hernandez Paz, 1975). C’est l’épidémie la plus dévastatrice jamais signalée du dendroctone du pin méridional au sein de son aire de répartition naturelle. L’invasion suivante a débuté en 1982 dans des peuplements de pins régénérés naturellement, qui se sont développés après l’invasion des années 60 et la mise en œuvre du programme de protection intégrée contre les ravageurs décrit précédemment.

Malgré les progrès accomplis dans la lutte contre le dendroctone, une grave invasion de D. frontalis s’est produite entre 2000 et 2003, quand 11 650 foyers ont été détectés. La superficie totale touchée était la plus étendue depuis 1983; elle s’élevait à 1 743 ha en 2000, à 9 078 ha en 2001 et à 13 511 ha en 2002. Les infestations avaient lieu presque exclusivement au sein de peuplements denses et jeunes de 18 à 25 ans, la surface terrière couvrant en moyenne plus de 35 m2 par hectare. Les pins avaient été affaiblis par l’excès de densité, des incendies récents, des entailles pratiquées pour l’extraction de résine et une sécheresse prolongée. Le manque de crédits a empêché le service forestier public d’intervenir énergiquement, mais cette invasion a désormais été jugulée dans la plupart des régions du pays à l’aide d’opérations de coupe et abandon, ou coupe et élimination. En 2003, les pertes sont tombées à 2 457 ha. Le Honduras a préparé récemment une stratégie nationale de protection forestière, qui concerne aussi bien les dendroctones que les incendies aux niveaux local et national.

Les pinèdes touchées par les incendies et les dendroctones sont souvent transformées en champs agricoles (Honduras)

S.R. CLARKE


Belize

La situation du Belize est très différente de celle de ses voisins. C’est le seul pays à avoir une faible densité démographique (environ 10 habitants au kilomètre carré), de rares forêts de pins, un régime foncier largement public et un seul organisme de gestion (le Département des forêts); en outre, son hérédité britannique lui a laissé d’importantes infrastructures qui servent à la gestion des forêts de pins. Jusqu’à très récemment, les incendies n’étaient pas considérés comme une menace grave pour le paysage écologique ou socioéconomique du pays, même s’ils se déclaraient régulièrement dans certaines zones (Billings et Schmidtke, 2002). La récente invasion de dendroctones, la première depuis 50 ans au Belize, a changé le panorama.

A partir du début de 2000 et jusqu’à la fin de 2001, la mortalité a avoisiné 100 pour cent pour plus de 25 000 ha de peuplements de pins adultes (P. caribaea et Pinus patula var. tecumumanii), à la suite d’une invasion de D. frontalis (et/ou de la nouvelle espèce). La zone ravagée couvre environ 60 pour cent de l’ensemble de la Mountain Pine Ridge Forest Reserve et environ 80 pour cent de l’écosystème de pins présent dans cette réserve. En 2001, l’infestation s’est étendue aux peuplements de P. caribaea le long des savanes côtières méridionales près de la ville d’Independence, touchant environ 30 pour cent de ces peuplements. En mars 2002, elle avait été largement dominée.

La forte perte de ressources en pins du Belize, due à cette infestation sans précédent de dendroctones du pin, est attribuable à plusieurs facteurs: l’abondance de peuplements denses et vulnérables, notamment dans la Mountain Pine Ridge Forest Reserve; l’incapacité de détection et d’intervention aux premiers stades de l’invasion, conjuguée à l’absence d’un système de surveillance et à la prise retardée de mesures de lutte après l’infestation de plus de 15 000 ha; et la réduction draconienne en 1995 du personnel forestier, qui est passé de 120 forestiers à huit forestiers permanents et 36 autres, y compris des gardes forestiers (Billings et Schmidtke, 2002). Les arbres morts avaient notablement accru les risques d’incendies dévastateurs dans la réserve. Malheureusement, la lutte contre les incendies de forêt en est encore à ses débuts au Belize, malgré la fréquence et la gravité croissantes des feux, dues à l’arrivée d’agriculteurs provenant des pays voisins en quête de terres fertiles et exemptes de titre foncier (Murillo, 2003).


Guatemala

Le Guatemala a un couvert forestier de 2,9 millions d’hectares, dont 602 000 ha consistent en forêts de pins naturelles composées de diverses espèces. Les incendies sont fréquents, en particulier dans les forêts de P. caribaea de plaine et dans celles de P. oocarpa d’altitude moyenne. Le Guatemala a mis en place un système national de prévention et de maîtrise des incendies de forêt, l’un des programmes de lutte contre les incendies les mieux coordonnés et les plus efficaces d’Amérique centrale (Billings et Schmidtke, 2002).

Dans le passé, les dendroctones ont reçu beaucoup moins d’attention que les incendies au Guatemala. Les problèmes les plus graves causés par ces insectes ont intéressé la région de l’Altiplano et ont concerné Dendroctonus adjunctus plutôt que D. frontalis. Le principal pin hôte a été Pinus hartwegii (= Pinus rudis). Environ 100 000 ha de P. hartwegii ont été décimés par D. adjunctus entre 1975 et 1980 (Vité, 1980). Grâce aux abondantes précipitations, les incendies sont moins graves dans la région de l’Altiplano, en tant que facteur prédisposant à l’attaque de dendroctones, que dans les forêts de P. caribaea et P. oocarpa d’altitude inférieure.

En 2000 et 2001, les forêts de pins de la région de Petén ont fait l’objet d’une grave infestation de dendroctones, probablement de D. frontalis. Presque 3 000 ha, soit 40 pour cent des 7 500 ha de forêts de Pinus caribaea, ont été détruits. Les services gouvernementaux des forêts et des parcs ont été lents à réagir à la progression rapide de l’invasion, et de nombreuses infestations dépassaient déjà 10 ha avant le démarrage des opérations. Les méthodes de lutte comprenaient la coupe de récupération, la lutte chimique, et la coupe suivie de l’abandon des débris (Billings et Schmidtke, 2002).


Nicaragua

Le Nicaragua a 3,3 millions d’hectares de couvert forestier (dont la quasi-totalité entre dans la catégorie des forêts naturelles), consistant pour une large part en essences feuillues et mangroves tropicales. Seuls 318 000 ha sont classés comme forêts de pins et se situent essentiellement dans le département de Nueva Segovia, le long de la frontière avec le Honduras. Plusieurs organismes gouvernementaux sont engagés dans la protection des forêts gérées et des aires protégées (Billings et Schmidtke, 2002). Les forces armées du pays participent à la lutte annuelle contre les incendies de forêt (Murillo, 2003).

Au cours de ces dernières années, le Nicaragua a subi de graves catastrophes naturelles. Entre 1998 et janvier 2002, D. frontalis a détruit plus de 30 000 ha de ses forêts de pins (P. caribaea et P. oocarpa). En mai 2001, un programme de lutte organisé a démarré, avec l’appui financier et l’assistance technique du Département de l’agriculture des Etats-Unis et, par la suite, du Gouvernement nicaraguayen. Les pertes potentielles ont été réduites grâce à l’établissement de longues bandes tampons destinées à ralentir la progression des grandes infestations, outre l’application de la méthode de la coupe et abandon pour le traitement des infestations de moindre envergure dès leur détection (Billings, 2001a). Bien que l’invasion ait pris fin en décembre 2001, elle atteignait encore en 2002 des niveaux très élevés dans les forêts adjacentes du Honduras, en raison de retards dans la mise en œuvre des opérations de lutte du gouvernement.

La présence de mines antipersonnel, le long de la frontière entre le Nicaragua et le Honduras, qui remontent aux conflits des années 80, a compliqué l’accès aux lieux d’infestation. A cause de la saturation du marché local et du marché d’exportation pour les arbres tués par les dendroctones, la plupart de ces arbres, ainsi que ceux coupés dans les bandes tampons, sont restés sur place. De fait, en avril 2003, des incendies ont fait rage dans la région traitée, s’étendant sur 8 000 ha. Ils ont éliminé une grande partie de la régénération naturelle des pins, qui avait progressé depuis la domination de l’infestation de dendroctones en 2001. Suite aux catastrophes qui ont sévi récemment, le pays a préparé et mis en vigueur un nouveau code forestier et un plan national stratégique pour les incendies et les dendroctones.


El Salvador

A cause d’un déboisement excessif, El Salvador possède le couvert forestier le plus limité des sept pays d’Amérique latine (121 000 ha, dont 25 000 ha de forêts de pins naturelles). Il a également l’un des taux de densité démographique les plus élevés (près de 300 habitants au kilomètre carré). Quelques systèmes forestiers demeurent intacts, principalement des pinèdes à chênes (Quercus spp.), dans les montagnes le long de la frontière entre le Guatemala et le Honduras, ainsi que des forêts tropicales de feuillus près du sommet de pics volcaniques élevés. Les invasions d’insectes et les incendies menacent ces forêts (Billings et Schmidtke, 2002). Les responsabilités concernant la lutte contre les incendies et les ravageurs forestiers sont réparties au sein d’une bureaucratie complexe.

On a observé une relation directe entre les incendies et les attaques de dendroctones du pin méridional. Ainsi, un incendie a brûlé 80 ha de P. oocarpa de 25 à 35 ans dans le département de Santa Ana (1 450 m d’altitude) en avril 2003. En janvier 2004, deux invasions de D. frontalis ont été détectées dans la zone incendiée, mais aucune n’a été observée dans les forêts adjacentes non brûlées. Dans le passé, l’appui financier fourni pour la protection des forêts était destiné dans une large mesure à la formation des équipes de lutte contre les incendies et à la maîtrise des feux en El Salvador. Récemment, une stratégie nationale de lutte contre les dendroctones a été mise au point, mais les crédits nécessaires pour sa mise œuvre ne sont pas disponibles.


INTERVENTIONS SOUS-RÉGIONALES ET PERSPECTIVES

L’emploi fréquent et souvent sans discernement du feu par les petits agriculteurs des zones occupées par les pinèdes, conjugué au manque de coupes d’éclaircie visant à réduire la densité élevée des peuplements, continue à prédisposer les forêts aux invasions de dendroctones. Les problèmes concernant cet insecte sont normalement dus à une mauvaise gestion des forêts. Plusieurs mesures sont nécessaires pour atténuer les impacts de futures invasions de dendroctones:

De nouvelles mesures sont prises à l’heure actuelle pour répondre à ces besoins sur une base sous-régionale. Des coordinateurs nationaux chargés des opérations de lutte contre les ravageurs forestiers et les incendies ont été établis dans chaque pays d’Amérique centrale (voir Billings et Schmidtke, 2002). Ces spécialistes maintiennent la communication grâce à leur présence dans des conseils régionaux créés récemment. En août 2002, les coordinateurs nationaux se sont rencontrés à Siquatepeque (Honduras) pour définir des problèmes communs et préparer une stratégie régionale de lutte contre les incendies et les ravageurs. La stratégie relative aux incendies et aux dendroctones a été approuvée et appuyée par la Commission centraméricaine sur l’environnement et le développement, qui comprend les ministres de l’agriculture des sept pays d’Amérique centrale. Le programme de protection intégrée contre les ravageurs mis au point au Honduras sert de modèle pour la formulation de programmes similaires dans d’autres pays d’Amérique centrale. L’Instituto Nacional de Bosques du Guatemala a préparé une brochure visant à fournir aux communautés des conseils pour la prévention, la détection et l’élimination du dendroctone; on l’adapte à l’heure actuelle aux besoins d’autres pays. Dans le cadre d’un projet de coopération technique mis en œuvre récemment par la FAO, une formation a été dispensée aux coordinateurs des opérations de lutte, et la prise de conscience de l’importance des mesures de prévention et de maîtrise de ces insectes a été stimulée dans chaque pays de la sous-région (Rodriguez, 2003).

On espère que cette capacité technique accrue, l’appui du gouvernement et la communication entre les coordinateurs nationaux des opérations de lutte contre les dendroctones et les incendies contribueront à améliorer l’éducation du public et à renforcer les mesures de prévention. Lorsque la prochaine invasion aura lieu, la détection et la lutte directe devraient être plus immédiates et plus efficaces, et l’Amérique latine devrait pouvoir éviter de nouvelles catastrophes, comme celles qui ont frappé récemment la région.

Bibliographie

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