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Participation des communautésà la protection des forêts en Slovaquie

J. Novotný

Július Novotný est chef du Département de la protection des forêts et de la gestion de la faune sauvage, à l’Institut de recherche forestière de Zvolen (Slovaquie). Il est aussi professeur associé à la faculté de foresterie de l’Université technique de Zvolen, où il enseigne la protection des forêts et la lutte intégrée contre les ravageurs.

Une stratégie de protection participative des peuplements forestiers d’épicéas, dans la région de Kysuce (nord-ouest de la Slovaquie), encourage l’adoption de méthodes respectueuses de l’environnement pour protéger les peuplements d’épicéas contre les insectes nuisibles et les maladies fongiques.

Les forêts d’épicéas (Picea abies) jouent un rôle important dans l’économie et l’écologie de la Slovaquie. La région de Kysuce, dans le nord-ouest du pays, a un couvert forestier de 59 pour cent, constitué pour moitié d’épicéas, une espèce indigène de Slovaquie, même si presque toutes les forêts de la région sont des forêts plantées. Les peuplements commerciaux représentent 76 pour cent des forêts de la région, les forêts à usage spécial 20 pour cent, et les forêts protégées 4 pour cent.

Les scolytes et les maladies fongiques de l’épicéa menacent, séparément ou ensemble, la vitalité des écosystèmes de forêts d’épicéas de la région sur une très grande échelle, causant la mort de nombreux arbres et des pertes de bois. Les principales espèces de scolytes sont Ips typographus, Pityogenes chalcographus, Ips duplicatus, Ips amitinus et Polygraphus polygraphus; les principales espèces de champignons sont Armillaria ostoyae, Heterobasidion annosum, Stereum sanguinolentum et Ophiostoma sp., Grafium sp. et Verticillium sp., responsables de la trachéomycose. Les zones infestées par les scolytes et les maladies fongiques sont le plus souvent des peuplements purs d’épicéas ou des peuplements mixtes constitués de plus de 75 pour cent d’épicéas.

L’impact environnemental et économique des insectes et des maladies a été considérable. Les dégâts biotiques et abiotiques des cinq dernières années ont conduit à l’abattage non planifié de 427 000 m³ de bois (soit 80 pour cent du bois abattu chaque année). A cette perte de bois précieux s’ajoutent des effets négatifs sur l’environnement, tels que la dégradation des écosystèmes forestiers et des zones protégées. Comme les arbres n’arrivent pas à l’âge adulte, les jeunes peuplements occupent des surfaces relativement vastes (zones de régénération naturelle et assistée), et l’écosystème forestier ne peut pas remplir toutes les fonctions assurées par des peuplements forestiers adultes; l’environnement est par exemple moins propice à la faune sauvage. Dans les zones de bassins versants, la dégradation des forêts a entraîné une baisse de la qualité de l’eau résultant de l’érosion du sol. La gestion inadéquate des arbres infestés – qui n’ont pas été enlevés des peuplements en temps voulu – a aussi été responsable de la dégradation de l’environnement.

Ce problème constitue un défi pour les propriétaires et les administrateurs de forêt et requiert un engagement considérable en temps et en ressources financières. En 1998, le gouvernement et les propriétaires de forêts ont dépensé l’équivalent de 405 000 dollars EU pour des mesures de protection des forêts. L’élaboration et l’adoption, par tous les propriétaires de forêts, d’un système complet de mesures de lutte contre les ravageurs, basé sur une stratégie de protection intégrée, est l’une des grandes priorités forestières de la région. La protection intégrée contre les ravageurs met en avant la prévention, considérée comme la grande priorité, et privilégie des mesures écologiques, comme la lutte biologique, par rapport aux intrants chimiques.

Les particuliers, groupes, municipalités, villes et paroisses détiennent 79 pour cent des forêts de la région, et le Gouvernement slovaque en détient 21 pour cent. Les domaines forestiers n’appartenant pas à l’Etat ont une taille moyenne modeste (100 ha au maximum). En raison du morcellement de la propriété forestière dans la région de Kysuce, le succès d’une stratégie de protection intégrée contre les ravageurs repose nécessairement sur une approche régionale et sur la participation des communautés.

Le projet de coopération technique de la FAO relatif à la protection des peuplements d’épicéas, lancé en 2001 pour faciliter les opérations de protection intégrée contre les ravageurs dans la région de Kysuce, a catalysé la participation de tous les groupements forestiers de la région. Les propriétaires, les administrateurs ou les groupements forestiers locaux ou villageois (la «communauté locale»), y compris des associations locales de propriétaires de forêts individuelles, privées ou collectives, ont travaillé en partenariat avec l’équipe du projet.

L’équipe du projet a enseigné à la communauté locale la méthodologie de suivi des ravageurs économiquement importants de la région, qui couvre:

Les activités pilotes dans lesquelles ont été établis des liens de collaboration entre l’équipe du projet et la communauté des propriétaires forestiers compre-
naient l’utilisation de pièges à phéromones synthétiques pour capturer de grandes quantités de ravageurs et suivre leurs densités de population. Les membres de la communauté ont reçu gratuitement des pièges à phéromones et des leurres. Leur intérêt pour la protection intégrée contre les ravageurs était tel qu’ils ont effectué leurs propres expériences complémentaires sur le terrain, parallèlement aux activités du projet, en utilisant les ressources communes. L’équipe du projet de la FAO a fourni la méthodologie aux propriétaires forestiers et a facilité l’établissement d’un réseau de pièges à phéromones dans la zone d’intervention du projet. La communauté a rassemblé les données et fourni à l’équipe du projet des informations sur les conditions locales.

Les résultats ont été positifs. L’utilisation par l’ensemble de la communauté d’un système uniforme pour le suivi des scolytes et le piégeage de grandes quantités de ravageurs a permis de maîtriser les infestations à l’échelle de la région. En 2001, plus de 700 000 individus de I. typographus (deuxième génération) et plus de 14 millions de P. chalcographus ont été capturés. En 2002, plus de 1,7 million de I. typographus et plus de 23,8 millions de scolytes P. chalcographus ont été attrapés dans les pièges (chiffres donnés pour deux générations de parasites). Les infestations et les dégâts aux arbres ont été réduits de 70 pour cent, par rapport à la période antérieure au lancement du projet.

Un programme de formation à la protection intégrée contre les ravageurs a été mis en place à l’intention des propriétaires et des administrateurs de forêts, et appliqué dans une autre communauté de la région de Kysuce. Les individus les plus qualifiés du secteur forestier privé et public ont été promus formateurs. Plusieurs ouvrages de formation ont été publiés, notamment:

Depuis l’achèvement du projet de la FAO en 2003, toutes les activités (techniques et financières) ont été conduites et effectuées par la communauté forestière locale, avec l’aide de l’Institut de recherche forestière de Zvolen et du bureau de l’autorité forestière locale.

Il est prévu d’étendre le programme de formation à d’autres régions de Slovaquie et aux pays voisins qui sont confrontés aux mêmes problèmes de ravageurs dans les peuplements d’épicéas (République tchèque, Pologne). Le but est d’établir des conditions optimales pour que les communautés – petits paysans, propriétaires de grands domaines forestiers privés et entreprises forestières d’Etat – soient à même de coordonner la stratégie de protection intégrée contre les ravageurs avec une approche régionale de protection des forêts.

Ips typographus – le principal ravageur des peuplements d’épicéas dans la région de Kysuce, en Slovaquie)

J. NOVOTNÝ


L’équipe du projet explique à des propriétaires de forêts privées et à des administrateurs de compagnies forestières publiques le concept et la stratégie de la participation des communautés à la protection intégrée contre les ravageurs

J. NOVOTNÝ


Instructions sur l’utilisation des pièges à phéromones et des leurres pour le suivi et le piégeage de grandes quantités de scolytes

J. NOVOTNÝ

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