par
O. Osibanjo, C. Biney, D. Calamari, N. Kaba, I.L. Mbome, H. Naeve,
P.B.O. Ochumba et M.A.H. Saad
Les substances d'hydrocarbures chlorés (CLHC) sont des composés organochlorés synthétiques, qui comprennent des pesticides (comme le DDT et ses dérivés, l'hexachlorocyclohexane (HCH), l'aldrine, la dieldrine, l'heptachlore et l'endosulfan) ainsi que certains produits chimiques commerciaux ou industriels tels que les biphényles polychlorés (PCB), les dioxines (PCDD) et l'hexachlorobenzène (HCB). Ces substances chimiques sont lipophiles, avec une faible volatilité et une faible solubilité dans l'eau; on les utilise depuis plusieurs décennies tant dans les pays développés que dans les pays en développement. Les pesticides organochlorés (OCP), par exemple, sont introduits délibérément dans l'environnement et ont joué un rôle majeur dans l'accroissement de la production alimentaire mondiale et dans la protection de la santé humaine et des ressources naturelles; c'est le cas par exemple du DDT et de l'aldrine (Ware, 1989). Les produits chimiques industriels comme les PCB, par contre, sont introduits indirectement dans l'environnement (Alford-Stevens, 1986).
Il a été reconnu que la persistance dans l'environnement et la tendance de ces substances, de leurs métabolites et résidus à la bioaccumulation font qu'ils ne restent pas là où ils ont été appliqués, mais qu'ils se répartissent entre les grands compartiments environnementaux en fonction de leurs propriétés physiques ou chimiques et peuvent par conséquent être transportés à plusieurs kilomètres du point d'introduction (Haque et Freed, 1975). Une telle diffusion dans l'environnement peut faire que des organismes vivants, y compris l'homme, soient exposés à ces substances, ce qui est bien loin de l'objectif visé.
Ces substances sont des polluants micro-organiques et sont inscrits dans la liste prioritaire des polluants (Keith et Telliard, 1979) en raison de leur toxicité, de leurs effets écologiques et de leurs risques toxicologiques (Khan, 1977); leur utilisation et leur émission accidentelle dans l'environnement ont notamment donné lieu à des événements catastrophiques. La fabrication et l'utilisation de certains CLHC (comme le DDT et les PCB) ont, en conséquence, été interdites ou font l'objet de restrictions dans les pays développés. Néanmoins, l'utilisation de ces produits chimiques continue de prospérer dans la plupart des pays en développement due à l'absence de réglementations nationales appropriées et de leurs prix relativement bas comparés à ceux d'autres produits chimiques moins persistants.
L'explosion démographique, la rapide urbanisation et l'industrialisation ont fait que l'emploi des CLHC en Afrique s'est répandu dans l'agriculture, dans la santé publique et animale (le DDT par exemple) et dans la fabrication de transformateurs et de condensateurs électriques (PCB, par exemple) pour la production d'énergie. S'il existe des données sur la production et l'utilisation de ces produits chimiques dans les pays développés (OMS/PNUE, 1990; Miller, 1982), ces données ne sont pas disponibles pour l'Afrique. Toutefois l'utilisation des pesticides est bien moins développée en Afrique qu'en Inde, en Europe et en Amérique du Nord. Par exemple, en 1974, 60 000 tonnes de DDT ont été produits dans le monde, dont 66 pour cent environ, soit 40 000 tonnes, ont été consommées par les Etats-Unis d'Amérique (OMS, 1982).
On estime à 2 millions de tonnes la production et l'utilisation mondiale totale de PCB (Hansen, 1987). Balk et Koeman (1984) donnent pour la consommation totale de pesticides en 1977 les chiffres ci-après: Indonésie 5 400, Thaïlande 20 600, Gambie 50, Côte d'Ivoire 1 030 et Sierra Leone 30 tonnes. Ils ont aussi prévu des taux de croissance similaires, ce qui signifie que les mêmes tendances valent pour les années 90. Bien que la plupart des pesticides utilisés en Afrique soient importés, il existe plusieurs installations de production d'OCP dans des pays comme le Nigéria, le Sénégal, la Côte d'Ivoire et l'Egypte. On estime que la consommation d'OCP dans la région est de quelques 25 000 tonnes (voir chapitre 2).
Les hydrocarbures chlorés sont solubles dans l'eau (par exemple, le DDT: 1,2 μg/l). Etant lipophiles, ces substances peuvent atteindre, dans le milieu aquatique, des concentrations nuisibles par le biais de processus de bioaccumulation, de bioamplification et biogéochimiques (Edwards, 1977). C'est ainsi que des organismes aquatiques qui sont commercialement exploités pour l'alimentation humaine peuvent représenter un risque pour l'homme. C'est pourquoi, dans la plupart des pays développés, les quantités de CLHC présentes dans l'environnement aquatique, y compris dans les organismes aquatiques, sont mesurées de façon continue dans le cadre de programmes de surveillance et de suivi biologique (Suzuki, et al., 1977; Picer et Picer, 1979; Wegman et Greve, 1980; Gayner et al., 1984; UNEP/WHO, 1988).
La protection de l'environnement aquatique et des ressources qui lui sont associées figurent dans les Chapitres 17 et 18 d'Action 21, le programme d'action adopté par les Nations Unies lors du Sommet de la Terre à Rio dans le but de réaliser un développement durable pendant le reste de ce siècle et le siècle prochain (Nations Unies, 1993). Il a été estimé que 80 pour cent des maladies sévissant dans les pays en développement sont imputables à un approvisionnement en eau à la consommations (Harris et al., 1990). Pour cette raison, des stratégies nationales, régionales et internationales doivent être adoptées pour la mise en oeuvre le programme Action 21. Mais il a été reconnu que, dans le cas de l'Afrique, on ne possède pas les données scientifiques et écotoxicologiques, concernant les polluants chimiques, nécessaires pour combattre et prévenir la pollution des eaux (voir pages 7 et suivantes du présent volume). L'atelier sur le suivi de la pollution marine en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, qui s'est tenu au Sénégal en 1985, a particulièrement mis en relief l'insuffisance des données concernant les concentrations de CLHC dans le milieu (IOC-Unesco, 1985).
La mise en place d'un dispositif raisonnable de réglementations et de politiques d'aménagement pour la protection du milieu aquatique dans la région ne peut se faire que si l'on dispose de données scientifiques fiables et suffisantes provenant de la région ellemême. A cette fin, des programmes de suivi de la pollution côtière et marine et des études scientifiques ont été lancés au début des années 80 par des universités et instituts de recherche en Afrique, sous l'égide du programme du PNUE pour les mers régionales. En dépendent le Programme de recherche sur la pollution en Méditerranée (MEDPOL) pour l'Afrique du Nord; le Programme de recherche sur la pollution marine pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale (WACAF 2) et le Programme de recherche sur la pollution marine pour l'Afrique de l'Est (EAF/6), respectivement.
L'Afrique s'efforce aujourd'hui de passer à un développement durable conçu dans l'intérêt des générations futures. La présente étude de la présence des hydrocarbures chlorés dans le milieu aquatique (cours d'eau, fleuves, lacs, estuaires et eaux côtières), y compris dans les sédiments et dans les organismes biologiques vient compléter une précédente étude des métaux lourds dans l'environnement aquatique africain (voir pages 37 et suivantes du présent volume), qui visait à définir une approche holistique à la formulation des politiques d'aménagement et de la réglementation relatives à la protection de l'environnement aquatique et de ses ressources dans la région.
Les activités anthropogènes sont la première source ponctuelle de l'apport d'hydrocarbures chlorés dans l'environnement aquatique. Les pesticides organochlorés (OCP) pénètrent dans l'environnement aquatique principalement à la suite d'applications délibérées ou accidentellement, tandis que l'entrée des PCB dans le milieu aquatique est indirecte et principalement accidentelle.
La production agricole vivrière nécessaire à la population du continent qui croît rapidement (3–4 pour cent par an) et celle des cultures de rapport nécessaires à son essor économique, ainsi que les activités menées depuis les années 40 pour lutter contre les vecteurs de maladies représentent les principales sources d'apports anthropogènes d'OCP dans le milieu aquatique. Ces substances sont parfois appliquées directement aux plans d'eau pour lutter contre les ravageurs aquatiques, les escargots, les mauvaises herbes et les larves de moustiques. Ces produits chimiques sont aussi utilisés, à mauvais escient, pour tuer les poissons dans les rivières et les fleuves. Toutefois, les types, quantités et modalités d'usage des OCP varient selon les endroits.
Dans les années 70, environ 2 500 tonnes d'OCP, le plus souvent du DDT, du toxaphène et de l'endosulfan, ont été utilisées chaque année sur les plantations de coton du Soudan (Elzorgani et al., 1979). Plus de 3 500 tonnes de DDT ont été utilisées sur les plantations de coton en Ouganda entre 1965 et 1972 (Dejoux, 1988). En Côte d'Ivoire, en 1976, environ 600 tonnes de lindane ont été utilisées sur les cacaoyers, et 320 tonnes de DDT sur le coton. En 1981, environ 350 tonnes de lindane, dieldrine, heptachlore et endrine ont été utilisées pour la protection du bois. Au Zimbabwe, environ 300 tonnes de DDT, appliquées à raison de 2–3 kg/ha, ont été utilisées en agriculture entre 1981 et 1982. Au Burkina Faso, dans la région de Houndé-Dédougou, on utilise chaque année 30 tonnes de DDT et 30 tonnes d'endosulfan pour le coton.
Dans les zones situées au nord du Sahara (Mauritanie, Mali, Niger et Soudan), les OCP (dieldrine et lindane) ont été utilisés pendant plusieurs années pour lutter contre le criquet pèlerin. De petites quantités de dieldrine ont encore été utilisées en 1986–88 mais à présent on emploie les organophosphates qui sont moins persistants que les OCP (FAO, 1988).
Les pulvérisations au sol et les applications aériennes d'OCP, spécialement de DDT, dieldrine et endosulfan, pratiquées pour lutter contre les vecteurs de maladies humaines et animales, sont aussi une importante source de contamination des écosystèmes aquatiques. Depuis 1944, le DDT a beaucoup été utilisé pour lutter contre les larves de simulies (Simuliidae) dans le cadre de nombreux programmes régionaux en Afrique. Environ 60 tonnes de DDT ont été utilisées chaque année entre 1966 et 1970 sur le continent pour lutter contre les Simuliidae. Des programmes de lutte et d'éradication de la mouche tsé-tsé comportant des pulvérisations de DDT, de dieldrine et d'endosulfan, ont été exécutés dans différentes parties de la région au cours des 20 ou 30 dernières années également (Dejoux, 1988).
Ces applications d'OCP entraînent, dans l'environnement de la zone d'application, une accumulation de résidus qui est un motif de préoccupation pour la santé publique et l'état de l'environnement. Les principales sources anthropogènes de ces substances dans l'environnement aquatique sont:
l'application délibérée, c'est-à-dire la pulvérisation de pesticides pour éradiquer des poissons rebuts et pour lutter contre les herbes aquatiques, les escargots et les insectes;
l'élimination de déchets/récipients résultant d'utilisations dans le domaine de la santé publique, de l'agriculture et de l'industrie;
les effluents domestiques et industriels - rejets d'industries fabriquant ou formulant des pesticides ou d'industries utilisant des CLHC, comme les usines textiles, les industries alimentaires et les centrales thermiques;
les fuites accidentelles provenant de sites agricoles et industriels, véhicules routiers et ferroviaires et bateaux;
le drainage et le ruissellement provenant de terres agricoles traitées, de décharges de déchets solides industriels et d'ordures;
l'élimination des boues provenant des eaux usées, de déchets solides industriels et municipaux;
les apports atmosphériques, sous forme par exemple de dépôts secs et de précipitations humides; brûlage et/ou incinération de déchets solides domestiques, municipaux ou industriels; émissions industrielles, par exemple vaporisation de peinture, vernis, laques, etc.
Tableau I
Importance relative des sources de pollution des
différents systèmes aquatiques par les hydrocarbures chlorés
(extrait de Edwards, 1977. ©Plenum Press, New York)
Pulvérisation | Ruissellement | Effluents | Atmosphère | |
Lacs/étangs | ++ | ++ | - | + |
Cours d'eau/fleuves | + | ++ | +++ | + |
Estuaires | + | + | ++ | + |
Océans | - | + | + | +++ |
L'importance relative de ces sources ponctuelles et non ponctuelles de pollution par les CLHC dépend du système aquatique considéré (tableau I). Les pulvérisations contaminantes (par dérive, drainage et ruissellement agricole), ainsi que les effluents domestiques/industriels sont des sources ponctuelles et non ponctuelles (diffuses) de pollution des lacs/étangs, cours d'eau/fleuves et estuaires. Pour les CLHC, les apports atmosphériques, comparés aux sources d'origine terrestre, semblent être la principale source de pollution océanique (GESAMP, 1989).
L'élimination commune de déchets industriels, municipaux, domestiques et médicaux dans des décharges sauvages, des décharges non contrôlées ou par combustion à l'air libre sont pratiques courantes. Ces méthodes d'élimination des déchets sont économiques et pratiques, mais elles ne sont ni sûres ni bonnes pour l'environnement et sont, par conséquent, inacceptables. Les lixiviats provenant de décharges sauvages (Shuster, 1976; Arebun, 1990) ont ainsi été également reconnus comme étant à l'origine d'une pollution des eaux superficielles et nappes phréatiques par les CLHC.
Dans un récent rapport (PNUE/FAO/OMS/AIEA, 1990), on peut lire que l'apport total de pesticides organochlorés d'origine terrestre dans la Méditerranée est estimé à environ 90 tonnes par an; on ne dispose pas de renseignements concernant les charges en PCB. Des travaux analogues sont en cours pour les sous-régions Afrique de l'Est et centrale, car certains CLHC, tout comme les PCB, le DDT et la dieldrine, sont devenus des polluants mondiaux par suite a) de leur volatisation à partir des sites d'application; b) de leur transport par l'atmosphère et de leur dépôt et c) de leur transport par les cours d'eau et les courants océaniques (Eisenreich et al., 1979; Croll, 1991).
A leur entrée dans l'environnement aquatique après divers cheminements, ces substances non polaires, toxiques, semi-volatiles et relativement rémanentes, peuvent résider sans modification à l'intérieur du plan d'eau pendant un certain temps, se dégrader en composés plus simples qui peuvent être plus toxiques et/ou plus rémanents que les substances mères (par exemple DDE, dioxine) ou être réversiblement transférées dans l'atmosphère par volatilisation, figure 1 (Edwards, 1977; Keith, 1976).
Le destin final de ces polluants, notamment leur répartition dans les différents compartiments de l'environnement aquatique (eau, matière en suspension, sédiments et biote), dépendra d'un certain nombre de facteurs dont: la concentration, la dilution, la solubilité dans l'eau, les processus géochimiques qui se produisent, l'adsorption sur les sols, les particules en suspension et les sédiments, la lipophilicité et la bioaccumulation biologique dans des organismes vivants (Khan, 1977).
Du fait de leur nature hydrophobe, les CLHC sont présents dans l'eau à des concentrations d'ultra-traces (ng/l), de sorte qu'ils sont difficiles à doser. L'adsorption de ces composés sur la matière particulaire et les sédiments est un mécanisme important pour leur élimination de la colonne d'eau. En conséquence, la composante sédiments des écosystèmes aquatiques peut être, comme pour les métaux (voir pages 37 et suivantes du présent volume) et les hydrocarbures de pétrole (Adekambi, 1989), l'ultime réceptacle des CLHC; les particules en suspension qui pénètrent dans des eaux se déplaçant lentement comme les grands plans d'eau, se déposent et les CLHC qui leur sont associés viennent s'ajouter à ceux qui sont déjà présents dans les sédiments.
Fig. 1 Circulation et mouvement des substances d'hydrocarbures chlorés dans l'environnement aquatique (d'après Edwards, 1977)
En tant que substances hydrophobes, les CLHC ont un fort potentiel d'accumulation biologique dans les plantes aquatiques, les poissons et les mollusques et subissent une amplification biologique le long des niveaux trophiques (Vandenbroek, 1979; Osibanjo et Bamgbose, 1990). Le potentiel d'accumulation biologique des CLHC peut être prédit sur la base des coefficients de séparation d'équilibre eau/l-octanol, ce que l'on appelle les valeurs Kow (Karichhoff et al., 1979; Mackay, 1982; Gossett et al., 1983, avec des valeurs log Kow allant de 3,8 à 6,9. II peut se produire une accumulation de CLHC récalcitrant dans des oiseaux et des mammifères qui se nourrissent sur un biote aquatique contaminé et qui peuvent les transporter sur de grandes distances (oiseaux, poissons et mammifères migrateurs).
II a été reconnu que l'air est un moyen important de transmission à grande distance de ces substances (GESAMP, 1989).
Les pesticides organochlorés (OCP), comme le DDT, la dieldrine et des produits chimiques industriels comme les PCB, leurs métabolites ou leurs produits de conversion seraient écologiquement nuisibles, mais aussi toxiques pour l'homme. La toxicité aiguë des OCP pour les organismes aquatiques a été mise en évidence, dans le passé, par d'importantes hécatombes de poissons survenues à l'occasion de déversements accidentels de DDT, de toxaphène, de dieldrine, d'aldrine et d'heptachlore dans le milieu aquatique (Eichelberger et Lichtenberg, 1971; Heydorn, 1970). Aujourd'hui, la contamination de l'eau par ces produits chimiques récalcitrants se traduit souvent par une accumulation biologique dans les poissons et dans d'autres biotes, parfois à des concentrations biologiquement actives. C'est ainsi que ces substances chimiques sont soupçonnées de provoquer des cancers chez les poissons et dans d'autres organismes aquatiques (GESAMP, 1991).
Les résidus de ces produits chimiques toxiques trouvés dans l'eau, les sédiments, les poissons et autres biotes aquatiques peuvent constituer un risque pour les organismes aquatiques, pour leurs prédateurs et pour l'homme. Afin de minimiser le risque sanitaire résultant de l'ingestion d'aliments contaminés par ces substances chimiques, les organismes s'occupant de la protection de l'environnement et de la santé publique, notamment l'OMS, ont fixé des limites maximales de résidus (LMR) ou des concentrations maximum admissibles (CMA) des CLHC présents dans l'eau, les poissons et les mollusques (Smeets et Amavis, 1981; Walter et Graham, 1988; UNEP/FAO/WHO, 1988).
Les oiseaux piscivores constituent une population menacée de régression, voire d'extinction, car la consommation d'organismes aquatiques contaminés par ces produits chimiques entraîne chez eux des défaillances de la fonction reproductive. Cela, parce que les CLHC, en interférant avec la fixation du calcium, peuvent provoquer un amincissement de la coquille de l'oeuf ou empêcher le processus de formation de la coquille des oeufs de plusieurs de ces espèces (Trape, 1985; Matthiessen et Roberts, 1982; Koeman et al., 1978).
Les hydrocarbures chlorés sont présents dans des échantillons d'eau à raison de quelques nanogrammes par litre (ng/l), et dans les sédiments et les biotes à raison de nanogrammes ou microgrammes par gramme (ng/g ou μg/g) de sorte que, pour effectuer des mesures de ces éléments traces et ultratraces, il faut des méthodes d'analyse hautement spécifiques, sensibles et fiables.
La démarche analytique de base comprend les opérations ci-après (Roberts, 1985; Alford-Stevens, 1986):
Collecte et préparation des échantillons;
Extraction ou prélèvement des composés intéressants de la matrice de l'échantillon pour constituer un échantillon qui peut être analysé;
Epuration des extraits ou enrichissement de la concentration relative par rapport à celle des autres constituants de l'échantillon;
Séparation ou isolement des constituants extraits;
Dosage (précédé, si nécessaire, d'une dérivation);
Identification des résidus positifs et mesures des composés intéressants.
Comme ces composés sont non polaires, on utilise des solvants simples, comme l'hexane, le dichlorométhane, ou des mélanges binaires de solvants non polaires et polaires (par exemple hexane + diéthylether; hexane + acétone; hexane + isopropanol; hexane + benzène) pour extraire ces composés des échantillons d'environnement aquatique, c'est-à-dire de l'eau (APHA/AWWA/WPCF, 1985; Kahanovitch et Lahav, 1974; Nwankwoala et Osibanjo, 1992), des sédiments (El-Dib et Badway, 1985; Jensen et al., 1977; Frank et al., 1977) et du poisson (Jensen et al., 1972; UNEP/FAO/IOC/IAEA, 1986; Haahti et Perttilä, 1988).
Une pré-concentration des CLHC de l'extrait d'échantillon s'avère nécessaire car le système de détection de l'instrument d'analyse ne possède forcément pas la sélectivité ou la sensibilité voulue, ou encore n'est pas exempt d'interférences matricielles. Cette méthode permet aussi de procéder à un isolement analytique et d'introduire des facteurs d'enrichissement.
La plupart des techniques de pré-concentration se rangent dans deux catégories:
L'extraction par solvant, suivie d'une réduction par solvant ou
Le piégeage par sorbant, suivi d'une élution ou d'une désorption thermique.
L'évaporateur rotatif et le concentrateur Kuderna-Danish avec colonne de Snyder sont des instruments qui ont été beaucoup utilisés pour la réduction par solvant (UNEP/FAO/IAEA, 1986; Nwankwoala et Osibanjo, 1992).
Une méthode simple d'épuration de l'échantillon après réduction par solvant consiste à utiliser les réactions acido-basiques (Waliszewski et Szymezynski, 1982; Haahti et Perttilä, 1988) si les substances à analyser sont stables à ce traitement. Une autre méthode courante d'épuration des échantillons consiste à utiliser des adsorbants: résines macro-réticulaires, mousses de polyuréthane, charbon actif, Tenax-GC, gel de silice, Florisil, alumine (Keith, 1976; UNEP/FAO/IOC/IAEA, 1986), cela en raison de la difficulté que l'on a à séparer le DDT et ses métabolites des PCB (Armour et Burke, 1970).
La chromatographie en phase gazeuse avec détecteur à capture d'électrons (CG-DCE) utilisant soit des phases stationnaires simples ou mixtes sur une colonne de verre à remplissage, soit une phase simple sur une colonne capillaire à forte résolution en verre ou en quartz, est la technique principalement utilisée pour doser les composés d'hydrocarbures chlorés dans les échantillons de l'environnement (Alford-Stevens, 1986; UNEP/FAO/IOC/IAEA, 1986; Sarkar et Sen Gupta, 1988; Cairns et Siegmund, 1981).
Ces dernières années, le couplage de la spectrométrie de masse et de la chromatographie en phase gazeuse (SM-CG), spécialement dans le mode de suivi sélectif des ions (SIM), s'est révélée être le détecteur le plus sélectif et le plus sensible pour le dosage et la confirmation simultanés des CLHC (Alford-Stevens, 1986; Roberts, 1985).
Le choix des méthodes utilisées pour analyser les CLHC dans la région africaine a été en grande partie influencé, non seulement par la rareté de spécialistes compétents du dosage des CLHC traces dans des échantillons d'environnement, mais aussi par la disponibilité limitée d'équipements et d'appareils fonctionnels, modernes, sélectifs et sensibles, sans parler du souci d'obtenir pour un coût/efficacité raisonnable, des données analytiques précises. Pour les raisons ci-dessus, la plupart des dosages des CLHC effectués dans la région ont été faits au moyen de la chromatographie gazeuse sur colonnes à remplissage et d'un détecteur à capture d'électrons Ni 63.
6.1 Afrique du Nord
Les pesticides organochlorés, spécialement le DDT et ses dérivés, ont été la première génération des hydrocarbures chlorés utilisés pour lutter contre les ravageurs de l'agriculture et les vecteurs de maladies humaines dans la sous-région Afrique du Nord depuis les années 50. Le Nil et les grands canaux d'irrigation et de drainage qui débouchent directement ou indirectement, en passant par les lagunes côtières, dans la mer Méditerranée, sont les principales sources de contamination des côtes égyptiennes par les pesticides.
Les rares informations disponibles dans la sous-région reposent en grande partie sur des études qui ont été effectuées depuis la fin des années 70 en Egypte concernant les taux résiduels de CLHC dans différents compartiments écologiques des plans d'eau intérieurs et côtiers. El-Sebae et Abu-Elamayem (1979), dans une des premières études consacrées au Nil, aux canaux et réseaux de drainage qui s'y raccordent, ont fait savoir qu'ils avaient décelé des taux quantifiables de lindane, d'heptachlor, d'o, p'-DDT et de p,p'-DDT à des concentrations allant de 100 à 950 ng/l dans tous les échantillons d'eau. Les taux relativement faibles d'insecticides chlorés dans le canal de Mahmoudiah (source d'alimentation en eau potable d'Alexandrie) et les eaux usées pourraient s'expliquer par le fait que ce groupe d'insecticides n'a plus été employé en Egypte depuis 1971 en raison de leur rémanence.
Saad et al. (1985) ont analysé des échantillons de sédiments composites prélevés en 1968 dans le lac de Manzalah et en 1970 dans le lac Mariout et dans l'hydrodrome de Nozha, pour doser le DDT et les PCB. Le lac Manzalah, le plus grand des lacs du delta du Nil, reçoit des eaux de drainage contaminées par des pesticides et des engrais, provenant d'une zone agricole beaucoup plus vaste que celle qui intéresse le lac Mariout, qui est également pollué par des eaux usées et par des effluents industriels. L'hydrodrome de Nozha a été artificiellement séparé du lac Mariout en 1939 et est alimenté par les eaux contaminées du Nil. Alors que le lac Mariout et l'hydrodrome de Nozha présentent des concentrations relativement bas de DDT total (29,8 et 54,1 ng/g respectivement), le lac de Manzalah, avec 877 ng/g, s'est révélé fortement pollué. Les taux de PCB ont été de 17,8; 21,4 et 71,2 ng/g respectivement (tableau III). La proportion totale de DDT/PCB a été, dans chacun de ces trois lacs, bien supérieure à 1, ce qui indique que ce sont les apports agricoles de DDT plus que les déversements industriels qui sont la principale source de pollution par les composés organochlorés.
En 1978/79, le lac Mariout et l'hydrodrome de Nozha ont été à nouveau visités et des analyses des substances organochlorées ont été faites par Saad et al. (1982) pour l'eau et par Abu-Elamayem et al. (1979) pour les sédiments. Les principales substances décelées dans l'eau du lac Mariout ont été le lindane, le p,p'-DDE, l'o,p'-DDT et le p,p'-DDT, avec des valeurs résiduelles moyennes de 2 091, 4 493, 9 et 124 ng/l respectivement (tableau II). Comme les sédiments sont des trappes de polluants, les concentrations y sont beaucoup plus élevées que pour l'eau. Les valeurs moyennes indiquées pour les sédiments du lac Mariout étaient de 89,1 (lindane), 768,0 (p,p'-DDE), 19,3 (o,p'-DDT) et 86,3 (p,p'-DDT) ng/g en poids sec respectivement (tableau III). Les taux de contamination dans le poisson ont été de 34,98 ng/g (lindane), 38,96 ng/g (p,p'-DDE), 17,36 ng/g (p,p'-DDT) et 60,76 ng/g (DDT total) (tableau IV). Dans l'hydrodrome de Nozha, du lindane, du p,p'-DDE et du p,p'-DDT ont été décelés dans l'eau et dans les sédiments. Les concentrations moyennes de ces composés dans l'eau étaient de 1 100 (lindane), 1 540 (p,p'-DDE) et 600 (p,p'-DDT)ng/l. Pour les sédiments de l'hydrodrome, les concentrations étaient de 119,5 (lindane), 840,4 (p,p'-DDE) et 91,0 (p,p'-DDT) ng/g en poids sec.
Saad (1981) a communiqué les concentrations de pesticides organochlorés trouvées dans l'eau, les sédiments et les poissons du lac Mariout et de l'hydrodrome de Nozha sur une période de deux ans (1979–81). Les concentrations moyennes de DDT total (21 440 ng/l) trouvées dans l'eau du lac Mariout ont été nettement plus élevées que celles de l'eau de l'hydrodrome (13 610 ng/l), ce qui indique que le lac Mariout serait pollué par des composés du DDT provenant des énormes quantités d'eau de drainage évacuées des terres agricoles. Dans l'eau du lac Mariout, on a trouvé du α-HCH, du lindane, de l'o,p'-DDE, du p,p'-DDE, de l'o,p'-DDT et du p,p'-DDT, avec des valeurs moyennes de 120, 1 310, 1 380, 6 630, 2 690 et 9 820 ng/l respectivement (tableau II). Les concentrations de pesticides relevées dans des échantillons de poissons ont été supérieures à celles de l'eau du lac; des valeurs moyennes de 2,03; 80,06; 29,0; 10,1; 9,3 et 31,8 ng/g ont été trouvées pour le α-HCH, le lindane, l'o,p'-DDE, le p,p'-DDE, l'o,p'-DDT et le p,p'-DDT respectivement. La valeur moyenne du DDT total a été de 84,5 ng/g (tableau IV). II a été constaté que les poissons provenant de l'hydrodrome étaient moins contaminés. Les pesticides décelés dans les sédiments du lac Mariout ont été l'α-HCH, le lindane, le p,p'-DDE, l'o,p'-DDT et le p,p'-DDT, avec des valeurs moyennes de 65,5; 327,0; 1 672,8; 82,8 et 270,5 ng/g en poids sec respectivement (tableau III). Dans les sédiments de l'hydrodrome, on n'a trouvé que du lindane et du p,p'-DDE, avec des valeurs moyennes de 432,5 et 456,0 ng/g respectivement. Les concentrations de pesticides ont été beaucoup plus élevés dans les sédiments du lac que dans l'eau et les poissons qui en provenaient.
Tayel (1981) a étudié la distribution saisonnière des résidus de pesticides chlorés dans le lac et les poissons de la baie d'Abou-Kir (mer Méditerranée). Les concentrations moyennes relevées dans l'eau ont été de 4,88; 18,05 et 24,26 ng/l pour le α-HCH, le lindane et le DDT total respectivement (tableau II). Des variations régionales et saisonnières de ces pesticides ont été observées dans la baie; elles sont dues aux fluctuations des conditions météorologiques, des arrivées d'eau douce provenant de la branche de Rosette du Nil et d'eau saumâtre provenant du lac Edku, ainsi qu'aux rejets industriels provenant de la station de pompage d'El-Tapia. Ces déversements sont une source de pollution appréciable pour la baie. Les résidus de ces composés trouvés dans les sédiments de la baie ont donné des valeurs de plusieurs fois plus supérieures aux concentrations correspondantes trouvées dans l'eau de la baie: 0,09; 0,05 et 1,73 ng/g pour le α-HCH, le lindane et le DDT total respectivement (tableau III). L'analyse de six espèces de poissons vivant dans la baie a permis de constater la présence de α-HCH, de lindane et de DDT total en concentrations beaucoup plus élevées que dans l'eau de la baie. Les concentrations variaient selon les espèces et même pour différents spécimens de la même espèce, mais aussi saisonnièrement et en fonction de la taille et du poids corporel.
Ernst et al. (1983) ont surveillé les taux des composés organochlorés dans divers organismes aquatiques provenant du littoral égyptien au voisinage d'Alexandrie. Le DDT et ses principaux produits de dégradation, le DDE et le DDD, le α-HCH, le γ-HCH, la dieldrine et les PCB ont été les principaux composés détectés. Les résultats ont fait apparaître que la côte ouest d'Alexandrie semble être principalement polluée par des composés organochlorés. A mesure que l'on s'éloigne d'Alexandrie et que l'on se rapproche de Rosette, le niveau des PCB tend à baisser.
Macklad et al., (1984a) ont également surveillé les taux et la distribution des hydrocarbures chlorés dans certaines espèces de poissons du lac Edku et de la baie d'Abou-Kir. Les données rassemblées ont montré que le DDT et ses métabolites (DDE et DDD), l'hexachlorocyclohexane (isomères α et γ), l'endrine et les PCB (sous la forme d'Aroclor 1260) étaient les principaux hydrocarbures chlorés décelés dans des poissons provenant du lac Edku et de la région où s'effectue le raccordement entre le lac et la mer. Le DDE a été le principal composé de dégradation du DDT décelé. Le DDD n'a été décelé que dans Mugil; son niveau dans le raccordement entre le lac et la mer était plus élevé qu'à l'intérieur du lac, ce qui est un effet de la pollution industrielle. D'autre part, les taux de pesticides chlorés observés dans des spécimens de l'espèce Tilapia provenant du raccordement lac-mer étaient plus élevés que dans les sujets provenant du lac, ce qui s'explique là encore par l'effet de la pollution industrielle. Des PCB tels que l'Aroclor 1260 ont été détectés pour la première fois dans deux échantillons de poissons provenant du lac Edku. Leurs taux étaient en corrélation positive avec la teneur en matières grasses du poisson. Toutefois, les PCB ont été plus fréquemment décelés dans les échantillons de poissons provenant de la baie d'Abou-Kir que dans ceux du lac Edku. Cela indique que la pollution due au PCB est essentiellement imputable aux déchets industriels déversés dans la baie d'Abou-Kir.
Macklad et al., (1984b) ont suivi les taux de pesticides chlorés dans deux espèces de poissons provenant du lac Mariout et de l'hydrodrome de Nozha. Les données concernant ces poissons (espèces Mugil et Tilapia) ont montré que le DDT et ses métabolites (DDE et DDD), le HCH et l'endrine sont les principaux pesticides chlorés rencontrés.
Dans les poissons de l'hydrodrome, le taux du γ-HCH était plus élevé que dans les autres isomères α et β décelables. Les taux de DDE dans l'espèce Mugil allaient de 3,13 à 822,0 et de 3,0 à 1 320,0 ng/g de poids humide, dans le muscle et le foie du poisson respectivement. On trouve encore du DDT dans des organismes aquatiques, bien qu'il soit interdit depuis plusieurs années. L'endrine a été détectée dans tous les échantillons de poissons provenant de l'hydrodrome. Le coefficient de concentration biologique des pesticides chlorés était plus élevé dans les échantillons de foie que dans le muscle.
Dans les poissons du lac Mariout, ainsi que ceux de l'hydrodrome, le principal produit de dégradation du DDT était également le DDE. Le DDD a été décelé dans cinq échantillons. D'une manièrale générale, les concentrations des pesticides chlorés étaient moins élevés dans les poissons du lac Mariout que dans ceux de l'hydrodrome. Les coefficients de concentration biologique de ces composés dans différents organes de Tilapia galilaea vont en ordre croissant du muscle en passant par les gonades au foie.
6.2 Afrique de l'Est
Les bassins versants des lacs de l'Afrique de l'Est et de l'océan Indien sont des sites d'agriculture intensive, d'urbanisation et d'industrialisation.
La plupart des études conduites dans cette sous-région ont été faites au Kenya dans le cadre des activités de suivi entreprises pour évaluer les effets sur l'environnement et sur la santé humaine des applications de pesticides intéressant l'agriculture et la lutte contre les vecteurs de maladies. Un petit nombre seulement d'analyses de l'eau et des sédiments ont été citées. La plupart des études portent sur l'analyse du biote et d'échantillons de faune sauvage.
Soudan
Les seules études disponibles, en dehors de l'Egypte, concernant l'accumulation des insecticides organochlorés dans des poissons provenant de la Gezireh au Soudan (Soudan Central) et du lac de Nubie (les 180 km de la partie sud de la retenue du grand barrage) sont celles d'El-Zorgani (1976) et d'Elzorgani et al., (1979), respectivement.
Dans la ferme expérimentale de la Gezireh, 28 spécimens représentant cinq types de poissons ont été analysés quand à leur résidus d'insecticides chlorés (tableau IV). Tous les échantillons de poissons contenaient des résidus de p,p'-DDE, p,p'DDD, p,p'DDT et DDT total, avec des valeurs moyennes de 670, 1470 et 2950 ng/g, poids frais respectivement (El-Zorgani, 1976). Cette forte accumulation reflète l'emploi croissant d'insecticides organochlorés au cours des 50 dernières années dans le Soudan Central, où les quantités annuelles employées dépassent largement 1 000 tonnes d'insecticides organochlorés divers.
Les tissus musculaires et hépathiques de vingt-neuf spécimens de poissons appartenant à sept espèces différentes ont été échantillonnés et analysés par Elzorgani et al. (1979) du point de vue des isomères et des métabolites du DDT. Dix seulement des 58 échantillons analysés contenaient des concentrations décelables de résidus d'OCP. On a trouvé du p,p'DDE dans les dix échantillons (49(3–153) ng/g, poids frais) tandis que le p,p'DDT n'a été trouvé que dans trois échantillons de muscle (8(5–14) ng/g de poids frais). La teneur en DDT total dans le muscle du poisson était comprise entre 6 et 184 ng/g; la plus forte valeur résiduelle (184 ng/g) a été trouvée dans un échantillon de muscle d'un spécimen d'Hydrocynus forskali (tableau IV). Il a été proposé d'utiliser ce poisson comme espèce indicatrice pour suivre les OCP dans le milieu aquatique. La source la plus probable de contamination chimique du lac de Nubie est la région de culture du coton qui s'étend le long du Nil bleu et du Nil blanc, dans le centre du Soudan. Dans cette région, l'utilisation annuelle de pesticides représente environ 2 500 tonnes, constituées principalement de composés organochlorés, spécialement du DDT, de l'endosulfan et du toxaphène. En outre, l'emploi intensif de pesticides dans la Gezireh et le long du Nil blanc dans le Soudan Central a été accusé d'être à l'origine de la contamination chimique du lac qui pourrait compromettre l'existence de la population ichthyque et mettre ainsi en péril les plans de développement d'une industrie halieutique dans la région.
Tanzanie
L'utilisation de pesticides en agriculture n'est pas très répandue (Alabaster, 1983). Sur la rive nord du lac Tanganyika, on cultive du coton, de la canne à sucre et du café, cultures qui font l'objet de pulvérisations aériennes de pesticides à raison d'environ 45 tonnes par an. Dans l'environnement marin, le DDT, l'endrine, l'aldrine, le toxaphène et d'autres pesticides parviennent jusqu'à l'océan Indien par l'intermédiaire des cours d'eau, mais proviennent aussi des grandes villes de Dar-Es-Salaam, Tanga, Lindi et Zanzibar (Bryceson et al., 1990).
Paasivirta et al., (1988) ont décrit les résultats des analyses de résidus d'insecticides chlorés et de PCB effectuées sur six échantillons de sédiments, deux échantillons de plantes aquatiques (des feuilles et des racines de Pistia stratiotes) et d'un poisson (Tilapia) provenant d'un lac artificiel, la retenue de Nyumba ya Mungu en Tanzanie. Le PCB n'a été décelé dans aucun de ces échantillons. Trois insecticides, le DDT et ses métabolites, le DDE et le DDD, le lindane et la dieldrine ont été détectés et mesurés. Les concentrations moyennes trouvées dans les sédiments étaient de 1 ng/g pour le DDE et le DDD, de 3 ng/g pour le DDT, de 1 ng/kg pour le lindane, de 4 ng/g pour la dieldrine et de 131 ng/g pour la Tanzadrine, un photométabolite de la dieldrine (tableau III). L'échantillon de poisson contenait (par gramme de poids sec) 14 ng de DDE, 4 ng de DDD, 6 ng de DDT, 3 ng de lindane, 10 ng de dieldrine et 11 ng de Tanzadrine (tableau IV). Les valeurs moyennes trouvées dans les plantes aquatiques, par gramme de poids sec, ont été de 15 ng de DDE, 18 ng de DDT, 4,5 ng de lindane, 27 ng de dieldrine et 25 ng de Tanzadrine (tableau VI).
Burundi
Au Burundi, les pesticides sont principalement employés pour les cultures poussant dans les plaines de la rivière Ruzizi (Autrique, 1977). Cette rivière débouche dans la partie nord, peu profonde, du lac Tanganyika. Des échantillons de poissons ont été examinés en 1971 et en 1972 quand aux pesticides (Deelstra et al., 1976; Alabaster, 1983). La farine fabriquée à partir de poisson séché a été analysée et les quantités de DDT et de DDE combinés ont été estimées à 700 ng/g dans Limnothrissa, 750 ng/g dans Stolothrissa, et 380 ng/g dans de jeunes Luciolates. La quantité totale de DDT et de ses métabolites dans le poisson séché entier variait entre 450 et 2 390 ng/g. Il y avait visiblement une oscillation saisonnière, le maximum étant atteint pendant la saison sèche après la récolte du coton. Cela mis à part, les quantités diminuent à mesure que l'on s'éloigne de l'ouverture de la plaine du Ruzizi, à l'endroit où ce cours d'eau pénètre dans le lac.
Ouganda
En Ouganda, les pesticides sont utilisés pour protéger les cultures vivrières et les cultures de rapport et accroître ainsi leur rendement (Bugenyi, 1984). L'application de pesticides a été mal gérée par les populations locales, avec les menaces que cela comporte pour l'environnement aquatique, parce que celles-ci n'ont pas reçu de conseils concernant l'utilisation et l'élimination sans danger des pesticides. La quantité et la concentration des pesticides utilisés ne sont pas connues (Bugenyi et Balirwa, 1989). Ils sont généralement appliqués sous forme d'aérosols, de fumigations, de pulvérisations, d'enduits, d'injections dans les arbres et de granulés. Sur le Nil Victoria, des traitements hebdomadaires de 0,4 mg/l de DDT ont été utilisés pour lutter contre la larve de la simulie Simulium damnosum (Corbet, 1958); mais dans la région du Mont Elgon en Ouganda, le DDT a aussi tué des prédateurs de Simulium (Hynes et Williams, 1962). Sserunjoji (1974, 1976) a mesuré la dieldrine présente dans les lacs ougandais (Nkivari, Mburo, Kazuma, Kachera, Kyesama, Mishera, karunga, Itara et Kijanebarora). Dans les filets de poisson, il a trouvé des taux de dieldrine compris entre 2 et 27 ng/g (poids frais) avec une moyenne de 5, tandis que dans les sédiments (semi-séchés sur papier buvard), les concentrations allaient de 2 à 39 ng/g, avec une moyenne de 10; enfin, dans des plantes (laitue d'eau et nénuphars), les valeurs vont de 1 à 180 ng/g (poids frais), avec une moyenne de 21 ng/g (tableaux III, IV et VI).
Malawi
Les pesticides sont principalement utilisés sur les cultures de coton faites le long des rives du lac Malawi, ainsi que sur le tabac, le maïs et le thé cultivés dans la vallée de la Shire (Alabaster, 1983). Entre 1973 et 1978, des poissons provenant de la vallée de la Shire ont été échantillonnés et analysés pour le DDT (Pickering et al., 1980). Les concentrations de DDT et de ses métabolites trouvées dans le muscle des poissons ont été inférieures à 50 ng/g, mais elles ont été relativement élevées dans les ovaires de Clarias gariepinus (2 700 ng/g).
Kenya
L'utilisation des pesticides au Kenya remonte à 1946, quand le DDT a été appliqué en pulvérisations aériennes pour lutter contre les moustiques dans la région du lac Victoria.
Approximativement 5 000 tonnes de pesticides sont utilisées chaque année sur le café, le maïs, le coton, le blé, le thé, la canne à sucre, les cultures maraîchères, ainsi que pour la lutte contre les insectes (Mbote, 1979). Des détails concernant les différents pesticides peuvent être trouvés dans Calamari et al. (1992). Des pesticides et leurs métabolites ont été trouvés dans l'eau et dans des organismes aquatiques, notamment des poissons (Koeman et Pennings, 1970; Koeman et al., 1972; Kallqvist et Meadows, 1977; Greichus et al., 1978b; Lincer et al., 1981; Mitema et Gitau, 1990; Mugachia et al., 1992b). Il est à craindre que les concentrations approchent des niveaux susceptibles d'avoir des effets nuisibles (Alabaster, 1983).
Les études consacrées à la présence des pesticides dans l'environnement aquatique du Kenya ont été concentrées sur les lacs de la vallée du Rift, le lac Victoria et son bassin de réception, les fleuves Athi et Tana et l'océan Indien. Van Someren (1950) parle de massives hécatombes de poissons survenues dans le lac Victoria à la suite d'une pulvérisation aérienne de DDT pratiquée pour lutter contre les moustiques. Koeman et al., (1972) ont mesurés des concentrations allant de 14 à 60 ng/g de dieldrine, et de 10 à 25 ng/g de DDE dans des muscles de Tilapia, d'Alestes et de Clarias du lac Victoria, autour duquel on emploie des pesticides dans les traitements de lutte contre la mouche tsé-tsé (tableau IV). Des oiseaux piscivores (martins-pêcheurs et cormorans) qui ont été contaminés par le biais de la chaîne alimentaire contenaient 10 ng/g de dieldrine et de 60 à 200 ng/g de DDE. Greichus et al. (1978b) ont détecté du DDE, du DDD, de la dieldrine, du DDT et des PCB dans l'eau, les sédiments et les poissons du lac Nakuru. Des taux très faibles de pesticides organochlorés ont été trouvés dans Tilapia grahami.
Munga (1985) a également étudié la présence de résidus de DDT et d'endosulfan dans des poissons provenant du périmètre d'irrigation de Hola, sur le cours inférieur de la rivière Tana, où des pesticides ont été utilisés pour lutter contre les parasites du coton et du maïs. La concentration des résidus dans les poissons était inversement proportionnelle à la distance du point d'échantillonnage par rapport aux champs de coton (les poissons prélevés aux endroits les plus proches étant les plus contaminés). Il a été constaté que les échantillons de poissons provenant de la rivière Tana elle-même étaient moins contaminés en résidus de pesticides. Sur les quatre espèces de poissons étudiées, Clarias mossambicus (= C. gariepinus), espèce qui se nourrit sur le fond, présentait la plus forte concentration moyenne de résidus dans le tissu musculaire, à savoir 400 ng/g en poids frais pour le DDT total et 110 ng/g en poids frais pour l'endosulfan (tableau IV). Une forte corrélation a été observée entre les résidus de pesticides présents dans le tissu musculaire et la teneur en graisse.
Lincer et al., (1981) ont constaté que, dans la région de la vallée du Rift, les pesticides étaient surtout utilisés dans les centres urbains, où ils sont employés pour lutter contre les moustiques, les mauvaises herbes et les rongeurs, pour protéger les céréales entreposées et pour éliminer les parasites domestiques. Des résidus de DDE ont été décelés dans des poissons provenant des lacs Naivasha, Nakuru et Baringo, à des concentrations allant de 7 à 143 ng/g en poids sec (tableau IV); la plus forte concentration de DDE (2 130 ng/g, poids sec) a été trouvée dans un poisson prédateur du lac Baringo (Baringo). Kanja (1988) a estimé que la concentration de DDT total dans des poissons provenant du lac Victoria allait de 31 à 367 ng/g; le HCH, le lindane et la dieldrine ont également été détectés à des concentrations allant de 1,3 à 123 ng/g. Metema et Gitau (1990) ont observé, dans des perches du Nil (Lates niloticus) provenant du lac Victoria, des taux de DDT total atteignant 4 510 et 460 ng/g dans la graisse et les filets respectivement. Des résidus de lindane, d'aldrine, de dieldrine et de α-HCH ont également été décelés (tableau IV).
Mugachia et al., (1992a, 1992b) ont décelé du DDE, du DDD, du DDT de l'HCH, de l'heptachlore et du lindane dans des poissons du lac Naivasha, des rivières Athi et Tana et de l'océan Indien, et ont trouvé des taux de résidus supérieurs à ceux qui étaient mentionnés dans d'autres études concernant le Kenya. Le niveau de DDT total moyen observé dans des requins était de 702 ng/g (la valeur la plus élevée a été de 3 415 ng/g); les taux de résidus du groupe HCH allaient de 4 à 290 ng/g. Dans les poissons d'eau douce, le DDT allait de 52 à 11 125 ng/g. Le taux de DDE mesuré le plus élevé était de 220 ng/g. Les concentrations de lindane allaient de 3 à 295 ng/g, celles de α-HCH de 9 à 21 ng/g (tableau IV).
Greichus et al., (1978b) ont détecté des PCB dans le lac Nakuru, le plan d'eau le plus étudié du pays. Ils ont signalé des concentrations de <1 ng/ml dans l'eau, de <20 ng/g (poids sec) dans les sédiments et de <500 ng/g (poids sec) dans les poissons (tableaux II-IV).
Une première estimation aléatoire des pesticides utilisés dans la zone de réception du lac Victoria a été faite par Calamari et al., (1992). Ils ont conclu que la plupart des pesticides utilisés dans la zone ne peuvent pas provoquer de problèmes de toxicité ni d'accumulation biologique dans le biote lacustre; seuls quelques-uns d'entre eux, comme l'aldrine, ont un potentiel d'accumulation biologique. Le DDT trouvé dans les tissus de poissons était de faible concentration et n'était pas d'origine récente.
6.3 Afrique de l'Ouest et du Centre
Pendant plus de trente ans, de nombreux insecticides chlorés ont été utilisés dans cette sous-région pour l'agriculture, la lutte contre les vecteurs de maladies et la santé publique; mais peu de données concernant les quantités employées sont disponibles. Seul au Nigéria et en Côte d'Ivoire des hydrocarbures chlorés ont été détectés et quantifiés dans les divers compartiments, à savoir dans l'eau, les sédiments, les plantes et les poissons. Dans les autres pays de la sous-région, les études concernant les CLHC ont été principalement concentrées sur les poissons et mollusques des eaux côtières.
Nigéria
Le Nigéria étant le pays le plus peuplé de l'Afrique, fait un usage relativement actif de pesticides chlorés dans les secteurs de l'agriculture et de la lutte contre les vecteurs de maladies. C'est le pays le plus industrialisé de la sous-région, avec environ 70 pour cent de ses industries manufacturières localisées dans la zone côtière; on y trouve notamment des centrales électriques, des raffineries de pétrole, des usines de pâte et de papier.
Agunloye (1984) et Tongo (1985) ont étudié la présence et les concentrations des hydrocarbures chlorés dans l'eau de 17 cours d'eau, de 2 lacs et d'un barrage dans le sud du Nigéria. Les valeurs (ng/l) des principaux CLHC observés étaient les suivantes: lindane ND-167, aldrine ND-190, endosulfan ND-750, HCB ND-9,2, heptachlore ND-96 et PCB ND-8991 respectivement. Le DDT et ses métabolites n'ont pas été décelés. Le tableau II donne les concentrations de ces substances dans certains cours d'eau particuliers. Par exemple, dans la rivière Ogun qui traverse trois Etats et se déverse dans la lagune de Lagos, les concentrations (ng/l) étaient les suivantes: lindane 1,4–41,9 (13,3), aldrine 5,1-49 (40), endosulfan ND-260 (116), heptachlore (ND-0,8 (0,25) et PCB ND-224 (87) respectivement.
Ogunlowo (1991) a étudié la présence et les concentrations de CLHC dans 9 cours d'eau de l'Etat d'Ondo, grande région cacaoyère du Nigéria. II a trouvé (en ng/l) les valeurs suivantes: lindane ND-6,4 (2,4), heptachlore ND-5,0 (2,1), endrine ND-21 (5,1), aldrine ND-3,5 (1,0) et dieldrine ND-2 150 (1 062). Les PCB, le DDT et ses métabolites n'ont pas été détectés (tableau II).
Nwankwoala et Osibanjo (1992) ont rapporté avoir détecté des résidus de 10 CLHC, notamment des PCB, dans les eaux superficielles à lbadan, la plus grande agglomération de la sous-région. Les gammes de concentration, en ng/l de certains des composés quantifiés sont les suivantes: α- et β-HCH 1-302, lindane 7-297, aldrine ND-40, dieldrine 17,8-657, endrine ND-19, heptachlore 4-202, endosulfan ND-430, HCB ND-92 et DDT total ND-1 266. Des PCB ont été décelés mais non quantifiés (tableau II). Ces résultats montrent que les charges en CLHC dans les plans d'eau sont plus élevées que les concentrations enregistrées ailleurs. Cette étude confirme que les résidus de pesticides organochlorés sont largement distribués dans les eaux superficielles étudiées, même en des endroits éloignés des sources ponctuelles.
Okonna (1985) a mis en évidence la présence de résidus de pesticides dans les eaux de la lagune de Lagos; les concentrations trouvées, en ng/l, étaient les suivantes: lindane 85,3; aldrine 19,3; DDE 12; HCB 1,9; endrine 12,5 et dieldrine 28,0.
Sunday (1990) a analysé 20 échantillons de sédiments provenant de rivières et de cours d'eau passant dans la ville d'lbadan, dans l'Etat d'Oyo. Les concentrations (moyennes) en ng/g (poids sec) étaient les suivantes: dieldrine ND-6 (1,4), α-HCH ND-1,6; γ-HCH ND-2 (0,3), aldrine ND-0,04 (0,002), DDE ND-50 (6,8) et PCB ND-14 (1,8); l'heptachlore, l'endosulfan et l'endrine n'ont pas été décelés (tableau III).
Ojo (1991) a étudié la présence et les taux de CLHC dans 23 échantillons de sédiments provenant du fond de la lagune de Lekki, dans l'Etat de Lagos. Dix-sept pesticides organochlorés et du HCB ont été décelés. Aucun PCB n'a pas été détecté (tableau III). Les gammes de concentration, avec les moyennes entre parenthèses, indiquées en ng/g (poids sec), étaient les suivantes: lindane 0,11-4,9 (1,1), aldrine ND-347 (56), p,p'-DDE 11-555 (263), o,p'-DDD ND-348 (88), endosulfan 7-1 155 (30), heptachlore ND-1845 (64), β-HCH ND-260 (66), α-HCH ND-116 (18,6), HCB ND-3,3 (0,4), endrine ND-129 (16,5), dieldrine 190-8, 460 (4 560). Comparés à d'autres endroits du monde, on doit considérer les sédiments de la lagune de Lekki comme étant relativement contaminés en pesticides organochlorés.
On a constaté que les concentrations de ces produits chimiques étaient sensiblement plus élevées dans les échantillons de poissons des eaux douces que dans les sédiments et dans l'eau. Amakwe (1984) a détecté dix pesticides organochlorés, du HCB et des PCB dans 40 échantillons de poissons d'eau douce prélevés à divers endroits dans les Etats d'Oyo et Ogun. La proportion relative de certains des CLHC identifiés a été de 100 pour cent pour le lindane, 97 pour cent pour le PCB et l'endosulfan, 75 pour cent pour les DDT et ses métabolites. Les gammes de concentration, avec les moyennes entre parenthèses, en ng/g en poids frais étaient les suivantes (tableau IV): lindane 7-106,0 (25,6), p,p'-DDE 2,0-30,0 (3,4), p,p'-DDD 2,0-60,0 (7,8), p,p'-DDT 3,0-18 (2,9), DDT total 3,3-161 (20,6), PCB (Aroclor A1250) 8,0-130 (28,7), heptachlore 1,0-300 (50,0), endosulfan 3-904 (173), HCB 9,0-130,0 (12,7) et α-HCH 0,2-5,0 (1,3). Fayomi (1987) a aussi décelé et quantifié neuf OCP dans le sud-est du Nigéria. La proportion relative de certains de ces composés a été de 100 pour cent pour les PCB, l'aldrine, le lindane et l'α-HCH, et de 44,4 pour cent, 16,7 pour cent, 33,3 pour cent, 61,1 pour cent et 72,2 pour cent pour l'endosulfan, le δ-HCH, le p,p'-DDD, le p,p'-DDE et l'heptachlore respectivement. Les gammes de concentration, avec les moyennes entre parenthèses, en ng/g en poids frais étaient les suivantes: α-HCH 0,2-7,4 (1,8), lindane 0,6-13 (4,4), heptachlore ND-1,0 (0,3), aldrine ND-14,9 (5,5), endosulfan ND-89,6 (14), p,p'-DDE ND-4,2 (1,8), DDD ND-8 (0,7) et PCB 0,7-14 (3,8).
Se basant sur analyses de 94 échantillons de 25 espèces marines effectuées entre 1983 et 1985, et de 14 échantillons de 7 espèces de mollusques effectuées en 1987, Osibanjo et Bamgbose (1990) font état d'une contamination des poissons et mollusques marins du Nigéria par les CLHC. Les gammes de concentration observées étaient, en ng/g en poids frais, de 0,04-9,48 pour le HCB, ND-5,30 pour le lindane, ND-4,95 pour l'endosulfan, 0,15-18,6 pour le DDT, ND-54,60 pour l'aldrine et 11,0-225 pour le PCB (tableau IV). Les poissons contenaient des concentrations plus élevées d'aldrine, d'heptachlore, de HCB et de lindane que les mollusques, alors que le contraire a été observé pour le DDT et les PCB. Les concentrations de résidus qu'ils ont obtenues sont moins élevées que celles dans la littérature scientifique pour les pays industrialisés. On a également constaté que les poissons prédateurs concentrent davantage de résidus dans le tissu musculaire que les espèces qui se nourrissent de plancton. Le rapport DDT/PCB était inférieur à 1, ce qui indique que les activités industrielles prédominent sur les activités agricoles en tant que source de contamination de l'environnement marin. Le poisson Galeoides decadactylus a été proposé comme indicateur biologique potentiel pour le suivi de la pollution par les hydrocarbures chlorés dans la zone d'étude.
En conclusion, divers compartiments de l'environnement aquatique au Nigéria sont fortement contaminés par plusieurs OCP, PCB et HCB.
Côte d'Ivoire
Marchand et Martin (1985) ont évalué la contamination des sédiments de la lagune Ebrié par le DDT et ses métabolites, le lindane et le PCB. Les concentrations, en ng/g (poids sec), sont de l'ordre de: lindane 0,5-19, DDE 0,2-149, DDD 0,2-803, DDT 0,2-354, PCB 2-213 (tableau III). Deux sites critiques ont été mis en évidence: la baie de Bietry et la baie de Marcory qui sont fortement polluées.
L'analyse des sédiments superficiels de baies de la zone urbaine de la lagune d'Abidjan (Kaba, sous presse) a révélé que ces sites sont pollués. Les taux de concentration (ng/g) étaient les suivants: α-HCH 0,01-13,4, lindane 0,07-19,81, β-HCH 0,32-157,32, δ-HCH 0,01-5,05, heptachlore ND-6,80, aldrine 0,07-62,1, dieldrine ND-125,75, endrine ND-15,06, DDT total 2,50-242,83, PCB 8,49-1,013,92 (tableau III).
Des poissons capturés par empoisonnement au lindane et les poissons contaminés en laboratoire avec du lindane (dose létale 0,1 mg/l) ont également été analysés. Les concentrations de HCH observées ne dépassaient pas les normes internationales de consommation s'appliquant au poisson et à ses produits dérivés. Les concentrations dans les branchies étaient supérieures à celles des intestins les concentrations les plus basses ont été trouvées dans le tissu musculaire.
Les poissons marins de la Côte d'Ivoire sont très faiblement contaminés en substances organochlorées (Kaba, 1992). Dans les espèces analysées (Pagellus bellotii, Epinephelus aeneus, Cynoglossus canariensis, Pseudotolithus senegalensis, Sphyraena sphyraena et Panaeus notialis), les concentrations étaient les suivantes: lindane <0,1-2,4, heptachlore ND-2,7, aldrine 0,1-3,9, dieldrine ND-2,1, endrine ND-<0,1, DDT total 0,4-12,9 ng/g de poids sec.
Cameroun
Au Cameroun, des données sont disponibles pour les composés organochlorés des produits halieutiques provenant des eaux côtières comprises entre le Cap Limbo (autour de Limbe) et l'estuaire de la rivière Wouri et les criques de Douala (Mbi et Mbome, 1991, Mbome et Mbi, 1991; voir tableau V). Les résultats obtenus (valeurs extrêmes et moyennes en ng/g en poids frais) sont: pour le poisson - lindane ND-7,31 (1,60), aldrine ND-13,3 (2,4), DDT ND-393 (89,5), PCB ND-983 (196); pour la crevette - lindane 0,28-1,76 (0,98), aldrine ND, DDT 76-540 (244), PCB ND-705 (342), et pour l'huîtrelindane ND-5,3 (1,44), aldrine ND-12,0 (1,71), DDT ND-181 (113), PCB ND-716 (209). La zone étudiée est caractérisée par la présence de plantations de bananiers, d'hévéas et de palmiers le long de la côte, d'une raffinerie de pétrole située aux environs de Limbe, et d'intenses activités industrielles autour du port de Douala. La zone de Douala est reliée par des criques à Edéa (sud-est), ville équipée d'un complexe de transformation de l'aluminium, d'une usine hydro-électrique et d'une usine de pâte à papier qui a été fermée il y a deux ou quatre ans. La plupart des valeurs élevées pour les composés organochlorés, et spécialement pour le DDT et les PCB, proviennent des échantillons de la zone d Douala.
Bénin, Sierra Leone et Gambie
Au Bénin, Soclo et Kaba (1992) ont relevé les concentrations moyennes suivantes pour les poissons: HCB <0,016, lindane 0,10, heptachlore 0,02, aldrine <0,006, p,p'-DDT 1,86, en ng/g, poids frais (tableau V).
Portmann et al. (1989), dans leur évaluation de l'état de l'environnement marin en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, ont déterminé pour des poissons provenant des côtes du Sierra Leone des valeurs moyennes de DDT total et de lindane de 46 et 1,24 ng/g en poids frais respectivement,.
Concernant la Gambie, les concentrations moyennes de lindane en ng/g en poids frais (Jallow, 1988) étaient les suivantes: poisson 0,029, crevette 3,07 et huître 1,74. Les concentrations d'heptachlore étaient de 0,15; 0,74 et 0,18 ng/g respectivement (tableau V).
Les faibles concentrations de CLHC trouvées dans les organismes marins s'expliquent probablement par le fait que ces substances ont été utilisées en quantités relativement faibles dans les pays de l'Afrique de l'Ouest en comparaison avec d'autres pays en développement.
6.4 Afrique australe
Dans cette sous-région, les pesticides chlorés sont utilisés depuis fort longtemps en agriculture et dans les programmes de santé humaine et de lutte contre les maladies. Deux pays de la région, le Zimbabwe et l'Afrique du Sud, ont de fortes concentrations d'industries primaires et tertiaires qui pourraient sévèrement affecter l'écosystème aquatique.
Zimbabwe
Greichus et al., (1978a) ont détecté et quantifié des hydrocarbures chlorés, notamment des PCB, dans différents compartiments écologiques du lac McIlwaine (Zimbabwe), les concentrations étant beaucoup plus élevées dans les poissons que dans les sédiments et l'eau respectivement. Les concentrations relevées ont été les suivantes: pour les PCB < 1 000 ng/l dans l'eau, 120 ng/g en poids sec dans les sédiments et 1 200–2 300 ng/g en poids sec dans les poissons; pour le DDT total < 100 ng/l dans l'eau, 57 ng/g en poids sec dans les sédiments et 180–450 ng/g en poids sec dans les poissons (tableaux II-IV).
Matthiessen (1983) a mesuré les concentrations de DDT et de ses métabolites dans les compartiments écologiques des principaux cours d'eau se déversant dans le lac Kariba. Les valeurs obtenues ont été <20–300 ng/l dans l'eau, 40–740 ng/g en poids humide dans les sédiments, 170 ng/g en poids frais dans le muscle des poissons et 150–740 ng/g en poids frais dans les mollusques (tableaux II-IV). Les taux de résidus ont également été mesurés dans le foie de poisson (440 ng/g en poids frais) et les ovaires de poisson (360 ng/g en poids frais). Selon l'auteur, la contamination par le DDT proviendrait de l'emploi de ce pesticide pour la lutte contre la mouche tsé-tsé.
Mhlanga et Madziva (1990) ont communiqué les concentrations de HCH, aldrine, dieldrine et DDT total trouvées dans différentes matrices du lac McIlwaine. Les valeurs obtenues (fourchette; moyenne) ont été dans le poisson (ng/g en poids frais): a-HCH ND-240 (64,1), aldrine ND, dieldrine ND-24(1,33), DDT total (66,6), dans l'eau (ng/l): α-HCH 26-270 (100), aldrine < 10-120 (100), dieldrine 10-530 (200), DDT total 30-700 (400) et dans les sédiments (ng/g en poids frais): HCH 2,0-42(16), aldrine ND-12(1,0), dieldrine ND-16 (5,0), DDT total 32–146 (76). Aucune donnée n'a été fournie pour les PCB (tableaux II-IV).
Botswana
Mathiessen et al. 1982 ont étudié l'accumulation de résidus d'endosulphan (substance hautement toxique pour les poissons avec une 24-h CL50 = 0,09-11,2 μg/l suivant l'espèce et la température) chez les poissons et leurs prédateurs à la suite de pulvérisations aériennes effectuées pour lutter contre la mouche tsé-tsé dans le delta de l'Okavango (Botswana). La concentration totale maximum de résidus trouvée dans le muscle de poissons vivants a été de 190 ng/g en poids frais, tandis que le maximum trouvé dans des poissons morts entiers a été de 1 500 ng/g. Les taux de résidus observés dans les poissons sont approximativement proportionnels à leur teneur en graisse, les poissons maigres étant plus sensibles à l'empoisonnement que les poissons gras. L'absence de rémanence d'endosulphan dans l'écosystème aquatique de l'Okavango est démontrée par le fait que les concentrations de résidus dans les prédateurs des poissons (oiseaux piscivores et crocodiles) sont semblables à ceux de leur proie, le risque pour ceuxci étant par conséquent relativement faible.
Afrique du Sud
Les concentrations et la distribution des insecticides à base d'hydrocarbures chlorées, des PCB et de certains métaux ont été mesurées dans des sédiments du fond, des plantes aquatiques, des insectes aquatiques, des poissons, des oiseaux piscivores et leurs oeufs pour deux lacs sud-africains, la retenue de Hartbeespoort et la retenue de Voëlvlei (Greichus et al., 1977). Les valeurs moyennes citées pour l'écosystème de la retenue de Hartbeespoort étaient dans les poissons (ng/g: poids sec): dieldrine 80, p,p'-DDE 77, p,p'-DDD 100, p,p'-DDT 67, DDT total 244, PCB 920; dans l'eau (ng/l): dieldrine < 100, p,p'-DDE 100, p,p'-DDD 100, p,p'-DDT 100, DDT total 300, PCB 2000; et dans les sédiments (ng/g en poids sec): dieldrine 2, p,p'-DDE 10, p,p'-DDD 18, p,p'-DDT 13, DDT total 45, PCB 320. Pour l'écosystème de la retenue de Voëlvlei, les valeurs moyennes étaient, dans le poisson (ng/g en poids sec): dieldrine 27, p,p'-DDE 160, p,p'-DDD 20, p,p'-DDT 190, DDT total 370, PCB 600; dans l'eau (ng/l): dieldrine < 100, p,p'-DDE <100, p,p'-DDD<100, p,p'-DDT<100, p,p'-DDT<200, PCB < 1000, et dans les sédiments (ng/g en poids sec): dieldrine <1,0, p,p'-DDE 5,0, p,p'-DDD 2,0, p,p'-DDT 6,0, DDT total 13,0, PCB 70,0.
Les valeurs concernant les plantes aquatiques (jacinthe d'eau et algues) sont présentées dans le tableau VI. Les résidus d'insecticides les plus couramment rencontrés dans ces deux retenues sont le DDE, le DDD, le DDT et la dieldrine. Pour tous les types d'échantillons communs aux deux lacs, la retenue de Hartbeespoort présentait des taux d'insecticides et de PCB plus élevés que la retenue de Voëlvlei; les concentrations de PCB comportant six atomes de chlore ou plus augmentent à mesure que s'élève le niveau trophique.
Les tableaux II à VI contiennent des données concernant les CLHC présents dans différents compartiments de l'environnement aquatique.
Une vue d'ensemble des stations étudiées met en évidence le fait que l'étude de la présence et l'estimation quantitative des CLHC ont été centrées sur les lacs, rivières et cours d'eau situés dans des zones de lutte contre les ravageurs des cultures ou contre les vecteurs de maladies, ainsi que dans les zones urbaines, dont certaines sont des zones industrialisées. Etant donné qu'aucune évaluation d'impact sur l'environnement n'a été réalisée avant l'application de ces produits chimiques, à laquelle il faut ajouter la contribution non négligeable du transport atmosphérique de ces produits chimiques sur de grandes distances par rapport au point d'application, la plupart des études dites de base reposent en fait sur des évaluations postérieures à l'impact. En d'autres termes, les données de bases fournies par ces études ne le sont qu'en apparence, et ne correspondent pas à de vraies données de base provenant d'environnements vierges.
7.1 Concentration de CLHC dans l'eau
Les données disponibles relatives aux concentrations de CLHC dans l'eau présentent des lacunes (tableau II). La plupart des études ont été effectuées pour évaluer l'impact écologique de groupes spécifiques de pesticides organochlorés utilisés, en particulier le DDT et ses isomères, le lindane, l'endosulphan, la dieldrine, l'aldrine et l'heptachlore. Les produits industriels comme les PCB et le HCB ont été étudiés dans quelques cas isolés seulement. Par ailleurs, on dispose d'avantage de données sur les eaux intérieures que sur les eaux côtières, spécialement pour le Nigéria et l'Afrique australe.
D'une manière générale, les eaux intérieures africaines sont contaminées par une large gamme d'OCP. Toutefois, l'HCH, l'aldrine, l'endosulphan, le p,p'-DDE, le p,p'-DDT et le DDT total n'ont pas pu être décelés dans des nombreux échantillons des eaux intérieures du Nigéria, malgré que ces produits chimiques y sont utilisés à relativement grande échelle. La présence, sous les climats tropicaux chauds, de ces produits chimiques dans l'eau à l'état de concentrations traces seulement, pourrait éventuellement s'expliquer par leur volatisation et le transport atmosphérique. Les concentrations dans l'eau peuvent aussi être mises en corrélation avec la solubilité et la rémanence dans l'eau de ces produits.
Les OCP présents aux concentrations les plus faibles sont généralement l'heptachlore (ND-119) et le HCB, si on ne tient pas compte de quelques valeurs isolées élevées. Le lac Mariout en Egypte semble être le plan d'eau le plus pollué, si l'on en juge d'après les valeurs excessivement élevées trouvées pour y-HCH (lindane) (1 310 ng/l), le p,p'-DDE (6 630 ng/l) et le DDT total (21 440 ng/l) (Saad, 1981). Le lac Nakuru au Kenya, le lac McIlwaine au Zimbabwe et les retenues sud-africaines sont contaminées par des PCB, ce qui indiquerait une pollution de source industrielle. D'après des données provenant du Nigéria (Tongo, 1985) et d'Egypte (Tayel, 1981), les eaux côtières seraient tout aussi contaminées que les eaux douces, exception faite pour les lacs égyptiens qui ont des valeurs très élevées.
7.2 Concentration des CLHC dans les sédiments
D'après les données disponibles (tableau III), on dispose de renseignements relativement plus abondants pour l'Afrique de l'Ouest, pour toute une série de CLHC, en particulier l'aldrine, le lindane, la dieldrine, le DDT et ses métabolites et les PCB. Le tableau montre aussi que la plupart des sédiments des eaux douces en Afrique sont contaminés par les CLHC. Si on excepte les valeurs élevées de DDT et de ses métabolites (1,73–877 ng/g en poids sec), on peut conclure que, dans les sédiments des eaux intérieures africaines, les taux de contamination sont faibles et ne constituent donc pas une menace écologique.
Les sédiments côtiers, dont la baie d'Abou Kir (Egypte) offre un exemple, sont plus propres que les sédiments des eaux intérieures. La lagune de Lekki (Nigéria), plan d'eau semi-fermé dans lequel s'écoulent plusieurs cours d'eau, constitue un site critique où certains composés comme la dieldrine (4 560 ng/g) et le p,p'-DDE (263 ng/g en poids sec) atteignent des valeurs moyennes très élevées. La lagune Ebrié (Côte d'Ivoire) avec une valeur moyenne de PCB de 355,5 ng/g en poids sec, semble être un autre site critique.
7.3 Concentration de résidus de CLHC dans le poisson
Etant lipophiles, les CLHC ont tendance à s'accumuler biologiquement dans les tissus des poissons. Le tableau IV montre que les poissons des eaux douces sont fortement contaminés par le DDT et ses métabolites ainsi que par le lindane, ce qui témoigne d'une utilisation importante de ces produits chimiques.
En particulier, les poissons des rivières du Kenya (Tana et Athi) et plus encore des retenues sud-africaines sont fortement contaminés, les taux atteignant 370 ng/g pour le DDT (retenue de Voëlvlei) et 920 ng/g (poids frais) pour les PCB (retenue de Hartbeespoort). Des données concernant les concentrations des CLHC dans les poissons marins (tableau V) ne sont disponibles que pour l'Afrique occidentale et centrale. D'une manière générale, les poissons marins sont moins contaminés que les espèces continentales. Des données provenant de poissons marins du Cameroun indiquent, cependant, des valeurs élevées pour les DDT et les PCB.
On a tenté d'identifier, à l'aide des données du tableau IV, les tendances de la présence du DDT et de ses dérivés dans des filets de poissons. Il n'y a pas de tendance claire à la diminution des concentrations au fil des ans; toutefois, des faibles concentrations de DDT sont plus fréquemment trouvées dans les échantillons récents. Cela pourrait être dû à une diminution de la consommation et à des contrôles plus rigoureux. C'est ce que corrobore d'ailleurs le fait que les différences de concentration du DDT et de ses métabolites soient plus importantes dans d'anciennes études, qui correspondaient à une utilisation récente, alors que l'écart a diminué dans les dernières études, ce qui indique une utilisation ancienne. En outre, les espèces de poissons marins semblent moins contaminées que les espèces des eaux douces, comme il a déjà été indiqué.
7.4 Concentration de CLHC dans les plantes aquatiques
Il n'existe actuellement que de rares données concernant les taux de ces produits chimiques dans les plantes aquatiques, comme la plupart des études du biote ont été concentrées sur les poissons.
Le tableau VI donne les taux quantifiables de p,p'-DDE pour des plantes aquatiques du lac Naivasha (Kenya); pour le lac Nakuru (Kenya), les quantités vont de concentrations de traces à non décelables.
On s'est aperçus que l'ubiquiste jacinthe d'eau qui est devenue une menace pour de nombreuses eaux intérieures en Afrique, contient, dans les eaux côtières du Nigéria, des quantités décelables et quantifiables de dieldrine (43), de lindane (48,6), d'heptachlore (52) et de PCB (2700 ng/g en poids sec). Dans la retenue de Hartbeespoort (Afrique du Sud), des valeurs plus faibles de CLHC ont été enregistrées pour cette plante.
Si on se base sur les taux de dieldrine, de lindane, d'endosulphan, de DDT total et de PCB, les eaux et les sédiments des lacs nord-africains d'Egypte sont les plus pollués; viennent ensuite les cours d'eau de l'Afrique de l'Ouest (Nigéria); les eaux de l'Afrique australe et orientale étant les moins polluées pour ce qui concerne ces polluants organiques.
Mais lorsqu'il s'agit de la contamination des poissons, la tendance est inverse. Les poissons de l'Afrique de l'Ouest sont les plus contaminés; viennent ensuite les poissons de l'Afrique du Nord tandis que ceux de l'Afrique de l'Ouest sont les moins contaminés. Cette disparité pourrait être liée à un certain nombre de facteurs, parmi lesquels la teneur relative du poisson en graisses, sa taille et ses habitudes alimentaires, ainsi que les transformations biogéochimiques et abiotiques dans différents écosystèmes aquatiques.
Les auteurs du rapport du Programme GEMS de surveillance de la qualité de l'eau UNEP/WHO, 1988) ont relevé qu'il n'existe pas de données concernant les concentrations de CLHC dans les eaux africaines. L'absence de données concernant les concentrations de ces substances dans les poissons côtiers et marins a également été soulignée lors d'un atelier sur le suivi de la pollution (IOC-Unesco, 1985). Cette étude a néanmoins signalé la présence et la détection de toute substance obligatoirement suivie dans le cadre du programme GEMS/WATER pendant la période 1979–1984, à l'exception du Mirex.
Des concentrations supérieures à 100 ng/l ont été trouvées pour y-HCH, le DDE et le DDT total dans des lacs égyptiens, des cours d'eau à lbadan, Nigéria (DDT seulement) et pour les PCB dans la retenue de Hartbeespoort, Afrique du Sud, respectivement, ce qui indique une pollution par ces produits chimiques. Ces résultats sont semblables aux taux de DDT cités en Colombie par le programme GEMS/WATER et aux valeurs de y-HCH mentionnées pour quelques grands cours d'eau du Royaume-Uni (Croll, 1969), du Japon (Suzuki et al., 1974) et de l'lnde (Ramesh et al., 1990). Toutefois, la majorité des eaux intérieures africaines ont des concentrations de y-HCH inférieures à 10 ng/l, ce qui est conforme aux recommandations de la directive concernant la protection de la vie aquatique dans les eaux douces au Canada (Merriman et Metcalf, 1988), et est semblable aux résultats communiqués pour le fleuve du Niagara, Canada (Olivier et Nicol, 1984).
Des taux excessivement élevés de dieldrine (supérieurs à 1000 ng/l) ont été trouvés dans certains plans d'eau superficiels du Nigéria. Ces résultats sont également semblables aux taux de dieldrine observés dans le cadre du programme GEMS/WATER en Colombie et en Malaisie respectivement, mais dépassent de plusieurs fois les 4 ng/l de la directive fixée pour la vie aquatique dans les eaux douces au Canada.
Les valeurs des PCB (<1000 ng/l) mesurées dans des retenues en Afrique du Sud, des lacs au Kenya, au Zimbabwe et en Afrique du Sud, ainsi que pour le barrage d'Awba au Nigéria sont comparables aux valeurs élevées citées par le programme GEMS/WATER 1979–84 pour le Royaume-Uni, la Thaïlande, la Chine et le Japon.
Excepté quelques sites critiques qui sont liés à des problèmes localisés de pollution, les sédiments des eaux intérieures africaines sont relativement peu pollues en CLHC et les valeurs obtenues sont inférieures aux concentrations citées pour les pays développés dans la plupart des cas (Eisenreich et al., 1979, Oliver et Charlton, 1984).
Les taux de CLHC mesurés dans des poissons provenant des eaux africaines sont relativement faibles, comparés aux valeurs provenant d'autres parties du globe et sont semblables aux résultats obtenus par GEMS/FOOD pour la période 1984–1985 (UNEP/FAO/WHO, 1988), si on excepte quelques cas correspondant à des sites critiques de pollution. Les concentrations observées sont nettement inférieures aux limites admissibles pour les CLHC dans le poisson destiné à la consommation humaine (Nauen, 1983; FAO, 1989).
La présence des CLHC dans les différents compartiments de l'environnement aquatique, même à des concentrations de traces et d'ultratraces, devrait être cause de préoccupation. Une exposition de longue durée à des concentrations sub-létales de ces substances dans leurs divers cheminements dans l'environnement aquatique peut également provoquer d'immenses dégâts dans l'environnement et des problèmes de santé pour l'homme.
Un cadre institutionnel et des mécanismes réglementaires relatifs à l'importation, au transport, à l'entreposage, à la vente et à l'application de ces produits chimiques devraient être mis en place dans tous les pays. On mentionnera pour référence le Code international de conduite sur la distribution et l'utilisation des pesticides, adopté par la Conférence de la FAO en 1985 et amendé en 1989 (FAO, 1990). Ce Code a pour objectif de préciser les responsabilités et d'établir des normes de conduite volontaires destinées à toutes les entités publiques et privées qui s'occupent ou traitent de la distribution et de l'utilisation des pesticides, en particulier là où leur réglementation n'est pas ou est insuffisamment couverte par la législation nationale.
L'impact écologique de plusieurs décennies d'utilisation des hydrocarbures chlorés en Afrique pour de multiples usages est mis en évidence par la contamination de différents compartiments aquatiques par ces substances, spécifiquement par le DDT et ses métabolites, le lindane, la dieldrine et les PCB. La présence de résidus de pesticides observée dans des échantillons pris dans l'environnement est en relation directe, si l'on en juge d'après les données disponibles, avec les pesticides utilisés sur le continent.
Par le présente étude la difficile tâche de rassembler des données, jusqu'ici inexistantes, sur les concentrations de CLHC dans l'environnement aquatique de la région a été accomplie. A quelques exceptions près, les concentrations observées dans divers compartiments de l'environnement aquatique sont moins élevées en Afrique que dans d'autres parties du globe, en particulier que dans les pays développés qui ont une longue tradition de consommation et utilisation intensive de pesticides. D'une manière générale, les eaux côtières, les sédiments et le biote sont moins contaminés que les compartiments écologiques des eaux intérieures, quelques sites critiques exceptés.
Les données disponibles sont peu nombreuses et constituent par conséquent un bon point de départ pour avancer dans ce travail de surveillance, en y associant d'autres pays de la région. Néanmoins, les données concernant les filets de poissons sont homogènes et comparables car elles ont été obtenues dans le cadre de programmes de suivi de la pollution côtière et marine et d'études de recherche entreprises dans la région dans les années 80 sous l'égide du Programme PNUE pour les mers régionales. Ces données font apparaître une tendance à la diminution des concentrations de ces substances au fil des ans, conséquence directe d'une réduction de leur emploi et de l'application par les gouvernements des contrôles plus rigoureux sur ces catégories de composés.
La présence de ces micropolluants synthétiques dans différents compartiments de l'environnement aquatique, même à l'état de trace et d'ultratrace, est toutefois une source de préoccupation pour la santé de l'environnement. Une réglementation cadre et des contrôles sur l'emploi de ces produits chimiques devraient être institués dans les pays de la région, qui devraient aussi faire entrer en vigueur le Code international de conduite concernant leur utilisation correcte.
Tableau II
Concentrations des hydrocarbures chlorés dans les eaux intérieures et côtières africaines (ng/l)
Emplacement | Dieldrinè | αHCH | HCB | γHCH (Lindane) | Heptachlore | Aldrine | Endosulfan | Références |
EAUX INTERIEURES | ||||||||
Afr.du Nord - Egypte | ||||||||
Lac Mariout | 2091 | Saad et al., 1982 | ||||||
Lac Mariout | 120 | 1310 | Saad, 1981 | |||||
Hydrodr. de Nozha | 1100 | Abu-Elamayem et al., 1979 | ||||||
Afr.de l'Est - Kenya | ||||||||
Lac Nakuru | <100 | <100 | Kallqvist et Meadows, 1977 | |||||
Afrique de l'Ouest et du Centre - Nigéria | ||||||||
Ibadan, rivières | 250 (17.8–657) | 150 (1–302) | 17 (ND-92) | 100 (7–297) | 72 (4–202) | 20 (ND-40) | 98 (ND-430) | Nwankwoala et Osibanjo, 1992 |
Rivière Ogun | 13.3 (1.4–41.9) | 0.25 (ND-0.8) | 40 (5.1–49) | 116 (ND-260) | Agunloye, 1984; Tongo, 1985 | |||
Rivière Imo | 0.2 (ND-0.6) | 4 (ND-11.4) | 13 (ND-40) | 13 (ND-41) | Agunloye, 1984; Tongo, 1985 | |||
Rivière Cross | 1.0 (ND-5) | 0.3 (ND-1.1) | 2 (ND-8.6) | 36 (ND-143) | 20 (ND-80) | Agunloye, 1984; Tongo, 1985 | ||
Rés. Awba, Ibadan | 0.8 (ND-2.5) | 61 (9–167) | 18 (12–29) | 20 (ND-30) | Agunloye, 1984; Tongo, 1985 | |||
Lac Kainji | 0.12 (ND-0.24) | 0.47 (ND-3.48) | 0.55 (ND-3.05) | Adeniji et al., 1991 | ||||
Rés. R. Ero, Ondo | 560 | 2.0 | 3.3 | 3.1 | ND | Ogunlowo, 1991 | ||
Rivière Ero, Ondo | 740 | 2.0 | ND | ND | ND | Ogunlowo, 1991 | ||
Rivière Osse, Ondo | 2150 | 2.0 | 5.0 | ND | ND | Ogunlowo, 1991 | ||
R. Owesse, Ondo | 1120 | 6.4 | 1.6 | ND | ND | Ogunlowo, 1991 | ||
R. Apomu, Ondo | 1380 | 4.8 | 4.6 | 3.5 | ND | Ogunlowo, 1991 | ||
Afrique australe | ||||||||
Rés. Hartbeespoort, RSA | <100 | Greichus et al., 1977 | ||||||
Rés. Voëlvlei, RSA | <100 | Greichus et al., 1977 | ||||||
L. McIlwaine, Zimb. | <100 | Greichus et al., 1978a | ||||||
L. McIlwaine, Zimb. | 200 (<10–530) | 100 (26–270) | 100 (<10–120) | Mhlanga et Madziva, 1990 | ||||
EAUX COTIERES | ||||||||
Afr.du Nord - Egypte | ||||||||
Baie d'Abu-Kir | 4.88 | 18.05 | Tayel, 1981 | |||||
Afrique de l'Ouest et du Centre - Nigéria | ||||||||
Lagune de Lagos | 8 (ND-24) | 2 (0.8–4.1) | 182 (16–634) | ND | 53 (3–190) | 29 (ND-86) | Tongo, 1985 |