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ETUDE DES METAUX LOURDS

par

C. Biney, A.T. Amuzu, D. Calamari, N. Kaba, I.L. Mbome, H. Naeve
O. Ochumba, O. Osibanjo, V. Radegonde et M.A.H. Saad

1. INTRODUCTION

Dans les écosystèmes aquatiques naturels, les métaux se trouvent à de faibles concentrations, généralement de l'ordre du nanogramme ou du microgramme par litre. Ces derniers temps, cependant, la présence de métaux lourds contaminants, et spécialement de métaux lourds à des concentrations supérieures aux charges naturelles, est devenue un problème de plus en plus préoccupant. II faut en imputer la rapide croissance démographique, une urbanisation accrue, l'expansion des activités industrielles, de la prospection et de l'exploitation des ressources naturelles, l'extension de l'irrigation et la propagation d'autres pratiques agricoles modernes, ainsi que l'absence de réglementations concernant l'environnement.

Dans le monde entier, la communauté scientifique a étudié certains de ces problèmes et les résultats de ces travaux ont été publiés dans diverses revues et ouvrages (Nriagu, 1989; Förstner et Wittmann, 1981; Salomons et Förstner, 1984). La plupart des matériaux utilisés pour la présente introduction proviennent de ces sources.

Contrairement à d'autres polluants, comme les hydrocarbures dérivés du pétrole, et aux déchets qui envahissent l'environnement au vu de tout le monde, les métaux lourds s'accumulent subrepticement, pour finir par atteindre des seuils toxiques. Les problèmes associés à la contamination par les métaux lourds ont été tout d'abord mis en évidence dans les pays industriellement avancés en raison de leurs déversements industriels plus importants, et spécialement à la suite d'accidents dus à une pollution par le mercure et le cadmium en Suède et au Japon (Kurland et al., 1960; Nitta, 1972; Goldberg, 1979). Bien que le niveau des activités industrielles soit relativement moins élevé dans des régions moins développées comme l'Afrique, on y observe néanmoins une prise de conscience croissante de la nécessité de gérer rationnellement les ressources aquatiques et notamment de maîtriser les déversements de déchets dans l'environnement. Comme il est à prévoir que les activités industrielles et urbaines s'intensifieront dans toutes les régions du continent, cette question revêt désormais une importance encore plus grande.

La documentation disponible concernant divers problèmes écologiques a été examinée par Dejoux (1988) dans une monographie consacrée à la pollution des eaux intérieures africaines, et par Phillips (1991) dans une étude des écosystèmes marins tropicaux à l'échelle mondiale. Ces travaux ont fait apparaître que les renseignements disponibles concernant l'Afrique sont rares et disséminés et, par conséquent, ont montré la nécessité d'étudier de manière plus précise et plus concrète la présence des métaux lourds lourds dans divers compartiments du milieu aquatique du continent.

Pour gérer rationnellement et maîtriser la pollution des eaux, il faut arriver à étudier tout ce qui concerne les apports (charges), la distribution et le sort des contaminants, y compris les métaux lourds d'origine terrestre qui se déversent dans les écosystèmes aquatiques. Il faut en particulier en étudier les quantités et les caractéristiques qualitatives, ainsi que les itinéraires qu'ils empruntent quand ils se dispersent, leur destinée et leurs effets sur le biote.

Pour pouvoir évaluer le niveau de contamination de l'environnement africain par les métaux lourds, il a fallu entreprendre plusieurs programmes de suivi de la pollution et travaux de recherche au sein de diverses universités et instituts scientifiques de la région. Les programmes les plus pertinents sont les programmes de surveillance continue de la pollution en Méditerranée (MEDPOL) qui englobent également l'Afrique du Nord, le Programme de recherche sur la pollution marine en Afrique occidentale et centrale (WACAF/2) et le Programme de recherche sur la pollution marine en Afrique orientale (EAF/6).

Ces dix dernières années, les techniques d'échantillonnage et d'analyse appliquées aux métaux lourds se sont également considérablement améliorées. Ces progrès, joints à la réalisation d'opérations internationales d'interétalonnage ont permis de réunir des données plus fiables. On s'est efforcé, dans le présent document, de rassembler et d'analyser les renseignements disponibles concernant la présence de métaux lourds dans les écosystèmes tant des eaux douces que des eaux marines de l'Afrique, de manière à contribuer à l'élaboration de politiques rationnelles de gestion des ressources aquatiques du continent.

La décision d'examiner les données concernant les eaux douces et les eaux marines provient de la nécessité d'adopter une approche holistique dont puissent s'inspirer les futures stratégies de lutte.

2. SOURCES DE METAUX LOURDS

Les métaux lourds qui entrent dans l'environnement aquatique proviennent de sources naturelles et de sources anthropogènes. Leur entrée peut être le résultat soit de déversements effectués directement dans les écosystèmes marins et dans les eaux douces, soit d'un cheminement indirect comme dans le cas des décharges sèches et humides et du ruissellement agricole. Parmi les importantes sources naturelles, citons l'activité volcanique, l'altération des continents et les incendies de forêts. La contribution des volcans peut se présenter sous forme d'émissions volumineuses mais sporadiques dues à une activité explosive, ou d'émissions continues de faible volume, résultant notamment de l'activité géothermique et du dégazage du magma (Zoller, 1984). Les principales sources de mercure atmosphérique, par exemple, proviennent du dégazage des terres et des océans (GESAMP, 1988). Compte tenu de la toxicité des métaux lourds lourds, il importe d'en connaître la source et de savoir ce qu'ils deviennent dans l'environnement.

Les sources anthropogènes sont les suivantes:

  1. Effluents d'extractions minières
  2. Effluents industriels
  3. Effluents domestiques et ruissellements orageux urbains
  4. Lessivage de métaux provenant de décharges d'ordures ménagères et de résidus solides
  5. Apports de métaux provenant de zones rurales, par exemple métaux contenus dans les pesticides
  6. Sources atmosphériques, par exemple combustion de carburants fossiles, incinération des déchets et émissions industrielles
  7. Activités pétrochimiques

Le tableau l présente quelques exemples de sources industrielles et agricoles d'où peuvent provenir les métaux présents dans l'environnement.

Tableau I
Sources industrielles et agricoles des métaux présents dans l'environnement

UtilisationsMétaux
Batteries et autres appareils électriquesCd, Hg, Pb, Zn, Mn, Ni,
Pigments et peinturesTi, Cd, Hg, Pb, Zn, Mn, Sn, Cr, Al, As, Cu, Fe
Alliages et souduresCd, As, Pb, Zn, Mn, Sn, Ni, Cu
Biocides (pesticides, herbicides, conservateurs)As, Hg, Pb, Cu, Sn, Zn, Mn
Agents de catalyseNi, Hg, Pb, Cu, Sn
VerreAs, Sn, Mn
EngraisCd, Hg, Pb, Al, As, Cr, Cu, Mn, Ni, Zn
Matières plastiquesCd, Sn, Pb
Produits dentaires et cosmétiquesSn, Hg
TextilesCr, Fe, Al
RaffineriesNi, V, Pb, Fe, Mn, Zn
CarburantsNi, Hg, Cu, Fe, Mn, Pb, Cd

Dans quelques pays africains, les activités minières sont à l'origine d'importants apports de métaux lourds dans l'environnement; citons par exemple le mercure en Algérie, l'arsenic en Namibie et en Afrique du Sud, l'étain au Nigéria et au Zaïre, et le cuivre en Zambie.

Pour la plupart des métaux lourds, les émissions anthropogènes sont égales ou supérieures aux émissions naturelles. La combustion d'essence au plomb dans les automobiles, par exemple, est responsable de la vaste diffusion du plomb dans le monde. Pour le mercure, par contre, plusieurs rapports (Hutchinson et Meema, 1987; GESAMP, 1988) semblent indiquer que les émissions naturelles sont quantitativement plus importantes que les apport d'origine anthropogène.

Tableau II
Concentrations moyennes de métaux dans quelques effluents industriels et lixiviats de terrains de remblais (μg/ml)

EmplacementHgCdPbCuZnMnFeNiCoRéférence
GHANA          
Effluents d'usines textiles
  0,652,750,50 0,31  Biney, 1991a
Effluents de mines d'or
0,06 1,798,911,16 9,74  Biney, 1991a
Lixiviats de résidus de broyages miniers
0,06 2,689,321,16 14,9  Biney, 1991a
Lixiviats de remblais
<0,01 0,080,190,49 12,3  Environmental Management Associates, comm.pers.
           
NIGERIA          
Effluents d'usines textiles
 <0,10<0,100,12<0,050,830,50<0,10<0,10Osibanjo, 1991
Effl. d'usine de boissons non alcoolisées
 <0,100,02<0,100,050,402,400,02<0,10Osibanjo, 1991
Effluents d'aciéries
 0,10 0,702,3  0,900,90Nriagu et al., 1987
Effluents de raffineries
 0,050,200,140,25 1,45  Kakulu and Osibanjo, 1992; Osibanjo et al., 1988
Lixiviats de remblais (frais)
 0,100,100,50 13,587,22,71,8Adedayo, 1990
Lixiviats de remblais (àgés)
 0,10 0,50 3,831,22,02,6Adedayo, 1990
           
KENYA          
Lixiviats de remblais
    13,2 399  Bryceson et al., 1990
           
TANZANIE          
Effl. d'usines produisant des batteries
2,65        Semu et al., 1986

Il ressort de ces considérations que l'établissement d'un inventaire de ces ressources et la quantification des charges en métaux lourds sont des tâches qui s'imposent. A l'évidence, ce travail doit être effectué pays par pays, l'objectif final étant d'obtenir un tableau d'ensemble, régional et continental, du problème.

Le tableau Il montre les concentrations de métaux relevées dans des effluents industriels et dans des lixiviats de terrains de remblais dans les pays africains.

3. REPARTITION, ITINERAIRES ET DEVENIR DES METAUX LOURDS DANS L'ENVIRONNEMENT AQUATIQUE

Une fois arrivés dans l'environnement aquatique, les métaux se répartissent entre les différents compartiments de l'environnement aquatique (l'eau, les solides en suspension, les sédiments et le biote). Les métaux présents dans l'environnement aquatique peuvent exister sous forme de complexes, de particules ou en solutions.

Les principaux processus qui gouvernent la distribution et la répartition des métaux lourds sont la dilution, l'advection, la dispersion, la sédimentation et l'adsorption/désorption. Certains processus chimiques peuvent néanmoins intervenir également. C'est ainsi que la spéciation selon les diverses formes solubles est régie par les constantes d'instabilité des différents complexes, et par les propriétés physico-chimiques de l'eau (pH, ions dissous, Eh et température).

L'adsorption pourrait être la première étape du processus d'élimination définitive des métaux de l'eau. Au cours de leur distribution dans le milieu, le stockage permanent ou temporaire des métaux se fait dans les sédiments, aussi bien dans les environnements marins que dans les eaux douces. L'activité microbienne et les processus de réduction par oxydation peuvent modifier les propriétés des sédiments et influer sur la composition de l'eau interstitielle. Après quoi, les oxydes de fer et de manganèse peuvent être transformés en carbonates ou en sulfures, ce qui entraîne une diminution de la capacité d'adsorption des sédiments. Le retravaillage des sédiments par des organismes ramènera aussi des sédiments en surface, où une fraction appréciable du métal sera libérée.

Dans l'environnement aquatique, les métaux lourds subissent de nombreuses transformations: réduction par processus biochimique interposé, méthylation, déméthylation et oxydation d'espèces de métaux isolées. Des réactions redox peuvent aussi faciliter certaines transformations. Les processus biochimiques sont effectués par des micro-organismes et par des algues. D'après Jernelöv (1975), la méthylation du mercure se produit quand des micro-organismes arrivent en contact avec des ions mercure alors qu'ils consomment des substances organiques. Cela vaut peut-être aussi pour As, Sn et Pb.

Les métaux lourds sont absorbés tant par la faune que par la flore. Cette absorption pourrait provoquer une augmentation de la concentration du métal dans l'organisme. Si la phase d'excrétion est lente, il peut en résulter un phénomène d'accumulation biologique. II a été démontré que quelques métaux, comme le mercure, subissent une amplification biologique au cours de leur progression dans la chaîne alimentaire.

4. EFFETS DES METAUX ET CRITERES DE QUALITE DES EAUX

Quelques métaux lourds, comme Zn, Cu, Mn et Fe, sont indispensables à la croissance et au bien-être des organismes vivants, y compris de l'homme. On peut néanmoins s'attendre à ce qu'ils aient des effets toxiques quand les organismes sont exposés à des niveaux de concentration supérieurs à ceux qu'ils requièrent normalement. D'autres éléments, comme Pb, Hg et Cd, ne sont pas indispensables aux activités métaboliques et manifestent des propriétés toxiques.

La contamination de l'environnement aquatique par des métaux de provenance localisée, peut avoir des effets délétères, c'est-à-dire des effets toxiques aigus ou chroniques, sur la vie aquatique à l'intérieur de la zone concernée. La plupart des données publiées jusqu'ici concernant les effets des métaux sur les organismes aquatiques indiquent cependant que ces effets nocifs se produisent à des concentrations supérieures à celles que l'on trouve généralement dans l'environnement (GESAMP, 1985, 1988).

Les métaux peuvent être absorbés sous la forme inorganique ou sous la forme organique. Pour certains éléments, comme l'arsenic et le cuivre, la forme inorganique est la plus toxique. Pour d'autres, comme Hg, Sn et Pb, les formes organiques sont les plus toxiques. A de faibles concentrations, beaucoup de métaux lourds, dont Hg, Cd, Pb, As et Cu inhibent la photosynthèse et la croissance du phytoplancton. Les effets observés à des niveaux trophiques supérieurs se manifestent notamment par un retard du développement des embryons, des malformations et une moins bonne croissance des adultes chez les poissons, les mollusques et les crustacés.

Ces vingt dernières années, de nombreuses études ont été consacrées à la toxicité des métaux; sur la base de ces résultats, plusieurs organisations internationales et nationales ont élaboré des critères de qualité des eaux pour la vie aquatique.

Par exemple, la Commission européenne consultative des pêches dans les eaux intérieures (CECPI) de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, a défini comme suit les critères de qualité des eaux qui s'appliquent à la protection des pêches:

“Les critères de qualité des eaux pour les poissons d'eau douce doivent permettre le déroulement complet de tous les cycles de vie. En plus, ils ne doivent pas provoquer dans l'eau des cours d'eau des conditions telles que la chair des poissons prenne une odeur et un goût étrangers ou que ces poissons soient amenés à déserter une partie de cours d'eau qu'ils fréquenteraient autrement, ou donner lieu à l'accumulation de substances nocives chez les poissons à un degré tel qu'il y aurait danger à les consommer. Les facteurs indirects tels que ceux qui affectent les organismes servant de nourriture aux poissons doivent aussi être considérés si ces organismes jouent un rôle important”. Un certain nombre de critères de qualité ont été établis par le CECPI (Alabaster et Lloyd, 1982; Howells, 1994).

Les principales voies d'absorption des métaux lourds par l'homme sont les aliments, l'eau et l'air. Par exemple, la faune aquatique et le poisson tout spécialement sont, pour les humains, les plus importantes sources de mercure et d'arsenic.

Il existe de nombreuses publications qui traitent des effets des métaux lourds chez l'homme; le Programme international sur la sécurité des substances chimiques, de l'Organisation mondiale de la santé (PISSC/OMS) a également établi, sur ces questions, des monographies qui ont été diffusées dans le cadre de la collection des “Critères écologiques de la santé”.

L'OMS a également élaboré des critères de qualité des eaux potables pour plusieurs substances chimiques, dont la plupart des métaux lourds (OMS, 1985); la FAO, de son côté, a fait une compilation des teneurs limites de substances dangereuses, et notamment de métaux lourds, légalement admises dans les poissons et les produits de la pêche (Nauen, 1983; FAO, 1989).

5. METHODES D'ANALYSE

Plusieurs méthodes ont été utilisées pour doser les éléments présents à l'état de traces dans des matrices écologiques. Dans les premières études, on a employé des techniques gravimétriques, volumétriques et colorimétriques. La méthode colorimétrique la plus courante comprenait la formation de complexes métalliques solubles, de chélates, avec des composés organiques tels que le dithizone, l'o-phénanthroline, l'ammonium pyrolidine dithiocarbamate (APDC). Les méthodes modernes telles que le dosage voltmétrique par épuisement anodique et l'utilisation d'électrodes à sélection ionique reposent sur des principes électrochimiques.

D'autres méthodes emploient des techniques apparentées au nucléaire. Citons notamment l'émission X induite par protons (PIXE), l'analyse par activation neutronique instrumentale (INAA), la fluorescence X (XRF) et la spectrométrie de masse avec plasma induit par haute fréquence. Mais la plupart de ces méthodes sont très coûteuses et leur emploi n'est mentionné que pour un très petit nombre d'études réalisées récemment en Afrique (Kakulu et al., 1987; Akoto Bamford et al., 1990; Onwumere et Oladimeji, 1990).

En Afrique aussi, la méthode de loin la plus couramment utilisée pour le dosage des métaux lourds est celle de la spectrophotométrie d'absorption atomique (AAS). Elle a pour avantage d'être rapide, sensible, simple et de pouvoir analyser des mélanges complexes sans séparation préalable. Pour la plupart des métaux lourds, la technique de base comporte l'atomisation à la torche, tandis que pour certains métaux très faiblement concentrés, on utilise la technique du fourneau à graphite qui procède par atomisation électrothermique. Les méthodes à génération de vapeur peuvent être utilisées pour un petit nombre de métaux tels que As, Se et Sb, et le mercure est analysé par la technique de la vapeur froide.

6. QUELQUES EXPERIENCES AFRICAINES

Dans la section ci-après, on passera brièvement en revue quelques expériences africaines. Elles se rapportent à des recherches sur la distribution des métaux dans divers compartiments écologiques et illustrent des situations dans lesquelles des plans d'eau sont soumis à l'influence de charges métalliques.

6.1 Afrique du Nord

Les métaux lourds et pesticides présents dans les eaux de l'Afrique du Nord ont été étudiés plus récemment que d'autres paramètres chimiques. Les recherches ont porté sur les compartiments eau et sédiments, ainsi que sur quelques biotes de plans d'eau intérieurs et de zones marines côtières. De ces différentes matrices, les sédiments ont été davantage analysés car ils peuvent donner une indication plus claire des apports et de l'accumulation de métaux dans les environnements aquatiques.

Les études faites sur les métaux lourds en Afrique du Nord ont été surtout concentrées sur les eaux intérieures et les zones côtières de l'Egypte, en particulier le Nil et ses deux ramifications (Rosette et Damiette), ainsi que sur les lagunes du Delta. De nombreuses études ont néanmoins été faites dans le cadre du Plan d'action de 1975 pour la protection de la Méditerranée et ont, de ce fait, été axées sur les zones côtières. Des recherches avancées sur la dynamique et la spéciation des métaux lourds ont également été conduites dans différents plans d'eau intérieurs et côtiers de l'Egypte.

Bernhard et Renzoni (1977) ont différencié les sources naturelles et anthropogènes de la pollution par le mercure en Méditerranée en étudiant les concentrations de cette substance dans des poissons pélagiques et dans des organismes benthiques, ainsi que dans des sédiments.

Toma et al. (1981) ont étudié la distribution de métaux adsorbés sur la fraction fine des sédiments de la partie ouest du plateau continental du Nil (environnements hauturiers, proches du rivage et fluviaux). Ils sont arrivés à la conclusion que les métaux pouvaient être classés par ordre d'abondance de la manière suivante Fe > Mn > Zn > Cu, et que leur distribution avait une configuration identique à celle du transport des sédiments. De fortes concentrations de métaux ont été enregistrées dans des endroits déterminés; dans des cas où elles atteignaient des niveaux potentiellement toxiques pour les organismes aquatiques, la cause en a été attribuée à des eaux de drainage contaminées. La présence de certains métaux lourds dans les sédiments de la Baie d'Aboukir, en Méditerranée, a été étudiée par Saad et al. (1981b). Les métaux (Cu, Cd, Zn, Fe et Mn) présentaient un mode de distribution semblable à celui de la vase et de la teneur en matière organique des sédiments. Il a été constaté que les effets des effluents industriels sont circonscrits aux sédiments qui se trouvent au voisinage du point de déversement.

Les études consacrées aux sédiments superficiels de la région d'El-Mex de la Méditerranée, face à Alexandrie, (Saad et al., 1981) ont mis en évidence deux zones, dont une caractérisée par de fortes concentrations de Mn, Cu, Cd, Zn et Fe dues à des déversements d'effluents industriels. Leurs conclusions suggèrent aussi l'incorporation de proportions semblables de Fe et Mn dans les sédiments et une co-précipitation de Cu et de Zn par des oxydes de fer.

La présence et la répartition de métaux dans l'eau du lac Mariout en Egypte, fortement pollué, et leur accumulation dans les différents organes d'un poisson commun (Tilapia sp.) vivant dans ce lac ont été étudiées par Saad et al. (1981a). Les variations observées dans les concentrations de métaux (Zn, Cu, Fe, Mn et Cd) relevées dans l'eau du lac ont été principalement attribuées à des fluctuations des taux de déversement des déchets. Les niveaux de concentration de ces métaux dans les poissons étaient beaucoup plus élevés que dans l'eau.

Fahmy (1981) a étudié la distribution saisonnière des métaux lourds dissous et en particules dans la colonne d'eau de la branche de Damiette du Nil. El-Rayis et Saad (1985) ont estimé la contribution des métaux lourds se déversant du Nil dans la Méditerranée orientale en établissant les concentrations de métaux dissous dans les eaux de surface et les eaux subsuperficielles le long de la branche de Rosette. L'abondance relative a été Zn > Fe > Cu > Mn > Cd.

Saad et Fahmy (1985) ont étudié la présence de métaux lourds dans les sédiments superficiels de l'estuaire du Nil (embouchure de Damiette) et sont arrivés à la conclusion que la partie est de l'estuaire est plus exposée à la pollution que la partie ouest. D'autre part, les zones où les moyennes maximales de Cu, Zn et Cd ont été relevées, coïncidaient avec la sortie des égouts.

L'enrichissement en métaux de sédiments superficiels des trois lacs peu profonds inclus dans le delta du Nil (lac Mariout, Hydrodrome Nozha et lac Manzalah) a été évalué par Saad et al. (1985) au moyen des ratios Fe/métaux. Une autre étude sur les métaux lourds présents dans les eaux, les sédiments et les poissons du lac Mariout a été faite par Saad (1985). Les résultats ont montré qu'il existe une corrélation directe entre les niveaux de métaux dans l'eau du lac et dans les différents organes des poissons. Les concentrations de métaux observées dans l'eau du lac étaient sensiblement inférieures à celles qui ont été trouvées dans les poissons et, sauf pour le cadmium, les taux observés dans les sédiments du lac ont été considérablement supérieurs à ceux trouvés dans les poissons. Les analyses des sédiments, des végétaux aquatiques et de l'eau du Nil et de ses ramifications, faites sur des emplacement choisis et caractérisés par une forte industrialisation et une grande densité de population (Fayed et Abd El-Shafy, 1985), ont mis en évidence des coefficients de concentration plus élevés dans les sédiments que dans les végétaux.

El-Rayis et Saad (1986) ont étudié les concentrations de métaux lourds dans une importante source terrestre d'eau de drainage contaminée qui apporte 6 millions de m3/jour à la bande côtière méditerranéenne devant Alexandrie. Une autre étude faite par El-Rayis et Saad (1986a) a montré, après analyse des métaux contenus dans les matières en suspension et dans l'eau, que le lac Mariout se divise en deux zones, septique et non septique. D'après El-Rayis et al. 1986, le cuivre et le zinc se trouvent concentrés dans les sédiments sableux des parties peu profondes du port Est d'Alexandrie, alors que le fer et le manganèse se trouvent dans les sédiments plus profonds.

Saad (1987) a étudié les métaux lourds présents dans l'hydrodrome de Nozha en analysant l'eau, les sédiments et divers organes de Tilapia sp. pour obtenir des informations concernant les niveaux de ces métaux et leurs éventuelles fluctuations en fonction des déversements dans le lac de l'eau polluée du Nil. Les résultats laissent à penser qu'il existe une relation directe entre les concentrations dans l'eau et dans les poissons. Ils montrent aussi que les poissons sont à même d'absorber de fortes quantités de métaux lourds et que les sédiments du lac sont capables de les accumuler. El-Rafei et al. (1987) ont quantifié les niveaux de métaux lourds présents dans les eaux usées déversées dans le Nil par quelques industries proches du Caire. El Nabawi et al. (1987) ont étudié les concentrations de métaux dans des poissons provenant du lac Mariout, du lac Edku et de la baie d'Abou-Kir et ont trouvé les taux les plus élevés dans des spécimens de Sphyraena sphyraena provenant de cette baie. Moharram et al. (1987) ont estimé les niveaux de mercure total, organique, inorganique, de sélénium total, ainsi que l'interaction entre ces deux métaux dans Mugil cephalus. Ils font état d'une forte corrélation entre la longueur des poissons et chacune de ces variables.

Les données concernant les métaux lourds présents dans la mer Rouge sont peu abondantes. Saad et Kandeel (1988) ont étudié la distribution de Cu, Fe et Mn dans les eaux côtières de la mer Rouge devant Al-Ghardaqa. Les différents modes de distribution saisonnière et les fluctuations irrégulières de ces métaux ont été examinées.

La pollution en métaux lourds du lac Mariout a été ultérieurement étudiée par El-Rayis et Saad (1990) sur la base de la distribution de Cu, Zn, Fe et Mn dans l'eau, dans les matières en suspension et dans les sédiments. L'apport de métaux provenant de cette lagune dans la mer Méditerranée par l'intermédiaire du canal de drainage d'Umum (source terrestre contaminée) a également été estimé.

6.2 Afrique de l'Ouest et du Centre

Des études sur la présence et la distribution des métaux ont été conduites au Nigéria sur toutes les grandes matrices écologiques (eau, sédiments, faune et flore) mais, là encore, en mettant davantage l'accent sur les sédiments.

Le traitement statistique des résultats des analyses des métaux effectuées sur 176 échantillons de sédiments fluviaux provenant de la région d'lfe-llesha (1 800 km2) au sud du Nigéria (Ajayi, 1981) a montré que tous les éléments ont une distribution de densité proche des niveaux du milieu naturel. Ojo (1988) a également utilisé diverses méthodes statistiques pour interpréter les données géochimiques obtenues d'analyses de Cu, Pb, Zn, Co, Ni, Fe, Mg, Mn et Ca sur 374 échantillons de sédiments fluviaux prélevés sur une superficie de 700 km2 dans le sillon de la haute Benoué (Nigéria) et est arrivé à la conclusion que ces éléments présentent divers modes d'association selon leur nature et les conditions d'environnement prédominantes. D'autres études faites dans la région (Kakulu et Osibanjo, 1988, 1992) ont mis en évidence des niveaux élevés de Pb, Cr, Ni, V et Zn dans des sédiments provenant de Port-Harcourt et de Warri, ce qui laisse à penser que les effluents des raffineries de pétrole installées dans ces villes ont sensiblement contribué à la pollution en métaux lourds des écosystèmes aquatiques respectifs.

Okoye et al. (1991) ont signalé un enrichissement anthropogène en métaux lourds (Cd, Co, Cu, Cr, Fe, Mn, Ni, Pb et Zn) dans la lagune de Lagos et ont mis en cause des sources terrestres de résidus industriels et urbains.

Des études sur la pollution ont été faites sur 26 cours d'eau de certains des Etats du sud et du nord du Nigéria (Ajayi et Osibanjo, 1981), sur des cours d'eau du delta du Niger (Kakulu et Osibanjo, 1992), sur la zone cacaoyère de l'Etat de Ondo dans le sudouest du Nigéria (Ogunlowo, 1991) et dans les eaux de Lagos (Okoye, 1991a) et ont montré que, à l'exception du fer, les concentrations de la plupart des métaux lourds présents dans les eaux de surface sont généralement inférieures à la moyenne mondiale des eaux de surface et aux normes internationales concernant l'eau potable.

Ndiokwere et Guinn (1983) ont déterminé les teneurs en As, Cd, Cr, Hg, Mn, Mo, Ni, Se et Sb dans deux cours d'eau du Nigéria et dans deux ports et ont attribué les fortes concentrations de métaux à des sources locales de pollution. Dans leurs études sur les cours d'eau et lacs des environs d'lbadan, Mombeshora et al. (1983) ont constaté que les taux de plomb sont beaucoup plus élevés dans les sédiments que dans l'eau. Les taux les plus élevés coïncidaient avec des zones à haute densité de trafic.

Des analyses de sédiments et de poissons provenant de la zone du delta du Niger au Nigéria (Kakulu et Osibanjo, 1986) ont révélé que, comparée à certaines zones européennes (Méditerranée, mer Baltique et Atlantique Nord-Est), celle-ci échappe relativement à le pollution par le mercure. D'autres rapports provenant de la même zone (Kakulu et al., 1987a) indiquent que les niveaux de Cd, Cu, Fe, Mn, Pb et Zn sont plus élevés dans les mollusques que dans les poissons. Exception faite des taux de plomb trouvés dans certains mollusques, les niveaux de ces métaux sont généralement inférieurs aux valeurs limites recommandées par l'OMS pour les produits alimentaires. Des préoccupations ont aussi été exprimées quant aux teneurs élevées de plomb trouvées dans les poissons de la lagune de Lagos (Okoye, 1991).

Parmi d'autres études nigérianes, citons celles de Sridhar (1988) qui a analysé la plante aquatique appelée Pistia stratiotes et a montré que le système des rejets accumule davantage de K, Ca et Mg, tandis que le système radiculaire accumule une quantité sensiblement supérieure de Cd, Cr, Co, Fe, Pb, Hg, Na et Zn.

Onwumere et Oladimeji (1990) rapportent que Oreochromis nilotica, exposée à des effluents traités de raffinerie de pétrole, accumule les métaux lourds dans l'ordre suivant Pb > Cu > Zn > Mn > Cr > Ni > Cd.

Dans d'autres parties de l'Afrique de l'Ouest, les concentrations d'ions majeurs et mineurs, notamment de Cu, Mn et Fe, dans la rivière Jong (Sierra Leone) ont été déterminées par Wright (1982) qui a trouvé une corrélation évidente entre les concentrations de métaux et les variations saisonnières des précipitations.

Au Ghana, une des toutes premières études (Amasa, 1975) faites sur diverses matrices, notamment sur l'eau potable, dans la zone des mines d'or d'Obuasi a montré que les concentrations d'arsenic y atteignaient des valeurs supérieures à la normale. Une étude plus récente (Akoto Bamford et al., 1990), dans laquelle la pollution en métaux lourds résultant des activités des mines d'or a été évaluée en analysant le minerai, les résidus de broyage, les sédiments et l'eau du point de vue de Cr, Mn, Fe, Cu, Zn, As, Pb, Rb, Sr, Y, Zr et Nb, a révélé la présence de tous ces éléments dans les sédiments dans une gamme de concentration allant de 0,08 à 49 000 μg/g, alors que dans l'eau les seuls éléments détectés ont été le fer et le zinc, avec des niveaux de concentration allant de 0,08 à 2,4 μg/ml.

Les concentrations totales de mercure dans des poissons provenant de différents sites côtiers du Ghana et mis dans le commerce ont été établies par Ntow et Khwaja (1989), qui sont arrivés à la conclusion que toutes les valeurs étaient nettement inférieures au niveau d'intervention de 0,5 μg/g adopté par de nombreux pays. Biney et Beeko (1991) ont conduit une enquête sur les métaux contenus dans des poissons et des sédiments provenant de la rivière Wiwi à Kumasi, et ont trouvé une corrélation positive entre la concentration de mercure et le poids corporel des poissons. Ils ont signalé aussi des niveaux de cadmium et de mercure plus élevés dans le poisson que dans le sédiment. Des études portant sur la distribution de Hg, Cd, Pb, Cu, Zn et Fe dans de l'eau, des poissons et des mollusques, des macrophytes et des sédiments provenant du bassin de Kpong et de la Basse-Volta (Biney, 1991) ont montré que les plus fortes concentrations de fer et de plomb se trouvaient dans les sédiments et celles de manganèse et de cadmium dans les macrophytes. Les poissons présentaient les plus faibles concentrations de métaux, sauf pour le plomb.

Pelig Ba et al. (1991) ont évalué le degréde contamination de l'eau souterraine potable provenant des plaines d'Accra et des hauteurs du Ghana et ont trouvé que, dans certaines zones, les concentrations de Pb, Cr et Fe dépassaient les limites indicatives préconisées par l'OMS concernant l'eau potable.

En Côte d'lvoire, Marchand et Martin (1985) et Kouadio et Trefry (1987) ont étudié les sédiments de la lagune d'Ebrié et ont signalé des concentrations de métaux supérieures aux niveaux du milieu ambiant, ce qui a été attribué au déversement d'effluents industriels et d'eaux usées non traités.

Une étude comparative de Métongo (1991) portant sur Cd, Cu, Hg et Zn et effectuée sur des échantillons d'huîtres (Crassostrea gasar) provenant de zones lagunaires urbaines et rurales de la Côte d'lvoire a révélé, dans la zone urbaine, des concentrations de métaux plus élevés mais semblables à celles du milieu ambiant. D'autres études des métaux lourds dans Callinectes amnicola (Métongo et Sankaré, 1990) et dans Thunnus albacares (Métongo et Kouamenan, 1991) ont également donné des concentrations inférieures aux limites pour les produits de la mer, considérées acceptables sur le plan international.

Au Sénégal, des analyses faites par Gras et Mondain (1978) sur des poissons et des crustacés provenant des eaux littorales ont révélé des concentrations de mercure inférieures aux limites généralement acceptables (0,5 μg/g), sauf dans des espadons et des requins pesant plus de 5 kg.

D'autres études sur la présence des métaux lourds ont été réalisées dans le cadre du projet mixte FAO/COI/OMS/AIEA/PNUE de surveillance continue de la pollution dans l'environnement marin de la région de l'Afrique de l'Ouest et du Centre. C'est ainsi que l'on connaît maintenant les concentrations relevées dans le biotope marin pour le Cameroun (Mbome et al., 1985; Mbome, 1988), le Ghana (Biney, 1985); Biney et Ameyibor, 1989), la Côte d'Ivoire (Métongo, 1985, 1988) et le Sénégal (Ba et al., 1985; Ba, 1988). Sur la base de ces études, Portmann et al. (1989) ont examiné les niveaux de contaminants dans l'environnement marin de la région et sont arrivés à la conclusion que les apports de mercure et d'autres métaux de l'intérieur des terres dans la zone littorale sont peu importants.

6.3 Afrique orientale

Les premières études effectuées dans cette région ont été axées sur le lac Nakuru au Kenya, l'un des nombreux lacs sodiques de la Grande Vallée du Rift, dont on a fait un parc national en 1986 en raison de sa population de flamants de renommée mondiale.

S'efforçant de rassembler les informations de base nécessaires à la surveillance continue de la pollution, Koeman et al. (1972) ont dosé As, Sb, Cu, Zn, Cd et Hg dans les muscles, le foie et les reins d'oiseaux et de poissons. Ils sont arrivés à la conclusion que les concentrations de métaux ne constituaient pas un risque pour le biota du lac Nakuru. Six ans plus tard, Greichus et al. (1978a) ont étudié l'eau, le sédiment, le benthos et les poissons et ont mentionné des concentrations légèrement en hausse par rapport aux valeurs trouvées par Koeman et al. (1972).

L'effet des ions cuivre sur la production d'oxygène de photosynthèse du phytoplancton sur le rythme de croissance de l'algue bleu-verte (Spirulina platensis) et sur des populations de rotifères (Brachionus sp.) dans l'eau du lac Nakuru a été étudié expérimentalement par Kallqvist et Meadows (1978). Les rotifères sont moins sensibles au cuivre que les algues. D'autres travaux faits par Lewin (1976) ont montré que l'eau du lac Nakuru contenait 0,08 mg Cu/l provenant essentiellement de pesticides acheminés par ruissellement depuis les terres agricoles environnantes. Cette valeur est donc plus élevée que la teneur critique de 0,02 mg Cu/l qui peut réduire sensiblement la croissance des algues (Kallqvist and Meadows, 1978). D'après des observations d'Ochumba (communication personelle) faites en saison sèche, les falmants qui se nourrissent des algues s'éloignent du lac. Cette migration pourrait avoir de fâcheuses répercussions sur l'industrie du tourisme.

D'anciennes études portant sur le sédiment, l'eau et le biota du deuxième grand lac naturel du monde, le lac Victoria (Alala, 1981; Onyari, 1985; Ochieng, 1987), n'avaient pas fait apparaître de pollution appréciable par les métaux lourds. Des études plus récentes faites dans la même zone ont toutefois révélé une augmentation des taux de plomb, due en grande partie à une intensification du trafic maritime et aux problèmes qui s'y rapportent, au lavage des voitures et aux déversements d'industries locales (Wandiga et Onyari, 1987; Onyari et Wandiga, 1989). Ochumba (1987) a étudié les divers paramètres physico-chimiques, les teneurs en oxygène dissous et les concentrations de métaux lourds dans le lac Victoria en tant que causes possibles des hécatombes périodiques de poisson. L'auteur a attribué ces hécatombes à la raréfaction de l'oxygène dissous.

Dans d'autres zones de l'Afrique de l'Est, la distribution des ions cuivre dans les eaux superficielles des lacs George et Edouard (Idi Amin) en Ouganda a été étudiée en même temps que d'autres paramètres chimico-limnologiques (Bugenyi, 1979). Les concentrations oscillaient entre 0,07 et 0,13 μg/ml dans le lac George et entre 0,006 et 0,02 μg/ml dans le lac Edouard. Une relation directe a été établie entre le cuivre, la dureté de l'eau, l'alcalinité et les solides dissous totaux. Bugenyi (1982) a étudié la présence de Cd, Cu et Fe dans les sédiments des mêmes lacs et a conclu que les concentrations, quoique différentes selon les plans d'eau, n'accusaient pas de variations considérables à l'intérieur de chacun d'entre eux.

Des échantillons d'effluents, d'air et de sol pris à proximité d'une usine fabriquant des accumulateurs à Dar-es-Salaam (Tanzanie) ont été analysés du point de vue du mercure par Semu et al. (1986). Les plus forts taux de contamination étaient associés à l'élimination de batteries défectueuses. Un examen préliminaire de l'étendue de la pollution par les métaux de la rivière Msimbazi à Dar-es-Salaam, qui reçoit des eaux usées industrielles, urbaines et agricoles, a été conduit au moyen d'analyses des sédiments et d'indicateurs biologiques (Akhabuhaya et Lodenius, 1988). Les concentrations de métaux étaient en général faibles mais certains des résultats ont indiqué une pollution industrielle localisée.

Norconsult (1977) a conduit des études des métaux dissous dans l'environnement marin, dont les conclusions ont été que les concentrations relatives à la crique Tudor se situaient dans la fourchette normale des eaux de mer naturelles non polluées. Oteko (1987) a étudié la crique de Mombasa et a suggéré que des encroûtements pourraient être à l'origine de concentrations de cuivre et que les concentrations en cadmium et en plomb s'expliquent par une augmentation des apports de sources anthropogènes, comme les gaz d'échappement des automobiles.

D'après Bryceson et al. (1990), les données disponibles concernant les contaminants marins sont peu nombreuses. Toutefois, il existe, à proximité des villes et des centres industriels, des points chauds localisés de pollution par les métaux qui peuvent constituer un danger pour la santé publique. Wandiga et Onyari (1987) ont relevé dans des poissons marins provenant de Mombasa des concentrations de métaux légèrement supérieures à celles que l'on trouve dans les poissons du lac Victoria. Les taux indiquées ne constituaient pas un danger immédiat pour l'industrie des produits de la pêche.

Matthews a vérifié la présence de taux de mercure étonnamment élevés dans les poissons (1,0–2,0 μg/g) et dans les cheveux et le sang d'habitants des Seychelles, où la consommation de poisson est très élevée. Les origines de taux de mercure aussi élevés et les itinéraires empruntés par cette substance sont un mystère.

6.4 Afrique australe

Greichus et al. (1977) ont étudié les concentrations et distributions de métaux parmi d'autres contaminants chimiques, dans deux lacs de l'Afrique du Sud: la retenue d'Hartbeespoort, qui reçoit les eaux industrielles et municipales de Johannesburg, et la retenue de Voëlvlei située dans une zone principalement agricole. Des analyses de As, Cd, Cu, Mn, Pb, Zn et Hg ont été effectuées sur des échantillons d'eau, de sédiments, sur des végétaux et des insectes aquatiques, des poissons des oiseaux piscivores et leurs oeufs. Les résultats ont fait apparaître, pour tous les métaux, des niveaux plus élevés dans la retenue d'Hartbeespoort que dans celle de Voëlvlei dans les sédiments et dans les oiseaux, sauf pour ce qui concerne la teneur en cuivre dans des carcasses d'oiseaux. Les taux de mercure ont été de 2 à 5 fois plus élevés dans les oiseaux que dans les poissons, et de 2 à 10 fois pour le plomb.

Greichus et al. (1978) ont étudié les métaux parmi d'autres contaminants, dans le lac McIlwaine, un plan d'eau eutrophisé situé près de Harare (Zimbabwe). L'eau, le sédiment, le plancton, la faune benthique et les poissons ont été analysés. Les données ont indiqué des niveaux de métaux intermédiaires entre ceux relevés dans la retenue de Hartbeespoort et dans le barrage de Voëlvlei.

Watling et Emmerson (1981) ont identifié des zones d'apport de métaux dans la rivière Papenkuils, dont ils ont estimé qu'elles constituaient une sérieuse source de pollution pour l'environnement marin aux alentours de Port Elizabeth. En revanche, l'estuaire de la rivière Swartkops s'est révélé généralement non pollué si l'on en juge d'après la concentration de métaux dans l'eau, dans les sédiments superficiels et dans les carottes de sédiments (Watling et Watling, 1982). Des études semblables ont également montré que l'estuaire de la rivière Knysna, ainsi que les rivières Bushmans, Kariega, Kowie et Greatfish ne sont pas polluées (Watling et Watling, 1982a, 1983).

7. TAUX DE METAUX LOURDS DANS DIFFERENTS COMPARTIMENTS DE L'ENVIRONNEMENT

Dans le chapitre 6, on a présenté un exposé qualitatif, par région, de quelques expériences africaines; dans le chapitre 7 on en examinera plus en détail les aspects quantitatifs tels qu'ils ressortent des niveaux de concentration observés dans divers compartiments de l'environnement.

En règle générale, les études consacrées aux niveaux et à la distribution des contaminants, y compris des métaux lourds, en Afrique ont été axées sur les zones urbaines et industrielles. Il se peut donc que les niveaux réels du terrain - eau, sédiments et biote - ne soient pas exactement connus, ce qui peut aussi fausser l'interprétation des données.

7.1 Concentrations de métaux dans l'eau

Les données concernant les métaux dissous présents dans les plans d'eau intérieurs (lacs et cours d'eau) et dans les zones maritimes et côtières sont présentées dans le tableau III. On dispose de données plus nombreuses pour les eaux intérieures que pour les eaux littorales. Comme il a déjà été dit, la plupart des études concernant les niveaux et la distribution des métaux lourds en Afrique ont surtout porté sur les zones urbaines et industrielles.

C'est pour le mercure que l'on a trouvé les concentrations les plus faibles (< 1,0 μg/l); vient ensuite le cadmium (0,2–21,0 μg/l). Le fer a donné les taux les plus élevés dans la plupart des eaux, avec des écarts considérables car ils passent de 2,5 μg/l dans le Nil (Egypte) (El-Rayis et Saad, 1985) à 14 400 μg/l dans la rivière Shasha au Nigéria (Martins, 1978). Les autres métaux interviennent généralement dans l'ordre d'abondance suivant: Mn > Zn > Pb > Cu > As. Les concentrations observées dans les eaux côtières sont nettement inférieures à celles que l'on trouve dans la plupart des eaux intérieures. Cette situation est une conséquence directe des effets de la pollution sur les lacs et cours d'eau. Il ne fait pas de doute que les très fortes concentrations de certains métaux relevées dans des plans d'eau déterminés sont le résultat d'une pollution aiguë.

7.2 Concentrations de métaux dans les sédiments

A l'échelle du continent, les apports de métaux lourds dans les sédiments des eaux intérieures africaines (tableau IV) ne suscitent pas de grandes préoccupations si on les rapporte à des sédiments non pollués (GESAMP, 1982).

La plupart des plans d'eau accusent des concentrations de métaux faibles à modérées, sauf pour ce qui concerne la retenue de Hartbeespoort et la rivière Papenkuils en Afrique du Sud, le delta du Niger au Nigéria et le lac Georges et Edouard (Idi Amin) en Ouganda. Les lacs Nozha, Mariout et Manzalah et le Nil en Egypte, ainsi que le lac McIlwaine au Zimbabwe présentent aussi des concentrations élevées de certains métaux, qui sont un signe évident d'apports anthropogènes considérables.

Tableau III
Concentrations moyennes de métaux dissous dans les eaux intérieures et côtières (ng/ml)

EmplacementHgCdPbAsCuZnMnFeRéférence
EAUX INTERIEURES         
Fleuve Nil, Egypte 0,4    1,38,180,46 2,5El-Rayis et Saad, 1985
Lac Mariout, Egypte 0,22  10,618,3   42,5Saad, 1985
Hydrodrome Nozha, Egypte 0,2    20,517,1   40,1Saad, 1987
Bassin de Kpong, Ghana<1,0     <10      <20     <20   <20     45     90   Biney, 1991
Nappe souterraine, Ghana<1,0     <10      92     17,580     <20     924   Pelig Ba et al., 1991
Rivière Kaduna, Nigéria    240   200     1,300     3800   Martins, 1978
Rivière Oyi, Nigéria    100    300     1800   Ajayi et Osibanjo, 1981
Rivière Ora, Ibadan, Nigéria 0,405,0   8,07,5  450     1247   Mombeshora et al., 1981
Lac IITA, Ibadan, Nigéria 0,951,3   0,81,5  212     436   Mombeshora et al., 1981
Lac Agodi, Ibadan, Nigéria 0,844,9   2,34,7   774     1375   Mombeshora et al., 1981
Riv. Ogunpa, Ibadan, Nigéria 0,3813,1   8,95,8  1,155     2213   Mombeshora et al., 1981
Riv. Shasha, Lagos, Nigéria  100     900   70     2,900     14400   Martins (1978)
Rivière Calabar, Nigéria 1,3513,9   3,210,3   188   Kakulu et Osibanjo, 1992
Rivière Warri, Nigéria 2,3  17,9   23,142,9   625   Kakulu et Osibanjo, 1992
Lac Nakuru, Kenya<1,0     21     5     62   49    24      Greichus et al., 1978a
Lac Victoria, Kenya* 2–8  7–93,6 5–57,625–12550–3,276 Ochieng, 1987
Lac George, Ouganda  6      100     4830   Bugenyi, 1982
Lac Edouard, Ouganda  1,1   15     89   Bugenyi, 1982
Lac McIlwaine, Zimbabwe<1,0     1      10     310   12    32      Greichus et al., 1978
Retenue d'Hartbeespoort, Afrique du Sud<1,0     1      4     13   36    45      Greichus et al., 1977
Ret. de Voëlvlei, Afr. du Sud<1,0    2      12     313   25    38      Greichus et al., 1977
Rivière Knysna, Afr.d.Sud*0,01–0,19<0,1–10<0,1–8 <0,1–2,4<0,1–261,1–4040–510Watling et Watling, 1982a
EAUX COTIERES         
Méditerranée Sud-Ouest  0,024       Bernhard, 1988
Mer Rouge, Egypte    5,1 0,8316,2Saad et Kandeel, 1988
Accra, Ghana<0,002       Portmann et al., 1989
Lagune de Lagos, Nigéria 2      9,0   3,015    21     86   Okoye, 1991a
MILIEU         
Cours d'eau 0,02  3     1,77   20    7     40   Burton, 1976;
Eaux côtières 0,01  0,03 1,51   2,5 0,4  2   Martin et Whitfield, 1983

* Fourchette de valeurs

Tableau IV
Concentrations moyennes de métaux dans les sédiments des eaux intérieures (μg/g poids sec)

EmplacementHgCdPbCuZnMnFe(×103)Références
Lac Mariout, Egypte 0,20  7,338,0  9495825,6Saad et al., 1985
Lac Nozha, Egypte 0,1510,679,61061,250   57,8Saad et al., 1985
Lac Manzalah, Egypte 0,17  9,6207     11976644,5Saad et al., 1985
Estuaire du Nil, Egypte 1,06 85,6139387    0,46Saad et Fahmy, 1985
Bassin de Kpong, Ghana <0,2029,330,3  4935260,5Biney, 1991
Basse-Volta, Ghana <0,2016,728,9  3429554,5Biney, 1991
Rivière Wiwi, Ghana0,210,1613,4  4,7  16  Biney et Beeko, 1991
Delta du Niger, Nigéria0,330,7932,123,9  6234920,7Kakulu et Osibanjo, 1988
Lac Victoria, Kenya* 0,55–1,026,02–69,40,96–78,62,54–26553,1–6161,18–52,9Onyari et Wandiga, 1989
Lac Nakuru, Kenya<0,05  0,2734,0  6,2140550 Greichus et al., 1978a
Lac George, Ouganda 3,80 102      69,0Bugenyi, 1982
Lac Edouard, Ouganda 2,70 37,0    5,5Bugenyi, 1982
Lac McIlwaine, Zimbabwe0,280,3941,038,0100350 Greichus et al., 1978
Retenue d'Hartbeespoort, Afrique du Sud0,600,8763,041,0260680 Greichus et al., 1977
Ret.de Voëlvlei, Afr.d.Sud0,060,19  9,015,0  49340 Greichus et al., 1977
Rivière Papenkuils, Afrique du Sud0,35102,3     170,7  71,428915012,0Watling et Emmerson, 1981
Rivière Swartkops, Afrique du Sud0,021,0  17,810,5     35,517715,5Watling et Emmerson, 1981
Croûte continentale0,080,1012,5–2055     7095056,0Taylor, 1964
Sédiments non pollués0,05–0,30,1119  33     9577041,0GESAMP, 1982; Salomons et Förstner, 1984

* Fourchette de valeurs

Les concentrations de métaux dans les sédiments des eaux intérieures ne suscitent donc aucune préoccupation écologique pour le continent, sauf dans le cas des zones susmentionnées qui doivent être considérées comme des points chauds à l'intérieur de leurs régions respectives.

Les concentrations en métaux lourds des sédiments marins et côtiers africains (tableau V) se situent dans la fourchette de valeurs données par le GESAMP (1985, 1988) pour Hg, Cd, Pb et As, mais accusent des valeurs supérieures dans certains endroits. Par exemple, des sédiments provenant de la lagune de Lagos au Nigéria contiennent de fortes concentrations de plomb et de fer, tandis que ceux de la lagune Ebrié en Côte d'Ivoire ont de fortes concentrations de mercure, de zinc et de fer. Les résultats font apparaître un enrichissement en métaux lourds qui est en grande partie d'origine anthropogène, et mettent en cause le déversement par ruissellement d'effluents urbains et industriels dans les lagunes côtières où la circulation d'eau se fait mal (Okoye, 1989; Kouadio et Trefry, 1987). En revanche, les données concernant l'Egypte (Saad et al., 1981, 1981b) et la côte atlantique du Nigéria (Ndiokwere, 1984) ne font pas apparaître une forte contamination des sédiments côtiers.

7.3 Concentrations de métaux dans la faune aquatique

Les concentrations de métaux lourds dans le muscle de poissons d'eau douce sont indiquées dans le tableau VI. Des différences ont été observées d'un plan d'eau à l'autre pour ce qui concerne les teneurs de certains éléments dans le poisson. Par exemple, le zinc accuse des valeurs relativement plus élevées dans des échantillons provenant du lac Nakuru (Kenya) suivis, par ordre décroissant, par des échantillons provenant du Zimbabwe et de l'Afrique du Sud, de l'Egypte, du Nigéria et du Ghana. De même, les concentrations de cuivre sont plus élevées dans les échantillons provenant d'Egypte et des lacs Nakuru et McIlwaine. Les données concernant le fer sont peu nombreuses mais il semble que le taux de cet élément soit aussi plus élevée dans les échantillons provenant d'Egypte.

Dans l'ensemble, les niveaux de métaux trouvés dans le muscle de poissons des eaux intérieures sont inférieurs aux limites de l'OMS, sauf pour ce qui concerne le plomb dans Macrobrachium sp. du delta du Niger (Nigéria) et de la Basse-Volta (Ghana).

Les données concernant les concentrations de métaux lourds dans les poissons et mollusques marins sont résumées dans le tableau VII. Comme pour les eaux intérieures, les niveaux trouvés dans les organismes marins sont généralement inférieurs aux limites de l'OMS, sauf en quelques points chauds. Le cadmium et le mercure, par exemple, montrent le même profil bas tant dans les poissons que dans les mollusques. En revanche, des organismes marins provenant du Nigéria contiennent des niveaux de plomb qui dépassent le seuil OMS. Cela peut être attribué à une plus forte contamination résultant de l'utilisation d'essence au plomb.

A l'appui de ce qui a été rapporté dans plusieurs études (Hellawell, 1986; Kakulu et Osibanjo, 1986; Kakulu et al., 1987a; Institute of Aquatic Biology, 1990), il a été constaté que les mollusques contenaient de plus fortes concentrations de la plupart des métaux. Les concentrations les plus élevées de cadmium, de cuivre et de zinc ont été trouvées dans Crassostrea sp., qui a une plus grande capacité d'accumuler les contaminants et qui est un indicateur biologique de pollution.

Tableau V
Concentrations moyennes de métaux dans les sédiments marins (μg/g poids sec)

EmplacementHgCdPbCuZnAsFe(×103)Référence
MEDITERRANEE        
Baie d'Abu-Kir, Egypte
 2,02 12   102     4,5Saad et al., 1981b
Port Saïd, Egypte
 3,2   14   50   2,5Saad et al., 1981b
Port oriental, Alexandrie, Egypte
 2,89 14   51   1,1Saad et al., 1981b
El Mex, Egypte
0,12  2,18 24,135,4   1,47Saad et al., 1981
Méditerranée Sud-Ouest
       Bernhard, 1988
         
GOLFE DE GUINEE0,35         
Lagune d'Ebrié, Côte d'Ivoire
    57,637,0187     52,40Kouadio et Trefry, 1987
Lagune de Lagos, Nigéria
0,10  4,10178,915,0147     36,38Okoye et al., 1991
Côte atlantique, Nigéria*
 2,30  67,5 72,56,2 Ndiokwere, 1984
         
OCEAN INDIEN0,019       
Lagune de Knysna, Afrique du Sud
 0,23  48,4  6,740,6  Watling et Watling, 1982a
SEDIMENTS NON POLLUES0,01–0,080,2–5,0   8–60  14   GESAMP, 1985, 1988

* Valeurs médianes


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