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Chapitre 1
Vue générale

IMPORTANCE ET DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES STOCKS DE PESTICIDES PÉRIMÉS

Il est difficile de quantifier les stocks de pesticides périmés en raison de leur très large distribution et des lieux de stockage souvent éloignés. Néanmoins, toutes les organisations admettent que des inventaires détaillés, comprenant l’identité, les quantités, l’état, le lieu et la provenance des pesticides périmés est le point de départ essentiel à toute résolution du problème.

La FAO, avec un programme exhaustif de recueil des données couvrant l’Afrique et le Proche-Orient, a joué un rôle de chef de file dans le relevé des inventaires. Ceux-ci sont maintenant complets pour 53 pays de ces régions, où plus de 47 000 tonnes de pesticides périmés ont été identifiés. En 1998, ce programme a été élargi à l’Amérique latine où 33 pays ont été invités à dresser leur inventaire. Parmi ceux-ci, cinq pays l’ont déjà effectué et soumis, et l’on y compte 1 895 tonnes de pesticides périmés. La FAO étend actuellement ce programme à l’Asie avec un atelier d’information pour 21 pays qui a été organisé en juin 20011.

L’expérience de la FAO a clairement démontré que les données recueillies à travers les inventaires sont révélatrices de la situation mais ne permettent pas de dresser des conclusions. Dans les pays où les opérations de nettoyage et élimination des pesticides se sont déroulées, les inventaires plus détaillés avec l’objectifs d’expédier et de détruire à l’étranger indiquent des quantités de pesticides périmés beaucoup plus importantes que l’inventaire initial, allant parfois jusqu’à 50 pour cent en plus.

Dans la région de la CEI (Communauté des Etats indépendants), où la plupart des pays ne sont pas membres de la FAO, la tâche d’inventorier les pesticides périmés et les polluants organiques persistants (POP) suivant les directives de la FAO, a bénéficié du soutien de PNUE/produits chimiques (Programme des Nations Unies pour l’environnement/Produits chimiques). Partout ailleurs en Europe orientale, les questions concernant les pesticides périmés ne font pas l’objet d’un travail coordonné. Aucune donnée en la matière n’a encore été publiée pour ces régions, mais certains signes laissent penser qu’il y existe des stocks considérables. Selon certains rapports officieux, ces pays détiendraient de 70 000 à 100 000 tonnes de pesticides périmés2.

Un certain nombre de programmes bilatéraux soutiennent la réalisation d’inventaires dans différents pays, soit comme activité distincte soit comme partie d’un programme plus vaste. On peut citer l’exemple d’un programme financé par les Pays-Bas au Pakistan, mis en œuvre par GTZ (Office allemand de la coopération technique) qui a, jusqu’à présent, identifié 917 tonnes de pesticides périmés dans 133 entrepôts du Punjab. Il reste encore de 30 à 40 entrepôts à inventorier et, sous peu, 317 tonnes provenant de 13 entrepôts seront éliminées3. On compte aussi un programme financé par le Danemark dans cinq pays d’Europe orientale dont les résultats ne sont pas encore disponibles4; un programme polonais autofinancé pour 60 000 tonnes5 déjà identifiées; un programme de la Banque mondiale/Finlande au Nicaragua; enfin un programme financé par le Programme régional océanien de l’environnement (PROE) qui couvre plusieurs pays du Pacifique et dans le cadre duquel on a constaté la présence de 63 tonnes de pesticides périmés dont 10 tonnes de DDT6.

Compte tenu des lacunes dans les données concernant nombre de régions et pays, les estimations fondées sur les inventaires existants et l’expérience acquise montrent que tous les pays en développement et à économie en transition sans exception détiennent des stocks de pesticides périmés. Les pays dont les mécanismes de distribution étaient précédemment centralisés tendent à avoir des stocks plus considérables, atteignant souvent des dizaines de milliers de tonnes. Au total, on peut estimer que les stocks de pesticides périmés des pays en développement et en transition sont de l’ordre de 400 000 à 500 000 tonnes.

DESCRIPTION DES STOCKS

Nature des stocks

Aucun type de pesticide ou de groupe chimique n’est exclu des stocks de pesticides périmés. Bien que certains de ces stocks remontent à plusieurs années (jusqu’à 40 ans), de nouveaux produits continuent de s’accumuler. Le stockage impropre et les produits inutilisés après leur date d’expiration sont la cause principale de l’obsolescence des pesticides.

Curieusement, certains pesticides bien que plus anciens restent utilisables pendant un laps de temps plus long que la plupart des produits les plus récents. Certains insecticides organochlorés (aldrine, chlordane, DDT, dieldrine, endrine, heptachlore, hexachloro- benzène [HCB], mirex et toxaphène) restent actifs pendant de nombreuses années. C’est précisément cette propriété qui a conduit à l’interdiction de ces produits – largement adoptés par les pays – et à leur insertion dans la liste des polluants organiques persistants (POP) dont on négocie actuellement l’arrêt de production et d’utilisation dans le cadre du projet de Convention sur les POP.

Le tableau de l’Annexe I énumère les pesticides classés POP, reconnus et inventoriés séparément. Là où une entrée de POP est vacante ou égale à zéro, cela ne veut pas dire que le produit n’existe pas, mais plutôt qu’il n’a pas pu être identifié. Les données actuelles indiquent que les polluants organiques persistants constituent plus de 20 pour cent des stocks de pesticides périmés. Il ne fait aucun doute que le facteur vieillissement est d’autant plus évident que la plupart de ces produits sont interdits ou sévèrement réglementés depuis de nombreuses années, dans presque tous les pays.

Les insecticides organophosphorés constituent probablement le deuxième groupe de produits que l’on trouve parmi les pesticides périmés. Ils ont été mis au point comme alternative aux organochlorés. Cependant, en raison de leur toxicité élevée, ces produits ont été, dans de nombreux pays industrialisés, remplacés au fil des années par des pyréthroïdes de synthèse. Ceux-ci sont moins toxiques pour les mammifères et présentent donc plus de sécurité pour l’usage humain. Toutefois, les pyréthroïdes de synthèse coûtent plus cher que les organophosphorés, par conséquent ces derniers sont encore largement utilisés dans les pays en développement.

La durée des organophosphorés est plus limitée que celle des organochlorés; leurs propriétés chimiques et physiques peuvent s’altérer avec le temps. Par conséquent, les organophosphorés livrés dans les années 80-mi 90, sont aujourd’hui périmés. Les produits de plus de 2 ans doivent également être analysés pour savoir s’ils sont encore utilisables. Ils doivent être considérés périmés tant que ces analyses ne sont pas effectuées.

Parmi les stocks obsolètes, on peut inclure d’autres genres de pesticides comme les carbamates et les insecticides pyréthroïdes de synthèse, les différents groupes de fongicides et d’herbicides et même certains produits botaniques et microbiens. On trouve aussi dans certains inventaires des composés organo-métalliques tels que des produits chimiques à base d’arsenic, de mercure ou d’étain. Parmi ceux-là, plusieurs sont interdits depuis de nombreuses années et ont vraisemblablement plus de 30 ans. On y trouve aussi des produits vétérinaires dont plusieurs pesticides et des produits pharmaceutiques catalogués différemment.

Dans l’inventaire FAO concernant l’Afrique et le Proche-Orient (1999c), figurent plusieurs entrées portant la mention «inconnu». Elles représentent environ 7 pour cent des entrées et comprennent les produits mixtes sans étiquette ou sans emballage.

Dans les stocks obsolètes, il faut ajouter aux produits chimiques, le matériel contaminé comme les asperseurs à dos, les récipients de pesticides vides et des quantités significatives de sol contaminé par le déversement de produits provenant de récipients détériorés.

Etat des stocks

L’état des stocks de pesticides périmés est très variables: des produits bien emballés, bien emmagasinés, en condition de sécurité pouvant être utilisés après analyse aux produits provenant de conteneurs corrodés ou détériorés qui se sont entièrement déversés dans le sol environnant.

Les conditions de stockage peuvent contribuer de façon significative à la détérioration du produit. Dans de nombreux cas, les produits sont entreposés en plein air, à la merci des fluctuations de température et des autres facteurs d’altération qui accélèrent le processus de dégradation aussi bien des produits que de leur conteneur. Toutefois, même quand les conditions physiques de l’entreposage sont satisfaisantes, la durée excessive du stockage et la nature des produits aboutissent à la corrosion du récipient et à l’écoulement du contenu. Cela est particulièrement vrai dans le cas des insecticides organophosphorés acides, qui corrodent les fûts en acier qui les contiennent lorsqu’ils y ont été entreposés pendant trop longtemps.

Il est souvent difficile d’établir avec certitude la propriété des anciens stocks. Les passages de mains en mains, le changement de statut d’organisations ou la disparition des propriétaires en sont parmi les causes. Par exemple, les entreprises d’état privatisées ou des sociétés qui n’existent plus, ne répondent pas des stocks de pesticides périmés précédemment accumulés. Dans ces cas-là, les stocks sont négligés, l’entretien est nul et même les conditions d’entreposage minimum ne sont pas assurées. La détérioration n’en est que plus rapide et la contamination environnementale plus grave. Des situations de ce type mènent souvent à des actes de vandalisme ou au vol des produits. De plus, les enfants et le bétail peuvent y avoir accès, ils sont donc exposés à la contamination et peuvent la propager.

On peut citer plusieurs exemples de mesures impropres prises par le passé pour résoudre le problème des pesticides périmés. La plus commune, encore appliquée jusqu’à ce jour est l’enfouissement. Il y a des cas connus de pesticides enterrés qui se sont infiltrés dans le sol environnant, et même dans la nappe phréatique. Dans le cas de l’enfouissement technique, on se sert parfois de constructions souterraines en béton pour se défaire des stocks mais ensuite on ne peut plus y accéder et donc toute surveillance devient impossible. De toutes les façons, les deux cas ne peuvent pas constituer une solution à long terme car les fuites sont inévitables. Des tels sites existent au Tchad, en Colombie, en Pologne, au Sénégal, au Yémen et une solution devra être trouvée.

Emplacement des stocks

Pratiquement tous les pays en développement ou à économie en transition détiennent des stocks de pesticides périmés. Même les pays qui déclaraient ne pas en avoir quand la FAO a commencé à procéder aux inventaires, admettent à présent en détenir des stocks significatifs.

Dans chaque pays, la distribution des stocks de pesticides périmés est variable. Les stocks les plus importants peuvent être localisés dans un nombre limité d’entrepôts répartis dans tout le pays. Ils sont généralement entretenus correctement. En revanche, dans les régions reculées, on peut trouver des quantités plus petites de pesticides groupées au même endroit, mais, faute de personnel formé et de ressources, le risque qu’elles soient mal entreposées et mal entretenues est plus sérieux.

Dans la plupart des pays en développement, la grande partie des terres et des populations sont vouées à l’agriculture de subsistance. Les vecteurs de maladies, comme le moustique porteur du paludisme, ne connaissent pas de barrières géographiques et touchent les communautés les plus reculées. Dans bien des pays, la fourniture de pesticides, tout comme les intrants agricoles et les fournitures médicales sont perçus comme une composante intégrale des programmes de développement. Il n’y a donc aucune limite à la dispersion géographique des pesticides. On le voit bien en Ethiopie où, par exemple, 420 entrepôts contenant des pesticides périmés ont été identifiés à travers le pays et d’autres continuent d’apparaître au fur et à mesure que l’inventaire est dressé. Cette situation est commune à plusieurs autres pays.

La FAO publie des directives détaillées pour la construction de nouveaux entrepôts à pesticides. Ces directives sont fondées sur les expériences antérieures et les erreurs du passé. De nombreux stocks de pesticides périmés sont entreposés dans les mêmes magasins depuis des décennies; et ces magasins eux-mêmes ont été bâtis sans aucun critère de référence. Par conséquent, plusieurs de ces entrepôts sont mal construits ou mal situés.

L’agriculture tend à se développer à proximité de l’eau, qu’elle provienne de source naturelle ou de périmètres irrigués artificiellement. En conséquence, plusieurs entrepôts sont situés dans le voisinage de ces points d’eau. Pour essayer de protéger les pesticides, les populations rurales ont construit ces abris selon des méthodes traditionnelles: paille, boue et sol en terre battue, qui ne sont pas en mesure de retenir les pesticides qui s’écoulent et, en général, ces matériaux absorbent les produits chimiques. Nombre de ces abris doivent donc être démolis et les matériels utilisés pour leur construction devraient être éliminés au même titre que les produits chimiques dangereux qu’ils ont absorbés.

Autrefois les entrepôts à pesticides étaient construits loin des zones habitées. Aujourd’hui, avec l’expansion démographique et l’urbanisation, ces entrepôts ont fini par se trouver au centre de zones densément peuplées. Il n’est pas rare de rencontrer des familles et leur bétail vivant à proximité d’entrepôts à pesticides, avec leurs cultures destinées à l’alimentation plantées sur des terrains contaminés et les ressources en eau également contaminées, utilisées pour la boisson et l’irrigation.

ORIGINE DES STOCKS

Producteurs

La plupart des producteurs de pesticides se trouvent en Europe, aux Etats-Unis d’Amérique et au Japon. Ces firmes sont en grande partie représentées par la Fédération mondiale de la protection des cultures (GCPF) et seront citées dans le présent ouvrage comme sociétés GCPF. Une proportion significative des produits périmés provient des sociétés GCPF et leur obsolescence est due au vieillissement, à un entreposage incorrect et à une mauvaise manutention. La proportion des stocks périmés provenant des sociétés GCPF varie selon les régions. Par exemple, dans la CEI, une très petite quantité provient de la GCPF, tandis qu’en Amérique latine et dans certaines régions d’Asie et d’Afrique, la proportion est élevée. Les causes de l’obsolescence et de l’accumulation sont discutées plus en détail au paragraphe «Causes de l’accumulation», page 6.

Des pesticides fabriqués dans la CEI, en Europe de l’Est et dans d’autres pays ayant appartenu au bloc soviétique, font encore partie des stocks périmés accumulés. Récemment, les fabricants et producteurs de pesticides génériques (sans brevet) se sont multipliés et agrandis, en particulier en Chine et en Inde, mais également dans d’autres pays asiatiques et d’Amérique latine. Les pesticides génériques sont toujours produits et vendus par les sociétés GCPF en quantités infiniment supérieures à celles que peuvent vendre les fabricants des pays en développement ne faisant pas partie de la GCPF. Ces derniers tendent à exploiter des technologies dépassées (par exemple, insecticides organochlorés ou organophosphorés) et leurs produits sont souvent de qualité médiocre. Cependant, dans les pays en développement, ils sont souvent préférés car ils sont meilleur marché que ceux vendus par les sociétés GCPF. Ces pesticides génériques apparaissent de plus en plus dans les stocks accumulés.

Un certain nombre de pays en développement sont maintenant équipés pour la production de pesticides où les ingrédients actifs techniques sont formulés et conditionnés en vue d’une commercialisation locale. Ces fabriques sont en mesure d’organiser avec précision leur production et leurs stratégies de commercialisation – y compris des détails comme la dimension des récipients – en fonction de la demande du marché local. Il est donc rare de trouver dans les stocks périmés des produits d’origine locale.

Acheteurs

Les organismes responsables de l’acquisition de pesticides devenus obsolètes sont nombreux. Ils peuvent être groupés en quatre catégories:

CAUSES DE L’ACCUMULATION

Le programme FAO des pesticides périmés a défini six facteurs conduisant à l’accumulation de stocks obsolètes dans les pays en développement7, à savoir:

Les explications qui suivent sont tirées du chapitre 2 du document FAO cité ci-dessus, où les causes de l’accumulation sont décrites dans le détail. Le présent document met à jour ces informations et y apporte des données supplémentaires.

Interdiction du produit

Dans plusieurs pays où une série de produits a été interdite ou retirée du marché pour des raisons de santé ou d’environnement, on ne prête pas d’attention particulière au devenir des stocks existants. Ils restent là où ils se trouvent et où ils finiront par se dégrader. Cela s’applique en particulier aux composés organochlorés qui font partie des stocks stratégiques destinés à la lutte contre le criquet pèlerin. Un exemple courant est la présence de stocks de dieldrine dans de nombreux pays africains qui ont à faire face aux problèmes des criquets migrateurs. Dès la fin des années 70, la dieldrine a été interdite dans les programmes de lutte antiacridienne financés par des donateurs, mais rien n’a été prévu pour se débarrasser ou éliminer les stocks existants. Depuis, ils sont entreposés en attendant une solution viable. Dans certains cas, les pesticides se sont écoulés de leur conteneur abîmé et ailleurs, ils ont été utilisés illégalement.

Stockage incorrect et mauvaise gestion des stocks

Manque d’espace pour l’entreposage des pesticides. Souvent, les autorités responsables des stocks de pesticides n’ont pas assez d’espace pour entreposer tous leurs stocks en sécurité. Il y a des entrepôts mal bâtis, dont la ventilation est insuffisante, qui sont trop chauds et/ou dont le plancher n’est pas en ciment. Faute de place, les pesticides sont souvent mal empilés, d’accès malaisé et l’état des récipients difficile à surveiller. Il y a aussi des sites où les pesticides sont entreposés en plein air pendant des laps de temps prolongés. Les mauvaises conditions de stockage accélèrent la dégradation des produits et de leur récipient. Les pesticides nouveaux sont souvent mal stockés parce que le peu de place disponible est déjà occupée par les produits obsolètes.

Conditions de stockage impropres. Il existe des pesticides qui, à cause de leurs propriétés physico-chimiques, demandent des conditions de stockage particulières. Par exemple, les produits solides et liquides devraient être tenus séparés; les agents corrosifs entreposés loin des conteneurs métalliques, les agents oxydants séparés des produits inflammables ou combustibles. Les conseils et les informations en la matière figurent sur les étiquettes des produits, dans les normes de sécurité concernant le matériel et les directives publiées. Cependant, dans les régions rurales reculées des pays en développement, les gérants des dépôts ont rarement, sinon jamais, accès à ces informations et ne seraient probablement pas en mesure de les interpréter. Vu la situation, il n’est pas envisageable que ces conditions puissent être réalisées. C’est pourquoi, il n’est pas rare de trouver des produits mal stockés qui augmentent les risques de dégradation aussi bien des produits que des récipients.

Personnel non formé à la gestion des stocks. Les magasiniers des entrepôts principaux et les responsables des stocks nationaux ne connaissent pas bien les règles d’une bonne gestion des stocks (comment empiler, trier les produits, le principe du «premier entré, premier sorti» [PEPS], etc.). Les fuites ou écoulements peuvent ne pas être nettoyés immédiatement parce que le personnel n’a pas été entraîné à le faire ou bien parce qu’il n’y a pas d’équipement de protection disponible. La contamination ou un empilage maladroit peuvent altérer les autres produits et entrainer un mauvais stockage. Les registres des stocks peuvent ne pas être tenus à jour régulièrement ni communiqués à l’autorité centrale responsable, ce qui mène à une sous ou surestimation des besoins et donc se répercute sur les commandes de pesticides pour les saisons suivantes.

Systèmes de distribution insuffisants. Les retards dans les formalités relatives aux pesticides importés et une gestion défectueuse au premier point de stockage et distribution des pesticides dans le pays, font que souvent les produits parviennent à leur destination finale juste avant et, parfois même, après leur date d’expiration. Les magasiniers et les fonctionnaires de la protection végétale des régions reculées peuvent ne pas se rendre compte du problème, soit par manque de formation, soit par absence d’information sur l’étiquette du produit. Même dans le cas où les fonctionnaires ont connaissance de l’expiration du produit, ils sont réticents à restituer ou à se débarrasser de fournitures rares et coûteuses en l’absence d’autres solutions disponibles.

Manutention impropre durant le transport. Les fûts et autres matériels d’emballage sont souvent abîmés durant le transport ou à cause de manutentions trop brutales. Lorsque les fûts sont cognés, leurs revêtements intérieur et extérieur sont endommagés, ce qui en accélère la corrosion et en raccourcit la durée. L’exposition prolongée au soleil lorsque la marchandise est en transit est un autre facteur de détérioration pour le conteneur et le contenu.

Absence de moyens d’analyses. Dans la plupart des pays en développement, les laboratoires pour le contrôle de la qualité des pesticides n’existent pas et il est donc difficile de déterminer si un produit peut toujours être utilisé après sa date d’expiration. Si on ajoute à cela, un étiquetage inadéquat et l’absence d’une date de fabrication sur l’étiquette ou le récipient, les choses se compliquent. C’est pour cette raison que le principe «premier entré, premier sorti» n’est pas toujours respecté, car la tendance est d’utiliser le produit le plus récent pour être sûr de son efficacité. Cette pratique conduit à un stockage prolongé des produits les plus anciens.

Produits ou emballages impropres

Parfois, les produits donnés ou achetés ne sont pas adaptés à l’usage qu’on veut en faire, ils restent donc sur les étagères et finissent par se détériorer. Notons que toutes les causes d’obsolescence exposées dans le présent chapitre sont étudiées dans le Code international de conduite pour la distribution et l’utilisation des pesticides (version amendée) de 1990. Les gouvernements, les agences d’achat et l’industrie sont supposés respecter ce Code de conduite, bien que dans nombre de pays, cela ne soit pas le cas.

Ingrédient actif ou produit impropre. Voici quelques cas de produits impropres:

Emballages peu pratiques ou récipients de qualité médiocre. Les pesticides en vrac sont fournis en général en fûts métalliques de 200 litres pour les liquides, et en sacs de 25 kg ou plus pour les poudres. Dans les pays ne disposant pas d’installations pour le reconditionnement des produits, cela peut poser des problèmes quand l’utilisateur final est le personnel de la protection des végétaux, les vulgarisateurs ou le petit fermier. Pour transvaser le contenu des fûts dans des récipients plus petits, il faut tout d’abord disposer de ces derniers, d’une pompe, d’étiquettes, etc. Tout ceci n’est parfois pas disponible ou l’est en quantité insuffisante. Il s’ensuit que les pesticides restent inutilisés ou bien des solutions improvisées sont adoptées qui sont dan-gereuses aussi bien pour l’opérateur que pour l’usager.

Les pesticides sont parfois livrés dans des récipients dont la durée est limitée et qui, très tôt, commencent à fuir. Lorsque les fûts sont corrodés ou fuient, il devient difficile d’en utiliser le contenu. Il en est de même pour les sacs déchirés et pour tout autre emballage endommagé.

Si la qualité du conteneur n’est pas spécifiée dans l’appel d’offre, les contractants peuvent céder à la tentation de réduire leurs prix au détriment de la qualité des conteneurs.

Etiquettes absentes ou incomplètes. Dans certains cas, les pesticides ne sont pas utilisés parce que l’utilisateur final n’en connaît pas les restrictions ou ne sait pas comment l’appliquer. Cela peut être dû aux étiquettes manquantes ou incomplètes, illisibles à cause des intempéries ou des fuites de produit, ou bien rédigées en une langue étrangère que l’utilisateur ne connaît pas.

Communication insuffisante entre l’agence d’aide et le pays récipiendaire. Il arrive que les quantités, la matière active, le produit ou l’emballage des pesticides donnés au titre de l’aide soient inadéquats pour une utilisation spécifique. Ces erreurs se produisent en général par manque de spécifications détaillées au moment de la requête et/ou par manque d’informations et de justifications de base. Les pays en développement ne sont pas les seuls responsables de ce défaut de communication, les agences d’aide devraient aussi se préoccuper d’obtenir ces informations avant de traiter les requêtes de dons de pesticides. Une communication insuffisante avec les fonctionnaires bien informés en matière de besoins en pesticides du pays, un manque d’informations détaillées sur la quantité de pesticides effectivement nécessaire et une non-évaluation des commandes de pesticides passées par les pays bénéficiaires, en sont les raisons.

Le programme japonais d’aide agricole «KR2» a en particulier été critiqué pour avoir fourni des quantités excessives de pesticides que les bénéficiaires avaient déjà en stock. Dans ce cas, le manque de communication n’est à blâmer qu’en partie.

Défaut de surveillance du produit par le donateur ou le fournisseur. Dans les pays en développement, le dédouanage et le transport des pesticides jusqu’à leur destination peuvent être des opérations extrêmement lentes. Les donateurs et fournisseurs de pesticides, n’assument pas toujours la responsabilité de suivre le produit donné dans le pays bénéficiaire et ne s’assurent pas que la manutention des produits donnés ou fournis au titre de fonds de développement agricoles soit adéquate et efficace. Les pesticides fournis à l’Ethiopie par le programme japonais KR2 sont parfois arrivés à destination (entrepôts de localités reculées), juste avant leur date d’échéance ou même après, alors que de nouvelles quantités étaient commandées pendant que les opérations d’élimination des stocks obsolètes étaient en cours. De même, en 1995, les pesticides donnés par la Communauté européenne au Rwanda, bien qu’ayant été entreposés dans le lotissement de la CE à Kigali, ont été sérieusement détériorés et sont aujourd’hui source de contamination de l’environnement.

Pratiques frauduleuses de fournisseurs non fiables. On a pu constater que des pesticides interdits dans un pays donné ont été fournis à un autre pays sans que celui-ci ne sache que les produits étaient déjà obsolètes avant même d’être reçus. Ailleurs, pour pouvoir maintenir le plus bas possible le niveau des prix, les fournisseurs ont acheté des produits en dessous du niveau standard minimum car les termes du contrat ne définissaient pas avec précision les standards de qualité requis pour le produit. Il y a aussi des exemples de livraisons inutilisées car le produit, adultéré par un fournisseur malhonnête pour augmenter ses profits, n’est plus apte à l’emploi.

Ce genre de pratiques est inévitable sur un marché où l’argent facile est une tentation. Seules des procédures d’appel d’offre sévères, des spécifications précises et une surveillance constante de la qualité peuvent prévenir ce genre de comportement. Malheureusement, ces mesures ne sont pas toujours strictement appliquées par les donateurs et les pays en développement n’ont pas les ressources nécessaires pour pouvoir le faire.

Dons ou achats excédant les besoins

Evaluation imparfaite des besoins. Généralement, on évalue les besoins en pesticides en se fondant sur une estimation approximative de la superficie à traiter. Souvent, on ne prend suffisamment en considération ni les réelles conditions agroécologiques (par exemple, la variation d’intensité des explosions de ravageurs, les seuils économiques, etc.), ni les facteurs limitant l’usage de pesticides comme les capacités locales d’application (disponibilité d’équipement d’aspersion, tenues de protection et personnel formé), ni les installations d’entreposage, ni enfin l’efficacité du système de distribution. On néglige aussi la capacité de l’usager éventuel de payer. Enfin, on a tendance à surestimer les besoins pour éviter les pénuries.

Parfois, les informations à jour et complètes concernant les stocks existants dans le pays ne sont pas immédiatement disponibles, ce qui rend l’évaluation de besoins supplémentaires encore plus compliquée. Dans ce cas, l’administration centrale chargée d’évaluer les besoins en pesticides du pays, ne tient pas compte de ces stocks lorsqu’elle dresse la liste des produits à acheter ou à demander aux donateurs.

Impact des ravageurs inférieur aux prévisions. Il est parfois difficile de prévoir l’impact d’une invasion annoncée de ravageurs. Un impact inférieur aux prévisions peut mener à un surplus de stocks de pesticides inutilisés. Par le passé, cela était surtout vrai pour les invasions de ravageurs migrateurs, comme le criquet pèlerin. Les pays accumulaient une grande quantité de stocks stratégiques en prévision d’invasions et se retrouvaient avec de grandes quantités de produits inutilisées. La décentralisation de ces stocks n’a fait qu’accroître le danger.

Dans la plupart des pays touchés par le criquet pèlerin, le maintien de stocks stratégiques de pesticides prêts à l’emploi est une règle qui se perpétue. La FAO ne soutient plus ces stratégies que certains donateurs, comme la CE et le Japon, continuent de préconiser. Il semble y avoir un manque de confiance généralisé envers les politiques qui ne prévoient pas de stocks stratégiques de pesticides. Par conséquent, les propositions prévoyant une mobilisation rapide de pesticides pour faire face aux explosions de ravageurs et la rotation des stocks stratégiques n’ont jamais été prises en considération.

La FAO coordonne également les activités de surveillance et de lutte contre les ravageurs migrateurs, en particulier le criquet pèlerin. La surveillance contribue à concentrer les efforts en lieu et temps voulus, et par là même, à diminuer le volume des pesticides appliqués. Néanmoins, les programmes de lutte contre le criquet pèlerin sont toujours fondés sur les pesticides chimiques, et les pays touchés continuent de détenir des réserves stratégiques qui sont en grande partie à l’origine des stocks de pesticides périmés. Par exemple, le Maroc détient actuellement des stocks de pesticides périmés parmi les plus importants d’Afrique et ceux-ci proviennent de réserves stratégiques accumulées en vue d’invasions acridiennes. Les autorités marocaines tendent à défendre cette stratégie malgré ses conséquences sur l’accumulation des stocks. Aujourd’hui, la FAO est moins favorable à cette solution. D’autres stratégies ont été proposées comme la mobilisation rapide de pesticides de chez les producteurs, la rotation des stocks, la lutte biologique et le contrôle «zéro». Toutes ces solutions ont peu évolué, hormis la récente approbation de la part de la FAO de l’agent de lutte biologique Green Muscle, fondé sur le champignon pathogène Metarhiziium anisopliae.

Stockage trop important de produits à brève durée de vie. La plupart des pesticides actuellement utilisés ont une durée moyenne de deux ans. Cette durée de vie, déjà courte en soi, peut être encore abrégée par les conditions typiques des zones tropicales, chaleur et humidité excessives et/ou fortes fluctuations des températures. Durant des périodes de stockage moyennes ou longues, ces produits se dégradent et deviennent inutilisables. Stocker en trop grande quantité conduit à l’obsolescence des pesticides.

Excès de dons. Il est arrivé que les agences d’aide aient fourni des dons de pesticides excédant les besoins. Dans plusieurs cas, il s’agissait de produits fabriqués dans le pays d’origine de ces agences ou du gouvernement donateur (voir le paragraphe «Le coût des stocks de pesticides périmés», page 12).

Dans le cadre de certains programmes de fournitures d’intrants agricoles s’étendant sur plusieurs années, la livraison de pesticides est automatique, sauf avis contraire en demandant l’arrêt. Ce système qui dépend d’une rétroaction, ne fonctionne pas toujours efficacement. Dans certains cas, il a conduit à une accumulation de pesticides lors de brusques chutes de la demande et quand les livraisons n’ont pas été ajustées en conséquence.

On connaît des exemples de dons non requis de pesticides: un pays donateur ayant des excédents ou des produits indésirables offre des pesticides à un pays en développement. Ce dernier, par convenance diplomatique ou pensant en toute bonne foi pouvoir en avoir une réelle utilité, accepte le don. Dans plusieurs cas de tels dons n’ont jamais été utilisés et n’ont fait qu’accroître la quantité de stocks accumulés (voir le paragraphe «Communication insuffisante entre l’agence d’aide et le pays récipiendaire», page 8).

Arrêt des subventions. Nombre de pays réduisent ou suppriment les subventions aux pesticides. L’ajustement des politiques de prix est technique et économique. Les subventions directes ou indirectes à l’achat de pesticides ne sont pas souhaitables, car elles encouragent l’utilisation exagérée de ces produits et empêchent l’introduction de la lutte intégrée contre les ravageurs (IPM).

En outre, les programmes d’ajustement structurel imposent le retrait des subventions octroyées aux intrants agricoles pour laisser aux marchés le soin de déterminer la mesure de l’utilisation des pesticides. Cela cause souvent une chute brusque de la demande de pesticides car ils ne sont plus à la portée des fermiers. Résultat, les stocks restent dans les magasins plus longtemps que prévu et courent le risque de devenir obsolètes.

Coordination inadéquate entre et au sein des agences d’aide

La coordination insuffisante entre les agences d’aide est une raison importante des dons excessifs de pesticides, destinés surtout à la lutte antiacridienne et contre les ravageurs migrateurs. Les gouvernements bénéficiaires ne savent pas si les pesticides qu’ils ont commandés seront livrés ou non par la première agence d’aide contactée. Par conséquent, en situation d’urgence, ils contacteront simultanément plusieurs agences dans l’espoir de recevoir au moins une réponse en temps utile. Finalement, les quantités requises peuvent être livrées par plus d’un donateur. Vu la situation, la FAO s’emploie à promouvoir une coordination entre les donateurs en situation d’urgence, aussi bien au niveau international que national dans le pays bénéficiaire.

Procédures administratives au sein des agences d’aide. La lenteur de ces procédures fait que parfois les pesticides arrivent trop tard. Souvent, les fonds alloués à des projets ou programmes doivent être dépensés suivant un calendrier établi. Cela implique que l’achat de pesticides est davantage déterminé par des facteurs budgétaires que par des besoins réels. Cela veut aussi dire que le pays bénéficiaire peut être poussé à accepter une fourniture de pesticides «maintenant ou jamais», ce qui se heurte au principe suivant lequel les pesticides ne sont fournis qu’en cas de nécessité.

Plusieurs agences d’aide n’ont pas encore établi un bureau technique chargé de l’évaluation et du traitement des commandes de pesticides au sein de leur organisation. C’est le bureau du pays qui traite ces commandes. Entre les bureaux du pays, la coordination est parfois insuffisante au sein même des agences d’aide, ou entre ces bureaux et les départements techniques et les départements d’achat. Sans un bureau technique spécialement préposé aux évaluations des requêtes en pesticides, il peut être difficile de constituer une mémoire institutionnelle pour éviter la répétition des erreurs.

Intérêts commerciaux et facteurs cachés

Les fabricants, les distributeurs et les commerçants de pesticides se trouvent souvent en situation de conflit d’intérêts. D’un côté, ils cherchent à promouvoir et à vendre leurs propres pesticides et de l’autre on leur demande des conseils sur d’autres méthodes de lutte contre les ravageurs. Cela arrive fréquemment lorsque les services de vulgarisation n’ont pas suffisamment de fonds et les fermiers recherchent des conseils. Les informations fournies par les producteurs de pesticides sont gratuites, alors que consultants des cultures et agronomes se font payer leurs services.

Les sociétés agrochimiques ou leurs agents locaux, prennent souvent l’initiative d’évaluer les besoins en pesticides pour le compte des services de protection des plantes ou autres réseaux d’utilisateurs à grande échelle. Et c’est parfois sur la base de ces évaluations que s’établissent les requêtes aux donateurs. Cependant, ces estimations ne correspondent pas nécessairement aux besoins effectifs et les produits recommandés ne sont pas forcément les mieux adaptés (voir le paragraphe «Produits ou emballages impropres» page 8).

D’importantes sommes d’argent entrent en jeu dans la fourniture des pesticides. Toute une série d’intérêts occultes peuvent influencer les achats ou les dons de pesticides sans qu’il y ait un lien direct avec la meilleure solution technique au problème des ravageurs. Les producteurs peuvent adopter des méthodes de commercialisation agressives dont le résultat sera l’achat de quantités supérieures aux quantités nécessaires, ou bien de produits impropres ou de qualité médiocre. Sans considérer que certains opérateurs s’occupant des achats de pesticides, pourraient aussi y trouver un intérêt personnel.

Les pays donateurs peuvent aussi encourager la fourniture de pesticides au bénéfice de leurs industries nationales, augmentant les risques que ces dons soient plus dictés par les besoins de l’offre que par ceux de la demande.

Lorsque les dons de pesticides proviennent d’un besoin d’offre de la part du donateur, ils ont plus de probabilité de se périmer car leur nature et quantité ne répondent pas obligatoirement à de véritables nécessités du pays récipiendaire, mais correspondent uniquement aux disponibilités du donateur. L’aide conditionnelle risque de restreindre le choix des produits, car le producteur, dans le pays donateur, pourrait ne pas fabriquer les produits appropriés aux besoins du pays récipiendaire.

Ces facteurs cachés contribuent souvent à compliquer l’approche technique équilibrée à la gestion des ravageurs et des pesticides. Il faudrait en tenir compte lors des choix de politiques.

PROBLÈMES ENGENDRÉS PAR LES STOCKS DE PESTICIDES

Le stockage et la manutention des pesticides, même si les produits sont en bon état, présentent des risques significatifs pour les opérateurs qui les manient, pour le public et pour l’environnement. Le respect des indications fournies par les directives de la FAO et de la GCPF (Fédération mondiale de la protection des cultures) peut contribuer à réduire les risques en diminuant, sinon en éliminant, l’exposition à ces produits.

Dans le cas des stocks de pesticides périmés, il peut devenir beaucoup plus difficile de contrôler l’exposition du personnel ou de l’environnement. C’est pourquoi les risques qu’ils encourent sont accrus et souvent, malheureusement, deviennent réalité.

Les lieux inadéquats et les mauvaises conditions de stockage de nombreux pesticides périmés sont décrits au paragraphe «Description des stocks de pesticides» (page 4). Les problèmes qui en découlent sont résumés aux paragraphes suivants.

Polluants organiques persistants

Les effets des POP sur la santé et sur l’environnement vont d’une toxicité aiguë à une rupture de l’équilibre endocrinien à transmission intergénérationnelle. Les POP sont biocumulables et une fois introduits dans l’environnement ne peuvent pas être supprimés. Ils sont également transportés sur de longues distances par les agents atmosphériques et les événements climatiques et environnementaux. Ils tendent à migrer des régions chaudes – où se trouvent la plupart des stocks obsolètes – vers les zones froides et même polaires où ils s’accumulent dans les tissus graisseux des humains et de la faune sauvage, au sommet de la chaîne alimentaire.

Aux Etats-Unis, au Canada et en Europe du Nord, une étroite observation des taux d’accumulation biologique, des effets sur la santé et des déplacements dans l’environnement de ces substances a été mise en place. En revanche, rien n’est fait sous les tropiques, où les insecticides faisant partie de cette catégorie, ayant été largement utilisés, constituent maintenant une partie significative des stocks périmés. Dans nombre de pays tropicaux, on continue de détenir et d’utiliser le DDT, insecticide polluant organique persistant, pour lutter contre le vecteur du paludisme.

Détérioration des produits

La décomposition des pesticides aboutit à des produits dérivés, dont certains présentent des propriétés toxiques, parfois plus toxiques encore que le poison original. Alors que les magasiniers et les usagers des pays en développement disposent d’un minimum d’information sur les risques des pesticides, ils ignorent souvent le danger que présentent les stocks de pesticides détériorés. Une fois que le processus de décomposition est commencé, les produits se transforment de manière inconnue et doivent être manipulés en conséquence. En ce qui concerne la manutention, le transport et la destruction, tout produit non identifié doit être traité comme s’il appartenait à la classe de toxicité la plus élevée, et donc, à plus grand risque.

Au cours du processus de décomposition, le pesticide peut changer d’état physique; les liquides cristallisent et deviennent solides, les solides peuvent se liquéfier. Il peut y avoir formation de gaz, plus volumineux que le produit original. Cela donne lieu à une pression plus élevée à l’intérieur du récipient qui parfois explose, ou dont le contenu est projeté violemment à l’extérieur si on essaie de l’ouvrir. La manutention est donc plus compliquée et l’action des produits chimiques dans l’environnement peut changer de façon significative.

Récipients ouverts ou endommagés

La conséquence la plus évidente des récipients ouverts ou endommagés est le déversement du contenu. Les pesticides ainsi libérés, atteignent les eaux de surface par ruissellement, s’infiltrent jusqu’à la nappe souterraine et pénètrent dans le sol sur lequel ils se sont déversés. Ils contaminent ainsi d’autres objets et matériels divers.

Lorsqu’ils sont stockés en plein air, les populations qui travaillent, vivent, passent ou jouent dans le voisinage des pesticides, y sont inévitablement exposées et des effets momentanés ou chroniques sur leur santé peuvent se manifester. On peut voir de nombreux exemples d’activités – enfants jouant, bétail broutant, gens travaillant, cuisinant, puisant de l’eau et cultivant des denrées comestibles – à proximité de dépôts où s’amoncellent et se déversent des pesticides.

Identification du produit

Il n’est pas rare de trouver au milieu des stocks de pesticides périmés, des récipients provenant directement du fournisseur, sans aucune étiquette d’origine; des produits transvasés de leur récipient original endommagé à de nouveaux récipients sans étiquette; des étiquettes illisibles ou écrites en langue étrangère ou encore privées des informations fondamentales. Dans tous ces cas, les produits doivent être considérés comme appartenant à la classe de toxicité la plus élevée et être maniés en conséquence.

Mouvements des stocks

Les stocks de pesticides périmés peuvent être en mauvais état et risquent donc de contaminer l’environnement et de nuire à la santé. Toutefois, en l’absence de mesures de sauvegarde appropriées, le mouvement de ces stocks peut aggraver la situation.

Le tableau ci-après résume les types d’exposition que présentent les stocks actuels de pesticides périmés et décrit les effets potentiels combinés qui peuvent dériver du déplacement sans les précautions appropriées de ces pesticides.

COÛT DES STOCKS DE PESTICIDES PÉRIMÉS

La quantification des effets externes dérivant de l’usage des pesticides est difficile et complexe. En règle générale, une telle analyse devrait inclure les coûts de la création, la gestion et l’élimination du stock. Sans vouloir donner des prix à ces éléments externes, les paragraphes suivants exposent les facteurs qui devraient être pris en compte dans le calcul du coût des stocks de pesticides périmés.

Achat de stocks de pesticides originaux

Un premier coût est le capital investi dans l’achat de pesticides qui, par la suite, deviennent obsolètes. Il y a le coût «d’opportunité», c’est-à-dire que les fonds déboursés pour l’achat des pesticides ne peuvent pas être utilisés pour d’autres besoins. Puisque les pesticides n’ont pas été utilisés, l’investissement est perdu et un placement différent des fonds aurait sans aucun doute été plus profitable.

Transport et entreposage

Le transport des pesticides conformément aux lois internationales (relatives aux mouvements transfrontières et maritimes) et aux bonnes pratiques commerciales est plus coûteux que le transport des marchandises non sujettes à réglementation. Pour livrer les pesticides à leur destination finale, ces normes ont probablement été respectées. Par conséquent, une fois de plus, ces coûts de transport majorés ont représenté un gaspillage inutile puisque les pesticides n’ont pas été employés.

C’est souvent la mauvaise organisation du système de distribution des pesticides qui fait que les produits sont déjà obsolètes avant même d’arriver à leur dernière destination ou le deviennent tout de suite après, leur date de péremption ayant déjà été dépassée.

L’entreposage des pesticides engendre des coûts. Souvent, l’argent des donateurs ou du gouvernement a servi à construire de nouveaux dépôts pour y placer des stocks qui deviennent ensuite périmés. L’espace de stockage étant occupé par les pesticides périmés, les nouveaux arrivages sont stockés ailleurs, par exemple, en plein air.

Cela accélère la détérioration des nouveaux pesticides qui peuvent devenir obsolètes avant même d’avoir été utilisés.

Coûts de remplacement

L’obsolescence résultant de produits ou d’emballages impropres (voir paragraphe «Produits ou emballages impropres» page 8) signifie que non seulement l’investissement en achat, transport et entreposage de la marchandise est gaspillé, mais aussi que le problème de ravageur pour lequel le pesticide avait été acheté a dû être résolu autrement, engendrant de nouveaux coûts, si toutefois une solution est intervenue.

En admettant que les pesticides devenus obsolètes aient été achetés pour combattre un ravageur, ils doivent être remplacé par d’autres instruments de lutte ou par d’autres pesticides. Tout cela implique des coûts.

Problèmes dérivant des stocks périmés et de leurs mouvements

Risques environnementaux communs liés aux stocks de pesticides périmés

Effets multiplicateurs potentiels dus aux mouvements des stocks de pesticides

Pertes de pesticides et dispersion dans le sol par action capillaire et microfaune

Pertes supplémentaires et augmentation de la superficie contaminée par déplacement des pesticides ou transvasement d’un récipient à l’autre

Infiltration de pesticides dans la nappe souterraine à travers le sol contaminé

L’augmentation de la superficie contaminée cause un accroissement des infiltrations dans la nappe souterraine en dessous de la zone contaminée. Les pesticides abandonnés en plein air pendant la saison des pluies contribuent à la contamination des eaux souterraines

Contamination des eaux superficielles par ruissellement, dispersion éolienne ou transport animal. Par exemple, les entrepôts situés en plaine inondable contribuent périodiquement à la contamination des eaux superficielles

Les mouvements des stocks ajoutent de nouvelles quantités de pesticides aux eaux superficielles par ruissellement ou dispersion aérienne. Les pesticides abandonnés en plein air pendant la saison des pluies contribuent à la contamination des eaux superficielles

Dispersion aérienne des pesticides par volatilisation ou transport éolien des poussières ou particules de sol contaminées

Une longue exposition des pesticides à l’air pendant le reconditionnement peut augmenter la volatilisation et la dispersion éolienne. L’exposition aux radiations solaires, aux températures élevées où aux agents atmosphériques accroît la contamination

Contamination de la végétation à travers le terrain ou par surface. Peuvent faire partie de la végétation contaminée plantes cultivées, ressources alimentaires humaines ou animales (bétail ou vie sauvage)

Pendant les mouvements des stocks, la quantité accrue de pesticides libérée dans l’air, le sol et l’eau expose la végétation à une contamination majeure

Effets toxiques directs ou indirects par exposition aux pesticides libérés dans l’environnement sur les humains, le bétail ou les animaux sauvages. Pesticides entrant dans la chaîne alimentaire et source de contamination de différents organismes. Effets toxiques aigus et à court terme ou chroniques et à long terme

Pendant les mouvements des stocks, la quantité accrue de pesticides libérée dans l’environnement augmente les probabilités d’exposition des organismes aux pesticides

Vols et pillages de stocks périmés conduisent à l’utilisation de pesticides interdits, dangereux ou non identifiés

Les stocks déplacés sont plus sujets aux vols, emplois ou ventes illicites, du fait du plus grand nombre de personnes y ayant accès pour les opérations de déplacement

Les actes de guerre peuvent provoquer une dispersion ultérieure des stocks quand les aires de stockage sont attaquées ou endommagées

Si les pesticides sont reconditionnés et déplacés en période de conflit, les possibilités de dispersion augmentent

Les pesticides en décomposition peuvent donner lieu à des explosions et/ou incendies spontanés. Les incendies peuvent aussi se développer ailleurs et s’étendre aux entrepôts

Agiter, mélanger et ouvrir les récipients peut donner lieu à des explosions ou des incendies

Les catastrophes naturelles telles que ouragans et inondations peuvent aussi provoquer une dispersion étendue des pesticides entreposés

Si les pesticides sont reconditionnés et déplacés au moment où survient une catastrophe naturelle, les possibilités de dispersion augmentent

Alternatives aux pesticides: effets de dissuasion

L’existence de stocks de pesticides et les fonds investis pour leur achat découragent souvent l’investissement dans la recherche et le développement alors que d’autres méthodes de gestion technique des ravageurs peuvent s’avérer plus durables et rentables que les pesticides chimiques de synthèse.

Un certain nombre de donateurs et d’autorités nationales ont tendance à croire que les pesticides chimiques représentent le pilier principal des stratégies de lutte contre les ravageurs et que tout autre système telles que la gestion intégrée des ravageurs, la gestion intégrée des vecteurs, les méthodes indigènes traditionnelles et l’agriculture organique n’ont pas fait leurs preuves, ne sont pas scientifiques et ne sont pas fiables. Il n’y a rien de moins vrai: l’expérience sur le terrain et la recherche le démontrent. En fait, l’utilisation des pesticides chimiques n’est pas viable économiquement ni du point de vue de l’environnement; surtout en ce qui concerne la gestion des ravageurs qui développent une résistance aux pesticides ce qui en favorise souvent la résurgence.

L’existence de stocks de pesticides périmés est souvent acceptée comme une circonstance malheureuse mais inévitable liée à l’utilisation des pesticides, au lieu d’être considérée comme un coût inacceptable et un obstacle à la recherche et la mise au point de méthodes alternatives.

Effets sur la santé et sur l’environnement

Un mauvais stockage et les fuites de pesticides périmés augmentent les risques de contamination de l’environnement et l’exposition des populations à ces nuisances. Maladies chroniques, problèmes de reproduction et difformités néonatales sont à très long terme, le prix que les individus et les communautés devront supporter. Quant à la contamination environnementale, elle est extrêmement coûteuse à traiter. Dans certains cas, même si les fonds étaient disponibles, les ressources techniques manqueraient. Quand la contamination dépasse les frontières nationales, le coût des problèmes de santé humaine et d’environnement devient extrêmement élevé.

Obstacles au développement

L’un des thèmes majeurs qui sous-tendent les efforts actuels de nombre d’agences d’aide bilatérale et multilatérale en matière de coopération est le soulagement de la pauvreté et le développement durable. Aucun de ces buts fondamentaux ne peut être totalement atteint en présence de stocks de pesticides périmés. Tant que ces produits chimiques continueront de polluer les sources d’eau, les terres agricoles et l’air, les besoins essentiels des communautés pauvres ne pourront pas être pourvus.

On ne peut pas envisager de creuser des puits dans des aquifères contaminés, construire des périmètres irrigués proches de lacs ou de fleuves pollués, cultiver des denrées alimentaires ou faire paître le bétail sur des terrains contaminés.

Par conséquent, quand on établit des programmes de développement durable, il faut, avant de les mettre en œuvre, prendre des mesures pour éliminer les stocks de pesticides périmés afin de prévenir toute contamination ultérieure et de démontrer que de tels stocks ne sont pas admissibles dans un contexte de développement durable.

Coûts de l’élimination

Actuellement, pour l’élimination des pesticides périmés, il faut compter entre 3 et 5 dollars EU par kg ou litre de pesticide ou de matériel contaminé. Les coûts varient suivant le lieu, les conditions et le type de déchets ainsi que la méthode suivie pour leur destruction. Sur la base d’une estimation mondiale totalisant 250 000 tonnes de pesticides périmés, il ne faudra pas moins de 1,25 milliard de dollars pour détruire tous les stocks.

POURQUOI EST-IL DIFFICILE DE RÉSOUDRE LE PROBLÈME?

Technologie

Les pesticides périmés sont classés comme déchets dangereux. Pour s’en occuper de manière adéquate et sûre, il faut disposer d’équipement de sécurité et de manutention sophistiqués et avoir suivi une formation appropriée. Dans les pays industrialisés, des industries entières reposent sur l’enlèvement, le transport et l’élimination des déchets dangereux, tandis que dans les pays en développement, l’expertise de même que les structures appropriées nécessaires à les gérer sont rares. Le problème est multiplié par les structures impropres, la dispersion des stocks périmés sur le territoire et leurs conditions de dégradation telles que décrites dans les deux premiers paragraphes de ce document: «Dimension et distribution géographique des stocks de pesticides périmés» et «Description des stocks».

Les options disponibles pour la gestion ou la destruction des pesticides périmés en conditions de sécurité et dans le respect de l’environnement sont très limitées. Elles sont décrites dans le manuel de la FAO sur l’élimination de grandes quantités de pesticides périmés (FAO, 1996b). Les aspects concernant les difficultés techniques, économiques et politiques sont étudiés dans certains documents de Greenpeace et du Réseau d’action pour les pesticides Royaume-Uni (PAN)8. En bref, les technologies possibles sont les suivantes:

Une étude pilote réduite, coordonnée par un groupement d’organisations non gouvernementales (ONG) et intergouvernementales (OING), financée par le FEM (Fonds mondial pour la nature), avec le soutien du PNUD, et mise en œuvre par l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel, est sur le point d’expérimenter une nouvelle technologie de destruction des déchets dangereux dans les pays en développement, non fondée sur l’incinération9. Cela pourrait mener au développement de solutions viables pour l’avenir.

Dans la plupart des cas où les pesticides périmés des pays en développement ont été détruits, ils ont été reconditionnés et expédiés en Europe pour être incinérés dans une installation spécifiquement consacrée à cet emploi. A l’heure actuelle, c’est cette démarche que la FAO, chef de file dans le domaine des pesticides périmés, considère comme la seule disponible et valable.

Financement

Enlever et détruire les pesticides périmés coûte cher. Les pays en développement ne disposent pas des ressources nécessaires et, par conséquent, dépendent des financements extérieurs. Les donateurs sont souvent réticents quand il s’agit de financer ce genre d’activités car elles ne sont pas considérées à strictement parler comme une contribution au développement (voir le paragraphe «Obstacles au développement», page 14).

Plusieurs donateurs fondent leurs programmes de financement sur des programmes de développement à long terme, négociés à l’avance. La possibilité de mobiliser des fonds rapidement, hormis les opérations d’urgence, est généralement très réduite sinon nulle.

Souvent les pays en développement choisissent de ne pas donner la priorité aux problèmes des pesticides périmés dans le cadre de l’aide au développement par crainte de voir les fonds requis retirés d’autres projets. La question n’est donc pas prévue à l’avance dans les programmes de développement et il n’y a pas d’allocation de fonds destinés à une solution éventuelle.

La majorité des financements en faveur de l’élimination des produits obsolètes proviennent de donateurs non fournisseurs de pesticides. Dans nombre de cas, les donateurs de pesticides devenus obsolètes peuvent être identifiés, mais ces donateurs n’ont généralement pas contribué aux efforts d’élimination.

La communauté internationale pourrait exercer des pressions sur ces donateurs de pesticides devenus obsolètes, afin que leur responsabilité sur ces produits soit prolongée et qu’ils financent leur élimination.

Le secteur privé représente une autre source potentielle de financement. La Fédération mondiale de la protection des cultures (GCPF) s’est engagée à soutenir l’élimination des pesticides périmés attribuables à ses membres. En général, cela signifie assumer des coûts de destruction qui représentent environ 25 à 30 pour cent du coût total de l’élimination. Dans certains cas, des sociétés GCPF ont payé tous les frais d’enlèvement et de destruction de certains produits, mais dans d’autres, aucune contribution n’a été effectuée. Des efforts sont en cours pour normaliser les procédures de participation de l’industrie aux projets d’élimination.

Les sources de financement privées, telles que les fondations ou l’industrie non productrice de pesticides, n’ont pas été approchées. Les producteurs de pesticides ne faisant pas partie de la GCPF, ne contribuent pas aux opérations d’élimination.

Sensibilisation

Les gouvernements et les donateurs sont incapables de considérer la question comme prioritaire car il n’existe aucune sensibilisation quant à l’importance et à la signification du problème des pesticides périmés. On le voit bien dans les plans d’action élaborés avec l’aide de l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) qui ne mettent pas en évidence la question des pesticides obsolètes. Cela explique aussi pourquoi il y a relativement peu de demandes d’assistance aux donateurs pour la recherche de solutions.

Il faudra peut-être réorienter les actions de sensibilisation vers les points de convergence nationaux, responsables de l’élaboration des plans d’action en matière de gestion des produits chimiques et de recherche de sources de financement.

Capacité technique

Dans les pays en développement, il n’existe pratiquement pas de capacité technique pour la manutention et l’élimination des pesticides en conditions de sécurité. Seules quelques sociétés basées dans les pays industrialisés ont l’expérience de ce genre de travail dans les pays en développement. Ces entreprises peuvent faire face à des opérations d’élimination de petite envergure comme celles qui sont en cours. En fait, les capacités dépassent la demande et certaines entreprises ont du mal à rester rentables commercialement parlant. C’est pour cette raison que les prix de l’élimination sont bas.

Si le travail d’élimination des pesticides obsolètes et des POP devait s’accroître de façon significative, une pénurie d’expertise et de capacité technique pourrait s’ensuivre avec des prix qui augmentent si la demande dépassait l’offre.

Cela pourrait être un argument en faveur du développement d’une expertise locale dans les pays en développement et pour la manutention et la gestion des déchets chimiques dangereux. Par exemple, la constitution d’équipes de terrain itinérantes, munies de l’outillage nécessaire et entraînées au reconditionnement des déchets et à la décontamination des sites pourraient préparer le terrain aux expéditions internationales pour la destruction des produits.

Prévenir la formation de nouveaux stocks: les difficultés

Absence d’alternatives aux pesticides chimiques. Les organisations intergouvernementales, les agences pour le développement et la communauté des donateurs reconnaissent la précarité économique et environnementale de toute production agricole et systèmes de protection sanitaires fondés uniquement sur l’utilisation intensive de produits chimiques, tels qu’ils étaient encouragés et développés pendant les années 60 et 70. Actuellement, pour lutter contre les ravageurs, on encourage une approche intégrée, utilisant une gamme d’outils qui peut inclure les pesticides chimiques. Cette approche diminue la dépendance aux pesticides chimiques.

Les systèmes de protection intégrée des ravageurs (IPM) et de gestion intégrée des vecteurs (IVM) sont plus lents à mettre en place que les moyens de lutte chimique, car ils sont relativement complexes, demandent un soutien institutionnel, la formation de personnel et souvent aussi de développer la recherche. Contrairement à la fourniture de pesticides, il n’existe aucune infrastructure de distribution déjà en place pour les techniques d’IPM et IVM.

Dans certains cas, les pesticides sont considérés comme la méthode de lutte la plus efficace et/ou la moins coûteuse, et sont donc préférés aux solutions non chimiques. Cela est particulièrement vrai pour les ravageurs migrateurs et les vecteurs de maladies.

D’autre part, les agriculteurs, les agents de vulgarisation et les fonctionnaires de la santé avouent leur méfiance envers des techniques non chimiques de gestion des ravageurs qui n’ont pas encore fait leurs preuves dans leur pays. Il est donc fréquent qu’ils aient recours aux produits chimiques, bien qu’ils présentent des problèmes de résistance au ravageur, de résurgence, de santé et d’environnement, de coûts et externalités. Dans les pays développés, ces problèmes sont souvent reconnus et documentés mais pas dans les pays en développement. Ils ne sont pas immédiatement perçus par les conseillers et les usagers de pesticides des pays en développement et des solutions de rechange, alternative aux pesticides, ne sont pas toujours disponibles.

Bien que l’alternative aux pesticides chimiques existe, il faut soutenir la recherche et ses applications pour accroître la confiance du public par rapport à la disponibilité des produits et à leur efficacité.

Systèmes d’aide. L’aide conditionnée des donateurs impose souvent l’achat de produits spécifiques. La production agricole et la gestion des ravageurs au moyen de l’IPM ou de systèmes semblables requièrent des investissements en formation et recherche plutôt qu’en achat de produits. Ainsi, l’aide conditionnée décourage l’application de mesures alternatives aux pesticides.

Les pesticides continuent à être fournis aux pays en développement dans des conditions qui conduisent à l’obsolescence et qui risquent de se perpétuer. Fournitures en quantités trop importantes, conteneurs trop grands, produits impropres, distribution lente, conditions de stockage médiocres: tout cela mène à la péremption des produits.

Les organisations d’aide au développement et les donateurs ne sont pas tous suffisamment au courant des problèmes liés aux pesticides périmés et aux autres problèmes dérivant de l’utilisation des pesticides dans les pays en développement. Des programmes de sensibilisation particuliers devraient leur être consacrés.

On constate un manque d’organisation au niveau des donateurs et des organisations pour le développement, au sein même de certaines grandes organisations. On assiste parfois à des dons de pesticides contredisant des politiques de soutien à l’IPM ou à d’autres programmes de développement durable. On prendra pour exemple la Communauté européenne où l’unité responsable de la sécurité alimentaire fournit des pesticides (entre autres, pour la lutte antiacridienne) alors que la Direction du développement prône l’application de la gestion intégrée.

Les donateurs attendent des pays bénéficiaires d’aide pour l’élimination des pesticides périmés qu’ils prennent des mesures pour prévenir toute accumulation ultérieure. De telles mesures peuvent prévoir des politiques agricoles en faveur de la gestion intégrée, la réglementation des pesticides, un contrôle plus étroit des importations, une amélioration des conditions de stockage et de distribution, et d’autres mesures pertinentes.

Dans nombre de pays, ces mesures de prévention pourraient se trouver facilement ébranlées, car elles sont innovatrices, n’ont pas encore fait leurs preuves et, par là-même, sont fragiles. Quand les pays concernés reçoivent des dons destinés à l’achat d’intrants agricoles, et sont encouragés à dépenser une partie de ces dons en pesticides, on peut s’attendre à ce qu’ils soient achetés en quantités excessives par rapport aux besoins réels, et les stocks, en s’accumulant, risqueront de se périmer.

Distribution des pesticides. Dans les pays en développement, la distribution des pesticides est souvent lente et mal organisée. Les contrôles sur les importations et la réglementation des pesticides y sont souvent insuffisants, principalement à cause du manque de ressources. La coordination entre les différents départements et agences responsables des commandes et fournitures de pesticides fait défaut et, parfois, la corruption influe sur les décisions.

Même si les producteurs de pesticides s’efforcent d’améliorer la distribution des pesticides et la surveillance des produits, les progrès sont lents. Les pesticides sont souvent vendus à mauvais escient et les contrôles sont insuffisants. C’est ainsi qu’on peut trouver des produits de contrebande, soit pour éviter les taxes, soit parce qu’ils coûtent moins cher, ils sont ensuite revendus avec leur étiquette en langue étrangère; les commerçants vendent des produits à utiliser sur des cultures auxquelles ils ne sont pas destinés; les dates de péremption sont facilement ignorées; des quantités excessives sont vendues, parce qu’il est parfois conseillé d’utiliser ces produits en doses excessives.

Les pesticides fournis aux pays en développement proviennent de plus en plus de sociétés extérieures à la GCPF, dont les standards de contrôle ne sont pas aussi rigoureux que ceux des producteurs qui en font partie.

Ces mauvaises pratiques et l’absence de contrôle donnent lieu à une distribution inefficace des pesticides, excédant les besoins réels, et causent l’accumulation de stocks périmés.


1 A. Wodageneh, com. pers., juillet 2000.
2 Proceedings of the subregional expert meeting on technologies for treatment/destruction of PCBs and Obsolete Pesticides, Golitsino, Moscow Area, Russian Federation 6-9 juillet 1999, PNUE/Produits chimiques/CIP State Committee of the Russian Federation on Environmental Protection.
3 W. Schimpf, GTZ, com. pers., juillet 2000.
4 L. Lauritzen COWI (Consultant de l’EPA danois), com. pers., juillet 2000.
5 S. Stobiecki et al., Pilot project of remediation of two bunkers containing unwanted pesticides in Poland, 5th International HCH and Pesticides Forum, Pays basque, 25-27 juin 1998.
6 B. Graham, SPREP, com. pers., juillet 2000.
7 FAO, 1995b.
8 Greenpeace international, 1998; PNUE, 1999e.
9 J. Weinberg, com. pers., 2000.

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