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Chapitre 3. Les effets du changement global sur les conditions du sol en relation avec la croissance végétale et la production alimentaire


3.1. Les modifications possibles des contraintes
3.2. Les effets de l'augmentation du CO2 sur la fertilité, les conditions physiques et la productivité des sols
3.3. Les effets des modifications de la pluie et de la température sous différents climats
3.4. Les processus dans les sols
3.5. Quelques propriétés des surfaces argileuses
3.6. La résistance a la dégradation physique et chimique des sols
3.7. La résistance a la réduction du sol (conditions d'anoxie)
3.8. La réaction du sol (PH)
3.9. Les effets de la montée du niveau des mers sur les sols côtiers
3.10. Conclusions
Remerciements
Références

Robert BRINKMAN ET Wim G. SOMBROEK
Division du Développement des Terres et des Eaux, FAO, Rome, Italie

Les principaux changements potentiels parmi les facteurs de formation du sol (variables de contrainte) résultant directement du changement global se situeraient dans la fourniture de matière organique à partir de la biomasse, le régime des températures du sol et l'hydrologie du sol. Cette dernière variable serait due aux déplacements des zones de pluie autant qu'aux changements dans l'évapotranspiration potentielle. Les modifications du sol dues à la montée possible du niveau des mers suite à la réduction nette du volume de la calotte glaciaire de l'Antarctique et au réchauffement des océans sont discutées dans l'article de Brammer et Brinkman (1990) et résumées à la fin de ce chapitre.

La plus grande modification attendue dans les sols du fait de ces contraintes prises comme postulats serait une amélioration progressive de la fertilité et des conditions physiques des sols en climats humides et tempérés. Un autre changement majeur, discuté par Goryachkin et Targulian (1990), serait le retrait vers les pôles de la limite du permafrost. D'autres changements d'une certaine ampleur le seraient en intensité plutôt qu'en espèce. Certains sols tropicaux dont l'activité physico-chimique est faible, comme dans la région de l'Amazone, peuvent subir un changement radical d'un processus majeur de formation à un autre (Sombroek, 1990) comme discuté ci-dessous dans la section 3.4 Les processus dans le Sols.

Les changements dans les températures mais surtout dans les pluies auxquels on peut s'attendre du fait du réchauffement global sont l'objet d'importantes incertitudes pour plusieurs raisons. Les différents modèles de circulation globale ne donnent pas des résultats mutuellement consistants (un exemple pour l'Europe est donné par Santer, 1985) et ils ne sont pas adéquatement vérifiés. De plus, l'interaction des changements de localisation et d'intensité des principaux courants océaniques avec les modifications résultantes possibles des températures de la surface des mers est encore très incertaine, tout comme celle des changements majeurs possibles des couvertures nuageuses et des sols avec les modifications résultantes de l'albédo et de l'évapotranspiration réelle.

Les effets indirects du changement de climat sur les sols qu'ils soient dus, par exemple, à un régime de croissance végétale induit par le CO2 ou à l'efficience de l'utilisation de l'eau, à la montée du niveau des mers, à la diminution ou à l'augmentation de la couverture végétale induite par le climat, ou à une modification de l'influence humaine sur les sols à cause de changements dans les options offertes aux fermiers peuvent être chacun plus grands que les effets directs sur les sols suite à l'élévation des températures ou à une plus grande variabilité des pluies et à des quantités de pluie plus grandes ou plus petites.

3.1. Les modifications possibles des contraintes

Avec ces mises en garde, on pourrait stipuler les modifications suivantes des contraintes qui sont susceptibles de se matérialiser à un moment donné au cours du siècle prochain:

· Une élévation graduelle et continue de la concentration en CO2 atmosphérique entraînant une augmentation de la photosynthèse et de l'efficience de l'utilisation de l'eau par les plantes et les cultures, d'où une fourniture accrue de matière organique aux sols.

· Des hausses minimes de la température des sols dans les tropiques et les régions subtropicales; des augmentations modérées de température du sol et des périodes prolongées pendant lesquelles les sols sont assez chauds pour l'activité microbienne (au-dessus de 5°C) sous les climats tempérés et froids, en parallèle avec des changements de la température de l'air et dans les zones de végétation tels que résumés par Emanuel et al. (1985).

· Des augmentations de l'évapotranspiration allant de mineures sous les tropiques à majeures sous les hautes latitudes dues à la fois à l'élévation de température et, par extension, à la période de croissance.

· Des augmentations de pluie en quantité et en variabilité importantes sous les tropiques mais faibles en régions tempérées et froides; une diminution possible de la pluie le long d'une bande subtropicale s'étendant en direction des pôles à partir des déserts actuels; les intensités de fortes pluies pourraient augmenter dans plusieurs régions.

· Une montée graduelle du niveau des mers causant des inondations plus hautes et plus longues dans les rivières et estuaires et sur les berges, ainsi que des inondations d'eau saumâtre favorisant l'ingression d'une végétation qui accumule la pyrite dans les sols côtiers.

Ce chapitre n'abordera pas l'accroissement possible de la fréquence et de la sévérité des tempêtes dans les ceintures cycloniques actuelles ou l'élargissement concevable vers les pôles de ces ceintures suite à l'élévation des températures de la surface des mers donnant aussi lieu à des fréquences plus grandes d'événements de haute intensité pluviale.

3.2. Les effets de l'augmentation du CO2 sur la fertilité, les conditions physiques et la productivité des sols

Une concentration en CO2 atmosphérique plus élevée, telle que discutée dans les chapitres suivants, accroît les régimes de croissance et l'efficience de l'utilisation de l'eau des cultures et de la végétation naturelle pour autant que d'autres facteurs ne deviennent pas limitants. Les optima plus élevés de température de certaines plantes dus à une augmentation du CO2 auraient tendance à contrecarrer les effets adverses de l'élévation de température tels qu'une respiration nocturne accrue. Le cycle de croissance de certaines plantes réduit à cause de l'augmentation du CO2 et de la température serait compensé, en végétation naturelle, par des ajustements dans la composition et la prédominance d'espèces. Dans les agro-écosystèmes, le choix de cultivars de plus longue durée ou de changements de rotation pourrait éliminer les périodes improductives qui surgiraient du fait du cycle de croissance plus court de la culture principale.

Il y aura assez de temps pour s'adapter aux changements puisque ceux-ci se dérouleraient pendant des décennies au lieu d'années ou de jours comme c'est le cas de toutes les situations expérimentales actuelles. Ce chapitre traite des effets de l'augmentation graduelle des concentrations en CO2 tels qu'observés dans le passé récent et stipulés dans les modèles de simulation de scénarios en régime transitoire.

Comme le résume la Figure 3.1, la productivité accrue est généralement accompagnée par plus de litière et de résidus de récolte, par une plus grande masse totale de racines et plus d'exsudation radiculaire, par un accroissement de la colonisation de mycorhizes et de l'activité d'autres micro-organismes du sol et de la rhizosphère y compris les fixateurs de N2 symbiotiques et de la zone des racines. Ces derniers devraient avoir un effet positif sur la fourniture d'azote aux cultures ou à la végétation. Une activité microbienne et radiculaire accrue dans le sol devrait occasionner un accroissement de la pression partielle du CO2 dans l'air du sol et de son activité dans l'eau du sol, ce qui favorise la libération de substances nutritives pour les plantes (ex., K, Mg, oligo-éléments) par l'altération des minéraux du sol. Semblablement, l'activité des mycorhizes favoriserait l'assimilation du phosphate. Ces effets seraient en synergie avec une meilleure assimilation nutritive par un système radiculaire plus intense dû à une concentration plus élevée en CO2 atmosphérique. Il n'y a pas de raison a priori pour laquelle le degré de synchronisation entre la libération et la demande de substances nutritives par les cultures et la végétation naturelle soit altéré dans des conditions de hautes concentrations en CO2.

Une activité microbienne plus grande tend à augmenter la quantité de substances nutritives recyclée pour les végétaux par les micro-organismes du sol. La production accrue de matériel radiculaire (à même température) tend à augmenter la teneur en matière organique du sol, ce qui entraîne aussi une immobilisation temporaire et un recyclage, dans le sol, de quantités plus grandes de nutriments pour les plantes. Des rapports C/N plus grands dans la litière, déclarés par certains chercheurs dans des conditions de CO2 élevées, provoqueraient une décomposition et une remobilisation plus lentes des nutriments pour les plantes à partir de la litière et l'assimilation par le tapis radiculaire, ce qui donnerait plus de temps pour leur incorporation dans le sol par les vers de terre, les termites, etc. Des températures du sol plus élevées s'opposeraient à l'augmentation d'une teneur en matière organique du sol "stable" mais stimuleraient l'activité microbienne.

Dans toutes les situations expérimentales, que l'enrichissement soit en chambre ou à l'air libre, les accroissements de CO2 sont rapides ou soudains, souvent la concentration est doublée, parfois plus. L'augmentation rapide qui en résulte dans la dynamique de la matière organique et les micro-organismes du sol peut provoquer une compétition temporaire pour les nutriments des plantes. Ces effets temporaires ont été rapportés, à l'occasion, comme étant des facteurs négatifs dans la réponse des plantes à une élévation du CO2. Cependant, une dynamique de la matière organique et une activité microbiologique accrues dans le sol sont positives pour le système sol-plante quand les concentrations en CO2 croissent graduellement sur des décennies comme c'est le cas maintenant et dans le passé récent. Des expériences futures pourraient être mises en place pour compenser les effets temporaires causés par l'augmentation brusque de CO2. Par exemple, les teneurs en matière organique du sol plus élevées pourraient être estimées artificiellement à l'équilibre à chaque étape de concentration plus élevée en CO2 dans une gamme de 350 à 600 ppm.

Une activité microbienne accrue due à des concentrations en CO2 et des températures plus élevées produit des quantités plus grandes de polysaccharides et autres stabilisants du sol. Des augmentations de litière et résidus de récoltes, de masse de racines et de teneur en matière organique tendent à stimuler l'activité de la macrofaune du sol, y compris les vers de terre, avec pour conséquence, une amélioration du régime d'infiltration et de l'écoulement préférentiel à travers un plus grand nombre de biopores stables. Une plus grande stabilité et une infiltration plus rapide renforce le sol contre l'érosion par l'eau et, par conséquent, la perte de sa fertilité. La proportion accrue d'écoulement préférentiel réduit la perte de nutriments par lessivage pendant les périodes de forte précipitation. Il s'agit ici des nutriments disponibles dans le sol, y compris les engrais et le fumier bien incorporés, mais pas des engrais répandus sur le sol. Ceux-ci risquent d'être perdus par ruissellement ou lessivage.

Figure 3.1. Relations qualitatives entre l'accroissement graduel de la concentration en CO2¹ atmosphérique, les caractéristiques du sol, les processus à moyen terme dans le sol2, et la productivité de la biomasse ou des cultures3

¹ Elévation graduelle du CO2 comme au cours de ce siècle et dans les scénarios en transitoire du changement global.

2 Les sols avec au moins quelques minéraux altérables dans le sous-sol ou le substrat dans la zone d'enracinement.

³Les conditions météorologiques extrêmes peuvent perturber certaines relations de cette figure de sorte que tout accroissement majeur de leur fréquence ou intensité peut contrecarrer les effets positifs indiqués.

4 La composition des espèces s'ajuste (ou tes choix indiqués sont faits pour s'ajuster) à la biomasse nouvellement atteinte ou à la production des cultures sous une concentration en CO2 atmosphérique accrue, en compensant pour des cycles de croissance écourtés d'espèces et cultures existantes. La figure n'inclut pas les effets positifs de températures élevées sur la longueur des périodes de croissance dans les climats tempérés et boréals.

Ces changements augmentent la résistance du sol contre la dégradation physique et la perte des nutriments suite à un accroissement de l'intensité, de la saisonnalité et de la variabilité des pluies, aussi bien que contre les changements défavorables dans le régime ou le sens des processus de formation du sol qui sont discutés dans les sections suivantes.

Si la pression partielle du CO2 dans l'air du sol monte et que celle de O2 diminue à des niveaux qui compromettent le fonctionnement des racines, une partie des bienfaits indiqués ne se matérialiseront pas. L'échange gazeux avec l'atmosphère amélioré par un nombre accru de biopores stables tendrait à maintenir le CO2 et l'O2 dans le sol à des niveaux sûrs, du moins dans les sols naturellement ou artificiellement bien drainés. Les cultures en terres humides, telles que le riz ou la jute, qui ont leurs propres mécanismes d'échange gazeux, ne seraient pas affectées; pas plus que ne le serait la végétation naturelle des terres humides.

L'effet positif sur la vitesse d'altération et la disponibilité en nutriments pour les plantes aurait lieu dans les sols ayant des quantités significatives de minéraux altérables, et non pas dans les sols fortement altérés en profondeur ou, par ailleurs, très pauvres.

3.3. Les effets des modifications de la pluie et de la température sous différents climats

En climats tropicaux humides et de moussons, les intensités accrues d'événements pluvieux et les totaux de pluie plus grands augmenteraient les régimes de lessivage dans les sols bien drainés à vitesses d'infiltration élevées. Ils causeraient des inondations temporaires ou une saturation en eau, et donc une décomposition réduite de la matière organique, dans beaucoup de terres basses ou dépressionnaires. Cela peut affecter une proportion significative de sols spécialement bons de l'Afrique subsaharienne, par exemple. Ils pourraient aussi augmenter le montant et la fréquence du ruissellement sur des sols en pente, causant de la sédimentation en bas de pente ou, pire, en aval. Localement, les risques de mouvement en masse augmenteraient sous forme de glissements de terrain ou de flots de boue dans certains matériaux sédimentaires mous, discutés ci-dessous. Les sols plus résistants à ces changements auraient une capacité d'échange cationique et une sorption anionique adéquates pour minimiser la perte en nutriments. Ils auraient aussi une grande stabilité structurale et un système très hétérogène de macropores continus pour maximiser l'infiltration et les écoulements préférentiels rapides à travers le sol pendant les pluies de forte intensité.

En régions subtropicales et subhumides ou semi-arides, la productivité et l'efficience de l'utilisation de l'eau accrues du fait d'une teneur en CO2 plus élevée tendrait à densifier la couverture du sol, contrecarrant ainsi les effets de températures plus hautes. S'il y avait localement beaucoup moins de pluie et une variabilité intra- et inter-annuelle croissante, il y aurait une production moindre de matière sèche et, donc plus tard, de teneurs en matière organique plus faibles. Un lessivage périodique durant les pluies de forte intensité sur un couvert végétal moindre pourrait désaliniser certains sols dans des sites bien drainés, causeraient un ruissellement accru dans d'autres et conduiraient à la salinisation du sol dans les sites de dépression ou là où la nappe phréatique est élevée. Les sols plus résistants aux effets d'une aridité et d'une variabilité des pluies croissantes auraient une bonne stabilité structurale et un système très hétérogène de macropores continus (semblables à ceux sous les tropiques); de là, une grande vitesse d'infiltration ainsi qu'une large capacité en eau disponible et une nappe phréatique profonde. Des températures plus élevées, surtout dans des conditions arides, entraînent une plus forte demande évaporatoire. Là où la teneur en eau du sol est suffisante, par exemple dans les périmètres irrigués, la salinisation du sol pourrait se produire si la gestion de l'eau sur les terres ou à la ferme, ou le calendrier d'irrigation ou le drainage sont inadéquats. Par contre, des essais récents du Salinity Laboratory à Riverside en Californie indiquent une tolérance au sel accrue des cultures dans des conditions élevées de CO2 atmosphérique (E.V. Maas, comm. pers.; Bowman et Strain, 1987).

En climats tempérés, on pourrait s'attendre à des accroissements mineurs des totaux pluviométriques qui seraient largement repris par une évapotranspiration de la végétation ou des cultures accrue par des températures plus hautes de telle sorte que les effets hydrologiques ou chimiques nets sur les sols peuvent être faibles. L'effet négatif d'une élévation de température sur les teneurs en matière organique des sols pourrait être plus que compensé par un approvisionnement en matière organique par une végétation et des cultures plus vigoureuses du fait d'une photosynthèse accrue, une évapotranspiration et une efficience de l'utilisation de l'eau plus grandes dans une atmosphère riche en CO2. En zone tempérée, les sols, et même ceux qui sont mal tamponnés, devraient probablement subir les plus petites modifications causées directement par les effets du changement global. Une modification mineure et probablement lente, mais très visible, serait le rougissement des sols bruns actuels où de plus longues périodes de hautes températures estivales coïncideraient avec des conditions de sécheresse en sorte que l'hématite d'oxyde de fer serait stable par rapport à la goethite qui prédomine actuellement. Cette modification minéralogique pourrait réduire l'intensité de fixation du phosphate et la quantité fixée. Une revue de ces modifications, particulièrement dans les zones tempérées, est présentée par Buol et al. (1990).

En climats nordiques, la disparition graduelle de grandes étendues de permafrost et la réduction des périodes de gel dans de larges ceintures adjacentes au permafrost ancien amélioreraient le drainage interne de vastes régions avec un accroissement probable des vitesses de lessivage. L'augmentation sensible du temps pendant lequel la température du sol est assez haute pour l'activité microbienne mènerait à réduire les teneurs en matière organique qui ne seraient vraisemblablement pas tout à fait compensées par une production primaire accrue par une photosynthèse nette plus forte et une période de croissance plus longue. Paradoxalement, l'étendue des sols soumis à une réduction périodique pourrait bien s'accroître dans les terres basses, malgré un lessivage plus intense, à cause de l'accroissement des périodes pendant lesquelles les sols sont saturés en eau mais aussi assez chauds pour l'activité microbienne. Les sols les plus résistants à ces effets, y compris le lessivage des nutriments et la réduction périodique des sols, auraient des caractéristiques semblables à celles des sols les plus résistants dans les autres climats: une capacité d'échange cationique et une sorption anionique adéquates pour minimiser la perte de nutriments au cours des lessivages, une bonne stabilité structurale et un système très hétérogène de macropores continus pour maximiser l'écoulement préférentiel de l'excès d'eau pendant les périodes de dégel.

3.4. Les processus dans les sols

Les processus les plus rapides de modifications chimiques et minéralogiques sous des conditions externes seraient la perte de sels et de cations nutritifs là où augmente le lessivage, et la salinisation là où une remontée nette de l'eau s'observe à cause d'une évapotranspiration accrue ou d'une diminution des pluies ou de l'apport en eau d'irrigation. En général, la composition du minéral argileux et la minéralogie des fractions plus grossières changeraient peu, même au cours des siècles. Il y aurait des exceptions comme la transformation de minéral amorphe aux rayons X en un minéral argileux, l'halloysite, lorsqu'un sol volcanique, précédemment en conditions pérennes d'humidité, se trouve soumis à un dessèchement périodique, ou la déshydratation graduelle de la goethite en hématite dans les sols soumis à des températures plus élevées ou un fort dessèchement ou les deux. Des modifications des propriétés de surface de la fraction argileuse, en général plus lentes que le mouvement de sels, peuvent avoir lieu beaucoup plus vite que des changements dans la composition de masse ou la structure cristalline. De telles modifications de surface ont une influence prédominante sur les propriétés physiques et chimiques des sols (Brinkman, 1985, 1990).

Les modifications de surface des minéraux argileux ou de composition de masse de la fraction argileuse des sols sont apportées par un petit nombre de processus de transformation énumérés ci-dessous (Brikman, 1982). Chacun de ces processus peut être accéléré ou freiné par des changements dans les conditions externes dues au changement global:

· l'hydrolyse par l'eau contenant du dioxyde de carbone, qui élimine la silice et les cations de base;

· la chéluviation, processus qui dissout et élimine surtout l'aluminium et le fer en faisant des chélates à partir des acides organiques;

· la ferrolyse, un processus cyclique de transformation et de dissolution de l'argile provoqué par une alternance de réduction et d'oxydation du fer, qui diminue la capacité d'échange cationique par intercalation d'aluminium dans les minéraux d'argile gonflante;

· la dissolution de minéraux argileux par des acides minéraux forts, qui produit des sels d'aluminium acides et de la silice amorphe;

· l'altération inverse, c'est-à-dire la formation d'argile et sa transformation dans des conditions alcalines neutres à fortes, qui peut créer, par exemple, de la montmorillonite, de la palygorskite ou de l'analcime.

L'hydrolyse et la chéluviation peuvent être accélérées par des vitesses de lessivage accrues. La ferrolyse a lieu là où les sols sont sujets à la réduction et au lessivage en alternance avec l'oxydation: dans un milieu plus chaud, ceci peut arriver dans des régions plus vastes qu'aujourd'hui, surtout dans les hautes latitudes et les climats de moussons. La dissolution par des acides forts se passe, par exemple, là où les matériaux sulfurés dans les plaines côtières sont oxydés par l'amélioration du drainage; cependant, une montée du niveau de la mer pourrait réduire la probabilité que ceci se passe naturellement. L'altération inverse pourrait commencer dans les régions qui se dessécheront pendant le réchauffement global et continuerait dans la plupart des régions arides actuelles.

Ces processus influenceraient les propriétés de surface de la fraction argileuse seulement pendant une période de quelques siècles même en envisageant les changements dus au réchauffement global. Par contre, l'action directe de l'homme peut fortement accélérer quelques uns de ces processus comme cela apparaît évident, par exemple, à travers les effets sévères des pluies acides sur des sols sableux dans certaines parties de l'Europe (Van Breemen, 1990) ou dans la ferrolyse extrêmement rapide au sein des sols inondés de façon saisonnière par les fluctuations de niveau de l'eau dans le lac Volta au Ghana (Amatekpor, 1989).

Non seulement la vitesse de formation des sols peut être affectée par l'action humaine mais aussi, et quoique beaucoup plus localement, sa nature même et son sens. Dans la plupart des endroits, les processus naturels de formation des sols ne sont pas fondamentalement affectés mais il y a des situations limites, en général avec les sols fragiles, où même une petite modification des conditions externes peut causer un changement majeur, voire défavorable, d'un processus dominant de formation du sol à un autre. Les quatre exemples ci-dessous repris de Sombroek (1990) illustrent une modification de l'hydrolyse à la chéluviation (de Ferralsols à Podzols); le durcissement irréversible du sous-sol; l'illuviation d'argile formant un sous-sol dense dans les Ferrasols poreux originellement homogènes; et la salinisation.

Les Ferrasols sableux jaunâtres et les Arénosols Ferraliques de l'Amazonie orientale, du Kalimantan et du bassin du Zaïre peuvent se transformer rapidement en Podzols ou Arénosols Albiques (Podzols géants) même avec de petites augmentations de la pluie totale ou une saisonnalité plus prononcée ou un apport accru de "pauvre" matière organique acide. Une augmentation de la précipitation effective due au changement de climat peut causer une extension majeure des Podzols formés à partir des Ferrasols sableux jaunâtres actuels où des taches de Podzols apparaissent déjà au sein des Ferrasols (Lucas et al., 1987; Dubroeucq et Volkoff, 1988).

Les Plinthosols limoneux mal drainés des interfluves plats de l'Amazonie occidentale se transformeraient en sols secs peu profonds avec un sous-sol durci s'ils étaient soumis à un dessèchement suite au changement de climat.

Les Ferrasols poreux, limoneux à argileux, rouge foncé des zones de transition entre la forêt et la savane en Afrique orientale, stables sous la végétation présente, peuvent être lessivés pour autant qu'un sous-sol plus dense soit formé par migration d'argile à partir d'un sol superficiel instable avec peu de matière organique, comme cela est déjà observé là où des coupes à blanc ont eu lieu il y a plusieurs décennies; la même chose peut arriver sur de plus vastes étendues couvertes d'une végétation qui deviendrait plus clairsemée du fait d'un climat plus sec.

Les Fluvisols limoneux des larges vallées de la zone soudano-sahélienne de l'Afrique de l'ouest, telles que le delta intérieur du fleuve Niger, peuvent devenir salés ou sodiques suite à une modification même minime de la précipitation et du régime des crues, comme les actions humaines le montrent aujourd'hui avec les mêmes implications pédo-hydrologiques (Sombroek et Zonneveld, 1971).

3.5. Quelques propriétés des surfaces argileuses

Les sols à haute stabilité structurale naturelle, par exemple les Ferrasols et les Nitisols, occupent de vastes régions sous les tropiques. Les premiers sont répandus, entre autres, dans le nord de l'Amérique du Sud, les seconds en Afrique orientale. En général, la fraction argileuse de ces sols a des surfaces oxygénées: principalement des oxydes et hydroxydes de fer (III) et d'aluminium, alors que la masse de la fraction argileuse peut avoir différentes compositions. Les surfaces oxygénées pourraient se former à partir de matériaux parents à teneur en fer moyenne à forte soumis à une longue hydrolyse continue avec de l'eau (qui contient du dioxyde de carbone).

A l'autre extrême, se trouvent les sols qui ont une stabilité structurale très faible ou un risque élevé de rupture sous charge ou par choc (les "quick clays"). Les surfaces des minéraux dans ces sols sont généralement couverts de matériaux gélatineux amorphes à haute teneur en silice (McKyes et al., 1974). Un tel matériau peut provenir de périodes antérieures pendant lesquelles les sols étaient fortement salins et supposés être sujets à des processus d'altération inverse. Des exemples sont les argiles (quick clays) sédimentaires de la mer de Champlain en Ontario et au Québec ainsi que de Scandinavie. Ces sols ont surtout tendance à générer beaucoup de ruissellement et de sédiments en suspension mais aussi des flots de boues sur les pentes saturées en eau sur une bonne profondeur. Certains Andosols sont thixotropiques et ont également une faible stabilité à cause d'une composition similaire en provenance de matériaux volcaniques (tuf).

La plupart des sols se trouvent quelque part entre ces extrêmes. Les Vertisols, par exemple, ont une stabilité structurale moyenne à faible et des surfaces argileuses constituées principalement de silice mais généralement couvertes de peu de matière amorphe. Dans les Planosols formés par ferrolyse, la fraction d'argile dans les horizons supérieurs éluviaux a été partiellement décomposée avec un résidu de silice amorphe mais la smectite ou l'illite restante a été intercalée avec des polymères d'hydroxydes d'aluminium, ce qui a diminué le potentiel de gonflement et la capacité d'échange cationique de l'argile. En même temps, une partie des oxydes de fer libre a subi la réduction et a été lessivée. Généralement, l'effet net de ces changements est une diminution de la stabilité structurale.

3.6. La résistance a la dégradation physique et chimique des sols

Comme déjà discuté, la plupart des sols n'ont pas une grande résistance intrinsèque à la dégradation physique par des pluies de forte intensité, par exemple. Dans les conditions naturelles des climats humides, c'est la couverture complète proche de la surface du sol combinée à l'activité perforante de la faune du sol qui rend le système sol-plante résistant à la dégradation physique.

Dans la vallée du Rhin aux Pays-Bas, par exemple, la plupart des sols alluviaux originellement calcaires ont été décalcifiés sur à peu près un millénaire. Il n'y a que de petites parties sur les crêtes les plus élevées de cette période qui sont restées continuellement sous forêt où les sols sont encore calcaires. Ils ont même des filaments de chaux (pseudomycelia) indicateurs de conditions de sol moins humides et d'abondants macropores verticaux formés par les vers de terre. Dans ces sols, l'activité de la faune est élevée grâce à un apport de litière adéquat; les macropores restent ouverts car ils sont protégés de l'impact de la pluie par la litière et le sous-bois; l'excès d'eau d'une forte pluie arrive au substratum par les macropores sans lessiver la chaux de la grande masse du sol.

La recherche en vue de renforcer la résistance des sols contre les effets néfastes du changement de climat pourrait être entreprise en conjonction avec celle sur la résistance des sols aux impacts néfastes directs de l'homme. Jusqu'à ce que des procédures de gestion spécifiques au site auront été élaborées, la gestion des sols et des cultures (y compris les arbres et les prairies) devrait viser à maintenir la couverture du sol et la fourniture de matière organique au biote du sol tout en minimisant la perturbation mécanique due au trafic lourd, aux travaux culturaux ou à l'excès de pâturage. Une telle gestion peut aussi contribuer à conserver les nutriments (dans les sols qui ne sont pas inondés pour la culture en terres humides) puisque le système stable et hétérogène des pores formés par la faune du sol favoriserait l'écoulement préférentiel de l'excès d'eau et réduirait ainsi le lessivage à travers la masse du sol.

Une seule recette de gestion ne pourrait généralement pas être applicable dans différentes conditions. La minimisation des dégâts occasionnés aux récoltes par certaines espèces de termites peut requérir une période sans résidus sur le sol, par exemple; ou les résidus de récoltes sont nécessaires comme aliment ou combustible. Les méthodes de gestion des terres humides doivent être développées pour optimaliser tout gain de productivité potentielle tout en minimisant les effets secondaires tels que l'émission accrue de CH4 (ou de N2O venant d'un sol réduit. De tels facteurs et bien d'autres devraient être pris en compte dans la mise au point d'une stratégie de gestion optimale de n'importe quel environnement spécifique naturel et cultural.

3.7. La résistance a la réduction du sol (conditions d'anoxie)

La réduction du sol qui limiterait l'aptitude des terres pour les cultures sèches, ou une forte réduction qui produirait des toxines mêmes pour les cultures en terres humides, peut s'établir dès que le sol est saturé depuis assez longtemps pour que l'action microbienne épuise l'oxygène restant dans le sol au début de la saturation en eau. Une autre condition nécessaire est la présence d'une quantité suffisante de matière organique facilement décomposable comme source d'énergie pour l'activité microbienne. Dans la plupart des sols, pendant la réduction, l'état réduit est stabilisé à un Eh d'environ 100-200 mV près de la neutralité par l'équilibre Fe²+Fe(OH)3, sauf si la teneur en matière organique facilement décomposable est très élevée ou celle des oxydes de fer (III) est très basse. Dans ces cas, des valeurs négatives de Eh peuvent se présenter, et le sulfure d'hydrogène toxique ou des composés organiques à petite chaîne moléculaire, y compris le méthane, peuvent se former.

En pratique, la résistance contre la réduction du sol dépend des conditions de drainage puisque la plupart des sols disposent d'assez de matière organique pour démarrer la réduction dans la semaine qui suit la saturation en eau. Les sols les plus résistants à la réduction dans des conditions de variabilité et d'incidence accrues de pluies de forte intensité ont des propriétés similaires à ceux qui sont résistants aux effets négatifs des autres perturbations: un régime d'infiltration élevé, une bonne stabilité structurale, un système hétérogène permanent de macropores tubulaires et un bon drainage.

3.8. La réaction du sol (PH)

La plupart des sols ne sont pas sujets à des modifications rapides du pH du fait du changement de climat. Des exceptions peuvent être trouvées dans les sols sulfatés potentiellement acides, répandus dans certaines plaines côtières et des estuaires s'ils sont soumis à des saisons sèches de plus en plus longues. Même si la plupart de ces sols sont des argiles à capacité d'échange cationique modérée à forte, les quantités d'acide libérées dans ces sols par oxydation dépassent généralement vite cette capacité tampon. Donc, les valeurs de pH peuvent atteindre temporairement 2,5 à 3,5 et une partie de la fraction argileuse peut être décomposée comme indiqué au point 3.4. dans les Processus dans les Sols. Cela tamponne à la longue le pH, en général entre 3,5 et 4. En fonction de l'efficience avec laquelle l'excès d'acide formé peut être lessivé, la période d'acidité extrême et de toxicité en aluminium peut durer entre moins d'un an et plusieurs décennies.

Dans les sols calcaires, la réaction du sol peut varier entre 8,5 et 7 en fonction de la pression partielle du CO2 dans le sol; cette gamme se maintient contre le lessivage des cations basiques par les divers processus aussi longtemps qu'il reste quelques pour-cent de chaux finement distribuée. L'effet tampon dans les sols non calcaires est moins fort mais dépend de la capacité d'échange cationique au pH du sol. Dans des sols dont la fraction argileuse a des surfaces de charge variable, le tamponnement décroît avec l'acidification.

Il faut remarquer que la modélisation simple du lessivage accéléré du CaCO3 à une concentration doublée de CO2 ne correspond pas à la réalité. Dans la plupart des sols, même maintenant, la décomposition de la matière organique maintient les concentrations en CO2 dans l'air du sol bien au-dessus de celle dans l'atmosphère et la solubilité du CaCO3 est déterminée par la pression partielle du CO2 dans l'air du sol et son activité dans l'eau du sol plutôt que par celle dans l'atmosphère. Le lessivage de la chaux est donc lié positivement au régime de décomposition de la matière organique, négativement à la vitesse de diffusion du gaz et positivement à la quantité d'eau qui percole à travers le sol.

Dans les conditions où le lessivage est accéléré par le changement de climat, une acidification relativement rapide serait possible après une longue période de modification peu apparente. Ce fut le cas en Europe - mais après une période de temps plus courte - dans certains sols qui ont été soumis aux pluies acides pendant plusieurs décennies. En fait, le sol peut s'appauvrir progressivement de ses cations basiques mais une modification de pH peut démarrer ou peut s'accélérer dès que certaines réserves tampon sont presque épuisées. Ces effets non-linéaires et retardés ont été discutés par Stigliani (1988) dans le contexte de la pollution du sol et de l'eau. On s'attend aussi à ce qu'ils se déroulent de diverses manières à des moments différents après que des températures accrues et des modifications dans la configuration des pluies auront pris vigueur.

3.9. Les effets de la montée du niveau des mers sur les sols côtiers

Les effets probables d'une montée graduelle du niveau des mers sur les caractérisiques des sols varieront de place en place en fonction d'un certain nombre de facteurs locaux et externes et de leurs interactions (Brammer et Brinkman, 1990). En principe, une montée du niveau des mers aurait tendance à éroder et à faire régresser les côtes actuelles. Cependant, l'ampleur de ces événements dépendra de l'altitude, de la résistance locale des matériaux côtiers, de la quantité de sédiments apportés par les rivières ou les apports le long des côtes, de la force des courants côtiers et des vagues de tempête et des interventions humaines qui peuvent empêcher ou accélérer l'érosion.

Dans les grands deltas, tels que ceux du Gange-Brahmapoutre et des principaux fleuves chinois, l'apport de sédiments à l'estuaire sera en général suffisant pour contrebalancer les effets d'une montée du niveau des mers. Cependant, une telle régénération des deltas pourrait diminuer dans trois circonstances:

· où les interventions humaines dans l'arrière-pays, telles que des grands barrages ou des programmes effectifs de conservation des sols, réduisent très fort les apports de sédiments au delta: par exemple, la construction du barrage d'Assouan en 1964 a conduit à l'érosion côtière et à des inondations plus fréquentes des bords des lagons du delta du Nil (Stanley, 1988);

· où la construction de berges dans un delta empêche l'apport de sédiments aux marais derrière elles en les exposant à la submersion par haute mer: par ex., les digues le long du Mississippi inférieur ont coupé les apports de sédiments aux terres humides adjacentes qui déséquilibraient, avant, la subsidence causée par la compaction des sédiments sous-jacents (Day et Templet, 1989);

· où la subsidence du sol a lieu à cause de l'extraction d'eau, de gaz naturel ou de pétrole: par ex., comme ce qui se passe à Bangkok et au nord des Pays-Bas.

Dans les terres côtières basses qui ne sont pas suffisamment approvisionnées en sédiments ou bien endiguées, le flux des eaux salées des marées tendra à pénétrer plus loin que maintenant dans les terres, agrandissant ainsi la superficie des sols salés en permanence ou de façon saisonnière. Là où la mangrove de Rhizphora ou la végétation de Phragmites envahit le terrain, la formation de sols sulfatés potentiellement acides aurait lieu au cours de plusieurs décennies. L'empêchement du drainage des terres par un niveau plus haut des mers, des fleuves à estuaires et des digues qui y correspondent, augmentera aussi l'étendue des terres réduites en permanence ou de façon saisonnière ainsi que les profondeurs normales d'inondation et leurs durées dans les bassins versants et estuaires ainsi que sur leurs berges. Dans les endroits qui deviendront humides en permanence, les teneurs en matière organique augmenteront, avec éventuellement une formation de tourbe.

D'autre part, là où l'érosion côtière élimine la barrière de sols minéraux ou la forêt de palétuviers, des houles eustatiques favoriseraient la destruction par l'eau de mer de marais de tourbe côtiers existants qui seraient éventuellement remplacés par des lagons d'eau douce ou d'eau salée.

La réponse probable des terres côtières basses à la montée du niveau des mers peut être estimée en plus de détails sur base de l'évidence géologique et historique des changements qui ont eu lieu au cours de périodes passées d'eustatisme ou suite aux mouvements tectoniques ou isostatiques: par ex., au sud de la Mer du Nord (Jelgersma, 1988); dans le delta du Nil (Stanley, 1988); dans la plaine côtière des Guyanes (Brinkman et Pons, 1968); dans le delta de la Musi à Sumatra (Brinkman, 1987). Une preuve contemporaine est disponible aux endroits où le niveau du sol s'est affaissé suite à l'extraction récente d'eau, de gaz naturel ou de pétrole dans les sédiments sous-jacents aux basses terres côtières. D'autres études de tels environnements présents ou passés et de lieux spécifiques sont nécessaires pour mieux comprendre les processus des changements, identifier les réponses appropriées et évaluer leurs implications techniques, écologiques et socio-économiques (par ex., Warrick et Farmer, 1990).

3.10. Conclusions

Les quelques modifications majeures et d'envergure attendues dans les sols comme résultat d'un changement global sont positives, surtout l'augmentation graduelle de la fertilité et de la qualité physique des sols due à une teneur en CO2 atmosphérique accrue. Il faudrait s'attendre à de plus grandes productivité et efficience de l'utilisation de l'eau des cultures et de la végétation ainsi qu'à une précipitation généralement semblable ou un peu plus élevée, fournies par plusieurs modèles de circulation globale (GCMs) mais pas entièrement neutralisées par une plus forte évapotranspiration. Ceci conduirait à des accroissements fort étendus de la couverture végétale et, par conséquent, à une meilleure protection des sols contre le ruissellement et l'érosion.

Des modifications majeures mais moins étendues, y compris une plus grande activité biologique et un allongement de la période de réduction dans les sols, se présenteraient là où le permafrost disparaîtrait. Dans les plaines côtières basses et non protégées, l'envahissement graduel de mangroves à Rhizophora ou de Phragmites suite à une inondation plus large d'eau saumâtre peut donner lieu, après plusieurs décennies, à la formation de couches de sols sulfatés potentiellement acides. L'inondation de bassins versants et des berges le long des fleuves et des plaines estuariennes pendant de plus longues durées conduirait à des conditions de réduction plus vastes, à des teneurs en matière organique accrues et, localement, à la formation de tourbe.

D'autres modifications dues au changement de climat (température et précipitation) seraient relativement bien atténuées par la composition minérale, la teneur en matière organique ou la stabilité structurale de beaucoup de sols.. Cependant, la diminution du couvert de végétation ou des cultures annuelles ou pérennes, causée par des réductions importantes de précipitation locale non compensées par les effets du CO2, conduirait à une dégradation de la structure du sol et à une porosité moindre ainsi qu'à un ruissellement et à une érosion accrue sur les pentes et à une sédimentation plus étendue et plus rapide. Des modifications au choix dues au changement de climat peuvent avoir des effets similaires pour les utilisateurs du sol.

Dans certains sols fragiles, la nature du processus dominant de formation du sol peut tourner au pire en fonction de pluies accrues, réduites ou plus saisonnières.

Dans la plupart des cas, les modifications dans les sols dues à l'action humaine directe, sur place ou ailleurs (intentionnelle ou involontaire), sont de loin plus grandes que les effets directs induits par le climat. Les règles de gestion du sol établies pour optimiser la capacité productive soutenue du sol seraient donc généralement adéquates pour compenser la dégradation des sols agricoles due au changement de climat. Les sols de régions naturelles, ou ceux à faible intensité de gestion comme les forêts semi naturelles utilisées pour l'exploitation du bois ou d'autres produits, sont moins facilement protégés contre les effets du changement de climat mais ces sols sont moins menacés par ceux-ci que par les actions humaines - à distance, telles que la pollution par les dépôts acides, ou - sur place, comme l'extraction excessive de nutriments des sols cultivés avec très peu d'engrais.

Pour protéger les sols du monde contre n'importe quel effet négatif du changement de climat ou contre d'autres circonstances externes telles qu'une carence ou un excès de nutriments (pollution), ou la sécheresse ou des pluies très intenses, le mieux que les utilisateurs du sol pourraient faire, serait:

· gérer leurs sols pour leur donner le maximum de résistance physique grâce à un système poreux stable et hétérogène en maintenant une couverture du sol aussi fermée que possible;

· utiliser un système de gestion intégrée d'alimentation des plantes pour équilibrer les entrées et les sorties de nutriments pendant un cycle de culture ou d'année en année, tout en maintenant les niveaux en nutriments des sols assez bas pour minimiser les pertes et assez élevé pour répondre occasionnellement aux fortes demandes.

Une philosophie analogue, à des niveaux plus bas d'apports externes, pourrait être formulée pour les terres de pâturage extensif et de forêts de production qu'elles soient plantées ou gérées mais naturelles.

L'action et la gestion humaines ont été soulignées dans ces conclusions parce que la plupart des terres du monde sont utilisées et gérées, à des degrés divers, plutôt que dans des conditions naturelles.

Remerciements

R. Gommes, F.O. Nachtergaele et D.W. Sanders sont remercies avec reconnaissance pour leurs commentaires critiques.

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