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LA SOLUTION: Instaurer des principes adéquats à une gestion correcte des sols


Maintien et amélioration de la productivité du sol
Eviter et corriger la dégradation des sols
Eviter les dommages à l’environnement

La gestion judicieuse des sols a toujours impliqué que ces derniers soient utilisés de manière à maintenir, et si possible, améliorer leur productivité. Pour ce faire, il faut que les conditions chimiques et physiques du sol ne diminuent pas son aptitude à la croissance des plantes lorsque la culture commence. En fait, il est normal que la mise en culture entraîne une dégradation des sols du fait de l’exportation des éléments nutritifs au moment de la récolte et des dommages physiques que subit la structure du sol. Ce qui est essentiel est que cette détérioration soit réversible grâce à des apports d’éléments nutritifs, à des travaux mécaniques ou au processus naturel de restitution de la fertilité par la mise en place d’arbres ou d’herbages. Cela implique que le sol ait une capacité de récupération, c’est-à-dire qu’après avoir été soumis aux agressions liées à la production végétale, il soit capable de revenir à son état initial ou de s’améliorer (Greenland et Szabolcs, 1994).

La plupart des agriculteurs envisagent la gestion des terres dans la perspective des parcelles qu’ils cultivent personnellement ou auxquelles ils ont accès. Il s’ensuit que les effets des pratiques d’aménagement des sols, qui se produisent ex situ, ne reçoivent pas toujours l’attention voulue s’il n’existe pas de réglementation appropriée. Parmi ces effets, on peut citer les dépôts provenant de l’érosion ou des matériaux emportés par les cours d’eau et déposés sur les champs de fermes voisines. On peut également citer les effets des substances volatiles provenant des sols telles que les gaz à effet de serre et autres polluants potentiels. Une bonne gestion des terres doit non seulement répondre aux besoins immédiats de l’agriculteur mais également être acceptable pour l’ensemble de la communauté. Pour les cultivateurs qui ne pratiquent pas une agriculture de subsistance, le système doit également être économiquement viable de manière à leur permettre de poursuivre une bonne exploitation et d’améliorer le niveau de vie de leur famille.

Les problèmes généraux de gestion durable des terres sont examinés de manière approfondie dans World Soil Resources 73, FESLM: An International Framework for Evaluating Sustainable Land Management (FAO 1993b). Ce rapport indique que les éléments fondamentaux d’une gestion durable des terres sont la productivité, la sécurité, la protection, la viabilité et l’acceptabilité.

La production des terres doit être assurée, les ressources naturelles doivent être protégées et le système d’aménagement doit être économiquement viable et socialement acceptable. Cependant, il faut également reconnaître que la terre ne peut être gérée de manière durable si le sol, qui en est une composante, n’est pas correctement exploité. Cela exige le maintien et l’amélioration de la productivité du sol ainsi que des mesures visant à éviter et à corriger sa dégradation et à prévenir les dégâts environnementaux.

Maintien et amélioration de la productivité du sol


Gestion des éléments nutritifs du sol
Gestion des conditions physiques du sol
Gestion de la matière organique et des conditions biologiques des sols

Pour qu’un sol puisse rester productif, il doit:

· répondre aux besoins en éléments nutritifs des cultures;
· disposer d’un milieu physique:
- dans lequel les racines des plantes peuvent se développer de manière à permettre l’absorption de l’eau et des éléments nutritifs,

- qui stocke suffisamment d’eau pour les cultures,

- qui permet à l’eau de pénétrer et de circuler pour compenser l’évapotranspiration par un apport hydrique suffisant;

· procurer un milieu dans lequel les organismes présents dans le sol puissent:
- décomposer les matières organiques, libérant les éléments nutritifs nécessaires pour les cultures;

- faciliter le transfert des éléments nutritifs vers les racines des plantes;

- concurrencer efficacement les agents pathogènes qui risquent d’infester les racines et d’endommager les plantes;

- générer les composés organiques du sol qui auront un effet positif sur d’autres caractéristiques pédologiques.

Gestion des éléments nutritifs du sol

Certains sols contiennent suffisamment d’éléments nutritifs pour qu’ils puissent être exploités de nombreuses années sans baisse notable des rendements, mais la majorité d’entre eux ne peuvent être exploités que quelques années avant que leur aptitude à fournir des éléments nutritifs ne se détériore. Si l’on veut maintenir les rendements et utiliser les sols pour produire des cultures de manière continue, il faut trouver une méthode permettant de remplacer l’azote, le phosphore, le potassium et les autres éléments nutritifs.

L’azote est un cas à part car il peut être fixé à partir de l’atmosphère. Ce processus naturel de fixation est dû à certains micro-organismes qui se développent librement dans le sol et à la surface des sols et des feuilles; dans le cas du riz, on les trouve à la surface et dans l’eau des rizières. D’autres micro-organismes se développent en symbiose avec les plantes, comme Rhizobia avec les légumineuses, Actinorhizae avec le genre Alnus et, dans les rizières et autres terres humides, Anabaena avec Azolla (voir Figure 9). De grands efforts ont été consentis pour quantifier et maximiser la contribution qui peut être faite à la nutrition azotée des cultures par fixation naturelle de l’azote et pour trouver des systèmes d’aménagement des sols tirant au maximum parti de la fixation biologique de l’azote.

Figure 9. On peut voir ici dans une rizière de Chine la fougère aquatique Azolla qui héberge Anabaena fixatrice d’azote.

Professeur D.J. Greenland, F.R.S.

D’aucuns avancent que certaines mycorhizes (champignons formant une association avec les racines) peuvent contribuer aux apports de phosphore et autres éléments nutritifs. Ils peuvent certainement, à court terme, favoriser leur assimilation par les cultures. En effet, ils absorbent le phosphore présent dans le sol plus efficacement que les racines. Cependant, c’est aussi une façon plus efficace d’exploiter le sol qui, en dernière analyse, l’épuisé encore plus.

Le maintien du niveau de phosphore, de potassium et d’autres éléments nutritifs exige donc habituellement le recours à des engrais minéraux. Les quantités d’éléments nutritifs accumulés chaque année dans la biomasse sont souvent inférieures à ce qui est requis pour produire une récolte satisfaisante. Ce n’est que lorsque les éléments nutritifs de plusieurs années peuvent être cumulés pour être mis à la disposition d’une ou deux récoltes seulement qu’on obtient des récoltes rentables. De même, si des animaux ou des arbres ne sont pas utilisés pour accumuler des éléments nutritifs sur de grandes surfaces pour les concentrer sur une aire beaucoup plus restreinte de terres de culture, les éléments nutritifs ne pourront assurer qu’une faible productivité. Les engrais organiques contiennent un dosage équilibré d’éléments nutritifs essentiels et ont d’autres effets bénéfiques sur le sol, mais le coût - en temps et en travail - du transport du fumier jusqu’à son point de destination est souvent considérable. En revanche, les engrais minéraux sont beaucoup moins encombrants et plus faciles à utiliser. Ainsi, 100 kg d’urée contiennent autant d’azote que 2 000 kg de fumier ou 4 000 kg de litière végétale; il serait nécessaire d’utiliser 1 000 kg d’un bon compost pour fournir une quantité équivalente d’azote. La consommation énergétique moindre qu’exige la production d’engrais organiques est souvent considérée comme un avantage, mais les agriculteurs préféreront peut-être payer le prix plus élevé des engrais minéraux simplement parce qu’ils sont plus faciles à manipuler et à appliquer. Cela vaut surtout dans un système où d’importantes quantités d’excréments doivent être transportées jusqu’aux champs, le coût de la main-d’oeuvre de l’agriculteur pouvant alors être encore plus élevé. En Chine, ces dernières années, les quantités d’engrais organiques utilisées ont sensiblement baissé tandis que l’utilisation des engrais minéraux a rapidement augmenté.

Gestion des conditions physiques du sol

Dans des conditions de couverture végétale naturelle, les sols recèlent normalement une intense vie animale. Ces animaux survivent grâce aux racines et à la litière végétale, et font des trous et terriers qui maintiennent le sol aéré et friable. Lorsque la végétation est éliminée pour permettre la culture, le sol est exposé à l’impact des pluies et aux actions anthropiques, aux activités des animaux et aux effets des machines qui compactent et tassent le sol. Le tassement rend le sol moins propice à la prolifération des racines et réduit sa capacité à retenir l’eau dont les plantes ont besoin pour survivre. L’exposition et l’assèchement du sol qui en découlent peuvent aussi entraîner la formation de croûtes. L’eau a, de ce fait, plus de mal à pénétrer dans le sol ce qui peut provoquer un ruissellement de surface entraînant un phénomène d’érosion.

Dans les régions arides et semi-arides, l’exposition de certains sols due au surpâturage ou à la pratique de brûlis annuel peut aussi entraîner un tassement et la formation de croûtes de surface même lorsque le sol n’est pas cultivé. La gestion de l’eau sur les sols argileux lourds est un problème sérieux et des instruments aratoires simples ont été conçus pour créer des ados qui permettent l’écoulement de l’eau excédentaire sans provoquer d’érosion (Figure 10).

Figure 10. Les deux photos ci-dessus montrent des exemples de sols argileux lourds (Vertisol).

Ils sont souvent engorgés ...

... mais peuvent être aménagés par la création d’ados permettant l’écoulement de l’eau excédentaire

IBSRAM
La gestion des caractéristiques physiques d’un sol doit donc viser à préserver la structure de ce dernier (lorsqu’elle est déjà propice à la production végétale) ou à l’améliorer par une préparation mécanique appropriée ou d’autres méthodes lorsque le sol n’est pas structuré (FAO, 1993c). La préparation du sol est aussi importante pour la lutte contre les adventices qui est souvent la principale justification du labour. Cependant, l’arrivée des herbicides a dans de nombreux cas rendu le labour inutile et permis aux techniques de préparation minimum ou nulle du sol, de donner de bons résultats. Les dégâts que subi la structure du sol du fait du labour, peuvent être évités grâce à ces techniques. Elles diminuent également les pertes en matières organiques et la formation de ‘semelles de labour’ qui inhibent le développement des racines et la circulation de l’eau dans le sol.

Si le sol est naturellement bien structuré - comme c’est souvent le cas après une longue période sous couvert forestier - il est facile à ensemencer. En effet, dans les systèmes de culture itinérante, on peut obtenir un peuplement satisfaisant en introduisant la semence dans le sol au plantoir, à condition que la terre soit défrichée de manière à ne pas perturber l’horizon de surface. Ces techniques manuelles ou utilisant une lame sont en général satisfaisantes, mais le défrichage au bulldozer sans lames a parfois provoqué de graves dégâts à l’horizon de surface et compromis la mise en culture. De nombreux semoirs manuels simples ont été conçus pour les sols sans préparation, ainsi que des machines plus perfectionnées pour des surfaces plus grandes (Figure 11).

Figure 11. Trois exemples de méthodes de plantation sans préparation du sol:

canne planteuse ...

... plantoir mécanique ...

... et semoir automatique.

Professeur D.J. Greenland, F.R.S.

Un avantage majeur des systèmes de culture sans préparation du sol ou avec une préparation minimum est qu’ils peuvent être utilisés pour laisser une couverture de résidus de culture sur le sol afin de le protéger de l’impact direct de la pluie. Cela empêche la dispersion des matériaux constituant les agrégats et maintient la capacité d’infiltration du sol, ce qui minimise le ruissellement et les problèmes d’érosion qui en découlent. Dans les zones plus sèches, le couvert végétal est aussi important pour protéger le sol de l’érosion éolienne. On reconnaît à présent que le maintien d’une couverture végétale sur le sol est le facteur essentiel pour sa conservation. Lorsqu’il y a une saison sèche marquée, les termites peuvent détruire les résidus végétaux de sorte que le sol se trouve exposé et vulnérable au début de la saison des pluies. D’autres matériaux de paillage doivent alors être trouvés (herbes ou branches provenant des arbres des alentours) ou d’autres méthodes, telles que bandes enherbées ou bourrelets en courbes de niveau (Figure 12), doivent être utilisées pour éviter l’érosion. Il peut s’agir de simples bourrelets en terre construits de manière à acheminer l’eau vers un canal enherbé pour éviter la formation de ravinements. Des barrières herbacées sur la courbe de niveau ralentissent le ruissellement et filtrent le matériel sédimentaire en suspension dans l’eau. Vetiveria zizanioides est particulièrement adaptée à ces fonctions.

Figure 12

Haies pour lutter contre l’érosion ...

IBSRAM

... bourrelets en courbes de niveau ...

IBSRAM

... et Vétiver pour stabiliser la pente.

P.K. Yoon
Le vent peut provoquer une érosion du sol dans les régions plus sèches; la meilleure solution pour y faire face est de planter des arbres en coupe-vent, bien que les résidus végétaux laissés a la surface du sol soient tout aussi efficaces. Dans la plupart des régions semi-arides, après une saison sèche prolongée, les résidus végétaux sont rares et la mise en culture est généralement possible après un simple hersage de surface (Figure 13).

Figure 13. Passage à la herse pour éliminer les mauvaises herbes et préparer un lit de semis, Sénégal

Professeur D.J. Greenland, F.R.S.

La gestion des conditions physiques d’un sol destiné à la production de riz de bas-fonds est complètement différente de celle qui est applicable aux cultures de montagne. L’objectif est de détruire, et non de préserver, la structure du sol pour minimiser l’infiltration ou faire en sorte que l’eau reste à la surface du sol. On y parvient généralement en cultivant le sol lorsqu’il est gorgé d’eau - méthode connue sous le nom de ‘piétinage’. Cette méthode permet la formation d’une couche qui minimise les pertes d’eau dues à la percolation et ameublit l’horizon de surface de sorte que les plants de riz sont faciles à repiquer (Figure 14).

Figure 14

Préparation des rizières ...

... et repiquage du riz.

Professeur D.J. Greenland, F.R.S.

Dans de nombreuses régions d’Asie, l’usage est de pratiquer une autre culture après la récolte du riz, au début de la saison sèche qui suit la mousson. Le sol qui a été piétiné et dont la structure a été détruite doit être restructuré autant que possible pour constituer un lit de semis pour la culture suivante qui est souvent du blé dans les régions subtropicales et du haricot mungo ou une autre légumineuse dans les tropiques. La capacité d’expansion et de rétraction de certains sols leur permet de se restructurer naturellement. Dans la plupart des cas, cependant, des mottes se forment et le labour est difficile, voire impossible (Figure 15). Des semoirs ordinaires tels que les semoirs en forme de T inversé ont été conçus pour pouvoir s’adapter à l’état physique du sol le long de la ligne de semis et éviter la dépense d’énergie qu’exigerait la mise en culture de la masse totale du sol.

Figure 15. Etats comparés d’un sol piétiné après une récolte de riz

Professeur D.J. Greenland, F.R.S.

Gestion de la matière organique et des conditions biologiques des sols

On n’insistera jamais assez sur l’importance de la matière organique dans la productivité des sols, plus particulièrement des sols tropicaux de qualité moindre. L’apport direct de la matière organique aux besoins en azote et en soufre des cultures, et son rôle dans la stabilisation des agrégats du sol et la survie de la faune du sol qui est à l’origine des pores par lesquels l’eau et l’air circulent, ont déjà été évoqués. En outre, la matière organique du sol joue un rôle majeur dans la rétention des éléments cationiques par les sols dominants des tropiques contenant des argiles kaolinitiques et des oxydes de fer et d’alumine - argiles de faible activité et rétention d’éléments cationiques. En outre, dans des conditions acides, certains des composants organiques présents dans le sol forment des complexes avec l’alumine qui, autrement, serait toxique pour les plantes. Enfin, les composantes organiques du sol entravent la formation de complexes non solubles de fer et d’alumine associé au phosphore - évitant ainsi une diminution de la quantité de phosphore disponible pour les plantes.

Outre ces effets physiques et chimiques, la matière organique constitue le substrat de la quasi-totalité de la vie biologique du sol. On sait que le sol contient des organismes vivants qui lui sont directement profitables, comme ceux qui servent à la fixation de l’azote et au maintien d’une structure favorable. La matière organique empêche aussi la prolifération d’organismes pathogènes qui se trouvent en concurrence avec des colonies organiques plus importantes et plus variées que dans les sols dont la teneur en matière organique est faible.

Dans des conditions de couvert végétal naturel, la teneur en matière organique du sol tend à se fixer à un niveau relativement élevé. Elle dépend en fait de la matière organique provenant de la végétation, des caractéristiques des sols ainsi que de leur humidité et de leur température. Lorsque le sol est cultivé, l’apport de la culture est en général bien inférieur à celui de la végétation naturelle, de sorte que la teneur en matière organique a tendance à diminuer. Cela est particulièrement vrai lorsque les techniques culturales aèrent le sol et accroissent la vitesse de décomposition des débris organiques.

Les pertes en matière organique sont particulièrement élevées lorsqu’une forêt tropicale ombrophile est defrichée et qu’elle est remplacée par un système de culture. La régénération de la forêt après une période de mise en culture, comme dans le système de culture itinérante, entraîne une augmentation progressive de la teneur en matière organique qui, en règle générale, ne retrouvera son niveau initial qu’au bout de dix ans ou plus.

Les feux de brousse et de savanes tropicales ont souvent lieu au moins une fois l’an. Cette pratique détruit une grande part de la matière organique qui se reintègrerait sans cela au sol, de sorte que la teneur en matière organique est bien inférieure à celle que l’on trouve habituellement sous forêt. Si des cultures appropriées sont pratiquées et que tous les résidus sont restitués au sol, le niveau qui s’établit après la récolte peut être proche de celui que l’on trouve dans les herbages naturels. Cependant, lorsqu’on alterne pâturages et cultures, la teneur en matière organique du pâturage peut être bien supérieure à ce qu’elle est lorsque le sol est cultivé, en particulier si le pâturage comporte des légumineuses qui contribuent à l’apport d’azote nécessaire à la constitution du potentiel en matière organique.

Il est donc évident que l’alternance d’une culture avec une jachère arbustive ou une période de pâturage entraînera des fluctuations de la teneur en matière organique du sol. Ces changements peuvent être estimés par une méthode mathématique approximative, et des modèles adéquats peuvent être conçus pour aider à prévoir les effets des différentes pratiques d’aménagement au niveau de la matière organique du sol. Les résultats de ces modélisations pour trois systèmes différents d’aménagement du sol sont illustrés à la Figure 16.

Figure 16. Carbone organique contenu dans le sol (0-23cm)

Changements à long terme des quantités de carbone organique présentes dans le sol sur des parcelles de blé cultivées en continu à Broadbalk Field, Rothamstead (Royaume-Uni). Les croix correspondent aux données mesurées, les lignes à des calculs types. Entre 1925 et 1965, une jachère complète était pratiquée tous les cinq ans pour lutter contre les adventices.

Jenkinson D.S., 1993

Un principe général des systèmes d’aménagement durable des sols doit donc être de restituer autant de matière organique que possible aux sols de montagne utilisés à des fins de culture - sous réserve que cette matière organique soit exempte de contaminants toxiques, et que les coûts et problèmes liés à sa collecte et à son épandage soient socialement et économiquement acceptables.

Dans les plaines humides, de la matière organique toxique peut se former lors de la décomposition anaérobie de matières ajoutées, et du méthane, gaz à effet de serre actif, risque d’être libéré. Il faut donc faire preuve de prudence lorsqu’on utilise de la matière organique pour la production rizicole.

Pour les sols autres que les tourbières et humus de certaines terres humides où se sont accumulées d’importantes quantités de matière organique, cette dernière est si importante que les quantités contenues dans le sol sont le meilleur indicateur de son état et de l’évolution de son potentiel de productivité.

Eviter et corriger la dégradation des sols


Eviter l’érosion
Corriger la dégradation chimique
Eviter et corriger la dégradation physique

Les principales formes de dégradation des sols peuvent être dues, soit à son ablation (érosion due à l’eau et au vent), soit à sa détérioration in situ ce qui implique en général une altération de ses caractéristiques tant chimiques que physiques. La dégradation chimique se caractérise comme suit:

· perte d’éléments nutritifs et de matière organique;

· acidification (liée le plus souvent à la perte d’éléments nutritifs du sol ou à une mauvaise utilisation des engrais);

· intensification du lessivage (en cas de destruction du couvert végétal et de dénudation du sol);

· augmentation des températures et oxydation de la matière organique du sol (suite à la dénudation du sol et à sa mise en culture);

· salinisation et sodification (souvent liées à de mauvaises pratiques d’irrigation et de drainage);

· pollution (généralement à la suite d’une mauvaise gestion des déchets industriels et miniers).

La dégradation physique s’accompagne dans la plupart des cas de la formation d’une croûte et d’un tassement du sol et, parfois, d’hydromorphisme en partie causé par ces phénomènes.

Le Projet GLASOD, qui est un essai d’évaluation mondiale des causes et de l’étendue de la dégradation des sols, a récemment été finalisé (Oldeman, Hakkeling et Sombroek, 1991). Les données du projet ont été obtenues à partir de la compilation par des scientifiques nationaux d’évaluations réalisées en utilisant des critères communs et portant sur l’étendue et le degré de la dégradation des sols dans leurs pays ou régions respectifs. Les données ne correspondent pas toutes à une dégradation découlant de mauvaises pratiques d’aménagement et il a fallu dans certains cas les compiler à partir d’estimations brutes. Néanmoins, elles fournissent une indication de l’ampleur générale du problème et de ses causes (voir Figure 17).

Figure 17. Dégradation mondiale des sols

a) types de dégradation

b) causes

c) part de dégradation totale par continent

Oldeman, Hakkeling et Sombroek, 1991

Certaines formes de dégradation du sol peuvent être facilement corrigées. C’est le cas, par exemple, des croûtes de surface et du tassement auxquels on peut remédier sur de nombreux sols arables par la mise en culture, bien que ces améliorations risquent d’être provisoires. L’augmentation de la teneur du sol en matière organique grâce à une période de repos de la terre ou l’incorporation d’engrais organiques peut donner des résultats plus durables. Certaines autres formes de dégradation des sols, qui entraînent des effets plus graves, sont moins faciles à corriger. C’est le cas des problèmes de salinisation (augmentation de la teneur en sel) ainsi que de la sodification ou, comme on l’appelait auparavant, de l’alcalinisation (augmentation de la proportion de sodium présente dans le sol). La sodification entraîne une dispersion de l’argile et inhibe la circulation de l’eau dans le sol.

Les effets de la dégradation du sol peuvent, en fait, être plus ou moins facilement corrigés selon la gravité du problème qui dépend elle-même des pratiques d’aménagement. Certains sols sont plus résistants à certaines formes de dégradation que d’autres, de sorte que les mesures correctives varient, elles aussi en efficacité selon les types de sol (Figure 18).

Figure 18. Réaction du sol à la dégradation

Diagramme représentant le comportement de différents sols soumis à une dégradation. Les sols résistants sont capables de supporter les effets du stress pendant une période relativement longue au cours de laquelle leur potentiel productif sera peu affecté; ils sont aussi en mesure de récupérer après une longue période consécutive de stress. Les sols ‘résilients’ ont une phase de résistance plus courte mais une aptitude de récupération comparable à celle des sols résistants. Les sols fragiles sont peu résistants face aux forces de dégradation.

Lal, Hall et Miller, 1989

De nombreux sols des régions tropicales subhumides et semi-arides ont des caractéristiques qui les placent dans la catégorie des ‘sols fragiles’, notamment ceux dont la surface est facilement érodable. Ces sols doivent être bien gérés si l’on veut éviter la dégradation qui est difficile et coûteuse à corriger. Le tassement du sous-sol, qui entraîne un mauvais drainage, est une autre forme de dégradation qui est souvent irréversible. De nombreux sols, par ailleurs, sont ‘résilients’ d’un point de vue chimique, c’est-à-dire que les éléments nutritifs peuvent être restitués par un apport d’engrais et de fumier et que l’acidité peut être corrigée grâce au chaulage, ou du moins améliorée par l’utilisation des fumures organiques.

Eviter l’érosion

L’érosion est un processus naturel qui est difficile à éliminer complètement. Cependant, sur les terres cultivées, le risque d’érosion accélérée est réel si le couvert végétatif naturel du sol est éliminé, comme c’est en général nécessaire si la terre doit être mise en culture. Sur les terres particulièrement vulnérables, les effets de l’érosion hydrique peuvent être dévastateurs (Figure 19).

Figure 19

Erosion catastrophique au Nigéria ...

... et au Mexique.

Professeur D.J. Greenland, F.R.S.

Les pratiques de gestion qui visent à maîtriser l’érosion du sol provoquée par l’eau exigent tout d’abord que tout soit fait pour conserver la couverture du sol. Il s’agira en général d’une forme ou d’une autre de végétation, mais il peut également s’agir d’un paillis de matière organique ou même de plastique ou de gravier. Une pratique garantissant la mise en culture continue peut aussi constituer une méthode valable de lutte contre l’érosion. Les cultures pérennes ou les systèmes de cultures intercalaires sont un bon moyen d’assurer une couverture compatible avec une utilisation rentable du sol (FAO, 1983, 1989). Généralement, ces méthodes ne conviennent pas à la culture mécanisée de grandes extensions. Les arbres utilisés comme coupe-vent pour lutter contre l’érosion éolienne sont en général essentiels dans les zones sèches où les sols ont une texture légère, au même titre que les bourrelets en courbes de niveau et les canaux destinés à permettre l’écoulement de l’eau dans les zones exposées à l’érosion hydrique. D’autres techniques telles que la culture sur billons closonnés et la culture en bandes alternées peuvent aussi être efficaces pour lutter contre l’érosion (FAO, 1983, 1984, 1987, 1989).

Corriger la dégradation chimique

Pour la majorité des sols, la dégradation chimique due aux prélèvements des éléments nutritifs par les cultures ne peut être évitée. Elle peut cependant être facilement corrigée (Figures 20 et 21), grâce à l’apport d’engrais et/ou de fumier. Le prélèvement continu d’éléments nutritifs par les cultures ou l’utilisation d’engrais ammoniaques finit par aboutir à un phénomène d’acidification. Ce dernier peut à son tour être corrigé par une utilisation adéquate du chaulage ou par un repos du sol pendant plusieurs années sous jachère de récupération consécutive à une ou deux années de culture. Pour de nombreux sols de montagne des régions tropicales, les méthodes les plus satisfaisantes en termes de durabilité semblent être celles qui font intervenir aussi bien des engrais minéraux que des fumures organiques. Des expériences menées au Burkina-Faso et au Ghana ont montré qu’en utilisant des méthodes de gestion de ce type, les rendements ont été maintenus et ont même augmenté sur une période allant jusqu’à 30 ans (Figure 22).

Figure 20. Réponse du maïs à une application d’engrais phosphatés, Tanzanie

Professeur D.J. Greenland, F.R.S.

Figure 21. Expérience d’apport d’engrais à long terme (NPK +/- sarclage) à l’Institut International d’Agriculture Tropicale, Ibadan (Nigeria). De gauche adroite: -NPK+sarclage; +NPK-sarclage; +NPK+sarclage; -NPK-sarclage.

Professeur D.J. Greenland, F.R.S.

Figure 22. Effets des engrais minéraux et amendements organiques sur l’évolution à long ternie des rendements

a) rendement du sorgho avec application d’engrais et de fumier, Burkina Faso

Pichot et al, 1994
b) rendements du manioc, de l’arachide et du maïs avec paillis herbeux et application de NPK at chaux (essai factoriel 25), Kwadaso, Ghana
Kwakye et al, 1994
Il est possible de maintenir les rendements en corrigeant aussi bien les pertes d’éléments nutritifs que l’acidification rien qu’avec des produits minéraux. Cependant, dans de nombreux sols tropicaux, il semble être extrêmement difficile de maintenir un bon dosage des éléments nutritifs sans recourir à des amendements organiques pour atténuer les changements qui se produisent dans les concentrations du sol en ions nutritifs et pour complexer les ions toxiques, tels que l’aluminium, qui se dégagent à mesure que le sol s’acidifie.

Une autre forme de dégradation du sol est la perte de matière organique, non tant à cause de ses effets directs que du fait de ses nombreux impacts indirects. Outre l’effet tampon sur les concentrations en ions nutritifs et la fixation des ions potentiellement toxiques, les avantages indirects incluent des effets stabilisateurs sur les agrégats du sol et une contribution à la faune et aux micro-organismes vivant dans le sol.

On est confronté à une autre variante de dégradation du sol lorsque les sols sont mal drainés ou que la nappe phréatique est proche de la surface. Des sels et parfois des ions potentiellement toxiques tels que le bore peuvent être véhiculés dans les champs irrigués en même temps que l’eau d’irrigation. En l’absence d’un drainage adéquat et d’un approvisionnement en eau suffisant pour éliminer les sels et ions excédentaires indésirables, le sel s’accumulera jusqu’à ce qu’il atteigne un niveau qui freine la croissance des végétaux. Ce problème est courant dans les zones où des barrages ont été construits et où les terres en aval du barrage reçoivent l’eau d’irrigation. De même, l’eau stockée en amont du barrage entraîne souvent un relèvement de la nappe phréatique dans les zones situées en aval. Lorsque les eaux souterraines sont salines, cela n’entraîne pas seulement des problèmes de salinité mais rend inévitablement le drainage de la zone irriguée plus difficile.

Outre la salinité, la sodification peut poser de graves problèmes. Cela n’est pas nécessairement lié à un mauvais drainage mais survient lorsqu’on utilise de l’eau d’irrigation à forte teneur en sodium ou de l’eau de mer. Le sodium déplace les autres ions dans le complexe absorbant et l’argile se disperse lorsque la saturation en sodium atteint environ 15 pour cent. Cela rend le sol extrêmement difficile à travailler - il devient très collant lorsqu’il est humide, des mottes se forment lorsqu’il est sec et les particules d’argile les plus fines auront tendance à migrer vers le bas du profil, phénomène parfois connu sous le nom d’érosion interne. Le sous-sol devient ainsi extrêmement compact, ce qui gêne beaucoup la circulation de l’eau et le développement des racines. Dans la plupart des cas, ces sols sont en plus alcalins, de sorte qu’on les classe souvent dans la catégorie des sols alcalins. Cependant, de nombreux sols salins sont également alcalins du fait de la présence de carbonate de sodium, mais ils n’ont pas les caractéristiques des sols sodiques car les sels empêchent la dispersion de l’argile. La gestion des sols sodiques nécessite l’apport de gypse, qui confère au sol une teneur en sulfate de calcium suffisante pour floculer l’argile, ce qui donne une structure plus facile à travailler. Le calcium écarte aussi progressivement le sodium du complexe absorbant, supprimant ainsi la cause du mal.

La plupart des problèmes de salinité et de sodicité sont liés aux systèmes d’irrigation. Le drainage et l’application de gypse sont les remèdes à préconiser. Le drainage devrait toujours être prévu dans la conception d’un système d’irrigation et ne devrait être utilisé à des fins agricoles que si la qualité de l’eau est satisfaisante (FAO, 1985a, 1985b, 1988, 1990).

Eviter et corriger la dégradation physique

La dégradation de la structure du sol est la forme la plus courante de dégradation physique et se caractérise par:

· une perte de la stabilité des agrégats dans les sols superficiels, ce qui provoque croûtes et tassement, rendant l’infiltration plus difficile et augmentant le ruissellement et l’érosion;

· un déplacement des particules d’argile vers les couches subsuperficielles et la perte de porosité dans ces horizons et dans les couches plus profondes, ce qui nuit à la circulation de l’eau et à la capacité de stockage.

La dégradation physique des sols se produit surtout lorsque l’on utilise une mécanisation lourde pour défricher et cultiver le sol. Les sols à texture moyenne et à faible teneur en matière organique, en particulier les sols argileux et limoneux, sont les plus fréquemment touchés par ces problèmes.

On peut éviter ces difficultés en s’abstenant de travailler le sol et en pratiquant les techniques de paillage tout en respectant l’impératif de ne cultiver le sol que lorsque celui-ci n’est pas trop mouillé - un sol détrempé est facilement endommagé par la mise en culture. Le maintien d’une teneur en matière organique relativement élevée peut contribuer à accroître la stabilité des agrégats, bien que, même dans ces conditions, le sol risque d’être dégradé s’il est cultivé alors qu’il est mouillé. Comme on l’a constaté plus haut, la plupart des rizières sont délibérément ‘endommagées’ par la mise en culture de terres engorgées pour minimiser l’infiltration de l’eau.

La dégradation physique est souvent sous-estimée car elle est insidieuse, se développant dans le sous-sol sur une période de plusieurs années. Pour cette raison, les données de GLASOD sont probablement en deçà de la vérité. Lorsque le sol est en jachère, la faune du sol peut réouvrir les pores tant à la surface qu’en profondeur, mais ce phénomène est lent et prend plusieurs années, même dans le cas d’une couverture forestière tropicale. Il vaut mieux prévenir le problème que tenter de le corriger.

Eviter les dommages à l’environnement


Dommages hors site dus à l’érosion du sol
Dommages découlant d’une mauvaise utilisation des engrais

Les pratiques d’aménagement du sol n’affectent pas seulement le site où la culture est pratiquée mais aussi les zones qui en sont plus éloignées. Les effets hors site incluent ceux liés au dépôt des produits d’érosion du sol, à la pollution de l’eau due à une utilisation inadéquate d’engrais et de pesticides et à la production de gaz contribuant à l’effet de serre. Ces problèmes ne se posent pas lorsque l’on applique de bonnes pratiques de gestion des sols.

Dommages hors site dus à l’érosion du sol

Dans les régions semi-arides, la végétation meurt et le sol est exposé à l’érosion éolienne durant les périodes de sécheresse qui souvent ponctuées de tempêtes de sable. Les dépôts de particules posent de nombreux problèmes et des dunes peuvent se former, recouvrant de fines particules de sable et de limons grossiers stériles des terres qui auraient pu être cultivées. Dans les zones arides où les sécheresses peuvent durer plusieurs années, le problème est difficile à maîtriser. Dans les zones semi-arides, l’implantation d’arbres résistant à la sécheresse qui servent de coupe-vent peut être extrêmement utile. Des bandes enherbées de variétés robustes et résistantes à la sécheresse (comme le vétiver, par exemple) sont également très efficaces pour piéger le sable et stabiliser les dunes. Les dépôts des produits d’érosion du sol transportés par l’eau peuvent aussi constituer un problème grave dans la mesure où ils risquent d’enterrer des sols de bonne qualité sous du matériel moins fertile. Plus fréquemment, ils provoquent des dégâts en obstruant les cours d’eau, y compris ruisseaux et rivières. Cela peut entraîner des problèmes supplémentaires dus au relèvement des nappes phréatiques, et aux problèmes d’hydromorphisme et de salinité qui en découlent. Les sédiments peuvent aussi se déposer dans des réservoirs (Figure 23), ce qui réduit la capacité de stockage de ces derniers et, dans des cas extrêmes, obstrue l’écoulement vers les générateurs hydroélectriques. Le fait de ne pas tenir suffisamment compte des problèmes d’érosion qui se posent dans les bassins versants des barrages s’est souvent traduit par une surestimation de la durée et de la valeur économique totale des barrages (voir encadré).

Figure 23. Diminution de la capacité de stockage de l’eau par suite d’envasement de deux réservoirs: a) un petit réservoir en Tanzanie; b) un grand réservoir en Egypte

a) réservoir de Msalatu, Tanzanie, 1944-1971

Source: Rapp, Berry et Temple, 1972
b) Haut barrage d’Assouan, Egypte, 1964-1986
Source: Makary, 1993
Lorsque le bassin versant est situé dans des zones de montagne ou de colline, il est d’une importance vitale d’éviter le déboisement. Lorsque des superficies cultivées se trouvent dans le bassin versant, il faut maintenir une couverture végétale pour minimiser le ruissellement. Une bonne conception des canaux destinés à l’écoulement des eaux de ruissellement excédentaires est également impérative.

Dans les régions arides et semi-arides, le surpâturage est un facteur notoire de dénudation des sols. Cela se produit fréquemment au-dessus des petits réservoirs auxquels les animaux ont directement accès pour s’abreuver. On peut résoudre le problème par une bonne pratique d’élevage et la construction de points d’eau bien répartis plutôt que par des mesures directes d’aménagement des sols.

Envasement de réservoirs, Inde
(Narayana et Babu, 1983)




réservoir


bassin versant
(1 000 km2)


taux de sédimentation
(hm3/100 km2)

prévu

observé

Hirakud

83

2.5

3.6

Tungabhadra

26

4.3

6.6

Mahi

25

1.3

9

Rana Pratap

23

3.6

5.3

Nizamnagar

19

0.3

6.4

Pong

13

4.3

17.3

Pamchet

10

2.5

10.1

Tawa

6

3.6

8.1

Kaulagarh

2

4.3

18.3

Mayurakshi

2

3.6

20.9


Dommages découlant d’une mauvaise utilisation des engrais

Lorsque les agriculteurs achètent des engrais, leur intention est de les utiliser d’une manière aussi efficace que possible pour leurs cultures. Toutefois, l’efficacité de l’utilisation de l’azote dépasse rarement 50 pour cent et ce pourcentage est encore plus bas pour le phosphore. Une grande partie de l’azote qui n’est pas récupéré finit dans les eaux souterraines sous forme de nitrate ou dans les terres marécageuses sous forme d’ammoniaque atmosphérique. Contrairement à l’azote, le phosphore est en général adsorbé sur l’argile et les oxydes de fer et se fixe dans le sol sauf lorsque celui-ci en est totalement dénué. Lorsque le phosphore est lessivé de la surface du sol - ou à travers des sols extrêmement sableux - et qu’il se déverse dans des cours d’eau, il peut provoquer des problèmes d’eutrophisation, de prolifération d’algues et d’épuisement de l’oxygène dissout. Cela peut à son tour causer la mort des poissons et autres espèces vivant dans l’eau. La meilleure solution pour faire face aux problèmes dus au lessivage superficiel est de s’assurer que le phosphore que l’on apporte est incorporé dans le sol. Bien qu’on rende souvent les pratiques agricoles responsables de la contamination de l’eau par les phosphates, cette pollution est le plus souvent due aux eaux usées et effluents industriels qui sont directement déversés dans les cours d’eau.

Quelle que soit la forme d’apport de l’azote, la plus grande partie sera normalement transformée en nitrates - sauf en conditions anaérobiques. Les nitrates se déplacent librement dans le sol et peuvent donc être entraînés dans les eaux souterraines sauf s’ils sont interceptés par les racines des plantes. Un problème peut se poser lorsque la nappe phréatique alimente des sources d’eau potable. L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) fixe la limite supérieure de concentration d’azote sous forme de nitrates dans l’eau potable à 10 ppm (parties par million), niveau rarement atteint sauf lorsque l’on utilise des quantités excessives d’engrais azotés. Ces niveaux ont rarement été mesurés dans les approvisionnements en eau des zones tropicales et, lorsque cela a été le cas, c’était presque toujours en raison de la contamination de l’eau par les excréments animaux ou les eaux d’égout. Néanmoins, il est important d’utiliser aussi efficacement que possible les engrais azotés pour éviter les risques de contamination et en tirer le meilleur rendement possible. De nombreuses études ont été réalisées pour déterminer les méthodes convenant le mieux aux différentes conditions. On recommande souvent une fumure de fond ou de démarrage faible, suivie par un nouvel apport au moment où la demande des cultures atteint son maximum, de manière à éviter les concentrations dans le sol qui dépassent la capacité d’absorption de l’azote par les cultures. En général, la cause principale de dégradation des sols dans les tropiques est que l’on ne parvient pas à remplacer les éléments nutritifs nécessaires aux cultures - c’est-à-dire que les applications d’engrais sont trop faibles ou nulles, plutôt qu’excessives.

Par contre, lorsque le riz est cultivé sur des terres inondées, il est désormais courant d’utiliser d’importantes quantités d’engrais azotés. Bien qu’il n’y ait pas formation de nitrates, des pertes importantes peuvent se produire sous forme d’ammoniaque libéré dans l’atmosphère. On ne considère pas l’ammoniaque comme un polluant atmosphérique dangereux. En fait, comme il est très soluble, il est probable que la plus grande partie de sa fraction atmosphérique retourne dans le sol sous forme de précipitations, à proximité de son lieu d’origine.

Si l’on permet à la rizière de s’assécher de manière à ce qu’il y ait nitrification, de l’oxyde nitreux - gaz à effet de serre - se forme, bien qu’en faibles quantités. Si, après assèchement et formation de nitrates, le sol est à nouveau inondé, des quantités bien plus importantes d’oxyde nitreux apparaissent en général par suite d’un processus de dénitrification biologique. Lorsqu’on applique des engrais organiques sur des sols marécageux et qu’un phénomène de décomposition anaérobie se produit, un autre gaz à effet de serre, le méthane, est produit en grandes quantités. Le méthane, comme l’oxyde nitreux, a un effet de serre plusieurs fois supérieur à celui du dioxyde de carbone. De ce fait, sur les terres à riz, les bonnes pratiques d’aménagement des sols devraient éviter les fumures organiques et utiliser:

· les résidus de la récolte de riz pour maintenir la teneur voulue en matière organique;
· des algues bleues, azolla et des branches de légumineuses qui fixent l’azote et viennent ainsi compléter l’apport d’engrais azotés.


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