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LE PROBLEME: Accroître la production tout en améliorant la qualité du potentiel en ressources

Plus d’un million d’années ont été nécessaires pour que la population mondiale atteigne le chiffre d’un milliard au milieu du siècle dernier. La population s’accroît maintenant au rythme d’environ un milliard tous les dix ans (voir Figure 1). Curieusement peut-être, si l’on considère l’opinion de Thomas Malthus qui prévoyait en 1798 que le monde ne serait bientôt plus capable de se nourrir lui-même, la planète continue d’entretenir une population en expansion rapide.

Figure 1. Croissance de la population mondiale

La population mondiale augmente rapidement depuis le milieu du XIXème siècle et s’accroît actuellement au rythme d’environ un milliard tous les dix ans.

Deux facteurs expliquent cette aptitude de la planète à absorber l’augmentation énorme du nombre de ses habitants:

· la faculté des sols à s’adapter aux pressions de plus en plus fortes qui s’exercent sur eux;
· les progrès des connaissances des agriculteurs et des scientifiques en ce qui concerne la manière d’aménager les sols de façon productive et durable.
Ce qui a probablement le plus contribué à absorber la très forte croissance démographique a été la découverte des engrais minéraux. La collaboration entre un agriculteur (John Lawes) et un scientifique (Henry Gilbert) à Rothamstead (Royaume-Uni) a permis, par la suite, d’exploiter cette découverte. Leur expérimentation en matière d’aménagement des sols a commencé il y a un siècle et demi et se poursuit aujourd’hui sur les mêmes parcelles de terre. Ces expériences montrent que, dans les conditions pédologiques et climatiques où elles ont été menées, un système viable peut être mis au point, du moins par rapport à l’environnement local, et les rendements sont en général bien plus élevés aujourd’hui qu’ils ne l’avaient jamais été auparavant (voir Figure 2). D’autres progrès réalisés dans les domaines de l’amélioration variétale et de la lutte contre les ravageurs, y compris l’utilisation des pesticides, ont évidemment apporté une contribution significative.

Figure 2. Rendements du blé sur les parcelles de Broadbalk Field, Rothamstead

Les rendements sur les parcelles cultivées en permanence en blé de Broadbalk Field, Rothamstead (Royaume-Uni) (avec application annuelle d’engrais minéraux NPKMg) sont comparables aux rendements nationaux des superficies emblavées.

Le débat sur la durabilité des systèmes exigeant de forts apports de substances chimiques synthétiques porte essentiellement sur les dommages potentiels qui peuvent en découler pour la santé de ceux qui consomment les produits provenant de ces systèmes. Or, la santé de la population qui se nourrit d’aliments issus de ces systèmes intensifs de gestion n’a jamais été meilleure.

Un système d’aménagement des sols tributaire d’apports massifs d’engrais inorganiques peut être viable si on le considère de manière isolée, mais il faut également tenir compte de la durabilité des ressources minérales et énergétiques à partir desquelles les engrais sont fabriqués. En outre, les effets sur l’environnement des produits chimiques (provenant des engrais et des pesticides) qui aboutissent dans les eaux souterraines ainsi que des produits dérivés libérés dans l’atmosphère doivent aussi être pris en considération. Une attention toute particulière doit être accordée aux effets de ces produits chimiques sur les populations végétales et animales et sur leur biodiversité.

Plusieurs milliers d’années avant les travaux de Lawes et Gilbert, un système agricole durable différent avait été mis au point, dans le but de subvenir aux besoins de la population en expansion rapide de l’Asie du Sud et de l’Est. C’est le système de culture du riz des grands bassins fluviaux où le piégeage de l’eau et du limon provenant des crues annuelles des rivières a permis à la riziculture de perdurer depuis lors. Là encore, la pression démographique est devenue trop forte pour le système traditionnel, et ce n’est que grâce à l’interaction entre le scientifique et l’agriculteur - qui a finalement débouché sur la révolution verte - que les rendements du riz ont pu atteindre un niveau suffisant pour continuer à nourrir la population. Des questions se sont là aussi posées quant à la durabilité du système. Le système traditionnel dépendait des sédiments venant de l’érosion des terres d’altitude qui subissaient par là même une dégradation. La technologie de la révolution verte repose sur des apports énergétiques externes et a conduit à une augmentation du niveau des émissions de méthane et d’oxyde nitreux qui contribuent de manière importante à l’effet de serre et entraînent des changements atmosphériques qui pourraient affecter l’ensemble de la planète.

Dans le reste du monde, la pression démographique, jusqu’à une période récente, était en général bien moindre qu’en Europe et dans les grands bassins fluviaux d’Asie. Les méthodes d’aménagement des sols avaient donc moins de raisons de s’intensifier et ont évolué plus lentement. Ces régions sont aussi celles où les sols sont en général plus pauvres et les climats plus difficiles. C’est pour cette raison, dans une certaine mesure, que la croissance de la population dans cette partie du monde a été plus lente. Cependant, au cours de ces dernières années, l’amélioration de la santé et d’autres changements se sont traduits par une accélération de la croissance démographique. La demande de denrées alimentaires et d’autres produits agricoles a augmenté en conséquence. Des augmentations de la production vivrière ont été enregistrées mais surtout grâce à une extension des superficies cultivées. En Afrique, l’accroissement de la production a souvent été réalisé grâce à une intensification de la production dans les régions de culture itinérante - en prolongeant la période dé culture et en raccourcissant la période durant laquelle le sol peut se reposer dans des conditions de régénération végétale naturelle. Ce type de changement engendre un système non durable (voir Figure 3).

Figure 3. Spirale descendante menant au piège de la pauvreté

L’intensification de l’utilisation des sols dans les zones de culture itinérante mène à des jachères plus courtes et, au dernier stade, à une dégradation des sols et une baisse des rendements. Cela donne inévitablement lieu à un système non durable incapable de subvenir aux besoins d’une population en expansion.

Source: McCown et Jones, 1992.

Le principal défi auquel doivent sans doute faire face aujourd’hui les agriculteurs, économistes et spécialistes des sols, est de mettre au point des systèmes d’exploitation agricole durables tout en créant les conditions politiques et socio-économiques nécessaires à leur application de manière à ce que les sols de ces régions moins fertiles puissent nourrir une population beaucoup plus importante.

De nombreuses tentatives d’introduction de systèmes d’exploitation agricole continue dans les zones tropicales semi-arides, subhumides et humides ont échoué. Souvent, le contenu en nutrients du sol n’a pas été maintenu de façon suffisante. Parmi les autres causes d’échec, il faut citer la dégradation des sols due à un ou plusieurs des processus suivants:

· dégradation physique due à l’érosion, au tassement et à la formation d’une croûte;
· dégradation chimique liée à la perte de nutrients et à l’acidification;
· dégradation biologique associée à la perte de matière organique;
· dégradation des conditions de drainage entraînant engorgement hydrique ou salinisation.
Alors que l’exploitation des terres arables s’est souvent révélée non durable, l’arboriculture dans les zones tropicales humides et subhumides a posé relativement peu de problèmes de durabilité. Dans les zones semi-arides, la production animale a quelquefois été viable. Les systèmes de production animale ont posé des problèmes de durabilité lorsque le cheptel a augmenté sans que la capacité de charge des pâturages ne s’accroisse. En période de sécheresse ou de pénurie d’eau, le surpâturage peut entraîner une disparition de la végétation et, partant, une exposition du sol à l’érosion éolienne. Il est donc indispensable pour les cultures et la production de pâturages de mettre au point des méthodes d’aménagement des sols économiquement viables et socialement acceptables qui soient non seulement productives mais aussi durables.

Bien qu’il reste encore beaucoup à faire, les principes fondamentaux d’un bon aménagement des sols sont maintenant bien établis. Il faut, à présent, qu’ils soient largement diffusés et compris, évalués et adaptés aux conditions pédologiques et écologiques, sociales et économiques des différentes régions. Les politiques requises doivent ensuite être appliquées de manière à ce que de bonnes méthodes d’aménagement des sols puissent être pratiquées pour assurer un niveau de vie satisfaisant à l’exploitant et à sa famille.


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