Page précédente Table des matières Page suivante


ETAPE 3 - RÉSOLUTION DE QUESTIONS DE POLITIQUE FONDAMENTALES


CHAPITRE 4 - ASSURER LA COHÉRENCE ENTRE LE FINANCEMENT DU SECTEUR DE L’IRRIGATION ET LES BUTS DU TGI
CHAPITRE 5 - DÉTERMINER LES SERVICES À TRANSFÉRER
CHAPITRE 6 - RÉSOUDRE LE PROBLÈME DE LA RESPONSABILITÉ PAR LA RÉFORME ORGANISATIONNELLE
CHAPITRE 7 - APPORTER LES CHANGEMENTS JURIDIQUES NÉCESSAIRES

CHAPITRE 4 - ASSURER LA COHÉRENCE ENTRE LE FINANCEMENT DU SECTEUR DE L’IRRIGATION ET LES BUTS DU TGI


Introduction
Comment financer les coûts de l’opération et de l’entretien ?
Les subventions du gouvernement sont-elles incompatibles avec les objectifs du transfert de la gestion de l’irrigation ?
Qu’entend-on par le piège de la remise en état, de la dépendance et de la déterioration ?
Vers une irrigation plus durable a l’aide “d’améliorations progressives de l’infrastructure”
Comment éviter les irrégularités financières

RÉSUMÉ

Le présent chapitre passe en revue deux questions stratégiques: «Quels sont les changements à apporter au mode de financement du secteur de l’irrigation ?» et «Que faut-il changer pour que le financement du secteur soit cohérent avec les objectifs du TGI ?»

D’une manière générale, il sera demandé au gouvernement de réduire ou d’éliminer les subventions relatives aux coûts périodiques de l’irrigation. Ces coûts devront être financés en grande partie, voire totalement, par les redevances pour l’eau à la charge des utilisateurs. Il sera probablement nécessaire de remanier les subventions allouées à la remise en état ou à la modernisation périodiques afin de stimuler, au lieu de décourager, l’investissement destiné à l’entretien.

La raison pour laquelle il conviendrait de financer pour une large part, voire entièrement, l’opération et l’entretien à partir des redevances pour l’eau est simple et généralement acceptée: le fournisseur du service se sentira plus responsable vis-à-vis des utilisateurs si sa source principale de revenu dépend de la qualité du service fourni.

Il est nécessaire d’adopter une approche autre que celle de la «remise en état suivie de la détérioration» qui est le piège conventionnel, afin de réduire les interférences préjudiciables du gouvernement et assurer la viabilité financière et matérielle des périmètres d’irrigation. La meilleure solution est une approche orientée vers l’amélioration progressive de l’infrastructure. Une telle stratégie devrait viser l’exécution graduelle des travaux de remise en état et de modernisation sur des périodes relativement longues. Pour ce faire, les associations d’utilisateurs de l’eau (AUE) devraient être encouragées à constituer un fonds de réserve qui pourrait être utilisé à cet effet. Pour promouvoir la constitution d’un fonds semblable il faudrait un financement (provenant des ressources du gouvernement) consistant en un montant équivalent ou similaire. Il pourrait s’agir d’une subvention ou d’un prêt octroyé à des conditions financières très favorables. Pour avoir droit à l’octroi de ce financement, l’AUE devra se conformer à des normes de performance établies qui peuvent être contrôlées de manière efficace et indépendante.

De nouveaux mécanismes devraient être introduits pour protéger le secteur contre des irrégularités financières après le TGI. Ils peuvent inclure des vérifications des comptes des AUE ou des fournisseurs du service de l’eau (FSE), une formation en matière de gestion financière à l’intention des directeurs des AUE ainsi que du personnel financier, la transparence dans les registres et les redevances de l’eau, et ainsi de suite.


Introduction

L’étape 3 du processus de changement stratégique porte sur la résolution de questions de politique fondamentales liées au TGI. D’une manière générale, les quatre questions les plus importantes liées au transfert de la gestion de l’irrigation sont les suivantes.

1. Quels changements sont nécessaires dans le mode de financement du secteur de l’irrigation ?

Normalement, il sera demandé au gouvernement de réduire ou d’éliminer les subventions sur les coûts périodiques de l’irrigation. Ces coûts devront être financés dans une large mesure ou intégralement à partir des redevances pour l’eau à la charge des utilisateurs. Les subventions pour la remise en état ou la modernisation périodiques devront probablement être calculées à nouveau afin de stimuler, au lieu de décourager, l’investissement des utilisateurs dans l’entretien.
2. Quels services devraient être transférés, retenus ou créés ?
Les planificateurs et les intervenants dans ce processus devront décider s’il convient de transférer totalement ou partiellement les fonctions relatives à l’opération, à l’entretien, au financement, au règlement des différends, etc. De nouveaux services seront sans doute nécessaires tels que des services agricoles ou l’allocation de l’eau au niveau du bassin.
3. Quel type d’organisation devrait prendre en charge la gestion ?
Il existe de nombreuses formes d’organisations qui pourraient être appropriées pour le nouveau fournisseur du service de l’eau. Bien que les associations d’utilisateurs pourraient convenir pour la petite irrigation, d’autres formes, telles que les offices de l’irrigation ou les mutuelles, seraient plus adaptées à la gestion des grands périmètres.
4. Quels sont les changements législatifs et sectoriels qui sont nécessaires pour faciliter le TGI ?
Il pourrait être nécessaire de formuler une nouvelle législation qui octroie des droits d’usage de l’eau bien définis aux AUE au lieu d’extraction d’un cours d’eau ou d’une couche aquifère. Une législation pourrait être nécessaire pour conférer un statut juridique aux AUE, pour créer de nouveaux services d’appui ou pour restructurer l’organisme d’irrigation.
Il est important de répondre à ces questions fondamentales par l’analyse et la négociation avant que les planificateurs s’engagent dans les étapes de la planification et de la mise en oeuvre. Il est également important que les décideurs suivent un ordre systématique afin d’éviter d’exclure involontairement certaines options de l’examen. Les quatre chapitres qui suivent porteront sur ces thèmes.

Les stratèges devront passer en revue une gamme étendue de possibilités et éviter, dans la mesure du possible, de se laisser subjuguer par les hypothèses. Il est suggéré que dans l’analyse de la politique les questions suivantes soient examinées:

· quels sont les changements nécessaires et à quels niveaux ?
· quelles solutions sont proposées pour déterminer le changement ?
· quelle solution paraît la plus efficace ?
· cette solution est-elle ou non réalisable ?
· que peut-on faire, le cas échéant, pour qu’elle soit réalisable ?
Le présent chapitre examine les changements à apporter au financement du secteur de l’irrigation et ce qu’il faut modifier pour qu’il soit compatible avec les objectifs du TGI. Tout d’abord il montre comment les politiques et procédures adoptées par le gouvernement pour financer le sous-secteur de l’irrigation peuvent entraver les objectifs du transfert de la gestion. Des solutions sont proposées pour modifier ces politiques et procédures afin d’assurer la cohérence entre le mode de financement du secteur et les buts du TGI.

Comment financer les coûts de l’opération et de l’entretien ?

La plupart des administrateurs et des experts techniques du secteur de l’irrigation conviendront que la principale source de financement permettant de couvrir les coûts de l’opération et de l’entretien du périmètre d’irrigation est le paiement des redevances par les utilisateurs de l’eau. S’ils doivent choisir entre a) recevoir une subvention couvrant entièrement les frais de l’opération et de l’entretien mais obtenir un mauvais service et b) payer le coût de l’opération et de l’entretien mais avoir la maîtrise totale de la fourniture du service, il est probable que la plupart des agriculteurs opteront pour la deuxième solution.

On trouve des témoignages de cela en Inde où les agriculteurs paient pour la location de pompes (un service fiable) des redevances souvent cinq fois plus élevées ou davantage que le prix de l’eau pour l’irrigation de surface (un service non fiable). Il existe plusieurs cas de transfert de la gestion aux Etats-Unis, au Mexique et en Colombie où les agriculteurs payaient les redevances pour l’eau au gouvernement avant le transfert. Ces charges couvraient l’opération et l’entretien ainsi que les frais généraux de l’organisme. Les agriculteurs ont ensuite promu le transfert car ils croyaient pouvoir réduire ainsi les coûts et améliorer la gestion.

La justification du financement total ou quasi-total de l’opération et de l’entretien par le truchement des redevances pour l’eau est simple et largement acceptée: le fournisseur du service se sentira plus responsable vis-à-vis des utilisateurs si sa principale source de revenu dépend de la fourniture d’un service de qualité.

Cependant il n’est pas dit que les coûts de l’irrigation doivent être financés uniquement par les redevances. D’aucuns soutiennent que le gouvernement devrait continuer à subventionner le coût de l’opération et de l’entretien de l’irrigation, notamment s’ils sont élevés et que la rentabilité de l’agriculture est faible. D’autres estiment que les associations d’utilisateurs de l’eau devraient avoir le droit de recourir à des sources de revenu secondaire afin de couvrir elles-mêmes le coût de l’irrigation lorsque le gouvernement a réduit ou aboli les subventions. Il est presque universellement admis que la majorité des coûts de l’irrigation devraient être financés par le paiement des redevances pour l’eau. Mais certains sont de l’avis qu’une subvention partielle, fournie par le gouvernement ou prélevée sur les recettes des associations d’utilisateurs, pourrait encore être nécessaire.

Les subventions du gouvernement sont-elles incompatibles avec les objectifs du transfert de la gestion de l’irrigation ?

La principale question qui se pose est de savoir comment structurer les subventions pour stimuler l’investissement local dans l’infrastructure et encourager l’amélioration de la gestion de l’irrigation. Il est estimé que les subventions devraient être conçues en premier lieu comme un investissement (pour renforcer la productivité locale et consentir au gouvernement des économies dans le long terme) plutôt que comme un don (pour supprimer les coûts artificiellement à des fins politiques ou d’équité).

L’usage impropre des subventions est une menace grave qui peut compromettre le succès du transfert de la gestion de l’irrigation. Il faudrait affronter le problème résolument et le régler au niveau politique. Il peut y avoir des spécialistes compétents et des représentants des agriculteurs qui investissent des capitaux pour garantir la viabilité des périmètres d’irrigation, ou des politiciens qui promeuvent le financement intégral des travaux publics aux dépens de la durabilité locale de l’irrigation.

La subvention conçue comme un investissement permet l’établissement d’une capacité locale qui garantit la viabilité. La subvention conçue comme un don la détruit. Cette dernière n’est assortie d’aucune condition alors que la première impose normalement un investissement local et le respect de normes convenues.

Les promoteurs de la privatisation soutiennent parfois que les subventions sont une dysfonction intrinsèque et devraient être abolies lorsque la gestion passe aux organismes locaux. Notre point de vue est plus modéré. Les subventions octroyées au sous-secteur de l’irrigation pourraient être justifiées lorsqu’il est nécessaire de recourir à une irrigation à forte intensité de capital pour atteindre des objectifs de politique nationale. Après l’étape de développement, les subventions pourraient encore être justifiées dans des zones appauvries où la production agricole n’est pas assez rentable pour financer l’irrigation et où l’irrigation est indispensable pour satisfaire les besoins alimentaires.

Cependant, les subventions sont souvent structurées de façon à faire dépendre les utilisateurs de l’eau du gouvernement et à décourager l’investissement local dans les périmètres d’irrigation. Cette situation se présente lorsque:

· les utilisateurs de l’eau ignorent le montant de la subvention et le coût réel de l’irrigation;

· les subventions ne concordent pas avec les investissements réalisés par les utilisateurs de l’eau;

· les irrigants s’attendent à bénéficier à titre permanent de subventions notamment pour la réparation d’infrastructures détériorées.

Les projets de remise en état qui produisent souvent des sommes substantielles permettent de renflouer les coffres des organismes d’irrigation. Ce sont aussi les outils favoris des politiciens qui s’en servent pour s’assurer l’appui de leurs partisans.

Qu’entend-on par le piège de la remise en état, de la dépendance et de la déterioration ?

Il y quelques années, le directeur d’un organisme national d’irrigation d’un pays asiatique a exprimé son point de vue sur les effets pernicieux des subventions octroyées comme don sur l’entretien et la remise en état. Il a cité l’exemple suivant. Dans un périmètre d’irrigation (A) les agriculteurs ne se soucient pas d’entretenir leur réseau si bien que le gouvernement est souvent obligé d’intervenir pour entreprendre des travaux de réparation et de remise en état. Dans un autre périmètre voisin (B), les agriculteurs sont plus organisés et entretiennent régulièrement leur réseau de sorte qu’ils n’ont jamais besoin de l’aide du gouvernement pour réparer et remettre en état leurs installations. Le directeur relate que les agriculteurs du périmètre B se sont sentis frustrés et se sont plaints au gouvernement. Ils ont demandé: “Pourquoi ces interventions répétées du gouvernement dans le périmètre A où les agriculteurs n’entretiennent pas correctement leur infrastructure ? Pourquoi ne nous aide-t-on pas aussi ?” Il n’a su que répondre. Expliquer que l’aide du gouvernement avait pour objectif de promouvoir l’investissement local paraissait à l’époque une théorie trop radicale.

Dans les projets d’irrigation publics, le financement et les prises de décisions concernant l’entretien relèvent généralement d’un service autre que celui de la remise en état. Les décisions concernant l’investissement dans cette dernière ne sont pas liées directement à celles concernant l’entretien, ni inversement. Au lieu de trouver des compromis entre les deux et de promouvoir les investissements aussi bien à court qu’à long terme, chaque service gouvernemental tend à se soucier de l’accroissement de son propre budget. Mais avec l’expansion rapide des superficies irriguées qui s’est produite dans tout le monde en développement des années 1950 jusqu’aux années 1980, les crédits destinés à l’entretien ne pouvaient satisfaire la demande croissante, et la détérioration s’est généralisée. Entre-temps, les agriculteurs se sont habitués à concevoir l’entretien comme une tâche incombant, dans une large mesure, au gouvernement.

Face à la remise en état, l’attitude conventionnelle a consisté à attendre que la gravité et l’ampleur de la détérioration justifient la mise en oeuvre d’un grand projet de rénovation. Dans ce cas, le gouvernement finance les travaux, fournit les ingénieurs et effectue les réparations avec une participation limitée, voire nulle, des agriculteurs. Les partisans de cette approche soutiennent parfois qu’il pourrait être plus rentable, notamment pour les agriculteurs, d’investir des sommes limitées dans l’entretien régulier de l’infrastructure, et puis de profiter des interventions occasionnelles de remise en état subventionnées par le gouvernement pour restaurer le périmètre et pour le moderniser en fonction de l’évolution sociale et environnementale. Cette approche se justifie de la manière suivante:

· les agriculteurs ne peuvent mobiliser suffisamment de ressources pour réaliser un entretien préventif;

· le gouvernement devrait subventionner le coût de l’irrigation;

· il est plus facile pour le gouvernement d’obtenir des crédits pour des projets spéciaux comme la remise en état que pour l’entretien ordinaire.

Bien que, dans certains cas, un investissement limité dans l’entretien pourrait s’avérer nécessaire, il a lieu bien trop souvent et représente en général une pratique préjudiciable qui nuit à l’autosuffisance des associations d’utilisateurs de l’eau pour les raisons suivantes:
· en attendant les travaux de remise en état, les petits problèmes se transforment en gros problèmes coûteux;

· avant la remise en état, l’efficacité de l’opération et de l’entretien est réduite du fait de la détérioration;

· les ressources des agriculteurs ne sont pas mobilisées et le gouvernement est tenu de supporter de lourdes dépenses;

· la remise en état sans la participation des agriculteurs se solde souvent par des installations inappropriées, trop complexes, inutiles et difficiles à opérer et à maintenir par les agriculteurs;

· une corruption et un gaspillage de grande envergure sont souvent associés aux projets de remise en état;

· les associations d’utilisateurs de l’eau perdent leur motivation et leur capacité à investir dans la durabilité matérielle du périmètre d’irrigation dont ils dépendent mais qu’ils sentent ne pas leur appartenir.

On a invoqué certains arguments économiques pour briser le cercle vicieux de la remise en état, suivie de la dépendance, de la détérioration et de la nouvelle remise en état, le plus fort étant d’ordre organisationnel. Si ce cercle vicieux persiste, le TGI ne saura réaliser son objectif prioritaire qui est d’assurer la viabilité locale des périmètres d’irrigation. Il ne servira pas non plus à alléger le fardeau financier de l’irrigation qui pèse sur le gouvernement, car toute économie réalisée sur les coûts ordinaires d’opération et d’entretien sera sans doute annulée par les coûts de la remise en état qui seront bien plus importants dans le long terme.

Vers une irrigation plus durable a l’aide “d’améliorations progressives de l’infrastructure”

Il est évident qu’il faut une approche autre que celle que nous venons d’analyser sur la remise en état-détérioration si l’on veut réduire les interventions politiques néfastes et assurer la viabilité financière et matérielle des périmètres d’irrigation. La meilleure solution serait d’adopter une approche orientée vers l’amélioration progressive de l’infrastructure plutôt que le modèle typique de la grande remise en état occasionnelle suivie de la détérioration. Ci-dessous figure un exemple d’une approche de remplacement. Elle n’est pas fournie à titre de recommandation universelle mais cherche à stimuler le type de réflexion radicale qui sera nécessaire pour s’attaquer à ce problème complexe et généralisé. Une évaluation probable des efforts nécessaires pour le régler est également donnée.

Une stratégie d’amélioration progressive de l’infrastructure pourrait présenter les caractéristiques suivantes:1

· l’entretien, la remise en état et la modernisation seraient intégrés dans la même plate-forme de planification financière générale;

· les besoins d’amélioration seraient identifiés, recevraient un ordre de priorité et les travaux seraient planifiés en premier lieu par le fournisseur du service de l’eau, puis soumis à l’examen de la commission de l’AUE. Le gouvernement fournirait, dans la mesure du possible, des avis techniques;

· l’AUE pourrait constituer un fonds de réserve moyennant une augmentation des redevances pour l’eau;

· l’AUE aurait accès à tout moment à ce fonds pour réaliser des améliorations de l’infrastructure, quels que soient le montant des dépenses ou l’ampleur des améliorations;

· le gouvernement octroierait une subvention calculée suivant des modalités de partage des coûts afin de stimuler l’entretien préventif;

· le droit à la subvention dépendrait de l’observation par l’agriculteur de normes d’entretien établies et du taux de contribution au fonds de réserve;

· un vérificateur indépendant effectuerait des vérifications techniques et financières des FSE une fois tous les deux ou trois ans, afin de déterminer leur admissibilité au programme de subvention et comme service de soutien à leur gestion technique et financière.

1Le chapitre 11 examine aussi, mais sous un angle plus technique, des arrangements relatifs à l'amélioration de l'infrastructure.
Un tel accord encouragerait les agriculteurs à investir dans l’amélioration progressive de l’infrastructure, avant que s’aggrave la détérioration, afin de réduire au minimum les dépenses pesant sur leur fonds de réserve. Les subventions du gouvernement serviraient aux petites réparations et les modalités de partage des coûts seraient structurées de manière à ce que les agriculteurs n’aient pas intérêt à attendre que deviennent nécessaires de grands projets de remise en état.

Il faudrait que l’AUE dispose d’un fonds de réserve si elle doit prendre en charge les futurs travaux de remise en état et de modernisation. Du fait que les gouvernements sont en train de se désengager du financement du sous-secteur de l’irrigation, les crédits servant aux travaux urgents de réparation ou de remise en état pourraient ne plus être affectés à l’avenir. La constitution d’un fonds de réserve permettrait d’assurer la viabilité à long terme du périmètre après le transfert. Il est donc surprenant que de tels fonds soient relativement rares.

On peut obtenir l’argent nécessaire pour constituer un tel fonds en frappant d’une surcharge la redevance normale pour l’eau, en créant des sources de revenu secondaire ou en prélevant les intérêts sur le compte. Après le transfert, les offices de l’irrigation des projets de l’ex-Bureau de la mise en valeur des terres des Etats-Unis imposent normalement une surcharge servant à la constitution d’un fonds de réserve de l’ordre de 20 à 30% de la redevance pour l’eau afin de couvrir les coûts d’exploitation ordinaires.

ENCADRE 1 - EXEMPLE DE SUBVENTION ORIENTEE VERS L’INVESTISSEMENT EN INDONESIE

Un exemple de subvention visant à stimuler l’investissement local est le projet d’activation de la FAO réalisé en Indonésie à la fin des années 1980 et où la FAO a fourni aux AUE des crédits extérieurs destinés à l’amélioration de l’infrastructure à condition que le gouvernement et l’association investissent chacun un montant égal pour les compléter. L’investissement de l’AUE pouvait consister en main-d’oeuvre et matériels. La FAO et le gouvernement fournissaient en outre une assistance technique et organisationnelle. La moyenne des agriculteurs proposaient d’investir 150% du montant de l’aide fournie de l’extérieur. Dans les zones les plus pauvres, où les agriculteurs dépendaient presque exclusivement de l’agriculture pour leur subsistance et pouvaient fournir de la main-d’oeuvre, ils ont investi jusqu’à 500%, voire davantage, de la valeur de l’aide extérieure. Il en est résulté un accroissement de l’investissement et de la capacité organisationnelle (ou “capital social”) ainsi qu’une amélioration de l’infrastructure.


Les agriculteurs ne sont pas normalement habitués à engager des fonds à long terme pour de objectifs futurs imprécis. Ils hésiteront donc à le faire à moins qu’ils ne reçoivent quelque incitation du gouvernement (en termes de subventions équivalentes). Le gouvernement pourrait aussi être tenu de garantir les dépôts versés dans les fonds de réserve des AUE ou de les protéger par une assurance. Dans les lieux où sévit la corruption, ce système pourrait s’avérer irréalisable et il faudra trouver des systèmes d’épargne plus sûrs.

On devra affronter le problème des réparations urgentes, de la modernisation et de l’extension des réseaux d’irrigation d’une façon quelque peu différente de celui de la remise en état. On pourra par exemple modifier les conditions d’attribution et le montant de la subvention octroyée à ces fins. Quoiqu’il en soit, il est estimé que le règlement de ces questions devra se faire dans le cadre d’un fonds de réserve lié éventuellement à l’octroi d’une subvention orientée vers l’investissement.

Il pourrait y avoir d’autres stratégies pour surmonter le cercle vicieux de la remise en état-dépendance-détérioration-remise en état mais, comme celle décrite plus haut, elles exigeront une forte volonté politique des organismes de prêt et des services du budget et de l’irrigation pour briser ce modèle si fortement ancré d’investissement dans l’infrastructure d’irrigation.

Comment éviter les irrégularités financières

L’analyse ci-dessus montre que le TGI assignera d’importantes nouvelles responsabilités de gestion financière aux AUE et aux FSE. L’expérience enseigne que les irrégularités financières et la corruption sont de graves menaces qui peuvent compromettre le succès du transfert de la gestion de l’irrigation aux AUE. Exception faite d’un minimum de formation en matière de comptabilité, la plupart des programmes de TGI ne prévoient pas l’introduction de mesures garantissant des pratiques financières rigoureuses après le transfert. Il est estimé que cet aspect mérite une attention soutenue et impose l’organisation de vérifications financières périodiques et un soutien consultatif du gouvernement après le TGI. Ci-dessous figurent des exemples de mesures qui pourraient être prises pour éviter qu’aient lieu des irrégularités financières au sein des AUE après le TGI:

· Il faudra dispenser, le cas échéant, une formation en matière de pratiques financières convenues au trésorier de l’AUE et au directeur financier du FSE. En outre, une formation en matière de comptabilité pourrait être fournie à tous les directeurs des AUE et au personnel administratif du FSE.

· Les transactions financières ne devraient se faire qu’en présence d’au moins deux témoins autorisés et un compte rendu de la transaction devra être rédigé.

· Les agriculteurs devront pouvoir inspecter les registres financiers du FSE.

· La détermination du niveau des redevances pour l’eau devra être fondée sur une base clairement définie (telle qu’un budget fixé en fonction des besoins).

· Le montant des redevances à recouvrer devrait être calculé en fonction d’un niveau connu et mesurable de service, comme le volume de l’eau livrée, la zone desservie ou le nombre d’arrosages.

· Un expert-comptable indépendant pourrait examiner périodiquement la comptabilité du FSE.

· Il faudrait éviter l’instauration de relations sociales entre le trésorier de l’AUE et le directeur financier du FSE.

· Le trésorier de l’AUE devrait être remplacé périodiquement.

CHAPITRE 5 - DÉTERMINER LES SERVICES À TRANSFÉRER


A quel niveau hydraulique la gestion devrait-elle être transférée ?
Quels sont les services de base et de soutien qu’il faudra transférer ?
Quels nouveaux services éventuels l’AUE devrait-elle fournir ?

RÉSUMÉ

Dès le début du processus de planification, les planificateurs et les parties intéressées devront déterminer quels services de gestion devront être transférés. Cette question se compose de trois éléments: 1) Quels sont les services qu’il faudra transférer ? 2) Quels sont les services que devra retenir le gouvernement ? 3) Quels nouveaux services faudra-t-il fournir ? Le présent chapitre fournit quelques orientations pour répondre à ces questions stratégiques.

On pourra transférer la gestion de la totalité du périmètre d’irrigation ou de certains niveaux seulement. Un périmètre peut être géré par de multiples organisations. Les périmètres d’irrigation dits “à gestion conjointe” en sont un exemple; l’organisme public gère les canaux principaux et secondaires, les associations d’agriculteurs se chargeant des canaux tertiaires et des canaux au champ.

Les périmètres d’irrigation sous gestion locale ont montré qu’ils comprennent quatre fonctions fondamentales et indissociables qui devraient être prises en charge par le fournisseur du service de l’eau, à savoir l’opération, l’entretien, le financement et le règlement des différends.

Le service à transférer devra être défini clairement afin qu’il soit mesurable et compris par le fournisseur du service et l’utilisateur de l’eau. Le principal service de l’eau est la livraison et/ou l’évacuation de l’eau. La définition du service pourrait aussi inclure des objectifs concernant la qualité de l’eau, l’utilisation domestique de l’eau, etc.

Parfois les AUE deviennent multifonctionnelles lorsqu’elles opèrent à petite échelle. Pour les grands périmètres, le milieu plus complexe où se réalise la gestion pourrait imposer qu’un organisme se consacre aux services de l’eau alors que d’autres s’occupent de services agricoles. Grâce à une planification stratégique efficace, le TGI peut représenter une excellente occasion de moderniser la portée et les objectifs du service de l’eau, outre le transfert de la responsabilité de la fourniture du service.


L’examen des défauts de performance de la gestion de l’irrigation effectué plus haut devrait permettre aux planificateurs de se faire une idée réaliste des principaux problèmes de gestion qui se posent et de savoir à quels niveaux de la gestion de l’eau ils se manifestent. Le pas suivant consiste à déterminer:

· les services à transférer;
· les services qui devront rester sous le contrôle des organismes publics;
· les nouveaux services à fournir.
Ces questions sont examinées ci-dessous.

A quel niveau hydraulique la gestion devrait-elle être transférée ?

Les principales questions qu’il faut se poser avant d’établir le niveau hydraulique auquel la gestion devra être transférée sont les suivantes:

· A quel niveau hydraulique la zone desservie est-elle si étendue et les problèmes environnementaux, techniques et politiques si complexes que seul le gouvernement pourrait s’en charger ?

· Jusqu’à quel niveau minimal le gouvernement est-il à même de fournir un service acceptable ?

· Quels niveaux sont si étroitement interconnectés qu’il serait préjudiciable d’en répartir la gestion entre différents organismes ?

· Jusqu’à quel niveau le système peut-il être géré par un fournisseur de service privé qui serait responsable aussi bien envers les utilisateurs de l’eau qu’envers le gouvernement ?

FIGURE 2 - Fonctions du service de l’eau aux niveaux du bassin et du périmètre

TABLEAU 3 - Fonctions de service et interfaces hydrauliques

Interface hydraulique

Types de structures

Fonction du service de l’eau

Du bassin fluvial au périmètre d’irrigation

Déversoir, pompe, prise d’eau

Acquisition de l’eau

Des canaux principaux aux canaux secondaires

Déversoirs, vannes et régulateurs transversaux

Transport

Du canal tertiaire au canal au champ

Prises d’eau fixes, vannes

Livraison

Des champs au système de drainage

Drains ouverts ou en poterie

Evacuation


L’eau peut être gérée au niveau du bassin fluvial et du réseau de canaux principaux, secondaires et tertiaires d’un périmètre d’irrigation, le long des canaux au champ et dans le réseau de drainage. La figure 2 indique les fonctions de service de la gestion à différents niveaux hydrauliques, à savoir du bassin fluvial aux drains. Il faudra définir bien clairement les services à fournir à chaque interface entre les niveaux hydrauliques. L’interface entre un niveau et un autre est l’endroit où une organisation en amont fournit un service au niveau en aval le plus proche, et ainsi de suite, des niveaux supérieurs aux niveaux inférieurs. Le tableau 3 donne des exemples des structures et fonctions qui peuvent être rencontrées à ces interfaces.

Une organisation peut être chargée de fournir un service de l’eau d’un niveau à un autre, ou même à travers différents niveaux. L’interface entre deux niveaux est l’endroit où devrait être établie la limite entre deux organisations. Les planificateurs devront être au courant de la façon dont les niveaux sont interconnectés. On ne peut partir de l’hypothèse qu’un mauvais rendement à un niveau donné est nécessairement en premier lieu le résultat d’une mauvaise gestion à ce niveau. Il serait logique de penser que c’est aux niveaux supérieurs que la gestion est inadéquate. Les planificateurs devront identifier les niveaux auxquels surviennent des problèmes de gestion et les niveaux où leurs effets se font sentir. Ils pourront alors déterminer à quel niveau devrait avoir lieu le transfert et quelle devrait être l’interface, ou frontière, entre l’organisme public et le fournisseur local du service de l’eau. La “zone desservie” est la superficie irriguée et drainée qui bénéficie d’un service à un niveau hydraulique donné (la zone desservie par un canal secondaire, par exemple).

On peut transférer la gestion de l’ensemble d’un périmètre d’irrigation ou de certains niveaux seulement. Un périmètre peut être géré par de multiples organisations. Les périmètres dits “à gestion conjointe” en sont un exemple; l’organisme public prend en charge les canaux principaux et secondaires alors que les associations d’agriculteurs se chargent des canaux tertiaires et des canaux au champ.

La gestion conjointe (entre le gouvernement et les associations d’agriculteurs) est l’approche adoptée par certains Etats de l’Inde et par le Sri Lanka et l’Indonésie, où un organisme public et des organisations d’agriculteurs sont responsables de la gestion de différents niveaux d’un périmètre d’irrigation. D’importantes décisions concernant, par exemple, le choix des cultures ou l’irrigation par rotation sont prises en principe conjointement par les fonctionnaires du gouvernement et des représentants des agriculteurs. Dans les périmètres moyens à grands au Sri Lanka, des “comités de gestion conjointe” se réunissent aux niveaux des canaux tertiaires et principaux pour prendre d’importantes décisions concernant la gestion. Dans les grands périmètres d’irrigation du Mexique, le gouvernement gère normalement la prise d’eau et le canal principal alors que les associations d’utilisateurs de l’eau se chargent des canaux tertiaires et des canaux au champ. Des représentants des deux groupes assurent la liaison entre les niveaux principaux et de distribution.

On trouve un autre exemple de gestion conjointe dans la plaine de la Chine septentrionale, où les offices de l’irrigation s’accordent pour livrer des quantités désignées d’eau jusqu’aux prises d’eau à partir des canaux principaux ou tertiaires. La responsabilité de la gestion de l’eau, de l’entretien et du choix des cultures au-dessous des prises d’eau incombe aux utilisateurs ou aux villages.

Quels sont les services de base et de soutien qu’il faudra transférer ?

L’expérience tirée des périmètres d’irrigation très résistants gérés localement enseigne qu’il existe quatre fonctions de base indissociables dont devra s’acquitter l’organisme chargé de la fourniture du service de l’eau.

La première fonction est l’opération. Elle comprend les tâches suivantes:

· mesure des besoins et de l’approvisionnement en eau;

· transport et distribution de l’eau

· distribution des faibles volumes d’eau disponibles pendant les périodes de stress hydrique;

· application de l’eau au champ et drainage des excédents, recyclage ou évacuation éventuels;

La deuxième fonction est l’entretien qui devrait, selon l’avis des experts, se fonder sur les besoins et contraintes opérationnels. C’est pourquoi, l’organisme chargé de l’opération devrait aussi s’occuper de l’entretien.

La troisième fonction est le financement. L’expérience enseigne qu’une organisation ne sera suffisamment motivée pour être efficace et responsable vis-à-vis de ses clients que si elle peut pourvoir à son propre financement en recourant en totalité ou pour une large part aux redevances pour l’eau versées par les utilisateurs. Cela ne veut pas dire que l’octroi d’une subvention affaiblirait le FSE mais plutôt que le financement extérieur ne devrait pas être sa principale source de revenu.

La quatrième fonction, qui paraît être indissociable du service de base, est le règlement des différends. Des organismes d’irrigation locaux performants et viables doivent pouvoir disposer de l’autorité, des mécanismes de règlement des différends et des sanctions nécessaires pour trancher rapidement les litiges relatifs à l’eau ou à des questions apparentées. Ce n’est que dans des cas exceptionnels qu’ils devraient faire appel à une autorité de niveau plus élevé.

Ces quatre fonctions sont à la base du service de l’eau. D’autres fonctions de soutien tels que la fourniture d’intrants agricoles, la réglementation du choix des cultures, la mobilisation de sources supplémentaires de revenu et la transformation des produits agricoles peuvent également faire partie des responsabilités du fournisseur de services. Les avantages et les désavantages d’assigner ces fonctions secondaires seront examinés dans la section qui suit.

Les services à transférer devront être énoncés clairement pour qu’ils soient mesurables (autant que possible) et bien compris par le fournisseur du service et l’utilisateur de l’eau. Encore qu’évidente, cette mesure est rarement appliquée en pratique par les organismes publics (qui tendent à se concentrer davantage sur les procédures administratives que sur les résultats) ou par les organisations d’agriculteurs (qui sont rarement habituées à définir des objectifs explicites). Du fait que le TGI a pour but d’améliorer la responsabilité, il est impératif que le service de l’eau envisagé soit clairement défini préalablement au transfert.

En ce qui concerne la fourniture de l’eau, une définition claire du service de base devrait comprendre les éléments fondamentaux suivants:

· de quel endroit à quel endroit;
· dans quelles proportions (volume ou pourcentage);
· pendant combien de temps.
l’eau sera-t-elle fournie et/ou évacuée.

La délimitation de la zone desservie et le groupe d’utilisateurs de l’eau devront aussi être définis. Cette exigence s’imposera notamment lorsque des “usurpateurs” non compris initialement dans la zone envisagée, ou des utilisateurs indirects de l’eau (comme les utilisateurs des forages) font partie de la nouvelle zone desservie après le transfert.

Dans la définition des services pourraient également figurer des objectifs comme le contrôle de la qualité de l’eau, l’utilisation de l’eau à des fins domestiques, etc. Après avoir défini le service de base, les planificateurs devront identifier les principales fonctions de service qui ne peuvent être dissociées du service de base et dont devra s’acquitter le même organisme.

Le fournisseur de services peut être l’association des utilisateurs (par le biais de ses propres membres) ou un FSE sous-traité. En pratique, le FSE consiste souvent en quelques experts et techniciens engagés aux fins d’entreprendre les services de base décrits précédemment.

Quels nouveaux services éventuels l’AUE devrait-elle fournir ?

Il existe de nombreuses fonctions de soutien secondaires dont pourrait s’acquitter ou non directement le FSE sous la surveillance de son AUE. Parfois, de nouvelles organisations établies après le transfert prennent en charge ces fonctions secondaires. Voici quelques exemples:

· fourniture d’intrants agricoles, y compris de crédits;
· réglementation du choix des cultures et établissement des dates des semis;
· mobilisation de sources supplémentaires de revenu;
· transformation et commercialisation des produits agricoles,
· gestion des terres et du sol.
Le FSE pourrait décider de se charger de ces fonctions secondaires pour les raisons suivantes:
· il ne peut améliorer suffisamment la productivité ou la rentabilité de l’agriculture irriguée s’il ne contribue pas aussi à son amélioration;

· il ne peut obtenir suffisamment de crédits pour couvrir le coût de l’irrigation s’il ne tire pas des revenus de sources secondaires;

· il ne peut obtenir suffisamment d’appui de ses membres ni stimuler leur loyauté et leur intérêt s’il ne les incite pas à entreprendre de nouvelles activités qui accroissent les avantages qu’ils tireront de l’organisation;

· il n’existe aucune autre organisation qui puisse remplir efficacement les fonctions secondaires.

Le FSE pourrait refuser de remplir les fonctions secondaires pour les raisons suivantes:
· des règlements l’empêchent de s’en charger;

· d’autres organisations peuvent les remplir de manière adéquate.

· le FSE peut obtenir suffisamment de crédits sans faire appel à des sources secondaires de revenu;

· le FSE ne peut prendre en charge et contrôler les fonctions primaires de manière adéquate s’il se consacre aussi à des fonctions secondaires.

Les expériences de plusieurs pays d’Asie et d’Amérique latine montrent que les AUE deviennent souvent multifonctionnelles lorsqu’elles opèrent à petite échelle, ce qui est rarement le cas lorsque les zones desservies par l’irrigation sont plus étendues. Dans les grands périmètres, le milieu plus complexe où opère la gestion pourrait imposer qu’une organisation se consacre qu’au service de l’eau alors que d’autres organisations se chargent des services agricoles. Les grands périmètres disposeront des moyens nécessaires pour permettre la spécialisation nécessaire aux différentes fonctions de service.

Aujourd’hui, les organisations de gestion de l’irrigation font de manière croissante l’objet d’une importante évolution qui pourrait déterminer un changement radical dans la façon dont les périmètres d’irrigation sont gérés après le transfert. Dans de nombreux pays en développement, la grande majorité des périmètres d’irrigation publics avait été conçue et construite à l’origine dans le seul but de livrer ou d’évacuer l’eau pour l’agriculture. Au cours des trois dernières décennies, l’accroissement de la population, la diversification de l’économie et les pénuries croissantes d’eau ont souvent forcé les populations à exploiter l’eau des périmètres d’irrigation pour de multiples fins, y compris la lessive, le bain, l’élevage, les loisirs, l’industrie, la production d’énergie, voire l’eau potable.

Lorsque les périmètres d’irrigation sont exploités pour un si grand nombre d’usages, les nouveaux FSE pourraient devoir redéfinir les fonctions du service de l’eau afin d’incorporer ces multiples services dans leur système officiel de gestion. Ces exigences ne peuvent être ignorées et l’AUE devra s’organiser pour représenter les besoins du nombre croissant de ses membres. Il pourrait en résulter que les femmes qui utilisent l’eau pour les usages domestiques et d’autres objectifs, les éleveurs de bétail, les utilisateurs industriels, etc., devront être représentés dans l’organisation. Grâce à une planification stratégique efficace, le TGI pourrait être une excellente occasion de moderniser la portée et les objectifs du service de l’eau.

CHAPITRE 6 - RÉSOUDRE LE PROBLÈME DE LA RESPONSABILITÉ PAR LA RÉFORME ORGANISATIONNELLE


Pourquoi est-il important de faire la distinction entre la direction et la gestion ?
A quels types d’organisations pourrait appartenir le fournisseur de services ?
Quelle est la structure qui permet de responsabiliser le mieux les organismes d’irrigation ?

RÉSUMÉ

Le présent chapitre se consacre au choix des types d’organisations de l’eau pouvant assumer la gestion après le transfert et à la manière de les responsabiliser vis-à-vis des utilisateurs. Les organismes d’irrigation devront rendre compte de leurs actions aux utilisateurs pour assurer que les politiques et les pratiques de gestion du périmètre d’irrigation soient compatibles avec les aspirations de l’ensemble de ces utilisateurs. Pour ce faire il faudra recourir à des incitations, des accords contractuels, des compensations et des sanctions, imposer la transparence dans les procédures et appliquer des politiques du personnel.

Six modèles fondamentaux d’organisations non gouvernementales utilisés pour la gestion des périmètres d’irrigation existent dans le monde. Ces organisations sont les suivantes: associations intégrées d’utilisateurs de l’eau, entreprises publiques, administrations locales, offices de l’irrigation, mutuelles et compagnies privées. Chaque modèle a un moyen distinct d’agencer les quatre fonctions de service de la gestion: déterminer en quoi devrait consister le service, réglementer le service, fournir le service et rémunérer le service. La manière dont ces relations sont structurées établira qui est responsable envers qui et pour quels services.

Le TGI ne veut pas dire que les agriculteurs doivent mettre en oeuvre le service eux-mêmes. Bien qu’il puissent exercer une certaine autorité sur la gestion de l’eau, ils peuvent aussi engager du personnel technique compétent ou passer un marché avec une organisation (fournisseur du service de l’eau) qui a les compétences nécessaires pour fournir ce service.

Les cinq méthodes fondamentales permettant de responsabiliser l’organisation sont les suivantes: contrôle hiérarchique intérieur (par des règles, des politiques du personnel, des incitations); réglementation centrale (par la politique du gouvernement, sa mise en application et son suivi); concurrence (entre les fournisseurs du service); interdépendance des organisations (paiement pour obtenir un service) et accords de propriété commune (ou des collectivités détiennent le droit de gérer les ressources).


L’absence de responsabilité au niveau de la direction est l’une des raisons fondamentales qui incitent les décideurs à transférer la gestion de l’irrigation des organismes publics aux organismes locaux. Les organismes publics financés au niveau central dont le personnel est mal payé et les budgets d’opération et d’entretien sont inadéquats n’ont ni les moyens ni les incitations ni la responsabilité nécessaires pour être efficaces. Les utilisateurs de l’eau rémunèrent de mauvaise grâce des services inexistants ou mal fournis.

L’un des principes de base de la science de la gestion que l’on tend à oublier dans la formulation des stratégies est le suivant:

Une organisation incapable de respecter des normes d’efficacité convenues n’aura jamais la volonté nécessaire pour imposer des mécanismes intérieurs de responsabilité performants.
Il est essentiel que les organisations d’irrigation soient responsables envers les utilisateurs de l’eau. Nous entendons par responsable la capacité d’une organisation, ou d’organisations interconnectées, de faire en sorte que les politiques et les pratiques de gestion du périmètre d’irrigation concordent avec les aspirations de la collectivité dirigeante des utilisateurs de l’eau. Le principal défi qu’il faudra relever au moment d’élaborer un programme de TGI sera d’établir des organisations qui seront responsables envers les utilisateurs après le transfert. Pour ce faire seront nécessaires une intense réflexion créatrice, des séances de brainstorming, des débats constructifs, des expérimentations et des négociations auxquels participent toutes les parties intéressées.

Pourquoi est-il important de faire la distinction entre la direction et la gestion ?

L’organisation qui élit des représentants et établit des statuts, des règlements et des politiques est normalement considérée comme l’organe directeur. Il s’agira normalement d’une association d’utilisateurs de l’eau dotée d’un conseil d’administration élu. Cependant, l’organisation qui fournit effectivement le service de l’eau (opération, entretien, financement) peut être appelée le fournisseur du service de l’eau (FSE). Il pourrait s’agir d’une organisation autre que l’organe directeur.

Dans le monde des affaires, des systèmes de direction plus complexes prévoient généralement la séparation de l’organe responsable de la direction (conseil d’administration élu par les actionnaires) de l’organe responsable de la gestion (fournisseur de services spécialisés, par exemple). Les périmètres d’irrigation moyens à grands gérés par des associations d’utilisateurs de l’eau dans les pays développés tendent à faire cette séparation entre la direction et la gestion. Les planificateurs devraient en tenir compte au lieu de supposer qu’il suffit de créer une association d’utilisateurs pour qu’elle assume directement aussi bien les fonctions de direction que de gestion.

Les fonctionnaires sont parfois contraires au TGI sous prétexte que les agriculteurs n’ont pas les compétences nécessaires pour gérer de grands réseaux de canaux. Le TGI ne signifie pas nécessairement que la mise en oeuvre du service doit relever des agriculteurs. Bien que ces derniers puissent arriver à exercer une certaine autorité sur la gestion de l’eau à un niveau donné, ils pourront aussi engager du personnel technique compétent, voire des ingénieurs, ou passer un marché avec une organisation capable de fournir le service. Des agriculteurs occupés pourraient être contents de diriger par le truchement de représentants qui définissent le service de l’eau, établissent les politiques et surveillent la gestion. Ils pourraient préférer élire un conseil qui à son tour engagerait du personnel technique spécialisé chargé d’appliquer les politiques de l’AUE ou de confier à une société la responsabilité du service.

Le défi fondamental est la responsabilité: offrir aux organismes chargés du service de l’eau des incitations, exiger la transparence dans les opérations et prévoir des sanctions afin qu’ils agissent conformément à des normes établies par un organe directeur élu par les utilisateurs de l’eau.

A quels types d’organisations pourrait appartenir le fournisseur de services ?

Toutes les organisations ne sont pas capables d’affronter les différents niveaux de complexité de la gestion. Cette capacité est déterminée en premier lieu par la portée de l’autorité de l’organisation, son mode de financement, les incitations qu’elle peut offrir et ses mécanismes de contrôle. Il existe six modèles fondamentaux d’organisations non gouvernementales utilisés pour la gestion de l’irrigation dans le monde, à savoir:

· Les associations intégrée d’utilisateurs de l’eau
· Les entreprises publiques
· Les administrations locales
· Les offices de l’irrigation
· Les mutuelles
· Les sociétés privées
Le tableau 4 résume les caractéristiques de ces différents types d’organisations. Il s’agit de tendances et les caractéristiques ne sont pas universelles.

Les AUE intégrées sont des groupes d’utilisateurs de l’eau qui assument les fonctions à la fois de direction et de gestion. Ce sont généralement des coopératives d’utilisateurs de l’eau. En Asie et en Afrique, leurs membres tendent à remplir directement des fonctions de direction et de gestion, si bien qu’elles conviennent très bien aux petits périmètres ou secteurs d’irrigation où la gestion est relativement simple et non intensive. Les membres d’une AUE comprennent normalement tous les propriétaire fonciers ou les agriculteurs qui bénéficient des services d’irrigation. Les petites AUE tendent à être des organismes semi-officiels ou politiquement faibles qui n’ont pas l’autorité nécessaire pour appliquer des sanctions fortes ou pour mettre en application les règlements. La tenue des livres et la gestion sont souvent prises en charge par des représentants élus des agriculteurs dont la contribution ne fait l’objet normalement que d’une faible rétribution officielle. Les AUE souffrent souvent de faiblesse face à des entreprises publiques fortes, à des administrations villageoises puissantes et à l’absence de droits d’eau officiels.

TABLEAU 4 - Modèles d’organisations utilisées pour gérer le service de l’eau

Type d’organisation

Direction

Source de financement

Capacité de gestion

Entreprises publiques

· Conseil d’administration
· Formé de directeurs d’agences d’exécution et de gouvernements régionaux
· Fortement réglementé

· Redevances pour l’eau principalement et quelques subventions éventuelles.

· Spécialisée
· Capable d’entreprendre des tâches complexes et de grande envergure

Administrations locales

· Responsable vis-à-vis des administrations locales ou de l’Etat.

· Impôts fonciers et autres revenus de l’administration locale.

· Limitée en raison de la multiplicité de ses rôles, peut compter sur des accords de sous-traitance

Offices de l’irrigation

· L’AUE élit un conseil d’administration
· Faible supervision du gouvernement

· Redevances pour l’eau, revenu secondaire
· Subventions éventuelles

· Modérée à complexe
· Peut gérer des périmètres moyens à grands avec une assistance technique

Mutuelles

· Les actionnaires détenteurs de droits relatifs à la terre et à l’eau élisent un conseil d’administration
· Réglementation limitée du gouvernement

· Redevances pour l’eau,
· Revenu secondaire, pourrait être une société à but lucratif

· Adaptée en général aux périmètres de dimension limitée à modérée

Sociétés privées

· Propriétaires ou actionnaires
· Faible réglementation de la part du gouvernement

· Redevances pour l’eau ou autres gains commerciaux

· Proportionnelle aux avoirs de la société

Associations d’utilisateurs de l’eau

· Représentants élus par les membres

· Redevances pour l’eau ou impôts fonciers

· Limitée lorsque les utilisateurs peuvent assumer directement la gestion


Cependant, les experts techniques estiment souvent que l’AUE est la seule alternative à la gestion publique. Elle est parfois recommandée dans des milieux inappropriés comme les grandes zones de service où l’environnement de la gestion est complexe. La corruption, l’appropriation du contrôle par les élites locales et les conflits qui éclatent entre factions en lutte sont des problèmes qui peuvent écraser une association modeste. En formulant des politiques de TGI, il faudrait tenir compte d’autres types d’organisations et peut-être les mettre à l’essai, notamment pour des zones de service plus étendues et plus complexes. D’autres solutions seront examinés plus loin dans ce chapitre.

Cependant, en Amérique latine, notamment pour les périmètres d’irrigation couvrant plus de 5 000 hectares, les AUE font souvent office d’organe directeur des utilisateurs de l’eau, alors que le service de l’irrigation est fourni par un personnel spécialisé engagé et surveillé par le conseil d’administration élu de l’AUE.

Entreprises publiques. Les entreprises publiques sont normalement autofinancées et chargées par le gouvernement de fournir en monopole un service de l’eau dans une unité administrative donnée, telle qu’une région ou un bassin fluvial. Normalement, elles sont établies par le gouvernement et ne sont pas responsables envers les utilisateurs de l’eau comme les offices constitués localement ou les mutuelles.

Administrations locales. Les administrations locales telles que les villages ou les municipalités gèrent quelquefois des périmètres d’irrigation. C’est souvent le cas des petits périmètres ou secteurs d’irrigation faisant partie de réseaux plus étendus où il n’existe pas d’organisation locale viable en dehors des villages ou des villes. On en trouve des exemples dans le monde entier. Les faiblesses de ce modèle résident dans le fait que les réseaux d’irrigation franchissent souvent les limites administratives et les administrations locales sont parfois distraites de la gestion de l’eau par d’autres intérêts.

Offices de l’irrigation. L’office de l’irrigation est normalement une sorte d’organisation publique à fonction spécifique, ou une “semi- municipalité”. Il jouit de certains privilèges et exemptions dont sont exclues les autres organisations du secteur privé. En général, un conseil d’administration engage un directeur général et des spécialistes à temps plein comme employés pour gérer le périmètre.

Mutuelle. Une mutuelle d’irrigation est normalement une société à responsabilité limitée établie moyennant des actions du périmètre d’irrigation qui appartiennent aux propriétaires fonciers utilisateurs de l’eau. En général, les cours des actions sont basés sur l’évaluation des avoirs du périmètre d’irrigation appartenant aux membres. Des experts pourraient être recrutés pour gérer le périmètre. Les mutuelles se rencontrent le plus souvent dans les périmètres d’irrigation établis, pour une large part, grâce au financement des agriculteurs ou du secteur privé. La Chine a adopté à l’heure actuelle un modèle semblable dans des zones pilotes des provinces de Shandong et Hunan, bien qu’en Chine la “propriété” équivaut à un bail emphytéotique. Ce modèle tend à fonctionner le mieux dans les économies commercialisés où la gestion dépend davantage de l’investissement que des subventions du gouvernement.

Sociétés privées. Dans le cas de plantations ou de grandes exploitations administrées par des sociétés privées, les périmètres d’irrigation sont parfois opérés par une société privée qui gère la production agricole dans une zone irriguée. La gestion de l’irrigation par des organisations sous-traitantes se fait lorsque l’organe directeur passe un marché avec un tiers pour une période de temps limitée en vue de gérer un périmètre d’irrigation. En Chine, les administrations villageoises ou les bureaux de conservation de l’eau passent des contrats à court terme avec des “équipes d’experts en gestion de l’irrigation” pour qu’ils se chargent de la gestion de secteurs du périmètre d’irrigation. Ce système impose la disponibilité de fournisseurs de services multiples et s’adapte le mieux aux tâches de gestion qui n’exigent pas une longue période d’apprentissage.

Quelle est la structure qui permet de responsabiliser le mieux les organismes d’irrigation ?

On peut responsabiliser le personnel des organisations d’irrigation par des politiques du personnel, des incitations, des accords contractuels, des compensations et des sanctions. Le personnel des organismes publics financés centralement se caractérise souvent par un très faible niveau de responsabilité. Des dispositions officielles peuvent interdire l’attribution de primes ou de pénalités en fonction du rendement. En revanche, les organisations du secteur privé sont souvent libres de recruter ou de licencier, d’engager du personnel sur la base de contrats renouvelables et d’inclure dans les contrats des clauses prévoyant l’attribution de primes et de pénalités proportionnelles au rendement. La capacité d’une organisation de responsabiliser son personnel dépend en partie de ces mécanismes internes mais - ce qui est plus important - elle est également influencée par des forces extérieures à l’organisation qui lui imposent le respect des normes d’efficacité établies.

Ci-dessous figurent les cinq méthodes fondamentales qui permettent de responsabiliser une organisation:

· Contrôle intérieur par voie hiérarchique
· Réglementation centrale
· Concurrence
· Interdépendance des organisations
· Accords de propriété commune.
Contrôle intérieur par voie hiérarchique. Il s’agit de la supervision d’un personnel subalterne par des directeurs de niveau plus élevé au sein d’une organisation. Cette forme de contrôle convient le mieux aux organisations à multiples niveaux où la circulation de l’information est relativement complète, mais où les tâches de gestion sont plutôt normalisées. Une telle situation se rencontre rarement aux niveaux local ou opérationnel. L’eau est une ressource “fuyante” et en écoulement permanent. L’information la concernant est souvent incomplète et inexacte, et ces imprécisions peuvent avoir un effet marqué sur la performance. Le personnel subalterne est souvent forcé de prendre des initiatives au niveau du terrain mais elles échappent au contrôle de ses supérieurs.

Réglementation centrale. Les organisations sont rendues responsables par des règlements imposés par une autorité gouvernementale centrale. La réglementation est particulièrement importante pour les questions juridiques, politiques ou concernant la sécurité, ou lorsqu’existent des monopoles naturels, comme dans le cas de la fourniture d’énergie. Les vérifications financières et techniques des organisations de gestion de l’irrigation sont une forme de règlement. En cas d’inefficacité, les gouvernements tentent parfois d’appliquer une réglementation centrale comme celle interdisant le rabattement du niveau de la couche aquifère.

Concurrence. En l’absence de monopoles, lorsqu’existe un champ d’action où peut s’exercer une concurrence raisonnablement équitable et quand les inefficacités temporaires ne produisent pas d’effets dévastateurs, la concurrence entre les fournisseurs de services est souvent un bon moyen d’améliorer les services et de promouvoir l’efficacité. On peut susciter la concurrence dans les périmètres d’irrigation en sous-traitant des services à diverses organisations. Les sous-traitants devront fournir un service acceptable pour mériter la prolongation de leur contrat ou en obtenir de nouveaux.

FIGURE 3 - Les relations de service dans la gestion de l’irrigation

Interdépendance. L’interdépendance des organisations promeut la responsabilité réciproque. Normalement, un service de l’eau est fourni en aval alors que l’allocation des crédits a lieu en amont. L’interdépendance comporte un équilibre de pouvoir approximatif, c’est-à-dire qu’aucune organisation ne peut dominer l’autre. Chaque organisation tire son revenu de la fourniture à une autre d’un service acceptable.

Un exemple fréquent de cette situation est la vente de l’eau au mètre cube aux organisations d’utilisateurs, comme dans le cas du Mexique, de la Turquie et de la Chine. Le besoin de revenu du fournisseur de l’eau le rend responsable vis-à-vis des AUE qui achètent l’eau.

Accords de propriété commune. Les utilisateurs locaux d’une ressource pourraient se grouper pour établir des droits de propriété et régir l’exploitation de la ressource. Cette pratique a été appliquée pendant des siècles à la gestion des périmètres d’irrigation, des forêts, des terres agricoles communautaires, des pâturages et des pêcheries. Il s’agit normalement d’organisations locales de taille relativement limitée qui établissent leurs propres systèmes de droits, règles et sanctions et font appel à la pression sociale et à des institutions locales pour régler leurs différends. Les périmètres d’irrigation traditionnels gérés par les agriculteurs fournissent d’intéressants enseignements sur la façon dont les réformes de la gestion contemporaines pourraient profiter des principes d’organisation appliqués aux niveaux des canaux tertiaires et du cours d’eau, à savoir les conditions d’adhésion, les principes d’allocation de l’eau, les pratiques de distribution de l’eau, la façon de mobiliser les ressources, les sanctions, le règlement des différends, etc. Mais il ne faut pas oublier que des droits de propriété clairs assurant l’accès à l’eau ont représenté l’un des principaux facteurs de succès. Recourir à nouveau à des pratiques de gestion traditionnelles pourrait se solder par un échec en l’absence de droits d’eau clairement définis dans les périmètres modernes où se réalise le TGI.

La gestion de l’eau est organisée suivant quatre relations de service fondamentales:

· Qui définit et régit le service ?
· Qui réglemente le service ?
· Qui fournit le service ?
· Qui paie pour le service ?
La manière dont ces relations sont agencées déterminera les responsabilités réciproques et vis-à-vis de quels services. A la figure 3 figurent cinq modèles fondamentaux de relations de service. Le premier modèle décrit la situation où un organisme d’exécution public financé au niveau central fournit aux utilisateurs le service de l’eau. Dans ce cas, c’est l’organisme qui définit normalement le service. Du moment que ce dernier est établi et fourni par le gouvernement aux utilisateurs, avec une rétribution négligeable ou nulle de leur part, la responsabilité vis-à-vis de sa qualité et de ses résultats est pratiquement nulle.

Le modèle 2 décrit une entreprise publique à peu près autofinancée. Bien qu’il appartienne au gouvernement de définir et de réglementer le service, les revenus de l’organisme de gestion dépendent pour une large part des redevances pour l’eau. Cette situation encourage la responsabilité de cet organisme vis-à-vis des utilisateurs car un agriculteur n’acceptera pas normalement de payer pour un service dont il n’est pas satisfait. Le modèle 3 ne différé du précédent que par l’ampleur de son autonomie financière. Dans ce cas ce sont les trois parties en jeu qui définissent le service: le gouvernement par des contraintes réglementaires, les agriculteurs moyennant des accords et des contrats et l’organisme de gestion qui fournit le service au titre d’accords opérationnels.

Le modèle 4 décrit le cas de la gestion prise en charge par un organisme parrainé par un groupe d’utilisateurs de l’eau. Ici, les utilisateurs définissent et rétribuent le service et l’organisme le fournit. Ce cas offre de grandes possibilités de responsabilité au niveau de la direction, suivant le statut juridique de l’organisation d’utilisateurs et la mesure dans laquelle les représentants de ces derniers sont responsables vis-à-vis d’eux. Le modèle 5 est une version simplifiée du modèle 4 où les utilisateurs définissent, mettent en oeuvre et financent eux-mêmes directement le service. C’est le cas typique des petites AUE qui assument directement les fonctions tant de direction que de gestion.

CHAPITRE 7 - APPORTER LES CHANGEMENTS JURIDIQUES NÉCESSAIRES


Pourquoi est-il important que le TGI soit total ?
Quels types de changements juridiques pourraient être nécessaires ?
Quelles sont les options juridiques disponibles pour une politique de transfert ?
Quelle est la législation apte à favoriser les associations d’utilisateurs de l’eau ?
Quels sont les documents servant à l’établissement de l’AUE ?
De quels changements devront faire l’objet les droits d’usage de l’eau ?
Est-il nécessaire de transférer la propriété de l’infrastructure d’irrigation ?
Résultats de l’étape 3: résolution de questions de politique fondamentales

RÉSUMÉ

Pour donner lieu au transfert effectif de l’autorité du gouvernement une action juridique sera nécessaire. Elle prendra la forme d’un décret émanant du chef de l’Etat, d’un décret ministériel ou d’un acte législatif. Bien que cette dernière solution soit plus complexe, la législation fournit une base plus solide que le simple décret. Ce dont il faut s’assurer en introduisant ces changements juridiques c’est qu’ils recouvrent tous les aspects garantissant la naissance d’organisations réellement indépendantes.

Les domaines où la législation de soutien est normalement nécessaire pour le TGI sont les suivants: adoption officielle de la politique de transfert, statut de l’AUE, droits d’eau, droits relatifs à l’infrastructure d’irrigation et modification des statuts ou du mandat des organismes d’irrigation.

Des experts et planificateurs légaux devront comparer la politique et le cadre juridique existant dans leur pays avec les droits et pouvoirs fondamentaux requis généralement par les AUE, et déterminer les changements possibles ou nécessaires à apporter afin de faciliter l’établissement et le renforcement d’associations d’utilisateurs de l’eau viables.

Il est universellement reconnu que pour permettre aux AUE d’opérer, elles devront être autorisées à entreprendre au moins les activités suivantes:

· extraire l’eau d’une source spécifiée;

· utiliser et entretenir (voire posséder) l’infrastructure d’irrigation et de drainage;

· détenir des droits d’accès à l’infratructure existante et future;

· mobiliser des crédits ou obtenir la main-d’oeuvre nécessaire auprès de ses membres afin de couvrir les coûts du service de l’irrigation;

· appliquer des sanctions à l’égard des membres qui n’observent pas les règlements;

· déléguer des pouvoirs (à un fournisseur du service de l’eau, par exemple);

· engager et licencier du personnel;

· passer des contrats

· acheter, posséder et vendre des biens.

Les deux documents de base qui sont préparés normalement pour l’établissement de l’AUE sont les statuts et les règlements. Les statuts sont l’acte d’établissement de l’AUE. Ils font état de son objectif fondamental et contiennent les clauses d’habilitation et des principes fondamentaux qui régissent son organisation. Les règlements indiquent comment les statuts devront être appliqués.

Une action juridique pourrait être nécessaire dans le domaine important des droits d’usage de l’eau. Ils spécifient le volume, la part et/ou la durée du débit d’eau auxquels ont droit différents types d’utilisateurs, de groupes d’utilisateurs ou les périmètres d’irrigation. Des changements juridiques pourraient s’avérer nécessaires quant au transfert des droits de propriété ou d’usage des biens faisant partie des périmètres d’irrigation.


Pourquoi est-il important que le TGI soit total ?

La faiblesse qui caractérise le plus souvent les programmes de TGI dans le monde entier est probablement leur caractère partiel. Ils ne comprennent pas tous les changements qui sont réellement nécessaires pour permettre aux AUE de devenir des organisations viables capables de s’acquitter de leurs fonctions essentielles et de se protéger contre des utilisateurs de l’eau et des intérêts politiques concurrentiels. Le transfert total prévoit la dévolution de toutes les fonctions fondamentales et indissociables de la gestion de l’irrigation. Comme on l’a dit, les quatre fonctions de base de cette gestion sont: l’opération, l’entretien, la mobilisation de ressources (ou financement) et le règlement des différends. Si l’on ne transfert pas aux AUE la pleine autorité et la capacité de remplir toutes ces fonctions, il est probable qu’elles ne seront pas non plus à même de s’acquitter des autres, car les deux séries de fonctions sont interconnectées.

Les gouvernements cherchent parfois à transférer la responsabilité aux AUE sans leur accorder le plein pouvoir de décision en matière de plans et de budgets d’opération et d’entretien. Le TGI a souvent lieu dans des pays qui ne reconnaissent pas les droits d’usage de l’eau ou dans lesquels les AUE manquent de statut juridique officiel. Parfois les gouvernements adoptent des programmes de TGI mais sans apporter les changements nécessaires au champ d’activité de l’organisme d’irrigation, au déploiement du personnel ou aux mécanismes de financement du secteur. Des pressions exercées par les bailleurs de fonds pour accélérer la réalisation (souvent partielle) du programme, les contraintes financières et les intérêts politiques poussent souvent les gouvernements à court-circuiter la réforme. Elle finit par se limiter à la promulgation de décrets, à la remise en état et à l’organisation des AUE en l’absence d’une législation capable de les responsabiliser, de définir les droits d’usage de l’eau et de réviser les mandats. Sans ces éléments, le programme de TGI sera incapable de produire des AUE performantes ou d’améliorer l’efficience financière et la productivité du sous-secteur de l’irrigation.

Quels types de changements juridiques pourraient être nécessaires ?

Un changement politique et institutionnel d’une aussi vaste portée que le transfert de la gestion de l’irrigation a d’importantes répercussions juridiques. Il ne sera pas possible, dans le cadre de ces directives, de recommander d’une manière générique les changements juridiques requis par tous les programmes de TGI. Suivant la situation légale du secteur de l’eau, les tendances politiques du moment et les questions environnementales, la réforme pourrait exiger une nouvelle législation et l’amendement des textes légaux existants ou, dans certains cas, conseiller le statu quo.

Aux Philippines, au milieu des années 1970, la législation a converti l’administration nationale de l’irrigation en un service largement autofinancé, qui octroyait des incitations visant l’adoption d’un programme de transfert de la gestion. Au Mexique, grâce aux droits accordés aux utilisateurs de l’eau, la loi de 1992 relative à l’eau était un précurseur obligatoire de l’adoption du programme de TGI. En Turquie, une législation en vigueur depuis plusieurs décennies permettait le passage de la gestion de l’irrigation aux administrations locales et aux AUE, facilitant ainsi l’adoption et la mise en oeuvre rapide d’un programme de TGI. Dans certains pays, des droits coutumiers et des institutions traditionnelles sont encore en vigueur et prennent la place de lois statutaires officielles. Cependant, la loi statutaire devient de plus en plus nécessaire tant pour protéger les institutions traditionnelles que pour remplacer celles que la société moderne a écartées.

La formulation de lois et de règlements peut se fixer de nombreux objectifs, y compris la codification des règlements relatifs à un nouvelle structure ou un nouveau périmètre, l’éducation du public et des fonctionnaires gouvernementaux quant à leurs nouveaux droits et responsabilités et la légitimation des débats publics et d’un consensus. Les domaines où une législation qui appuie le TGI est le plus nécessaire sont les suivants:

· adoption officielle de la politique de transfert;
· statut de l’AUE,
· droits d’usage de l’eau;
· droits relatifs à l’infrastructure d’irrigation
· révision des statuts et du mandat des organismes d’irrigation.

ENCADRE 2 - LES CONSEQUENCES D’UN APPUI LEGISLATIF NON ADAPTE POUR LE TGI

En Colombie, les périmètres d’irrigation de Coello et Saldaña ont été transférés aux AUE en 1976 au titre d’une disposition légale appelée “délégation de l’administration”. Cependant, cette disposition ne conférait aux AUE qu’un pouvoir de gestion des périmètres limité. Elles devaient obtenir l’approbation de l’organisme d’irrigation pour embaucher ou licencier le personnel et pour adopter des plans et budgets annuels d’opération et d’entretien. Après plusieurs années de litiges déterminés par les tentatives des AUE de réduire le personnel de gestion du périmètre et de prendre des décisions unilatérales en matière de gestion, le gouvernement a finalement reconnu que les AUE avaient besoin d’un surcroît d’autorité officiel pour gérer leurs propres affaires. Finalement, la loi relative à la mise en valeur des terres promulguée en 1993 a conféré aux AUE le plein contrôle sur leur personnel, leurs plans d’opération et d’entretien et leurs budgets.


Chacun de ces domaines est décrit brièvement ci-dessous, à l’exception des changements relatifs aux organismes d’irrigation qui sont analysés séparément au chapitre 9.

Quelles sont les options juridiques disponibles pour une politique de transfert ?

Le transfert de l’autorité publique ne pourra prendre effet qu’à la suite d’une action légale. Elle revêtira normalement l’une des formes suivantes:

· décret émanant d’un chef d’Etat
· décret ministériel
· acte législatif
Un décret émanant d’un chef d’Etat, tel qu’un décret présidentiel, offre certains avantages: il permet une action rapide, il officialise et légitime le transfert et il recouvre tous les secteurs. Par ailleurs, il ne peut autoriser l’introduction de modifications légales importantes et risque d’être révoqué par un changement de gouvernement. Un décret ministériel comme un édit émis, par exemple, par le ministre des ressources en eau permet également une action relativement facile et rapide mais il a moins de pouvoir et son champ d’application risque d’être trop limité. Un acte législatif est le moyen d’agir le plus lent et le plus compliqué, mais il a davantage de chances de déterminer un changement radical et à long terme. S’il est vrai qu’un acte législatif est promulgué normalement au niveau national (par le parlement, par exemple), dans un système décentralisé les sous-divisions d’un pays, telles que les régions, les Etats ou les districts, sont souvent autorisées à prendre des mesures législatives.

Quelque complexe qu’elle soit, la démarche législative est un moyen puissant d’obtenir un appui pour la restructuration et de générer les informations relatives. On pourra organiser des séances publiques pour examiner le projet de législation et faire en sorte que l’acte final traduise les intérêts de toutes les parties prenantes. Un consensus législatif représente une base plus stable que le décret et a plus de probabilités d’interdire les interventions politiques partisanes dans le financement et le développement de l’irrigation.

Quelle est la législation apte à favoriser les associations d’utilisateurs de l’eau ?

Dans les programmes de TGI, la législation sert en premier lieu à conférer aux associations d’utilisateurs un statut juridique fort. L’AUE pourrait devoir être établie légalement, soit par une nouvelle loi soit par une loi déjà en vigueur comme celle relative aux coopératives. Il faudra définir ses exemptions (vis-à-vis de certains impôts et responsabilités par exemple) et ses pouvoirs. L’expérience enseigne qu’après sa constitution une AUE devrait détenir au moins les pouvoirs suivants:

· extraire l’eau d’une source spécifiée;

· utiliser et entretenir (et éventuellement posséder) l’infrastructure d’irrigation et de drainage;

· établir des droits d’accès aux infrastructures existantes et envisagées;

· mobiliser des crédits et rechercher la main-d’oeuvre nécessaire parmi ses membres;

· appliquer des sanctions à l’encontre des membres qui ne respectent pas les règlements;

· déléguer des pouvoirs, par exemple, à un fournisseur du service de l’eau;

· passer des contrats

· acheter, posséder et vendre des biens.

ENCADRE 3 - DISPOSITIONS DE BASE DE L’ACTE DE L’ANDHRA PRADESH RELATIF A LA GESTION DES PERIMETRES D’IRRIGATION PAR LES AGRICULTEURS

Cet acte relativement global et novateur a été adopté en avril 1997 et comprend les principales dispositions suivantes l’autorisant à:

· octroyer des droits d’usage de l’eau et le plein contrôle de l’opération et de l’entretien des périmètres d’irrigation aux AUE fédérées de manière à couvrir l’ensemble du périmètre;

· intervenir dans tous les périmètres d’irrigation de l’Etat de quelque type que ce soit;

· octroyer la pleine indépendance fonctionnelle et administrative aux AUE;

· créer des “autorités compétentes” appartenant au personnel du service de l’irrigation chargé de mettre en oeuvre les décisions des AUE;

· conférer aux AUE le plein pouvoir en matière de règlement des différends (les appels doivent être réglés en 15 jours au maximum);

· assurer aux AUE l’accès illimité aux informations sur la performance du périmètre;

· assurer aux agriculteurs la pleine liberté de choix de leurs cultures;

· permettre aux propriétaires et aux fermiers de devenir des membres votants;

· établir que les personnes utilisant l’eau à des fins non agricoles n’aient pas droit de vote;

· garantir que 90% des redevances pour l’eau iront aux organisations d’agriculteurs.


Quels sont les documents servant à l’établissement de l’AUE ?

Les deux documents de base qui sont préparés normalement pour l’établissement de l’AUE, comme pour les autres associations coopératives, sont les statuts et les règlements. Les statuts sont les actes d’établissement de l’AUE. Ils énoncent son objectif fondamental et contiennent des clauses d’habilitation et les principes fondamentaux régissant l’organisation. Les statuts incluent normalement les éléments suivants:

· une définition de la mission qui décrit l’objectif de l’organisation;

· le statut juridique et les clauses d’habilitation;

· la définition de la zone desservie;

· les critères régissant l’adhésion;

· les fonctions fondamentales de l’organisation

· les droits, pouvoirs et obligations de l’organisation;

· les droits, pouvoirs et obligations des membres de l’organisation;

· la structure de la direction de l’AUE, les pouvoirs des chefs et leur rapport avec l’organisme qui fournit le service:

· la méthode d’amendement des statuts.

Les règlements décrivent les mesures à prendre pour mettre en oeuvre les statuts. Ils comprennent généralement:
· les conditions d’adhésion des nouveaux membres et d’expulsion de membres effectifs;

· la constitution du conseil d’administration, les périodes d’occupation du poste et les règles régissant la sélection et le licenciement des chefs de l’association;

· la définition du service de l’eau;

· les règles et sanctions relatives au service de l’eau, y compris les procédures à appliquer pendant les périodes de pénurie d’eau;

· les règles et sanctions relatives aux fonctions de soutien (entretien et financement);

· les procédures relatives au règlement des différends;

· les tâches du conseil d’administration;

· les procédures d’amendement des règlements.

A l’exception des AUE traditionnelles chargées de la gestion de très petits périmètres, la plupart des AUE tireront parti de ces deux documents officiels établissant leur fondation. Leur préparation encouragera la transparence et la précision dans la formulation des politiques et des règlements. Ils contribueront également à conférer un statut et une légitimité à l’AUE en renforçant sa reconnaissance à l’intérieur et à l’extérieur

De quels changements devront faire l’objet les droits d’usage de l’eau ?

Une question importante où une action légale pourrait être nécessaire est celle des droits d’usage de l’eau. Ces droits établissent le volume, la part et/ou la durée du débit d’eau dont peuvent bénéficier certains types d’utilisateurs, de groupes d’utilisateurs ou l’ensemble d’un périmètre d’irrigation. Les lois relatives à l’eau comprennent aussi de manière croissante des droits et obligations et des normes de qualité. Il faudra peut-être établir des droits d’eau ou mettre à jour ceux en vigueur pour refléter les conditions modernes. Davantage de clarté pourrait être nécessaire quant à l’étendue du droit, aux critères régissant l’allocation de l’eau et aux moyens de faire la distinction entre les différents types d’utilisateurs.

Dans de nombreux pays, les droits coutumiers relatifs à l’eau sont étayés par des lois statutaires modernes. Toutefois, dans un grand nombre de pays en développement, notamment en Asie et en Afrique, où les droit d’usage de l’eau ne sont pas officiellement reconnus, il est généralement estimé que toutes les ressources en eau du pays appartiennent à l’Etat et sont sous son contrôle. Dans ces pays, l’Etat est tenu d’allouer l’eau conformément à des règlements administratifs mais il tend à considérer cette allocation plus comme une aide sociale que comme un droit juridique, faisant de l’utilisateur un suppliant au lieu d’un détenteur d’un droit. Lorsque les ressources en eau sont inférieures à la demande, il peut régner une forte incertitude et la concurrence pour l’eau se faire acharnée.

L’allocation de l’eau perçue comme une aide sociale va à l’encontre de l’objectif primordial du transfert de la gestion de l’irrigation, à savoir éliminer la dépendance de l’agriculteur vis-à-vis du gouvernement et créer des organisations locales autonomes autorisées à extraire, distribuer et utiliser l’eau en fonction des besoins locaux. Sans droits d’usage de l’eau, les agriculteurs ne peuvent ni prédire ni définir la quantité d’eau qu’ils recevront. Et lorsque les conflits éclatent ou que s’établit une concurrence pour l’eau, aucune base juridique claire ne favorise le règlement des différends. Une telle situation décourage les agriculteurs à investir des capitaux importants dans l’agriculture ou la gestion de l’eau. Tout gouvernement qui a adopté une politique de transfert de la gestion devrait en premier lieu établir un système clair de droits d’usage de l’eau qui énonce les principes régissant son allocation aux différents utilisateurs.

Les droits d’usage de l’eau peuvent être octroyés à des collectivités comme les associations d’utilisateurs de l’eau, à des particuliers ou à des sociétés privées. La loi mexicaine relative à l’eau de 1992 stipule les conditions d’obtention de droits d’eau officiels par les AUE, alors que le Chili a octroyé des droits entièrement commercialisables à des utilisateurs individuels. Dans ce dernier cas, les utilisateurs ne peuvent toujours exercer leur contrôle sur l’infrastructure qui dévie l’eau d’irrigation à partir de sa source (le cours d’eau ou la couche aquifère) et, du moment que l’AUE ne détient aucun droit, des difficultés peuvent surgir dans la répartition de l’eau entre les particuliers. Dans la plupart des pays, les droits d’usage de l’eau sont octroyés aux associations d’utilisateurs qui à leur tour les transfèrent à leurs membres individuels.

Est-il nécessaire de transférer la propriété de l’infrastructure d’irrigation ?

Des changements légaux pourraient être nécessaires en ce qui concerne le transfert de la propriété ou des droits d’usage des biens présents sur le périmètre d’irrigation. Dans une situation où la position des agriculteurs est faible vis-à-vis des pouvoirs publics, la propriété pourrait symboliser l’acquisition de droits et de pouvoir et être, de ce fait, souhaitable. Elle pourrait aussi être nécessaire si elle représente le seul moyen pour l’organisation d’agriculteurs de modifier légalement l’infrastructure d’irrigation. Lorsque les agriculteurs sont tenus de rembourser le coût de la construction et/ou de la remise en état de l’infrastructure, il paraît juste qu’ils aient le droit de la posséder.

Dans certains pays, comme le Chili ou la Nouvelle-Zélande, la propriété des biens du périmètre d’irrigation a été transférée aux associations d’utilisateurs par marché forfaitaire, vente concessionnaire ou acte administratif. La propriété de forages publics leur a été transférée au Pakistan, au Bangladesh et au Sénégal. Cependant, dans la plupart des cas, l’Etat reste propriétaire de l’infrastructure et seul le droit d’usage est conféré aux utilisateurs. Dans les périmètres établis aux Etats-Unis et en Colombie, par exemple, les agriculteurs se sont opposés au transfert de la propriété par crainte de se voir assigner des responsabilités non désirées, comme celle de financer intégralement à l’avenir les coûts de remise en état et de modernisation, de payer les impôts fonciers relatifs à l’infrastructure et de couvrir les dépenses entraînées par les dommages infligés aux installations et attribués à la gestion du périmètre d’irrigation.

Il est recommandé que les décideurs et les planificateurs comparent la politique et le cadre juridique en vigueur avec les droits et pouvoirs identifiés ci-dessus et déterminent ce qui doit ou peut être changé dans le cadre législatif pour favoriser l’établissement et le renforcement d’associations d’utilisateurs de l’eau viables. La mesure dans laquelle un pays sera à même de réaliser ces changements dépendra du niveau de développement de ses institutions civiles, de la politique du gouvernement (libérale ou à tendance autoritaire), de la sensibilité politique vis-à-vis des questions relatives à l’eau et des utilisateurs de l’eau eux-mêmes, à savoir “Sont-ils motivés et portés à l’organisation ?”

Résultats de l’étape 3: résolution de questions de politique fondamentales

Les résultats de l’étape 3 pourrait prendre la forme de brefs documents d’orientation ou de documents de synthèse sur les questions de politique fondamentales. Les documents de synthèse comprennent normalement un court résumé du problème, l’analyse des solutions et une recommandation. Des groupes de travail ou de réflexion pourraient préparer des rapports plus détaillés à incorporer dans les documents de planification et les rapports d’information pour amorcer l’action législative. Normalement, les questions suivantes seront abordées:

· Quels sont les services qu’il faudrait transférer ?

· Quel type d’organisation devrait prendre en charge la gestion ?

· Comment le sous-secteur de l’irrigation devrait-il être financé après le transfert ?

· Quelles modifications faudra-t-il apporter à la législation et à d’autres secteurs simultanément au transfert de la gestion ?


Page précédente Début de page Page suivante