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2. L’APPROCHE GENRE


2.1. Le concept “genre”
2.2. Conférences internationales et ‘genre’
2.3. Illustration des disparités liées au genre
2.4. Politiques de développement et limites relatives au genre
2.5. Plan d’action de la FAO pour traiter les questions de genre


2.1. Le concept “genre”

“L’approche genre” suppose de considérer les différentes opportunités offertes aux hommes et aux femmes, les rôles qui leur sont assignés socialement et les relations qui existent entre eux. Il s’agit de composantes fondamentales qui influent sur le processus de développement de la société et sur l’aboutissement des politiques, des programmes et des projets des organismes internationaux et nationaux. Le genre est intimement lié à tous les aspects de la vie économique et sociale, quotidienne et privée des individus et à ceux de la société qui a assigné à chacun (hommes et femmes) des rôles spécifiques.

Les spécialistes des sciences sociales et ceux du développement utilisent deux termes distincts pour marquer, entre hommes et femmes, les différences déterminées biologiquement et celles construites socialement: il s’agit dans le premier cas du mot “sexe”, dans le second cas du vocable “genre”. Même si les deux termes sont liés aux différences entre les hommes et les femmes, les notions de “sexe” et de “genre” ont des connotations distinctes.


Le sexe marque les caractéristiques biologiques (permanentes et immuables) des hommes et des femmes, communes à toutes les sociétés et à toutes les cultures. Le genre, par contre, se réfère aux caractéristiques qui se sont forgées tout au long de l’histoire des relations sociales. Les différences de genre sont socialement édifiées et inculquées sur la base de la perception que les diverses sociétés ont des différences physiques et des présupposés de goûts, tendances et capacités des hommes et des femmes. Les différences relatives au sexe sont immuables. Par contre, l’histoire et l’analyse comparative des sociétés ont largement confirmé que les disparités liées au genre varient selon les cultures et selon les périodes en fonction de l’évolution de la société.

Les relations de genre sont alors définies comme les mécanismes, particuliers à chaque culture, qui déterminent les fonctions et les responsabilités assignées aux uns et aux autres. Par effet, elles déterminent l’accès aux ressources matérielles (terre, crédit, formation, etc.) et immatérielles telles que le pouvoir. Les implications dans la vie quotidienne sont multiples: répartition du travail domestique et extra-domestique et des responsabilités familiales, niveau d’éducation et opportunités de promotion professionnelle, insertion dans les instances du pouvoir et capacité de négociation et de décision, etc.

2.2. Conférences internationales et ‘genre’

Cela fait plusieurs années que les gouvernements et les organisations de développement accordent une priorité importante à la problématique de genre lorsqu’ils arrêtent conjointement leurs orientations stratégiques et conçoivent les politiques. En effet, les dernières conférences internationales ont toutes inscrit à l’ordre du jour le principe de la parité entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès et l’allocation des ressources et les opportunités de promotion économique et sociale. Elles se sont entendues sur la relation fondamentale qui existe entre développement durable et égalité de genre.

La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED), à Rio, en 1992, a explicitement abordé les aspects de genre dans la plate-forme du Sommet de la terre: “Action 21”. De même, à la Conférence mondiale sur les droits de l’Homme, à Vienne, en 1993, les droits des femmes ont été mis en exergue. Il a été réaffirmé que les droits fondamentaux des femmes et des filles font partie de façon inaliénable, intégrale et indissociable des droits humains universels. Ce principe a été repris par la Conférence internationale sur la population et le développement, au Caire, en 1994. La problématique de genre a été au centre des débats et la promotion du pouvoir des femmes pour un développement égalitaire a été soulignée: “... l’objectif est de promouvoir l’égalité entre les sexes dans tous les aspects de la vie de l’être humain, (...), et d’encourager les hommes à faire preuve du sens des responsabilités dans leur vie sexuelle et leur comportement procréateur et dans leur vie familiale et sociale...”. Au Sommet mondial sur le développement social à Copenhague, en 1995, la parité a été l’axe des stratégies retenues pour le développement social, économique et pour la protection de l’environnement. Enfin, la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Pékin, en 1995, a insisté sur ces nouvelles options. Elle a fixé un ordre du jour pour le renforcement du statut des femmes et a adopté une déclaration, accompagnée d’une plate-forme d’action, visant à éliminer les obstacles à l’égalité entre hommes et femmes et à garantir la participation active des femmes à toutes les sphères de la vie. Les gouvernements, la communauté internationale et la société civile, y compris les organisations non gouvernementales et le secteur privé, ont été sollicités pour trouver des solutions aux questions critiques identifiées3:

3 Rapport de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, Pékin, 4-15 septembre 1995, chapitre III: Domaines critiques, point 44, page 23, Nations Unies, A/CONF.177/20.

· la persistance de la pauvreté qui pèse de plus en plus sur les femmes;

· l’accès inégal à l’éducation, la formation et les disparités et insuffisances dans ce domaine;

· l’accès inégal aux soins de santé, aux services sanitaires et les disparités et insuffisances;

· la violence à l’égard des femmes;

· les effets des conflits armés et autres sur les femmes;

· l’inégalité face aux structures et politiques économiques, à toutes formes d’activité de production et à l’accès aux ressources;

· le partage inégal du pouvoir et des responsabilités de décision à tous les niveaux;

· l’insuffisance des mécanismes de promotion de la femme à tous les niveaux;

· le non-respect des droits fondamentaux des femmes et les carences pour la promotion et la protection de ces droits;

· les images stéréotypées des femmes et l’inégalité d’accès et de participation à tous les systèmes de communication, en particulier les médias;

· les disparités entre les hommes et les femmes dans le domaine de la gestion des ressources naturelles et de la préservation de l’environnement;

· la persistance de la discrimination à l’égard des petites filles et des violations de leurs droits fondamentaux.

La planification et l’évaluation des programmes de développement ont été débattus et gouvernements et organismes internationaux ont été priés de promouvoir de façon urgente:

· la recherche et la diffusion d’informations sur les différents domaines d’intérêt relatifs à la problématique hommes-femmes;

· la production et la vulgarisation de statistiques sensibles aux questions de genre.

A cet égard, des recommandations spécifiques en matière de travail statistique ont été formulées dans la Plate-forme d’action:

· revoir l’adéquation des systèmes statistiques nationaux pour couvrir les sexospécificités;

· collecter, compiler, analyser et présenter les statistiques ventilées par sexe et par âge et de façon à refléter la problématique hommes-femmes dans la société;

· publier régulièrement un bulletin statistique sur ces éléments qui soit compréhensible par un large éventail d’utilisateurs non spécialisés;

· utiliser les données sexospécifiques pour la formulation des politiques et la mise en œuvre des programmes et des projets.

Les actions suivantes ont été proposées (annexe 1: objectif stratégique H34):

4 Objectif stratégique H3: “Produire et diffuser des données et des informations ventilées par sexe aux fins de planification et d’évaluation”, op. cit. page 106.

· amélioration de la collecte de données sur la totalité des apports économiques des femmes et des hommes, notamment par leur participation aux secteurs informels et au travail non rémunéré (dans l’agriculture, en particulier celle de subsistance et pour les productions non marchandes) déjà pris en considération dans le système de comptabilité nationale de l’ONU;

· élaboration, dans les instances appropriées, de méthodes d’évaluation quantitative du travail non rémunéré et non quantifié par les comptabilités nationales (garde des personnes dépendantes, préparation de la nourriture, etc.) afin de l’intégrer dans les comptes accessoires ou autres comptes officiels séparés des comptabilités nationales;

· élaboration d’une classification internationale des activités pour établir des statistiques budget-temps, et pour prendre en compte les différences entre les femmes et les hommes en matière de travail rémunéré et non-rémunéré, et rassembler des données ventilées par sexe;

· amélioration des évaluations qui, à l’heure actuelle, sous-estiment le chômage et le sous-emploi des femmes sur le marché du travail;

· amélioration des principes et méthodes de collecte de données concernant l’évaluation de la pauvreté chez les femmes et les hommes, et leur accès aux ressources;

· appui aux systèmes statistiques de l’état civil et introduction d’analyses sexospécifiques;

· production de données sur la morbidité et l’accès aux soins et aux services de santé;

· établissement de meilleures statistiques, ventilées par sexe et par tranche d’âge sur les victimes et les auteurs de toutes les formes de violence contre les femmes;

· amélioration des principes et méthodes de collecte de données sur la participation des femmes et des hommes handicapés, y compris leur accès aux ressources.

2.3. Illustration des disparités liées au genre


2.3.1. Dans le domaine du travail
2.3.2. Dans le domaine de la pauvreté
2.3.3. Dans le domaine de la vie familiale
2.3.4. Dans le domaine de la santé et de la nutrition
2.3.5. Dans le domaine de l’éducation
2.3.6. Dans le domaine de l’environnement
2.3.7. Dans le domaine de la vie publique et des instances de décision


Les fonctions assumées par les femmes et les hommes ainsi que les besoins spécifiques qui en découlent sont des aspects relevant du concept de genre. Connaître et tenir compte de ces éléments sont indispensables pour formuler des politiques et des programmes de développement durable.

2.3.1. Dans le domaine du travail

Dans toutes les sociétés, les hommes et les femmes ont des activités distinctes et ils assument des responsabilités différentes au sein du ménage. Pour les femmes, production et reproduction sont deux domaines étroitement imbriqués. Une grande partie de leur travail n’est pas rétribué même s’il est productif. Les hommes ont toujours eu un rôle mineur dans les tâches domestiques: ils sont supposés avoir un travail rémunéré à l’extérieur (tout au moins la société le conçoit ainsi).

Les disparités d’accès aux ressources entre hommes et femmes ont un effet direct sur les potentialités d’autonomie économique assurant aux femmes et aux personnes qui en dépendent une meilleure qualité de vie5. De plus, l’accès restreint des femmes aux facteurs de production agricole, en particulier pour les cultures vivrières, confère de sérieuses limitations à la productivité de leur travail.

5 Dans les sections A et B de la plate-forme d’action de Pékin, l’accès limité des femmes aux ressources productives et leur pouvoir restreint dans la prise de décision économique ont été largement admis comme causes principales de la pauvreté. Le faible accès à la terre et aux autres intrants agricoles est un des obstacles fondamentaux à une productivité efficace. Cet aspect a été repris par le Plan d’action pour les femmes dans le développement de la FAO, 1995.

Dans les secteurs non-agricoles, l’emploi est le plus souvent discriminatoire à l’égard des femmes, que ce soit par la nature des travaux, la catégorie professionnelle ou les potentialités d’avancement professionnel. Depuis plus de vingt ans et dans toutes les régions du monde, les femmes ont de plus en plus investi le marché du travail. Pourtant, elles continuent à occuper des fonctions moindres, à percevoir des salaires plus bas et à avoir moins d’opportunités de promotion6.

6 Nations Unies, The World’s Women 1995: Trends and Statistics. Sale numéro E.95.XVII.2, New York, 1995

En plus des a priori sexistes, les femmes sont également obligées de concilier leur rôle de femme au foyer avec celui d’agent économique productif. La durée et l’organisation de leur journée de travail, l’évolution de leur carrière professionnelle7 et le niveau de leur salaire s’en ressentent. En résumé, les possibilités et le champ du travail sont plus limités pour les femmes que pour les hommes, auxquels s’ajoute une rémunération inférieure à fonction égale.

7 L’organisation internationale du travail (OIT ou bureau international du travail BIT) a adopté en 1993 l’appellation “situation dans le travail” à la classification qui, en anglais, est dénommée “status”. En français, l’anglicisme “statut” s’utilise parfois ou les expressions “occupation”, “catégorie de travail”, etc.

2.3.2. Dans le domaine de la pauvreté

La pauvreté se caractérise par la précarité des revenus, voire même l’absence de revenus, associée à un accès très restreint aux ressources productives indispensables pour garantir des conditions de vie durables. Elle est synonyme de faim, de malnutrition, de mauvaise santé, de mortalité et de morbidité élevées, d’instruction insuffisante, d’habitat précaire et malsain.

Les études ont démontré que la pauvreté se féminise: au cours de la décennie 1970-1980, le nombre de femmes qui vivaient au-dessous du seuil de pauvreté a augmenté davantage que celui des hommes. En 1988, il était estimé que 60% des pauvres étaient des femmes8. En plus des discriminations sexistes dans le secteur de l’emploi, d’autres facteurs sont à l’origine de ce phénomène: restructuration économique mise en oeuvre dans les pays en développement, réductions budgétaires effectuées par les gouvernements et autres mesures liées à l’adoption des modèles économiques néo-libéraux. Les femmes ont subi, beaucoup plus cruellement que les hommes, la réduction des postes de travail de la fonction publique et des services et avantages sociaux. La désintégration des systèmes d’assistance a accru la charge de travail des femmes. Les soins aux enfants, aux anciens, aux malades et aux handicapés, assurés auparavant en partie par les services sociaux, ont alors échu totalement aux femmes. Elles doivent, non seulement parer à cette défaillance, mais gérer leurs faibles ressources. Cette féminisation de la pauvreté est encore plus tangible pour les femmes chefs de famille. Dans un ménage dirigé par un homme, les apports se complètent: l’homme participe au bien-être de la famille par des revenus et la femme, tout en fournissant des biens et services à la famille, peut s’adonner à une activité rémunératrice9.

8 BIT, Gender, poverty and employment: turning capabilities into entitlements, OIT, Turin, 1995.

9 Des études, même limitées, prouvent par des indices que la situation des femmes chefs de famille, avec des enfants dépendants, et celles des veuves d’un certain âge vivant seules, est similaire: elles sont souvent plus pauvres que les hommes. Voir L. Haddad et C. Peña, Gender and poverty: review and new evidence, IFPRI, Washington D.C., 1994.

La pauvreté est plus aiguë dans les zones rurales où la disponibilité des services et les opportunités de travail sont plus restreintes qu’en milieu urbain. Elle est plus probable chez les femmes que chez les hommes étant donné le moindre accès de celles-ci aux ressources et aux facteurs de production et leur plus grand isolement. Le crédit, la terre, l’héritage, l’instruction, la formation, l’information, la vulgarisation, la technologie, les intrants agricoles sont plus aléatoires pour elles, sans compter leur pouvoir inégalitaire de décision sur leur propre production et celle du ménage. Les incitations gouvernementales à la production favorisent le plus souvent les cultures de rente alors que les femmes sont davantage engagées dans les cultures vivrières.

En outre, la vulnérabilité des femmes prend certaines de ses racines au sein même de la famille: par exemple, pour l’inscription des enfants à l’école, dans les ménages pauvres, les parents préféreront investir sur les garçons et garderont les filles à la maison où elles assureront une partie du travail domestique et de production.

2.3.3. Dans le domaine de la vie familiale

Dans toutes les sociétés, les femmes assument la majeure partie du travail domestique et sont les principales responsables de l’éducation des enfants et des soins aux personnes âgées et aux malades10. La vie des femmes est énormément marquée par la reproduction qui a une influence directe et évidente sur leur état de santé et sur les opportunités d’accès à l’instruction, à l’emploi, aux revenus. Dans les sociétés où les femmes se marient très jeunes, et beaucoup plus précocement que les hommes, la subordination au mari sera plus forte et conditionnera les possibilités d’instruction, de travail, etc.

10 Par exemple, dans les pays en développement, il est estimé que les femmes réalisent entre deux tiers et trois quarts des tâches domestiques. Nations Unies, The World’s Women 1995: Trends and statistics, Sales numéro E.95.XVII.2., New York, 1995, page 106. Au Mexique où a été conduite une étude dans trois villes, il a été démontré que les femmes consacrent au travail domestique 52 heures en moyenne par semaine et les hommes 7 heures. En outre, les tâches auxquelles se dédient les uns et les autres sont bien distinctes: les hommes font principalement les courses et emmènent les enfants à l’école; les femmes assument le reste des activités ménagères. Mercedes Pedrero “Organización Familiar”; Familias con Futuro, GEM, México, 1996.

L’émigration masculine croissante due au chômage et l’instabilité des relations conjugales ont accru le nombre de ménages dirigés par des femmes. La série de recensements de 1990 révèle qu’en Amérique latine 21% des ménages sont dirigés par une femme. La proportion atteint 35% aux Caraïbes. C’est le taux le plus élevé de toutes les régions du monde11. En général, les différences entre familles dirigées par une femme et celles par un homme se font sentir à tous niveaux: composition, envergure des affaires familiales et mode de gestion, nutrition, éducation des enfants et disponibilité des revenus12. Une femme seule a une responsabilité double car, d’une part, elle s’engage économiquement pour obtenir des revenus et, d’autre part, elle assume son rôle de femme au foyer. Autre phénomène, les femmes vivent plus longtemps que les hommes. Par conséquent, le nombre de veuves est plus important que celui des veufs. Un homme divorcé, séparé ou veuf se remarie ou se réinstalle en ménage plus aisément et plus fréquemment que ne le font les femmes restées seules.

11 Nations Unies, The World’s Women 1995: Trends and Statistics. Sale numéro E.95.XVII.2, New York, 1995, page 6.

12 Généralement, on enregistre comme chef de famille celui qui donne le nom à la famille. Les stéréotypes font qu’un homme majeur est automatiquement considéré comme chef de famille, même si les responsabilités économiques et autres sont à la charge de la femme. Ainsi, la majorité des ménages dirigés par une femme sont monoparentales. Dans l’étude de M. Pedrero, citée précédemment, il est démontré que seulement 1,4% des femmes chefs de famille avaient un conjoint.

2.3.4. Dans le domaine de la santé et de la nutrition

Les femmes et les hommes ont des demandes de santé distinctes, à cause des différences biologiques, mais aussi à cause de leur mode de vie lié aux rôles spécifiques que la société leur a assignés. La santé masculine est plus fragilisée par les maladies professionnelles, les accidents du travail et de la route et le tabagisme, l’alcoolisme, la toxicomanie, etc. L’incidence du cancer, des maladies et lésions cardio-vasculaires, principales causes de la mortalité, est plus élevée chez les hommes. Le style de vie (comportements culturels et sociaux) et les caractéristiques biologiques en sont les principales causes13. Les risques de maladies encourus par les femmes sont souvent liés à la reproduction. Leur santé est plus fragile au cours des grossesses: risques d’anémie, de malnutrition, d’hépatite, de malaria, de diabète, etc.

13 Pour une analyse plus détaillée des causes de mortalité et de morbidité, voir C.J.L. Murray and A.D. López, “Global and regional cause-of-death patterns in 1990”, WHO Bulletin, vol. 72, numéro 3, 1994, pages 447-480.

Toutefois, les femmes ont une espérance de vie supérieure à celle des hommes. Dans les pays européens, nord-américains et quelques pays d’Amérique latine, la différence oscille entre 5 et 12 ans. Les hypothèses expliquant ce phénomène sont nombreuses: causes génético-biologiques, environnementales, sociales, etc. Toutefois, aucun consensus ne s’est encore établi définitivement14. Dans certains pays asiatiques, l’espérance de vie des femmes ne suit pas ce schéma: les règles religieuses et les normes culturelles imposent aux femmes certaines interdictions pour les soins médicaux et la fréquentation des services de santé.

14 Idem, pages 65-66.

Parallèlement, le manque de ressources, les contraintes sociales et les coutumes induisent des disparités entre filles et garçons en terme de nutrition, de morbidité et de mortalité. Dans certains pays, la valeur accordée aux enfants de sexe masculin est supérieure à celle des enfants de sexe féminin. Les parents recourront alors plus facilement aux services sanitaires pour les garçons et leur fourniront une nourriture plus abondante et de meilleure qualité.

Dans certaines sociétés, la répartition des aliments au sein du ménage peut être également inéquitable entre adultes (les femmes servent d’abord la famille et ne mangent que ce qu’il reste). Elles peuvent aussi avoir une alimentation déséquilibrée, avec les séquelles que cela implique, spécialement lors des périodes de grossesse et d’allaitement. Dans la mesure où les femmes sont les plus pauvres des pauvres, en particulier lorsqu’elles sont chefs de ménage, elles souffrent souvent de dénutrition d’autant qu’elles se privent pour assurer à leurs enfants un minimum alimentaire.


Sachant que la plus grande partie de la production vivrière est aux mains des femmes, il serait judicieux d’augmenter la productivité de leurs cultures par un accès facilité au crédit, à la technologie et aux services agricoles. Le niveau nutritionnel de tous en bénéficierait largement.

Des services nationaux et des ONG de planification familiale et de santé publique se sont ouverts aux questions de protection maternelle et infantile, permettant ainsi à certains groupes exclus de la santé de bénéficier d’un minimum de soins.

2.3.5. Dans le domaine de l’éducation15

15 Dans ce texte le vocable éducation doit être entendu dans le sens instruction scolaire. Cette précision paraît nécessaire car l’éducation recouvre des domaines qui vont bien au-delà de la scolarité et de l’instruction proprement dite.

Le marché du travail, de plus en plus concurrentiel, exige, chaque jour davantage, un niveau d’instruction de plus en plus élevé. Les personnes sans bagage éducatif se retrouvent incontestablement dans une position de désavantage. Par ailleurs, il est reconnu que dans un processus de changement, l’instruction permet de passer de l’exclusion (marginalisation) à une insertion active. Pourtant, dans beaucoup de sociétés subsistent encore des barrières et des préjugés qui restreignent l’accès des femmes à l’instruction.

Les femmes analphabètes sont plus nombreuses que les hommes et plus le taux d’alphabétisation d’un pays est faible, plus les disparités sont en défaveur des femmes. L’UNESCO estime que dans les pays en développement, 41% des femmes sont analphabètes contre 20% d’hommes. Dans les zones rurales de certains pays, le taux d’analphabétisme des femmes, âgées de 15 à 24 ans, est deux à trois fois supérieur à celui des zones urbaines16. Les filles abandonnent plus tôt l’école, particulièrement en milieu rural où leur aide est requise pour les tâches domestiques et productives. L’absence de services scolaires, comme le transport de proximité, creuse cet écart en ayant un effet direct sur le taux de fréquentation scolaire des filles. Lorsque la distance à parcourir pour se rendre à l’école est longue, les parents craignent que leurs filles soient enlevées en chemin. Cette attitude est plus de mise dans les sociétés où les us et coutumes réglementent les déplacements des femmes.

16 PNUD, Rapport sur le développement humain, 1995, Economica, Paris, 1995, et Nations Unies, The World’s Women 1995: Trends and Statistics. Sale numéro E.95.XVII.2, New York, 1995.

Au niveau des études supérieures, dans certaines régions, le nombre de filles augmente et est parfois même supérieur (cas des Caraïbes et en Asie occidentale) à celui des garçons. Mais, de réelles différences existent quant à la nature des études embrassées. Les préjugés, les réticences des familles, les habitudes sociales donnent la part belle aux garçons dans les domaines scientifiques et techniques. Les filles, celles qui peuvent accéder à l’éducation supérieure, sont quant à elles incitées à opter pour des carrières dites féminines, qui ont le plus souvent peu de débouchés et mal rétribuées. Les processus éducationnels portent en eux une logique de ségrégation des femmes par rapport à l’emploi.

2.3.6. Dans le domaine de l’environnement

Les risques encourus par la dégradation de l’environnement touchent la qualité de vie et la charge de travail avec des effets différents pour les hommes et les femmes. Les femmes sont les premières touchées par l’épuisement des ressources naturelles. Dans les zones rurales de bien des pays en voie de développement, elles sont responsables de l’utilisation et de la gestion quotidiennes des ressources naturelles. Elles subviennent également aux besoins de la famille par les cultures vivrières, la collecte des produits forestiers, la corvée de bois et d’eau. La déforestation galopante et l’assèchement des sources d’eau conduisent les femmes à parcourir des distances de plus en plus grandes, les obligeant à passer beaucoup plus de temps et à dépenser plus d’énergie pour produire et trouver les denrées indispensables. Leur charge de travail est décuplée et leur marge de temps libre considérablement réduite. Se consacrer à des activités productives17 plus rentables devient alors problématique.

17 Le FNUAP a réalisé une série d’études de cas pour évaluer l’impact de la dégradation de l’environnement sur les femmes. Ces études sont arrivées à la conclusion que la recherche de combustible et d’eau est de plus en plus complexe. Voir FNUAP, Etat de la population mondiale, 1995, New York, 1995. Pour des données relatives à la question “Femmes et limitation de l’eau et du combustible” voir également Nations Unies, The World’s Women 1995: Trends and Statistics. Sale numéro E.95.XVII.2, New York, 1995.

La détérioration de l’environnement due à une mauvaise gestion et utilisation des déchets et des agents polluants peut avoir un impact démesuré sur la santé des femmes qui sont, apparemment, plus sensibles aux effets toxiques des substances chimiques. Les risques pathologiques sont plus élevés dans les couches de population à faible revenu qui vivent dans les zones défavorisées. Généralement, les industries et les usines sont implantées au voisinage de ces quartiers pauvres qui se retrouvent alors noyés dans des fumées polluantes.

Dans les pays industrialisés, où les modèles de consommation et de production vont souvent à l’encontre du développement durable, les ressources naturelles et les êtres humains subissent des préjudices énormes. Le réchauffement de la planète, l’amincissement de la couche d’ozone et la diminution de la diversité biologique sont des résultats de ces phénomènes de dégradation. Parallèlement, dans les pays pauvres, autant les hommes que les femmes surexploitent les ressources naturelles pour survivre, ce qui conduit à la dégradation des sols, la destruction de la flore, de la faune, des ressources marines et halieutiques, la baisse de qualité de l’eau, etc.

Dans beaucoup de pays, la vie de la population rurale dépend totalement des ressources naturelles. La dégradation du milieu touche surtout les personnes les plus vulnérables et celles vivant en étroite dépendance avec l’environnement. Par conséquent, il est important de comprendre les disparités liées au genre dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, de la responsabilité de la dégradation de l’environnement et de la participation aux prises de décision relatives à cette question.

2.3.7. Dans le domaine de la vie publique et des instances de décision

L’inégalité entre hommes et femmes persiste dans la vie publique et dans les instances décisionnelles. Les femmes sont toujours sous-représentées dans les gouvernements, les assemblées législatives et dans beaucoup d’autres secteurs cruciaux influant sur l’opinion publique tels que l’art, la culture, les médias, la religion. Dans seulement 16 pays, les femmes occupent plus de 15% des charges ministérielles et dans 59 autres, elles ne sont titulaires d’aucun poste ministériel18. Pratiquement dans tous les pays, les femmes ont acquis le droit de vote. Pourtant, leur nombre dans les parlements est toujours très faible: en 1994, dans le monde entier, les femmes parlementaires ne représentaient que 10% des députés19.

18 Nations Unies, The World’s Women 1995: Trends and Statistics. Sale numéro E.95.XVII.2, New York, 1995

19 PNUD, Rapport sur le développement humain, 1995, Economica, Paris, 1995.

Les inégalités dans la vie publique trouvent leur premier ancrage dans la vie quotidienne familiale: la distribution inégalitaire des responsabilités et de la division sexuelle du travail qui circonscrit fortement l’espace des femmes et entrave leur participation à la vie publique. A cela s’ajoutent les images stéréotypées et les a priori sociaux et culturels qui constituent pour elles un obstacle à leur entrée dans des hautes fonctions liées au pouvoir politique et économique.


Aussi les femmes occupent rarement des fonctions de direction dans les grandes entreprises: il est toujours exceptionnel de trouver une femme à la tête de l’une d’entre elles ou à un haut poste de responsabilité. Les charges ministérielles du budget et des finances ainsi que les postes de direction des banques centrales sont le plus souvent aux mains des hommes et seul un faible pourcentage des postes de gestion ou d’administration est accordé aux femmes20.

20 FNUAP, Etat de la population mondiale 1995, New York, 1995, pages 25 et 26, et Nations Unies, The World’s Women 1995: Trends and Statistics. Sale numéro E.95.XVII.2, New York, 1995

2.4. Politiques de développement et limites relatives au genre


2.4.1. Le foncier
2.4.2. L’eau
2.4.3. La recherche
2.4.4. La vulgarisation
2.4.5. La technologie moderne
2.4.6. Les ressources financières


On trouve à travers le monde une pléthore de politiques régissant l’accès aux ressources productives pour l’agriculture et l’élevage (terre, eau, technologie, recherche, formation, finances). Les études conduites par la FAO et d’autres institutions démontrent que ces politiques n’ont pas toujours réussi à réduire la pauvreté rurale ni à augmenter les disponibilités alimentaires. Pour des millions de personnes dépendant de l’agriculture de subsistance, les résultats ont souvent été néfastes. En examiner les causes est fondamental pour combattre vraiment la pauvreté, garantir la sécurité alimentaire et obtenir un développement durable. Deux de ces causes émergent: la première a été d’ignorer les femmes en tant que productrices et la seconde de ne pas avoir basé les politiques et les programmes de développement sur des informations ouvertes aux questions de genre.

Il est fort probable que l’un des obstacles à la reconnaissance effective des responsabilités réelles des femmes dans l’agriculture a été le manque de données ventilées par sexe. Ces données auraient facilité, d’une part, la pleine participation des femmes aux stratégies de développement rural et de sécurité alimentaire et, d’autre part, la compréhension des impacts différenciés selon le sexe dans les processus de production des cultures vivrières et de rente, de ceux de la gestion et du contrôle financier, du stockage et de la commercialisation des produits agricoles.

2.4.1. Le foncier

Les recherches de la FAO ont démontré que la précarité du droit foncier, en terme d’usufruit ou de propriété, est une des causes à l’origine des difficultés rencontrées par les femmes pour améliorer la productivité agricole et leurs revenus. La sécurité des droits sur la terre ne se limite pas à la propriété privée, elle s’étend aussi aux formes de location des terres publiques ou au droit d’utilisation des propriétés communautaires. Il est très probable que si les femmes avaient une garantie sur les terres (propriété, usage, usufruit), elles les valoriseraient différemment et, au mieux, pourraient décider à court et à long terme des investissements utiles et de la gestion appropriée des ressources, obtenant ainsi des rendements plus performants.

Depuis toujours et pratiquement partout, l’accès des femmes à la terre a été et reste limité. Dans les “programmes de réforme agraire” ou les “programmes d’installation”, cette restriction persiste et, parfois même, s’aggrave. En effet, les terres sont le plus souvent allouées sur le critère de “chef de famille” qui, tout naturellement, désigne l’homme. Aucune question ne se pose au regard du véritable responsable de l’unité productive ou du ménage.


En outre, au nom de la modernisation de l’agriculture, des populations ont parfois été déplacées pour fournir de la main-d’oeuvre aux exploitations de cultures commerciales. Elles ont été contraintes d’abandonner leurs terres de bonne qualité, et elles sont passées de l’autosuffisance à la dépendance alimentaire. Il faut toutefois noter que, dans quelques pays, les réformes agraires ont permis de modifier le système qui reléguait les femmes dans une position de subordination pour la production familiale (Thaïlande, Chine, Nicaragua, Malaisie, Cuba). De même, nombre d’organisations de femmes ont lutté pour obtenir des terres collectives.

En résumé, l’accès limité à la terre reste un obstacle fondamental à la pleine participation des femmes au développement rural. La plate-forme d’action de Pékin a souligné cet aspect comme cause directe de la pauvreté des femmes. Aussi, parmi les options pour éradiquer la misère, il a été demandé la mise en oeuvre de politiques ouvrant aux femmes l’accès à la terre, à son contrôle et la révision des législations spoliant les femmes de l’héritage et du foncier21.

21 Déclaration de la Plate forme de Pékin, paragraphes 53, 60(n), 60(p), 63 (b).

2.4.2. L’eau

Dans la plupart des cas, les politiques et les programmes relatifs à l’eau ont réduit les droits des femmes sur cette ressource en matière d’accès, d’usage et de gestion. Pourtant, dans ce domaine, les femmes jouent un rôle important et ont acquis au fil du temps des connaissances approfondies. Dans les zones rurales, les femmes assurent l’approvisionnement en eau à l’unité familiale et y consacrent parfois des journées entières. Elles ne s’autorisent donc aucun gaspillage. Elles l’utilisent pour la nourriture, la boisson, l’hygiène, l’arrosage du jardin, l’abreuvement des animaux, etc. Les femmes savent localiser les sources locales d’eau potable et de qualité. Elles la recueillent, la stockent et contrôlent son utilisation et sa propreté en la protégeant des pollutions. Elles recyclent l’eau et en font une utilisation optimale. En bref, ce sont les femmes qui gèrent l’eau et qui connaissent ses propriétés, ses risques et les méthodes de conservation. La reconnaissance et la valorisation de ce savoir seraient une des clés du succès des politiques et des programmes visant la conservation des sources d’eau. Pourtant, les besoins des paysans et des paysannes et leur expérience de gestion de l’eau sont le plus souvent ignorés lors du choix des systèmes hydrauliques.

Dans le secteur agricole, la tendance est de privilégier la monoculture de rente au détriment des cultures diversifiées, indispensables à l’alimentation, et donc les systèmes adéquats d’approvisionnement en eau sont négligés. Dans de nombreux cas, les systèmes d’arrosage ou d’irrigation industrielle accaparent l’eau et changent les cours originaires des fleuves et des rivières. Ils privent d’eau les villages et les petites cultures et déversent des eaux chargées de pesticides ou autres polluants sans se préoccuper ni de leur recyclage ni des dégâts. Les productions commerciales sont prioritaires bien qu’elles ne bénéficient qu’à une minorité puissante économiquement et politiquement. En parallèle, sur les périmètres irrigués, les tours d’eau sont souvent organisés sans considérer les activités agricoles et domestiques des femmes. L’exclusion des femmes des projets d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’irrigation a été reconnue comme une des causes principales de l’indice élevé d’échecs des projets dans ce domaine et par extension, des projets qui, à terme, visent à réduire la pauvreté.

2.4.3. La recherche

Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, de l’obtention de la sécurité alimentaire et du développement durable, les objectifs de la recherche sont d’augmenter les disponibilités alimentaires, de créer des opportunités d’emploi, de réduire la dégradation de l’environnement et d’améliorer la gestion des ressources. Toutefois, la recherche agricole s’est surtout concentrée sur les cultures de rente à haut profit les cultures vivrières de base (céréales, légumineuses, fruits, légumes) n’ayant pas retenu son attention. Dans les pays en développement, pour une production agricole durable, les programmes de recherche devraient accorder la priorité aux cultures vivrières et au petit élevage, généralement à la charge des femmes, et valoriser le bagage de connaissances et les opinions des femmes sur les variétés et les systèmes culturaux.

Des études de la FAO confirment que les femmes jouent un rôle important dans la petite agriculture, le travail agricole et la subsistance quotidienne des familles. Les femmes produisent entre 60 et 80% des denrées alimentaires des pays en développement et 50% de celles du monde entier. Cependant, elles sont beaucoup moins informées que les hommes et bien moins soutenues par les services d’appui agricole. De plus, l’introduction de certaines technologies a fait perdre aux femmes une partie de l’influence et du contrôle qu’elles exerçaient sur certaines productions et a diminué leur accès aux ressources. Des études micro-économiques en Amérique latine et en Afrique sub-saharienne ont également révélé que les femmes jouent un rôle décisif dans certaines opérations des cultures de rente. En outre, dans beaucoup de pays, elles sont responsables de la pêche côtière et continentale (lagunes, fleuves), de la production des récoltes secondaires, de la collecte des produits forestiers, du bois de feu et de l’eau et de la transformation et de la conservation des produits alimentaires.

Ignorer les femmes comme productrices agricoles et comme gestionnaires des ressources éloigne la technologie moderne des pratiques traditionnelles. En effet, leurs connaissances spécialisées sur la valeur et l’utilisation des variétés sauvages et des espèces domestiquées s’appliquent à l’alimentation, la santé, les revenus et également à la conservation des ressources phytogénétiques. Aujourd’hui, de nouvelles approches naissent pour impliquer davantage les femmes dans la recherche agricole pour qu’elles puissent en tirer profit et que la société tienne compte de leur savoir sur la diversité biologique.

Les hommes et les femmes ont acquis des connaissances et une expérience différentes sur l’environnement, les espèces végétales et animales, ainsi que sur l’usage de ces dernières. Ce bagage différencié de connaissances locales est capital pour la conservation in situ (habitat/écosystème naturel) et pour la gestion et l’amélioration des ressources génétiques. Les décisions relatives à la conservation de ces ressources dépend du savoir acquis et de la façon dont est perçue l’utilisation des ressources.


Lors des périodes de famine, de sécheresse, de guerre, les efforts des femmes et des hommes pour survivre et se nourrir reposent, très souvent, sur leurs connaissances de la flore et de la faune sauvages. En outre, les paysans qui pratiquent l’agriculture de subsistance (les femmes dans la plupart des régions) ne peuvent pas acheter les intrants tels que engrais, pesticides et produits vétérinaires. Ils doivent donc compter sur leur capacité d’adaptation à l’environnement pour maintenir une large gamme de cultures et parer, par les plantes et les espèces animales sauvages, à l’absence de récolte, à la maladie ou à la mort du bétail. L’écosystème est pour ces paysans une source d’approvisionnement alimentaire permanent et varié leur permettant de lutter contre la faim et la malnutrition.

La recherche a aussi sous-estimé la capacité d’innovation et d’amélioration des communautés en matière de variétés culturales. Avec les modèles patriarcaux mis en place durant la colonisation ont introduit des cultures et des techniques au profit des intérêts commerciaux et au détriment de ceux des populations et des exigences de conservation de l’environnement. Le manque de respect envers le patrimoine biologique et les valeurs culturelles a été manifeste. Cette attitude continue à être d’actualité dans certaines régions du monde. Il faut souligner que le savoir local est très sophistiqué et traditionnellement aux mains des paysans les plus âgés. Son transfert aux jeunes générations est vital au risque de perdre cet héritage précieux. Sa valorisation, sa promotion et son enrichissement sont prioritaires pour diffuser des pratiques durables de protection des sols, des ressources en eau, de la végétation naturelle et de la diversité biologique.

Les publications de la FAO indiquent que les stratégies à long terme en matière de conservation, d’utilisation, d’amélioration et de gestion de la diversité des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture devraient:

· reconnaître et considérer les rôles, responsabilités et contributions des hommes et des femmes des différents groupes socio-économiques;

· reconnaître et valoriser les connaissances, les capacités et les pratiques des paysans et des paysannes ainsi que leurs droits en tant qu’agriculteurs et agricultrices;

· promouvoir des politiques agricoles adéquates et équitables en matière d’incitations pour une utilisation durable des ressources, en particulier, par la conservation in situ et ex situ;

· définir une législation nationale appropriée pour protéger les ressources génétiques alimentaires et productives menacées, pour garantir la continuité de leur utilisation et de leur gestion par les communautés locales, les populations indigènes, les hommes et les femmes, et pour assurer une répartition juste et équitable des bienfaits retirés de leur utilisation;

· renforcer l’accès des femmes rurales aux ressources foncières et hydrauliques, à l’éducation, la vulgarisation, la formation, au crédit et à la technologie appropriée;

· promouvoir une participation active des femmes dans les processus de prise de décision afin qu’elles soient également bénéficiaires du développement agricole.

Il faut ajouter à ces stratégies les besoins en matière de recueil de données pour, en premier lieu, effectuer un diagnostic et, ensuite, assurer le suivi permanent des progrès réalisés.

2.4.4. La vulgarisation

Les femmes jouent un rôle décisif dans la production vivrière et dans la sécurité alimentaire. Pourtant elles n’ont que très peu accès aux services d’appui aux activités productives, telles que la vulgarisation et la formation. Des études de la FAO ont permis de détecter les faiblesses qui nuisent aux programmes de vulgarisation pour atteindre les femmes rurales. Traditionnellement, la plupart des services de vulgarisation sont orientés vers les paysans propriétaires terriens22 qui, par leur statut, peuvent prétendre à des crédits et les investir dans les intrants et les innovations technologiques. Comme les femmes n’ont en général pas accès à la terre, les services de vulgarisation ont tendance à les ignorer. Parallèlement, la plupart des services de vulgarisation se consacrent plus aux cultures de rente qu’aux cultures vivrières et de subsistance, prioritaires pour les femmes afin de subvenir à l’alimentation familiale. Pourtant, la clé de la sécurité alimentaire de millions de personnes est entre les mains des agricultrices.

22 Par exemple, le système formation-visite, de la Banque mondiale, adopté par nombre de pays, utilise souvent comme prérequis à l’identification des paysans-contacts le critère de possession de la terre, ce qui exclut la plupart des femmes.

Peu touchées par les services de vulgarisation, les femmes ont, par ricochet, un accès limité aux intrants (semences améliorées, engrais et pesticides). De plus, elles sont rarement membres de coopératives qui sont, le plus souvent, le passage obligé pour obtenir des intrants subventionnés par les gouvernements pour soutenir les petites exploitations. Par ailleurs, les vulgarisateurs ont tendance à ignorer les femmes à cause de croyances erronées, mais bien enracinées. En plus de leur conviction selon laquelle il est complexe d’établir un dialogue avec les femmes, ils ont une vision réductrice du rôle et de l’importance de celles-ci dans la production agricole. Ils sont souvent persuadés que les femmes contribuent de façon minimale au travail agricole, qu’elles n’ont pas voix à certaines décisions culturales, qu’elles ont une capacité de compréhension moindre des contenus de vulgarisation, qu’elles sont affligées d’une grande timidité, qu’elles sont réticentes aux innovations, etc.

D’autres facteurs expliquent la difficile intégration des femmes aux activités de vulgarisation: niveau d’instruction plus faible, multiplicité des responsabilités domestiques qui restreint leur disponibilité et leur mobilité. Toutefois, de tout temps, les femmes ont su s’organiser pour y faire face puisqu’elles ont pu assurer la production agricole tout en élevant leurs enfants. Leur participation aux programmes de vulgarisation est donc possible. Leurs contraintes doivent être analysées lors de la planification des activités, ce qui serait positif pour l’augmentation de la production agricole. Le succès des programmes de vulgarisation est tributaire de la capacité de ceux-ci à s’adapter aux circonstances.

Les services de vulgarisation ont un rôle crucial dans l’amélioration de la productivité, le développement agricole et la réduction de la pauvreté. L’accès égalitaire à ces services est essentiel pour favoriser tout autant les cultures de rente que les cultures vivrières. Un recueil de données, effectué de façon participative et différencié, est impératif pour savoir qui est touché par les services de vulgarisation, pour garantir le retour d’informations, réorienter les programmes de vulgarisation, revoir les activités de vulgarisation et capitaliser les expériences.

2.4.5. La technologie moderne

L’axe fondamental de la politique de la “révolution verte” des années 60 et 70 a été l’introduction d’un “paquet technologique d’innovations” basé sur la diffusion de semences améliorées, l’adoption de nouvelles techniques culturales et d’irrigation et l’utilisation d’engrais chimiques. La révolution verte a eu globalement un grand succès quant à l’augmentation du rendement agricole et des approvisionnements alimentaires, mais elle ne s’est pas forcément traduite par une sécurité alimentaire accrue ou de plus grandes opportunités économiques et de bien-être pour les foyers ruraux les plus pauvres. La révolution verte s’est concrétisée différemment selon les classes sociales et les individus: les riches en ont bénéficié plus que les pauvres et les hommes plus que les femmes. Par exemple, l’introduction en Asie de variétés de riz et de blé à haut rendement a eu des répercussions négatives sur le travail et l’emploi des femmes rurales:

· Elle a amplifié pour les ménages la nécessité de disposer de revenus monétaires pour l’achat des intrants technologiques, ce qui a obligé les femmes à s’engager comme ouvrières agricoles.

· Elle a accru la charge de travail non rétribué des femmes par l’intensification des travaux agricoles des petites unités, dans la mesure où celles-ci ne pouvaient pas embaucher de la main-d’oeuvre à l’égal des entreprises.

· Elle a contraint les travailleurs salariés à recourir aux membres de leur famille pour remplir les quotas de production exigés; les femmes ont vu leur charge de travail s’amplifier et elles ont dû parfois délaisser la parcelle familiale, source de sécurité alimentaire.

· Elle a induit une mécanisation qui a compressé les occasions de travail rétribué pour les femmes; outre le fait d’employer moins de personnel, les tâches auparavant accomplies manuellement par les femmes ont été confiées aux hommes dès l’instant où elles ont été réalisées à l’aide d’engins agricoles.

· Elle ne s’est pas automatiquement traduite par une amélioration du niveau de vie même si les emplois ont été plus nombreux.

· Elle n’a pas provoqué la croissance des rétributions moyennes des ouvriers agricoles bien qu’elle ait permis une augmentation des rendements des grandes entreprises.

· Elle a été source d’inégalité entre les femmes et les hommes; ces premières ont perçu des salaires moindres bien que le travail fût plus intense: sarclage, repiquage, récolte, etc.

La hausse des rendements agricoles n’est pas le seul critère des agricultrices pour s’investir dans telle ou telle spéculation; elles soupèsent également la potentialité de valorisation de la biomasse, des composantes de la plante et de la récolte. Pour un petit producteur, le riz est plus qu’une céréale, c’est aussi de la paille pour les toits et les nattes, du fourrage pour les animaux et de la nourriture pour la pisciculture. Les déchets sont source de combustible. Ces produits, indispensables à l’économie familiale, constituent des intrants cruciaux pour d’autres activités rémunératrices, indispensables à maintes familles rurales pauvres et particulièrement aux femmes.

En général, la révolution verte a favorisé l’accumulation de capital par les agriculteurs les plus riches. Pour satisfaire à un objectif de développement plus équitable et plus durable, il serait nécessaire de concevoir des technologies convenant aux réalités de la majorité des producteurs pauvres des zones non irriguées et dont l’environnement est fragile.

Les bienfaits de la technologie, tels que la diminution de la pénibilité du travail et la croissance de la productivité, sont certes indiscutables. Cependant, la modernisation de l’agriculture peut engendrer des conséquences dramatiques comme la perte, par les femmes rurales pauvres, d’opportunités d’emploi rétribué. La mécanisation a progressivement rayé certains travaux traditionnellement effectués par les femmes. C’est l’exemple des produits traités et transformés à la maison qui apportaient un revenu par leur valeur ajoutée. La mécanisation a conduit les acheteurs à acquérir les produits à l’état brut, économisant ainsi la main-d’œuvre, même si elle est bon marché, ce qui a fait chuter les revenus des ménages agricoles.

La plupart des effets négatifs de la modernisation agricole sont dus à l’introduction de technologies qui n’ont pas été conçues pour résoudre les problèmes des agriculteurs, et plus particulièrement des agricultrices, mais pour satisfaire les producteurs.

Pourtant, le développement de la technologie pourrait permettre de relever certains défis. Les femmes seules, chefs d’exploitation, ne comptent que sur elles-mêmes pour les travaux exigeant une grande force physique, tâches traditionnellement réservées aux hommes. Des technologies diminuant l’investissement physique et énergétique acquerraient alors une valeur inestimable. Malheureusement, force est de constater que les technologies facilitant le travail sont le plus souvent déniées aux femmes.

Il faut également noter que l’innovation technologique pour la collecte d’eau et du combustible, les tâches post-récolte (entreposage et transformation) n’a pas beaucoup éveillé l’attention de la recherche. La valeur accordée aux activités des femmes et la reconnaissance du volume de travail requis sont négligeables, ce qui explique pourquoi il est rarement fait appel aux femmes pour participer aux choix des thèmes de recherche, à l’expérimentation, la production et la diffusion de technologies. Tout en découvrant des réponses à la réduction de la charge de travail, la recherche devrait veiller aux risques de pertes d’emploi que cela peut entraîner pour les femmes, ce qui améliorerait grandement les conditions de vie des hommes et des femmes.

2.4.6. Les ressources financières

En général, les prérogatives des femmes sur les ressources locales et les bénéfices des politiques nationales vont rarement de pair avec l’accumulation des responsabilités qu’elles ont en matière de production vivrière et de gestion des ressources naturelles. Dans bien des régions du monde, une majorité de femmes parmi les paysans pauvres, faute d’argent, ne peuvent pas parer au coût des intrants, même subventionnés (engrais, pesticides, produits vétérinaires, aliments pour le bétail, combustible, etc.).

Dans la plupart des pays, la situation juridique des femmes ne les autorise pas à jouir conjointement avec leur mari des droits de propriété. Les garanties exigées par les systèmes financiers et bancaires leur sont ainsi niées les écartant de l’éligibilité au crédit. Les femmes en charge de famille sont les plus frappées, car tout en ayant les responsabilités, le statut de chef de ménage leur est refusé. Sans garantie à offrir (entre autres, la terre), les femmes, exclues des mécanismes de prêts, le sont également des organisations agricoles dont celles chargées de la transformation et de la commercialisation des produits. Si les femmes pouvaient se prévaloir de la terre, elles investiraient sur ce facteur de production au lieu de se borner à l’exploiter et seraient stimulées pour adopter des pratiques culturales durables.

Les femmes ne sont pas une clientèle cible des institutions financières car leur capacité de remboursement n’est pas reconnu. Elles doivent alors recourir au système de crédit informel dont les taux d’intérêt prohibitifs maintiennent, sinon renforcent, l’état de pauvreté. Elles font aussi appel aux emprunts familiaux ou informels. Les montants obtenus sont réduits puisque ces structures solidaires vivent elles-mêmes la précarité.

Le défi des années à venir est l’obtention de la parité pour l’accès aux ressources et la garantie de l’usufruit de la terre afin que les femmes puissent augmenter la production et leur pouvoir d’achat pour l’acquisition de denrées complémentaires et ainsi poser les fondements de la sécurité alimentaire. En outre, des mécanismes de crédit adaptés aux besoins des paysans sans terre ou des petites exploitations doivent être établis.

Dans certains pays, des systèmes de crédit fructueux, accompagnés de conseils techniques à la production et à la gestion, ont été expérimentés. Ils facilitent l’autosuffisance des bénéficiaires sans entrer dans un processus d’assistanat. Parmi les expériences positives, il faut citer le “Banco Solidario” en Bolivie et la “Grameen Bank” au Bangladesh. Elles ont proposé des alternatives aux garanties traditionnelles et prêtent de l’argent aux femmes rurales pauvres et sans terre. Ces micro-entreprises de crédit, privilégiant les femmes dont le revenu est faible, ont enregistré un remboursement régulier des prêts et constaté un réinvestissement des revenus générés par l’augmentation de la production dans l’amélioration de la nutrition, de la santé et de l’éducation. Il est crucial que les femmes arrivent à l’autosuffisance grâce à un appui initial et non pas par le biais de l’aumône. Des informations détaillées sur les succès obtenus doivent être recueillies pour les analyser et les systématiser afin de promouvoir des programmes porteurs de réussites.

2.5. Plan d’action de la FAO pour traiter les questions de genre


2.5.1. Le contexte
2.5.2. Le plan d’action de la FAO


Après avoir vu comment les disparités selon le genre se concrétisent, où elles sont le plus marquées, et comment elles se manifestent dans les programmes de développement, les pages suivantes en font une synthèse au travers de l’esquisse du contexte de développement dans lequel hommes et femmes s’inscrivent. Les grandes lignes du plan d’action de la FAO pour répondre à la problématique de genre sont ensuite exposées23.

23 Plan d’action de la FAO pour l’intégration des femmes dans le développement, 28ème session de la conférence, 20 octobre - 2 novembre 1995, C95/14/SUP.1-REV.1.

2.5.1. Le contexte24

24 Ibid

Sécurité alimentaire et nutrition

Un nombre important et croissant de travaux de recherche prouve que la responsabilité directe de nourrir la famille incombe en grande partie aux femmes. Pourtant, malgré tout cela, les femmes qui travaillent dans l’agriculture sont désavantagées: souvent, elles n’ont pas accès à la terre, ce qui les prive des crédits officiels et les exclut des organisations rurales, de la formation et des services de vulgarisation. Leur énorme charge de travail et la carence d’intrants agricoles pour l’amélioration de leurs systèmes de production sont autant de limitations qui contribuent à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition dans des millions de foyers, en particulier dans ceux ayant une femme à leur tête.

Parmi les 780 millions de personnes touchées par la malnutrition, une grande partie sont des femmes en âge de reproduction, en période de grossesse ou d’allaitement ou faisant partie des ménages à faible revenu dont une importante proportion est dirigée par des femmes25. Des études ont cependant démontré que dans les foyers les plus pauvres dont le chef de famille est une femme, les ressources sont destinées en premier lieu à l’alimentation et à l’éducation des enfants, ce qui n’est pas le cas dans les ménages tout aussi pauvres mais dirigés par des hommes. Cela ne fait que renforcer l’idée selon laquelle il est important de mieux comprendre la façon dont les femmes gèrent leurs ressources.

25 Ibid.

Pour les familles, un lien direct existe entre, d’une part, l’accès des femmes au revenu et au contrôle des ressources et, d’autre part, l’amélioration de l’état nutritionnel et de la sécurité alimentaire. Ce lien, combiné à l’accroissement de la productivité des activités agricoles des femmes et donc de leur contribution aux systèmes alimentaires, doit être au cœur des politiques et des programmes de sécurité alimentaire. Le recueil d’informations et de données sur l’accès, le contrôle et la gestion des ressources et des facteurs de production sont donc primordiaux.

Environnement

La relation femmes-environnement est conditionnée par l’utilisation et la gestion des ressources naturelles (en particulier du bois et de l’eau pour la préparation des aliments). La dégradation de l’environnement a un effet direct sur la charge de travail des femmes. En même temps, l’accès limité aux ressources et aux moyens de production, contraignent très souvent les femmes à surexploiter les ressources naturelles.

Pourtant, les femmes rurales sont à la fois les mieux et les moins bien équipées pour gérer l’environnement et assurer la conservation du milieu naturel. Les mieux dotées parce qu’elles possèdent le savoir et l’expérience accumulés au fil du temps et les plus mal loties parce que, sans pouvoir de décision, elles en sont écartées, sans possibilité de voir leurs besoins et connaissances pris en compte dans les politiques et programmes de développement. Il est important, d’une part, de valoriser et d’incorporer les connaissances des femmes en matière de conservation des espèces sauvages de la flore et de la faune, et, d’autre part, de garantir la participation de celles-ci aux processus de formulation des politiques.

Population

Avoir un grand nombre d’enfants reste très probablement un atout majeur pour la sécurité économique et alimentaire des ménages pauvres, pour preuve la haute valeur attachée au travail des enfants. Il est fondamental d’arriver, par la production et le recueil de données ventilées par sexe, à une meilleure compréhension des tendances démographiques afin de dessiner des politiques agricoles visant l’amélioration des conditions de vie des populations rurales, y compris des femmes.

Pauvreté

En plus des nombreuses activités liées directement à la production et la sécurité alimentaire, les femmes rurales sont également responsables de tous les travaux domestiques. Dans les zones rurales, les femmes travaillent jusqu’à 16 heures par jour, mais la majorité d’entre elles n’est pas rémunérée et leur contribution économique est totalement sous-estimée dans les statistiques officielles.

Selon le rapport mondial du PNUD sur le développement humain, sur 1,3 milliard de personnes vivant dans des conditions de pauvreté absolue, plus de 70% sont des femmes. La crise économique, les programmes d’ajustement structurel, les conflits armés, la sécheresse, etc. ont “féminisé la pauvreté”. L’exode masculin, les migrations forcées, l’éclatement des structures familiales ont accru de façon spectaculaire le nombre de femmes chefs de ménages (16% au Proche Orient, jusqu’à 60% dans certains pays africains) et ont contribué certaines régions à augmenter la présence des femmes dans “l’agriculture”. Il est rare que les politiques et les programmes de développement fixent leur attention sur ces nouveaux phénomènes, le plus souvent faute d’informations et de données pertinentes.

2.5.2. Le plan d’action de la FAO

Les causes fondamentales de la persistance de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire chez les femmes rurales et, par extension pour leur famille, sont interdépendantes. Il s’agit de:

· leur manque d’accès aux ressources et aux facteurs de production, aux services sociaux, agricoles et commerciaux et l’absence de leur contrôle;

· leur sur ou sous-emploi et l’inégalité en matière d’emploi et de rémunération;

· leur exclusion des processus de décision et de formulation des politiques, principalement en ce qui concerne l’amélioration de la productivité et la gestion des ressources naturelles;

· la législation défavorable et/ou discriminatoire à leur égard.

Pour la FAO, s’attaquer à ces problèmes est fondamental afin d’améliorer les conditions de vie des femmes rurales et atteindre les objectifs relatifs à la sécurité alimentaire, la réduction de la pauvreté et le développement durable. Aussi trois objectifs stratégiques prioritaires ont été arrêtés et des orientations d’action définies pour chacun d’entre eux.

Objectif stratégique 1 - Promouvoir l’égalité entre hommes et femmes pour l’accès et le contrôle des moyens de production

· promotion de politiques, de programmes et de projets visant la parité d’accès et de contrôle des ressources, des facteurs de production et des services;

· mise en œuvre de programmes de recherche sur les changements législatifs et politiques à apporter pour une égalité entre hommes et femmes;

· réorientation des politiques et réduction des obstacles institutionnels entravant l’accès des femmes à la terre, au capital, au crédit, aux services de vulgarisation, à la recherche, à la formation, aux marchés et aux organisations de producteurs.


Objectif stratégique 2 - Accroître la participation des femmes aux Processus de décision et de formulation des politiques, à tous les niveaux

· soutien aux approches participatives et association des femmes aux processus de développement local, régional, national afin qu’elles puissent en retirer plus d’avantages;

· promotion de la participation des femmes aux organisations communautaires, aux groupements d’agriculteurs, aux ONG et aux organismes agricoles;

· développement de dispositifs de renforcement du statut des femmes rurales dans les mécanismes de décision et dans l’élaboration des politiques et des programmes;

· établissement de réseaux d’échange d’informations et élargissement des modes de communication pour garantir la prise en compte des femmes comme agents de développement et non comme bénéficiaires passives.


Objectif stratégique 3 - Réduire la charge de travail des femmes rurales et offrir davantage de possibilités d’emploi rémunéré et de revenu

· réduction de la charge de travail des femmes rurales et facilitation d’accès aux technologies appropriées permettant d’économiser la main-d’œuvre (activités productrices et reproductrices);

· amélioration de la productivité de leurs activités et diversification des activités rémunératrices;

· développement de chances égales en matière d’emploi, de revenus, de conditions de travail acceptables et accès à la formation professionnelle;

· amélioration de la collecte, de l’analyse et de la diffusion de données et d’informations ventilées en fonction de la contribution de la main-d’œuvre féminine et masculine dans les secteurs de l’alimentation, de l’agriculture et du développement rural; reconnaissance et valorisation du travail non rémunéré des femmes;

· mise au point et diffusion de méthodes, d’indicateurs et de bases de données appropriés.


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