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II.3. OBJECTIF 1: AMÉLIORER LA GESTION (UTILISATION ET CONSERVATION) DES RESSOURCES GÉNÉTIQUES FORESTIÈRES


II.3.1. Inventorier les ressources
II.3.2. Protéger et conserver les ressources
II.3.3. Utiliser durablement les ressources


La méthodologie de la gestion des ressources génétiques forestières est désormais relativement bien connue et peut être résumée sous forme d’un programme à plusieurs étapes selon les objectifs et le degré de sophistication choisis (encadré 3). D’un point de vue stratégique, les activités auront d’autant plus de chances d’être mises en œuvre efficacement qu’elles auront été formulées et décidées sous l’impulsion, ou avec l’active participation, des propriétaires fonciers, des décideurs locaux et des ayants-droit.

ENCADRÉ 3: ACTIONS TECHNIQUES RELATIVES AUX RESSOURCES GÉNÉTIQUES FORESTIÈRES

Les actions relatives à la gestion (y compris la conservation et l’utilisation) des ressources génétiques forestières couvrent généralement une ou plusieurs des étapes techniques suivantes:

- (a) prospection botanique et taxonomique;
- (b) prospection génécologique;
- (c) récolte de matériel de reproduction en vue de tests;
- (d) essais et évaluation des provenances, familles, descendances, clones;
- (e) établissement de peuplements de conservation in situ;
- (f) échantillonnage et récolte de matériel pour la conservation ex situ;
- (g) établissement et gestion de peuplements ex situ;
- (h) mise en place de programmes de sélection et d’amélioration génétique;
- (i) recherches sur la biologie, la phénologie et la reproduction;
- (j) recherches sur la sylviculture et la gestion.

Bien que des variations puissent apparaître dans la liste ci-dessus en fonction du but poursuivi, conservation ou amélioration, le processus est cumulatif et certaines étapes doivent être franchies avant que d’autres puissent être initiées. C’est ainsi qu’il faut par exemple recueillir les connaissances sur la distribution géographique et écologique d’une espèce avant d’étudier sa variabilité intraspécifique.


Les questions relatives à l’accès aux ressources et à l’utilisation de celles-ci doivent être résolues à plusieurs niveaux: localement entre communautés et individus, pour l’utilisation des produits et services d’un parc ou d’une forêt par exemple, au niveau national (par exemple sur les aspects relatifs au transfert et à l’utilisation de matériel de reproduction sélectionné) et au niveau international (par exemple sur les questions d’échange entre pays de matériel de reproduction et au partage des bénéfices qui en sont issus).

II.3.1. Inventorier les ressources

Justification: Tout programme de conservation ou d’amélioration raisonnée commence en principe par l’étude et l’inventaire des ressources existantes. Pour élaborer des politiques et des stratégies relatives à la conservation et à l’utilisation durable des ressources génétiques forestières, les programmes nationaux ont besoin d’informations sur les ressources de leur pays.

Les pays qui ont ratifié la Convention sur la diversité biologique ont reconnu certains besoins et responsabilités dans ce domaine. Le rapport Situation des ressources génétiques forestières des zones sahélienne et Nord-soudanienne montre que, compte tenu de l’importance des plantes ligneuses dans les économies locales et nationales, relativement peu d’activités systématiques ont été entreprises, même pour les arbres et arbustes très importants. Des 16 espèces prioritaires (voir la liste dans le tableau 12), dix requièrent une collecte urgente d’informations sur leurs caractéristiques biologiques (distribution naturelle, taxonomie, génécologie, phénologie, etc.).

En matière d’exploration et de recensement de la distribution des espèces, et en vue de la délimitation de populations potentiellement distinctes par zonation génécologique, l’absence d’une typologie écologique forestière commune aux pays de la région ne permet ni les comparaisons d’un pays à l’autre, ni les évaluations normalisées. Cette limitation constitue un frein considérable aux études régionales concernant l’amplitude et la distribution spatiale de la variabilité intraspecifique.

L’étude et l’inventaire des ressources génétiques des espèces prioritaires doivent être considérées comme des étapes d’un processus conduisant à une meilleure gestion de la diversité génétique, et non comme des buts en eux-mêmes. C’est pourquoi il est conseillé de les lier à des objectifs spécifiques orientés vers l’action, par exemple, au sein d’un programme régional de conservation et d’utilisation durable d’une espèce donnée. C’est de cette manière qu’il sera jugé de la pertinence des diverses méthodes d’étude de la diversité génétique (essais de provenance, analyses biochimiques, marqueurs génétiques) en fonction des informations recherchées et du coût prévu.

Objectifs à long terme: Identifier, localiser, recenser, et si possible évaluer la diversité des espèces, sous-espèces, populations, variétés, écotypes et races locales prioritaires. Evaluer l’importance des populations dans les unités intraspécifiques ainsi que la nature précise et l’intensité des risques qui peuvent peser sur chacune d’elles.

Objectifs intermédiaires: Mettre au point des méthodologies communes, utiles et simples permettant d’étudier et de recenser les ressources des arbres et arbustes ainsi que l’étendue et les modalités de leur variabilité génétique. Faire le point sur la distribution des ressources génétiques par espèce prioritaire.

Activités recommandées:

- Proposer une série de critères communs de typologie qui pourront être utilisés dans les différents pays lors des inventaires, descriptions et études de diversité génétique des espèces considérées.

- Rassembler les informations disponibles sur la distribution, la biologie, les modes et la physiologie de la reproduction, les modalités et l’étendue de la variation intraspécifique des espèces prioritaires.

- Identifier les lacunes dans les informations ci-dessus et proposer des études ou des explorations complémentaires par grande zone écologique.

- Actualiser les cartes des aires de distribution des espèces prioritaires par pays et par zone écologique.

- Contribuer à l’inventaire des réservoirs de ressources génétiques forestières pour les espèces prioritaires tels que les réserves naturelles et les parcs nationaux.

Options techniques: Les études visant à mieux connaître la variation génétique d’une espèce donnée, à l’intérieur d’une région géographique et entre régions, peuvent recourir à plusieurs méthodes: études morphologiques et biométriques dans des essais comparatifs, analyses biochimiques et par marqueurs moléculaires en laboratoire ou encore la simple présomption de variation génétique en vue de la distribution géographique et écologique de l’espèce. Le choix de chacune de ces méthodes, dont aucune n’est absolue et qui chacune apporte un élément d’éclairage indispensable, est abondamment documenté37.

37 Gradual, L. et al., 1997.

II.3.2. Protéger et conserver les ressources

Alors que la protection désigne un ensemble de mesures visant à mettre certaines ressources à l’abri de dangers réels ou supposés (aboutissant à une protection physique ou réglementaire par exemple), la conservation vise à maintenir ces ressources «en bon état», c’est-à-dire à garantir dans la mesure du possible leur potentiel d’évolution pour répondre aux besoins des générations futures. La protection (préservation) n’est qu’un aspect de la conservation au sens large.

La conservation des ressources génétiques forestières désigne l’ensemble des politiques et actions «conduisant l’utilisation humaine des ressources génétiques de sorte qu’elles puissent procurer de manière soutenue un maximum d’avantages aux générations présentes, tout en maintenant leur capacité de répondre aux besoins et aspirations des générations futures»38.

38 FAO, 1989.


Justification:

Le document Situation des ressources génétiques forestières des zones sahélienne et Nord-soudanienne montre que de nombreuses espèces et populations font l’objet de fortes pressions. Les niveaux de sécurité et la nature des pressions sur 159 populations appartenant aux 16 espèces prioritaires dans 18 pays sont présentés en annexe 11.

Le document confirme aussi que les efforts législatifs ou réglementaires pour la protection des ressources forestières ont généralement eu un impact médiocre s’ils n’ont pas été accompagnés par une réflexion plus vaste prenant en compte les besoins, droits et responsabilités des populations locales ainsi qu’une recherche d’équilibre entre conservation et utilisation à travers l’aménagement forestier.

La protection au sens strict apparaît de plus en plus comme une mesure transitoire, à utiliser de manière temporaire, en complément d’autres options. De manière générale, les efforts de conservation sont préférables à ceux de protection, dont la portée est plus limitée.

Avant d’entreprendre toute action en ce domaine, il est absolument essentiel de préciser et d’identifier les éléments qui feront l’objet des mesures prévues de conservation. Ces éléments peuvent être des écosystèmes, des espèces, des populations (variation entre populations) ou des individus (variation à l’intérieur des populations). La conservation des ressources génétiques peut être réalisée sur place (in situ) ou hors site (ex situ), dans le cas de vergers à graines par exemple.

Enfin, les espèces et les niveaux de variations intraspécifiques peuvent être trouvés dans plusieurs types de dépôts (réservoirs):

- Forêts (classées, gérées ou non aménagées);
- Réserves, parcs naturels, aires protégées (que la protection soit effective ou non);
- Arbres hors forêts, plantations agroforestières, parcs d’agrément, jardins botaniques;
- Essais d’amélioration, vergers à graines, centres de semences agricoles ou forestiers.

L’expérience montre que la conservation et la régénération du patrimoine génétique sont mieux assurées lorsqu’une combinaison de divers réservoirs est mise en place. L’approche préconisée est celle combinant divers lieux et divers types de réservoirs. Un bon départ serait de recenser les possibilités de conservation in situ dans les forêts aménagées, puis de poursuivre en inventoriant les ressources trouvées dans les réserves naturelles et autres aires protégées et compléter le cas échéant en prévoyant le stockage ex situ d’un échantillon représentatif de la variabilité. Cette démarche aura l’avantage de réconcilier dans une même approche la conservation et l’utilisation durable des ressources dans un même lieu (forêt aménagée).

L’intérêt d’une approche régionale dans la préparation et la mise en œuvre de stratégies de conservation tient au fait que des économies d’échelle importantes peuvent être réalisées tout en réduisant les risques globaux de disparition d’espèce ou de provenance. Si l’objectif est de conserver les principaux réservoirs génétiques, le nombre de peuplements à conserver doit demeurer à un niveau raisonnable.

Objectifs à long terme: garantir la capacité des espèces forestières à s’adapter aux changements de l’environnement et maintenir ainsi l’information génétique nécessaire à l’évolution naturelle ainsi qu’aux programmes d’amélioration des arbres dans le futur.

Objectifs intermédiaires: définir et mettre en place, pour chacune des espèces prioritaires au niveau sous-régional, une stratégie de conservation dans son aire de distribution, prenant en compte les caractéristiques éco-géographiques de la variation génétique de l’espèce, la distribution et l’efficacité des réservoirs existants, les limitations éventuelles dans la protection ainsi que les actions complémentaires nécessaires.

Activités recommandées:

- Inventorier les ressources génétiques des espèces prioritaires bénéficiant d’un système de protection (réserve naturelle, aire protégée, forêt classée);

- Evaluer l’efficacité de la conservation des espèces/populations prioritaires dans les systèmes ci - dessus;

- Inventorier les peuplements porte-graine utilisés pour chaque espèce prioritaire;

- Inventorier, pour chaque espèce prioritaire, les réservoirs des populations génétiquement distinctes;

- Identifier les principaux centres («points chauds») de diversité génétique ainsi que les populations marginales et périphériques;

- Recenser les peuplements particulièrement importants d’espèces prioritaires (peuplements de récolte de semences) qui devraient faire en priorité l’objet de mesures de protection et de conservation;

- Inventorier les ressources génétiques se trouvant dans les réservoirs ex situ de la sous-région (y compris les essais de domestication et les arbres conservés en systèmes non forestiers) pour chaque espèce prioritaire;

- Recenser les populations faisant l’objet de graves pressions et les options possibles en matière de multiplication végétative et de conservation ex situ;

- Préparer des campagnes d’information et de vulgarisation à destination des populations locales et des villageois sur la prévention et la lutte contre les feux de brousse;

- Rechercher et documenter des expériences et des modèles de gestion de parcs agroforestiers en prenant en compte des considérations de conservation in situ des ressources génétiques forestières;

- Documenter les expériences traditionnelles et actuelles en matière de conservation in situ des ressources génétiques forestières.

Options techniques: Le choix des options techniques disponibles doit dépendre en premier lieu de la nature du matériel à conserver et doit être établi au cas par cas. Les deux principales options techniques en matière de conservation des ressources génétiques, c’est-à-dire la conservation in situ et ex situ, se complètent mutuellement. La conservation in situ prévoit l’entretien continu d’un peuplement au sein de la communauté dont il fait partie et dans l’environnement auquel il est adapté. La conservation ex situ comporte à la fois la conservation de semences, de pollen et de tissus ainsi que la conservation de matériels génétiques dans des collections vivantes, par exemple dans des arboretums et des banques de clones ou bien encore dans des peuplements spécialement établis de conservation ex situ (tableau 13).

Pour les essences forestières actuellement peu exploitées, il est suffisant de délimiter ou d’établir un réseau de zones de conservation in situ, comprenant des forêts de production et des réserves protégées soumises à divers degrés d’aménagement. Ces zones de conservation génétique doivent être suffisamment vastes pour éviter les effets néfastes de l’autofécondation et de la dérive génétique et doivent également englober des peuplements centraux et périphériques. Pour les essences soumises à une exploitation intensive, la conservation in situ peut être complétée par la gestion de la variation génétique provenant de peuplements forestiers et de programmes de sélection.

TABLEAU 13: RÉSUMÉ DES OPTIONS TECHNIQUES DE CONSERVATION EN FONCTION DES TYPES DE RÉSERVOIRS DE VARIABILITÉ GÉNÉTIQUE

Adapté de Palmberg, 1999

Type de réservoir de variabilité génétique

Utilisation pour la conservation

Aires protégées, réserves naturelles

Conservation in situ

Forêts naturelles aménagées, peuplements naturels aménagés pour la récolte de graines

Conservation in situ

Plantations, arbres hors forêt, jardins botaniques

Conservation ex situ

Parcelles expérimentales, essais comparatifs, vergers à graines, centres de semences forestières

Conservation ex situ


II.3.3. Utiliser durablement les ressources

Justification:

La dégradation des ressources génétiques forestières de la zone sahélienne et Nord-soudanienne est principalement due à leur utilisation anarchique et non durable. Dans un grand nombre de cas, aussi bien pour les ressources forestières que pour les ressources génétiques des arbres et arbustes, l’aménagement forestier pour la production de biens et de services est compatible avec la conservation d’une espèce donnée, dès lors qu’un certain nombre de principes simples de gestion et de génétique sont appliqués en matière de sylviculture.

Les concepts d’aménagement occupent une place centrale dans la recherche d’un équilibre entre conservation et utilisation des ressources. Il n’existe probablement pas de solution universelle au problème, mais un certain nombre de concepts, méthodologies et études de cas, prenant en compte les aspects techniques, socio-économiques et culturels, ont été développés par différents acteurs du développement rural au Sahel. Du fait que les populations rurales de la zone sahélienne et soudano-sahélienne sont, et seront encore longtemps, fortement tributaires des produits et services fournis par les arbres et les forêts, leur implication dans les processus et efforts de gestion durable est essentielle. L’efficacité limitée des réserves intégrales existantes milite pour une intégration systématique des contraintes et besoins humains actuels dans les stratégies de conservation.

L’analyse des contraintes (utilisation des ressources génétiques forestières par produit et service) peut constituer une clé d’entrée pour l’identification des actions à mener au niveau local. L’importance du bois de feu justifie à elle seule l’élaboration de stratégies énergétiques où toutes les formes de production (forêts naturelles et plantations) seront explorées. Le développement de plantations plus performantes, proches des lieux de consommation, est susceptible d’alléger considérablement la pression sur les ressources locales.

En ce qui concerne la production de produits alimentaires, diverses institutions nationales et internationales appuient les efforts de domestication des arbres forestiers par les agriculteurs et soutiennent également la conservation du patrimoine génétique dans les systèmes de cultures.

Objectifs à long terme: Accroître et améliorer l’utilisation durable et raisonnée des ressources génétiques des arbres et arbustes naturels et introduits. Favoriser les innovations en matière d’amélioration génétique des arbres et des populations sauvages par la domestication et la conservation. Promouvoir la diversification des produits et services en associant de manière complémentaire forêts naturelles et plantations. Prévenir activement la désertification des zones écologiques les plus fragilisées.

Objectifs intermédiaires: Favoriser la sensibilisation des populations locales utilisatrices des produits et services fournis par les arbres et arbustes à travers des programmes ciblés et localisés. Contribuer aux programmes de lutte contre la désertification.

Activités recommandées:

- Promouvoir les études de productivité des formations naturelles et développer des options de gestion fournissant des intensités de récoltes durables;

- Développer des études de cas sur l’utilisation et le savoir traditionnel (tabous, interdits,...). Identifier les nouvelles préoccupations et les nouveaux comportements culturels qui pourraient accompagner les efforts de gestion durable;

- Contribuer aux campagnes d’information et de vulgarisation à destination des populations locales et des villageois en vue d’une utilisation économe des ressources.

Options techniques: promotion des plans d’aménagement forestier et des plans d’occupation des sols; renforcement des programmes de plantations villageoises et individuelles; intensification des programmes d’amélioration et de domestication; insister sur l’importance des peuplements porte-graine (voir chapitre suivant).


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