II.2.1. Justification et enjeux
II.2.2. Méthodologie
II.2.3. Liste des espèces méritant une priorité absolue
II.2.4. Utilisation despèces prioritaires
II.2.5. Choix opérationnels concernant les espèces prioritaires
Compte tenu des moyens financiers et humains nécessairement limités affectés aux opérations concernant les ressources génétiques forestières, loptimisation de lutilisation de ces moyens nécessite des choix de la part des décideurs économiques et politiques. La hiérarchisation des actions considérées comme les plus urgentes et les plus essentielles est subjective, déterminée en grande partie en fonction des principaux bénéficiaires et autant que possible par eux. Il est clair que toutes les parties prenantes doivent être associées au processus et que le maintien et le développement des ressources génétiques forestières sont dintérêt général.
Au-delà des considérations purement techniques sur la manière de gérer les ressources génétiques, une réflexion plus vaste doit être menée sur la valeur qui leur est attribuée par les différents acteurs, et par conséquent sur la contribution de ces derniers. Cette réflexion doit aussi prendre en compte le court, le moyen et le long terme, en vue de la continuité des programmes, en gardant à lesprit que cette continuité sera dautant mieux garantie que les besoins de tous auront été pris en compte dans lanalyse et les choix finaux.
Lobjet principal du processus décrit ici est de fournir une aide à la décision sur les essences forestières susceptibles dêtre considérées dans des projets de collaboration au niveau sous-régional. Le résultat de lexercice consiste en des listes despèces considérées comme prioritaires par une majorité de pays, et donc susceptibles defforts ciblés de coopération.
Les listes doivent répondre à la question suivante: Lorsque des moyens matériels, financiers ou humains, forcément limités, sont disponibles à léchelle sous-régionale pour les ressources génétiques forestières, où peuvent-elles être affectées de manière à espérer une efficacité optimale?
Les priorités par pays ont été établies en pesant la valeur socio-économique, écologique, culturelle ou autre des espèces au regard des risques potentiels de réduction, voire dextinction, de leurs composantes génétiques. Deux types de données ont ainsi été nécessaires: celles liées au statut des espèces (valeur, usage, distribution, gestion actuelle et risques potentiels) et celles liées aux actions préconisées pour un groupe limité (espèces prioritaires).
Les informations ont été fournies par les pays par le biais de rapports préparés à loccasion de latelier de Ouagadougou, puis synthétisées par Dr O. Eyog Matig dans le cadre dune consultance pour lInstitut international des ressources phytogénétiques (IPGRI). Durant le processus de hiérarchisation, un certain nombre dhypothèses ont été formulées (voir ci-dessous) afin de mieux comprendre la portée et les limitations du processus:
- Le niveau considéré est celui de lespèce forestière. Cest le niveau le mieux connu sur le plan scientifique et technique, le plus simple à appréhender dans la pratique, et le plus à même dintéresser directement les populations rurales. Les autres niveaux de la diversité biologique, comme lécosystème et la génétique moléculaire, ne sont donc pas considérés directement dans les objectifs du plan.- Les données sous-régionales sont issues dinformations recueillies au niveau national. Dans chaque pays, la liste des espèces prioritaires a été établie par le rédacteur du rapport national selon une méthodologie élaborée par les pays en collaboration avec la FAO. Le rédacteur a été choisi par son pays. Lapproche sest voulue empirique et a utilisé les informations existantes et na pas nécessité de faire appel à des données quantitatives uniformisées ou à des analyses statistiques28.
28 Pour des exemples danalyses de hiérarchisation à vocation scientifique, voir Oldfield et al., 1998. The World List of Threatened Trees and comments in the Commonwealth Forestry Review 77 (4), 1998, p 291-293.- Lapproche a une vocation ouvertement utilitariste et foncièrement orientée vers laction: seules les espèces ayant une valeur avérée (quelle que soit la nature de cette valeur) ont été considérées. Le processus sest voulu holistique (toutes les natures de valeur liées aux espèces ont pu être considérées) et neutre (il ny a pas eu de hiérarchie préétablie entre les différents types de valeur).
- Les priorités en matière despèces forestières exprimées par les pays ont été décidées par ceux-ci selon leur propre échelle de valeurs. Afin quune large gamme de valeurs puisse être représentée, les consultants MM. A. Nikiéma et B. Kigomo, lors de leurs visites dans les treize pays de la sous-région avant la rédaction des rapports nationaux, ont insisté sur limportance des consultations avec lensemble des acteurs de la filière, notamment avec les représentants des communautés locales, des organisations professionnelles, des services agricoles, pastoraux et forestiers, des pépiniéristes publics et privés, des ONG, des associations de conservation de la nature, ainsi quavec les chercheurs et scientifiques, les agents de développement rural, etc. De même, il a été recommandé au rédacteur du rapport national de prendre en compte les opinions exprimées par les divers acteurs concernés par les ressources génétiques forestières.
- Les espèces nintéressant quun seul pays, bien que pouvant présenter un très grand intérêt national ou local, nont pas été considérées.
Les limitations les plus apparentes de la méthodologie suivie sont les suivantes:
- Le nombre despèces méritant une priorité absolue au niveau sous-régional est nécessairement limité. Dautres initiatives sont nécessaires pour couvrir les espèces non prioritaires à lheure actuelle au niveau sous-régional (voir encadré 2). De telles initiatives incluent le développement du statut national de la biodiversité et des plans daction dans le cadre de la Convention sur la biodiversité, létablissement et le maintien de réseaux daires protégées et de réserves naturelles, la mise à jour de listes globales par lIUCN et le Centre mondial de surveillance de la conservation (WCMC) despèces darbre menacées, lentretien de listes despèces darbres prioritaires par le Groupe FAO dexperts en ressources génétiques forestières ainsi29 que le développement du Système mondial dinformation sur les ressources génétiques forestières de la FAO (REFORGEN)30.29 FAO, 1997c30 Pour les détails, voir FAO, 2000 ou http://www.fao.org/forestry/FOR/FORM/FOGENRES/homepage/fogene-e.stm
- Les espèces les plus importantes à léchelle sous-régionale peuvent ne pas avoir le même niveau de priorité pour un groupe social déterminé, pour un village donné ou une communauté rurale particulière. Des études ont été menées par le CIRAF et lISNAR31 sur des groupes sociaux à des niveaux différents dorganisation sociale dans les zones semi-arides de basses altitudes dAfrique de lOuest (SALWA)32.
31 International Service for National Agricultural Research, The Hague.32 Franzel et al., 1996. et voir la présentation du SALWA à: http://www.cgiar.org/icraf/regional/region_3/region_3.htm
- Les listes des priorités nont pas de vocation universelle ni de caractère définitif. Elles seront amenées à être révisées et actualisées régulièrement. Elles constituent néanmoins des options parmi lesquelles les décideurs et bailleurs de fonds pourront, sils le désirent, choisir de concentrer leurs efforts.
ENCADRÉ 2: APPROCHE PRATIQUE DU PROCESSUS DE SÉLECTION DES ESPÈCES DARBRES PRIORITAIRES
Namkoong33 recommande, comme première approche des exercices de sélection des espèces prioritaires, de classer les espèces en trois groupes: 33 Namkoong, G., 1986. Le premier groupe inclut des espèces qui font déjà (ou feront prochainement) lobjet de programmes de sélection ou damélioration, quel que soit le stade du programme en question. Dans le groupe 2, figurent les espèces dont lampleur de la variation génétique est encore mal connue, mais dont le potentiel est important compte tenu des utilisations ou des recherches actuelles. Enfin, cest dans le groupe 3 que se retrouve la plupart des espèces forestières. La valeur dutilisation accordée à ces espèces ne peut justifier, en létat actuel des connaissances et des prévisions, la mise en uvre de stratégies particulières de conservation ou damélioration génétique pour la satisfaction des besoins humains. Le seul objectif de gestion pourrait être de conserver pour lavenir des échantillons représentatifs des populations. Une approche de conservation in situ pourrait dans ce cas savérer utile34. 34 FAO, 1989 |
Les pays de la zone sahélienne et Nord-soudanienne regorgent de nombreuses espèces ligneuses toutes aussi importantes les unes que les autres. Von Mayheel35 recense 114 arbres à buts multiples. Les listes données par les pays mentionnent 310 espèces darbres et darbustes. Des nombreuses espèces choisies comme prioritaires dans les rapports nationaux, la sélection finale na conservé que les espèces (i) citées comme prioritaires par au moins neuf pays sur les dix huit qui ont fourni un rapport national et (ii) ayant une valeur actuelle ou potentielle élevée reconnue par les pays. Ces espèces sont au nombre de 16 (tableau 11).
35 Von Maydell, 1983
A titre de comparaison, sur les 26 espèces forestières fruitières dont la liste a été établie par SALWA dans quatre pays sahéliens (Burkina Faso, Mali, Niger et Sénégal) sur la base des préférences des agriculteurs en vue de la domestication des arbres, seules trois espèces ne sont pas dans la liste ci-dessous (Acacia senegal, Anogeissus leiocarpus et Eucalyptus camaldulensis qui ne sont pas des arbres fruitiers).
TABLEAU 11: RÉSULTATS DE LA HIÉRARCHISATION DES ESPÈCES PRIORITAIRES DANS 18 PAYS36 - LISTE DES 16 ESPÈCES MÉRITANT UNE PRIORITÉ ABSOLUE
36 Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte dIvoire, Erythrée, Ethiopie, Gambie, Ghana, Guinée, Kenya, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Soudan, Tchad et Togo
Rang relatif des espèces
prioritaires |
Espèces prioritaires |
Pays ayant cité lespèce par rapport
au total des pays |
Principales utilisations |
|
|
|
Nombre |
Pourcentage |
|
1er ex |
Faidherbia albida |
15 |
83% |
Fourrage, ombrage, conservation eau et sol, association avec
cultures |
1er ex |
Tamarindus indica |
15 |
83% |
Nourriture, PFNL*, ombrage |
3ème |
Khaya senegalensis |
14 |
78% |
Bois duvre, bois de feu, PFNL |
4è ex |
Acacia nilotica |
12 |
67% |
Bois de feu et PFNL |
4è ex |
Adansonia digitata |
12 |
67% |
Nourriture, ombrage, PFNL |
4è ex |
Anogeissus leiocarpus |
12 |
67% |
Bois de feu et de service |
4è ex |
Parkia biglobosa |
12 |
67% |
Nourriture, association avec cultures |
8è ex |
Acacia senegal |
11 |
61% |
PFNL et fourrage |
8è ex |
Azadirachta indica |
11 |
61% |
Bois de service, bois de feu, PFNL |
8è ex |
Borassus aethiopum |
11 |
61% |
Bois de service, bois duvre, fourrage |
8è ex |
Diospyros mespiliformis |
11 |
61% |
Nourriture, bois duvre, bois de feu |
8è ex |
Pterocarpus erinaceus |
11 |
61% |
Bois duvre, bois de feu, PFNL |
13è ex |
Balanites aegyptiaca |
10 |
56% |
Nourriture, PFNL |
13è ex |
Eucalyptus camaldulensis |
10 |
56% |
Bois de service, bois de feu |
13è ex |
Vitellaria paradoxa |
10 |
56% |
Nourriture, bois de feu, PFNL |
13è ex |
Ziziphus mauritiana |
10 |
56% |
Nourriture et fourrage |
* PFNL: Produits forestiers non ligneux
Les données mentionnées dans les rapports nationaux pour chacune des 16 espèces prioritaires ont été compilées et la figure 4 montre la répartition de ces usages. Les usages principaux concernent (i) les produits forestiers non ligneux, (ii) le bois combustible, (iii) les produits alimentaires, (iv) la production de poteaux de dimensions modestes. Bien que limportance relative de chacune de ces quatre catégories principales ne corresponde pas exactement à lutilisation des 310 espèces (voir §I.2.4.), les résultats napparaissent pas très différents avec un indice de confiance de 95%.
FIGURE 4: TYPES DUTILISATION DES 16 ESPÈCES FORESTIÈRES PRIORITAIRES À LÉCHELLE RÉGIONALE
Les principaux usages des arbres ont été recensés par pays puis à léchelle régionale
Sur la base des indications fournies par les experts nationaux, les activités techniques concernant les espèces prioritaires ont été compilées et harmonisées. Les résultats, présentés dans le tableau 12, représentent la situation moyenne pour chaque espèce et non pas celle particulière dans chaque pays pris individuellement.
TABLEAU 12: CHOIX OPÉRATIONNELS CONCERNANT LES ESPÈCES MÉRITANT UNE PRIORITÉ ABSOLUE AU NIVEAU SOUS-RÉGIONAL
|
Exploration & récolte |
Evaluation |
Conservation |
Utilisation du matériel
génétique |
||||
Opération |
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
6 |
7 |
8 |
Essences |
|
|
|
|
|
|
|
|
Acacia nilotica |
1 |
2 |
1 |
1 |
2 |
2 |
1 |
1 |
Acacia senegal |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
2 |
Adansonia digitata |
3 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
3 |
3 |
Anogeissus leiocarpus |
1 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
3 |
Azadirachta indica |
2 |
2 |
2 |
1 |
2 |
2 |
1 |
1 |
Balanites aegyptiaca |
1 |
2 |
1 |
2 |
1 |
2 |
1 |
3 |
Borassus aethiopium |
2 |
2 |
2 |
3 |
1 |
2 |
2 |
2 |
Diospyros mespiliformis |
2 |
3 |
2 |
3 |
1 |
2 |
1 |
2 |
Eucalyptus camaldulensis |
1 |
1 |
2 |
2 |
2 |
3 |
1 |
3 |
Faidherbia albida |
2 |
2 |
2 |
2 |
1 |
2 |
1 |
2 |
Khaya senegalensis |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
2 |
2 |
2 |
Parkia biglobosa |
2 |
2 |
2 |
1 |
1 |
2 |
2 |
1 |
Pterocarpus erinaceus |
1 |
3 |
1 |
3 |
1 |
3 |
1 |
3 |
Tamarindus indica |
1 |
1 |
1 |
2 |
1 |
1 |
2 |
3 |
Vitellaria paradoxa |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
2 |
2 |
Ziziphus mauritiana |
2 |
2 |
1 |
2 |
2 |
2 |
1 |
2 |
Légende:1: priorité absolue
2: une prompte action est recommandée
3: laction est importante, mais moins urgente que pour 1) et 2)Exploration:
1. Information biologique (répartition naturelle, taxonomie, génécologie, phénologie, etc.)
2. Récolte du matériel génétique pour évaluationEvaluation:
3. In situ (études des populations)
4. Ex situ (essais de provenances et descendances)Conservation:
5. In situ
6. Ex situUtilisation du matériel génétique:
7. Production de semences pour les plantations, matériels de reproduction
8. Sélection et amélioration