Page précédente Table des matières Page suivante


II. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE MONDIAL ET L'AGRICULTURE


PANORAMA ÉCONOMIQUE
QUELQUES QUESTIONS IMPORTANTES

PANORAMA ÉCONOMIQUE


Contexte économique et perspectives de l'agriculture

Le ralentissement de l'activité économique mondiale qui a commencé en 1990 s'est poursuivi en 1993 et les possibilités de reprise rapide paraissent très incertaines. Après avoir pratiquement stagné en 1991, l'activité économique mondiale n'aurait augmenté que de 1,7 pour cent en 1992, et les prévisions pour 1993 indiquent un taux de croissance de 2,2 pour cent1.

1 Sauf indication contraire, les estimations et les prévisions figurant dans cette section sont tirées de Perspectives de l'économie mondiale, FMI, avril 1993.
Le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) estime que les échanges mondiaux de marchandises en 1992 ont progressé de 5,5 pour cent en valeur et de 4,5 pour cent en volume, ce qui est la première accélération de la croissance depuis 1988. Selon les prévisions actuelles pour 1993, les échanges augmenteront de plus de 4,5 pour cent en volume, bien que l'évolution du secteur commercial risque d'être beaucoup moins bonne2. De toute manière, l'expansion assez rapide du commerce mondial est considérée comme un élément positif dans un contexte économique caractérisé dans l'ensemble par un ralentissement de la croissance et un avenir incertain.
2 Les estimations du GATT concernant le commerce mondial diffèrent quelque peu de celles du FMI. Selon ce dernier, le volume des échanges mondiaux a progressé de 4,2 pour cent en 1992 et il prévoit une croissance de 5,2 pour cent en 1993.
Le taux de croissance économique dans les pays industriels, qui assurent les trois quarts de la production mondiale, ne dépassera pas 1,2 pour cent en 1993, selon les prévisions actuelles de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), soit un niveau inférieur à celui déjà faible de l'année précédente.

Les pays européens se trouvent dans une situation particulièrement difficile: la récession (curieusement associée à des taux d'intérêt réels élevés); des taux de chômage importants et qui ne cessent de croître; une accentuation des déficits budgétaires; et une grande instabilité des marchés financiers et des monnaies qui pèse lourdement sur le système de taux de change de la CEE et ajoute aux difficultés rencontrées pour atteindre les objectifs de Maastricht.

Les perspectives de croissance du Japon pour 1993 sont à peine de 1 pour cent, mais, selon de récentes indications, des mesures financières et monétaires de stimulation pourraient contribuer à une reprise en 1994.

Figure 1

PRODUCTION ÉCONOMIQUE MONDIALE* (variation en pourcentage par rapport à l'année précédente)

* PIB réel ou PMN réel
CROISSANCE ÉCONOMIQUE DANS LES RÉGIONS EN DÉVELOPPEMENT (variation en pourcentage par rapport à l'année précédente)
Source: FMI
Alors que l'Europe de l'Ouest et le Japon s'essoufflent en tant que pôles de croissance mondiaux, les Etats-Unis semblent offrir les meilleures perspectives pour stimuler l'économie mondiale à court et à moyen terme. Selon les prévisions de l'OCDE, la croissance économique des Etats-Unis devrait être en 1993 de 2,6 pour cent, soit moins que prévu, mais plus du double de la croissance moyenne des pays de la zone OCDE. La reprise semble s'accélérer, mais de grandes incertitudes demeurent, en particulier pour ce qui est du déficit du budget fédéral qui est important, et de l'efficacité des mesures adoptées pour le réduire.

Parmi les pays à économie planifiée antérieurement, la République tchèque, la Pologne et la Hongrie présentent des signes de reprise et une diminution des pressions inflationnistes, mais ces pays ont encore du mal à contenir leurs déficits budgétaires. Les Etats baltes ont fait aussi des progrès encourageants pour ce qui est de la croissance et de la stabilisation.

En revanche, le processus de restructuration économique se heurte à de grands obstacles dans la plupart des autres pays de l'ex-URSS. Le manque à produire ayant été catastrophique les deux années précédentes, le PIB réel de l'ex-URSS devrait baisser considérablement en 1993. Ces mauvais résultats s'expliquent par des taux d'inflation extrêmement élevés, le bouleversement des courants d'échange à l'intérieur et à l'extérieur de la zone, l'incapacité de contenir le déficit budgétaire et des incertitudes quant au processus de transformation lui-même.

Figure 2

PRODUCTION MONDIALE ET VOLUME DES ÉCHANGES MONDIAUX (variation en pourcentage par rapport à l'année précédente)

Source: FMI
Contrastant fortement avec les mauvais résultats économiques des pays développés et des économies en transition, les pays en développement dans leur ensemble ont affiché une bonne croissance en 1992 (environ 6 pour cent), qui devrait se poursuivre en 1993, mais à un rythme plus lent. Toutefois, il y a eu de grandes différences d'une région à l'autre et la forte croissance générale enregistrée dans les pays en développement est due surtout aux bons résultats obtenus par un petit nombre d'économies dynamiques. La palme va cette fois encore aux pays d'Extrême-Orient, particulièrement à ceux de l'Asie de l'Est. La Chine est probablement le pays du monde où la croissance économique a été le plus rapide, la production, les investissements et les exportations ayant fait de véritables bonds en avant en 1992 et 1993 - mais l'inquiétude monte devant les tensions inflationnistes. L'activité économique est aussi restée assez dynamique en Amérique latine et dans les Caraïbes, sauf au Brésil où elle est paralysée par la stagflation et un déficit budgétaire représentant 40 pour cent du PIB. Enfin, l'Afrique a subi les effets négatifs des conflits, de la sécheresse dans les pays de l'hémisphère austral et des prix déprimés de plusieurs grands produits d'exportation de la région en 1992; l'amélioration des termes de l'échange et le retour à des conditions météorologiques normales en Afrique australe devraient renforcer quelque peu la croissance en 1993 (voir chapitre 2, Situation par région, Afrique subsaharienne).

L'aspect le plus sombre de ce panorama de l'économie mondiale est le grand nombre de pays pauvres dont la situation continue d'empirer. Selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), les 47 pays les moins avancés (PMA) devraient connaître en 1993 leur quatrième année consécutive de ralentissement de l'activité économique. Quelques pays seulement devraient échapper à cette tendance négative, à savoir le Malawi, la Mauritanie, le Myanmar, le Népal et l'Ouganda, qui ont bénéficié en particulier d'un accroissement des recettes d'exportation.

Contexte économique et perspectives de l'agriculture


Perspectives de l'agriculture des pays en développement
Perspectives des économies fortement tributaires du commerce agricole

Il est particulièrement hasardeux de prévoir l'évolution à venir de l'économie et de l'agriculture dans les conditions actuelles. Plusieurs phénomènes en cours entraînent un degré d'incertitude encore plus élevé que de coutume; il s'agit du processus de transformation en Europe de l'Est et dans l'ex-URSS; de l'issue de l'Uruguay Round; de la date et de l'ampleur de la reprise économique dans le monde industriel; enfin, des conflits non résolus en Afrique, au Proche-Orient, dans les Balkans et dans d'autres régions du monde.

Avec toute la prudence que dictent ces incertitudes, la plupart des prévisions - en particulier celles de la Banque mondiale, du FMI et du projet LINK - indiquent pour 1994-1995 les tendances suivantes:

· L'activité économique dans le monde industriel devrait marquer une légère reprise en 1994 qui se poursuivra en 1995, mais les taux de croissance resteront probablement inférieurs à 3 pour cent. On peut penser que les Etats-Unis seront l'élément moteur de cette reprise.

· Une croissance positive est possible pour les économies en transition de l'Europe centrale en 1994, mais il faudra attendre 1995, voire plus tard, pour que cela se produise dans l'ex-URSS.

· Dans l'ensemble des pays en développement, la croissance économique restera plus rapide que dans les pays industriels, se situant à 5-6 pour cent. C'est en Asie de l'Est que l'essor économique sera le plus fort (6-7 pour cent), la Chine devenant peu à peu comme le «quatrième pôle» de croissance. Plusieurs pays en phase d'ajustement d'Amérique latine et des Caraïbes confirmeront leur reprise, portant la croissance dans la région à des taux de 5 à 6 pour cent. Avec un taux de croissance de 3 à 4 pour cent, l'Afrique enregistrera une légère remontée; toutefois, cette croissance restera bien inférieure à la moyenne pour les pays en développement et les gains par habitant seront maigres. Au Proche-Orient, il y aura un ralentissement de la croissance par rapport aux taux très élevés de 1992, mais la croissance continuera de dépasser les taux tendanciels antérieurs.

Il faut noter que, selon ces prévisions, les pays en développement continueront de dépasser les pays développés pour ce qui est de la croissance. Toutefois, on peut remarquer qu'en général: i) le dynamisme des économies des pays en développement repose sur des bases fragiles, étant essentiellement le fait de pays d'Asie de l'Est (principalement la Chine) et de pays en voie de libéralisation qui sont arrivés à un stade précoce et encore incertain de reprise, notamment en Amérique latine et dans les Caraïbes; ii) bien que les différences de taux de croissance traduisent une certaine réduction de l'écart économique entre pays industriels et pays en développement, cet écart reste important. Le revenu moyen par habitant dans les pays de l'OCDE atteint actuellement environ le triple de ceux des pays en développement les plus riches. Même les pays en développement au revenu le plus élevé et à la croissance la plus rapide doivent encore rattraper une grande différence de niveaux de revenu par habitant3 et, pour ce faire, de productivité des facteurs; iii) la différence de croissance Nord/Sud doit être considérée comme un phénomène transitoire et non comme un signe de diminution de l'interdépendance économique. En effet, la reprise récente fondée sur l'économie intérieure de nombreux pays en développement n'a guère de chances de persister en l'absence d'un renforcement des échanges et des investissements en provenance des pays industrialisés.
3 La Banque mondiale estime que si l'économie de la Chine continue de croître à raison de 7 à 8 pour cent par an jusqu'à l'an 2000, son PIB approcherait celui des Etats-Unis en 2002. Toutefois, le revenu par habitant continuerait de représenter environ le cinquième de celui des Etats-Unis.

ENCADRÉ 1
DETTE EXTÉRIEURE DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

La dette extérieure totale des 116 pays en développement présentant des rapports dans le cadre du système de notification de la dette à la Banque mondiale, qui était estimée à 1 418 milliards de dollars à la fin de 1991, devait atteindre, selon les projections, 1510 milliards de dollars en 1992.

Pour tous ces pays, le ratio dette/exportations en 1992 était estimé à 178 pour cent, c'est-à-dire à peu près autant que l'année précédente mais beaucoup plus qu'en 1990 (167 pour cent). Toutefois, le ratio service de la dette/exportations, qui était de 21 pour cent en 1991, devrait selon les projections diminuer légèrement, pour s'établir à 19 pour cent en 1992. Le ratio dette/PNB ne devrait pratiquement pas changer en 1992 et s'établir à 37 pour cent.

Les indicateurs de l'endettement par région ont beaucoup varié, comme le montre la figure 3. La situation de la dette en Afrique subsaharienne et en Amérique latine et dans les Caraïbes est examinée à la section Situation par région du présent rapport. Pour le groupe des pays à faible revenu lourdement endettés, le ratio dette/PNB était, selon les estimations, de 113 pour cent en 1992, contre 117 pour cent l'année précédente. Le ratio service de la dette/exportations était estimé à 22 pour cent, comme en 1991.

La dette extérieure des pays en développement imputable à des projets liés à l'agriculture était estimée à 72,2 milliards de dollars en 1991, représentant approximativement 6 pour cent de la dette extérieure totale de ces pays. Dans l'ensemble, cette part est restée presque constante les années passées, avec toutefois des différences sensibles d'une région à l'autre: 4 pour cent en Amérique latine et dans les Caraïbes, mais 8 à 10 pour cent au Proche-Orient, en Afrique subsaharienne et en Asie de l'Est et 15 pour cent en Asie du Sud. La faible part de l'agriculture dans la dette totale s'explique par le fait que le financement à ce secteur, provenant principalement de sources publiques, est accordé en général à des conditions de faveur.

Les transferts nets (flux nets moins paiements d'intérêts) liés à toutes les dettes, qui ont été négatifs, se situant à -16 milliards en 1991, devraient selon les projections diminuer, pour s'établir à -3,6 milliards de dollars en 1992. La composante à long terme de ces transferts, qui était de -23 milliards de dollars en 1991, aurait dû devenir légèrement positive en 1992, les transferts nets négatifs aux créanciers privés étant tombés de 27 milliards de dollars en 1991 à 7 milliards de dollars en 1992. Cette évolution était due en partie à une forte augmentation des décaissements effectués par les créanciers privés, qui sont passés de 70 milliards de dollars en 1991 à 84 milliards de dollars en 1992.

On estime que les opérations de réduction ont réduit la dette de tous les pays en développement de 13 milliards de dollars en 1992, contre 9 milliards de dollars en 1991. Les remises de dettes officielles représentaient environ 6,5 milliards de dollars. La réduction de la dette privée a été effectuée principalement par le biais d'opérations bénéficiant d'un appui officiel. Les opérations effectuées dans le cadre du Plan Brady ont réduit la dette de 4,7 milliards de dollars, les accords de rachat sur le marché de 7,9 milliards de dollars et l'échange de créances contre des participations de 1 milliard de dollars. Le Club de Paris des pays développés créanciers a négocié des accords spéciaux sur la base des conditions de Houston1 avec des pays à revenu intermédiaire lourdement endettés, consolidant plus de 5 milliards de dollars en 1992. Des accords de réaménagement conventionnels ont également été conclus pour un montant de 13 milliards de dollars. Douze pays à faible revenu très endettés ont obtenu des concessions spéciales sur la base des «conditions améliorées de Toronto»2 et ont consolidé en 1992 plus de 2,5 milliards de dollars. En 1992, sept pays seulement ont bénéficié des opérations de réduction de la dette dans le cadre du mécanisme de réduction de la dette de la Banque mondiale «IDA seulement». Cette faible utilisation du mécanisme est imputable aux difficultés rencontrées par les pays débiteurs pour mettre en œuvre les programmes d'ajustement.

1 On entend par «conditions de Houston» les délais d'amortissement plus longs accordés par le Club de Paris aux pays qui ont entrepris un programme d'ajustement énergique et ont obtenu de bons résultats dans le cadre des accords de Paris antérieurs. Elles ont été établies à la suite du sommet économique de Houston de 1990.

2 Les «conditions améliorées de Toronto», convenues par le Club de Paris en décembre 1991, consistent à accorder un ensemble de nouvelles conditions plus favorables aux pays désignés par la Banque mondiale comme emprunteurs «IDA seulement», c'est-à-dire aux pays ayant droit à une aide assortie de conditions de faveur de l'Association internationale de développement (IDA).

Dans le domaine financier, il faut signaler en 1992 l'augmentation des flux de capitaux privés vers les pays en développement et la conversion de la dette en prises de participation, notamment par le biais d'investissements étrangers directs (IED) et de prises de participation. Ce phénomène a intéressé particulièrement l'Amérique latine et les Caraïbes et est étudié dans la section Situation par région de ce document. Seul un petit nombre de pays à faible revenu ont profité des flux accrus d'IED. Ce groupe de pays aurait reçu 9 milliards de dollars en 1992, dont 5 milliards ont été investis en Chine uniquement.


Figure 3

COMPOSITION DE LA DETTE

AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES

AFRIQUE SUBSAHARIENNE

PROCHE-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD

ASIE DE L'EST ET PACIFIQUE

ASIE DU SUD

EUROPE ET ASIE CENTRALE**

** Ex-URSS comprise

Source: Banque mondiale, Tableaux de la dette mondiale, 1991-92

TABLEAU 1

Croissance projetée de la valeur ajoutée, des exportations et des importations de produits agricoles pour les régions en développement

Région

Valeur ajoutée

Exportations

Importations

1993

1994

1993

1994

1993

1994

(.........................................%.....................................)

Afrique subsaharienne

2,34

2,99

0,50

8,22

6,64

8,89

Amérique latine et Caraïbes

2,58

3,54

4,50

6,81

4,44

4,65

Extrême-Orient et Pacifique

4,98

4,20

10,29

9,10

8,22

12,29

Proche-Orient et Afrique du Nord

3,64

4,03

5,33

7,12

6,69

7,20

Source: Projet LINK.

Perspectives de l'agriculture des pays en développement

Le tableau 1 présente des prévisions à court terme pour la production et le commerce des produits agricoles dans les pays en développement. Ces projections font penser que:

· L'accroissement de la valeur ajoutée en agriculture en 1993 et en 1994 correspondrait dans l'ensemble aux valeurs tendancielles moyennes des années 80, sauf en Amérique latine et dans les Caraïbes où les taux de croissance projetés seraient nettement supérieurs aux tendances passées. La croissance de la valeur ajoutée devrait s'accélérer en 1994 dans toutes les régions, à l'exception de l'Asie et du Pacifique, même si l'essor du secteur agricole dans cette région doit rester important.

· Les exportations et les importations de produits agricoles devraient dépasser largement celles des années 80 et des années plus récentes. Pour l'Afrique subsaharienne, 1994 serait une année de forte reprise des exportations de produits agricoles. Toutefois, les importations devraient augmenter à un rythme plus rapide, de sorte que le déficit commercial agricole dans cette région devrait atteindre 12 milliards de dollars en 1994 - près du double de celui de 1991. Le déficit commercial agricole devrait augmenter également au Proche-Orient (15 milliards de dollars en 1994, contre 12 milliards en 1991).

· L'excédent du commerce agricole en Amérique latine et dans les Caraïbes progresserait modérément, passant de 24 milliards de dollars en 1991 à 26 milliards en 1994, mais celui de la région Asie/Pacifique diminuerait, tombant de 4,9 milliards de dollars à 2,5 milliards durant la même période.

Deux facteurs auront une incidence déterminante sur les perspectives de croissance et du commerce des pays en développement pour le secteur: i) l'ampleur de la reprise économique générale, qui influera, d'une part, sur la demande intérieure et internationale pour les produits agricoles et, d'autre part, sur l'offre de produits agricoles, du fait de son impact sur les coûts des intrants et les flux de capitaux; et ii) en étroite liaison avec le facteur précédent, le comportement futur des prix des produits - les produits agricoles représentant quelque 10 pour cent du commerce mondial mais une part beaucoup plus grande des recettes d'exportation de nombreux pays en développement.

En ce qui concerne le premier facteur, l'incertitude actuelle au sujet de la date et de l'importance de la reprise mondiale rend difficile d'évaluer l'impact qu'elle aura sur l'agriculture. Etant donné que les prévisions passées concernant la reprise mondiale se sont avérées trop optimistes, il pourrait être intéressant d'étudier ce qu'il pourrait arriver si, par exemple, la reprise ne se matérialisait pas dans un proche avenir. Pour une région donnée, quel serait l'impact sur les exportations et les importations de produits agricoles et sur le PIB total d'une croissance zéro dans le reste du monde? Une simulation permet au moins de tenter d'évaluer l'importance de ces effets, sur la base de ces scénarios hypothétiques. Dans ce type de simulation, dont les résultats pour l'Afrique subsaharienne sont résumés au tableau 2, les effets sont exprimés en pourcentage de variation par rapport aux projections de référence4.

4 Cette simulation s'appuie sur un modèle économétrique élaboré pour la FAO par le professeur George P. Zanias, de l'Université d'agronomie d'Athènes.
D'après les chiffres, les exportations agricoles régionales en 1993 devraient augmenter de 0,5 pour cent de moins que l'estimation initiale de la croissance pour cette année; et de 1,5 pour cent de moins qu'en 1994, dans l'hypothèse d'une deuxième année de croissance zéro dans le reste du monde. En d'autres termes, en se fondant sur les projections de référence figurant au tableau 1, les exportations agricoles de l'Afrique subsaharienne plafonneraient au lieu d'augmenter de 0,5 pour cent en 1993 et enregistreraient une hausse de 6,6 pour cent contre 8,2 pour cent en 1994, la différence entre les deux derniers chiffres étant d'environ 1,41 milliard de dollars en valeur réelle. Dans le contexte africain, ce montant est considérable; converti aux prix de 1992, il représenterait plus de 10 pour cent des remboursements de l'Afrique subsaharienne au titre de toutes les dettes, ou en gros la valeur estimative totale de l'IED à la région cette année.

La stagnation de l'économie mondiale se répercuterait également sur l'activité économique de la région, qui progresserait d'environ 2,9 pour cent en 1994 au lieu des 3,1 pour cent actuellement prévus par LINK. Sans être dramatique, cet écart est pourtant un élément déterminant, car la production ne rattraperait pas l'expansion démographique - 3,1 pour cent par an actuellement - et on enregistrerait donc une nouvelle baisse de la production par habitant dans la région.

TABLEAU 2

Afrique subsaharienne1: effets simulés d'une croissance zéro du PIB dans le reste du monde

1 Nigéria non compris.

Année

Exportations agricoles

Exportations non agricoles

Importations agricoles

Importations non agricoles

PIB

(........pourcentage de variation par rapport aux, projections de référence.......)

1993

-0,50

-0,64

-0,01

-0,04

-0,05

1994

-1,51

-2,06

-0,06

-0,13

-0,17

Source: FAO.
Quant aux prix des produits, la plupart des prévisions indiquent un raffermissement des cours internationaux par rapport aux niveaux actuels très déprimés, traduisant une certaine augmentation de la demande à mesure que la reprise mondiale se produira, ainsi que des réductions de l'offre dues à l'abandon de la production primaire. D'après les prévisions initiales de la Banque mondiale, il y aura une légère hausse des prix des produits alimentaires et des produits pour boissons et une diminution régulière de la production des cultures pérennes, notamment du café et du cacao, dont les coûts de production dépassent souvent les prix mondiaux et dont les nouvelles plantations ont diminué5. Les projections du projet LINK pour 1994/95 font apparaître une forte montée des prix du café et, dans une moindre mesure, des prix du cacao, mais cette montée ne suffira pas à compenser la baisse des deux années précédentes. D'autre part, les prix d'autres produits - sucre, bananes, viande de bœuf, coton et fibres dures - né devraient augmenter que légèrement, et, dans certains cas, ils devraient même baisser. Les prix des céréales risquent d'être faibles tout au long de l'année 1993 et au-delà tandis que, selon des projections de la FAO, un raffermissement du marché mondial n'est probable qu'à partir de 1995. Toutefois, on notera que les prévisions relatives aux produits comportent de grands risques - comme le savent d'ailleurs bien analystes des marchés et spéculateurs. En outre, s'il y a une certaine unité de vues sur les tendances générales des prix pour plusieurs produits, il y a divergence parmi les analystes quant à l'ampleur, et même la direction, des variations à prévoir pour plusieurs autres.
5 Banque mondiale. 1993. Global Economic Prospects and the Developing Countries.

Perspectives des économies fortement tributaires du commerce agricole

Cette section, reprenant l'approche adoptée dans La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1992, étudie les perspectives économiques et agricoles de deux groupes de pays en développement: i) les pays à faible revenu et à déficit alimentaire dont la capacité de financer des importations alimentaires est extrêmement limitée; et ii) les économies fortement tributaires des exportations agricoles. On trouvera aux tableaux 3A et 3B la liste des pays classés dans ces groupes.

TABLEAU 3A

Pays à faible revenu et à déficit alimentaire dotés d'une capacité de financement des importations de produits alimentaires très limitée

Afrique subsaharienne

Amérique latine et Caraïbes

Extrême-Orient et Pacifique

Proche-Orient et Afrique du Nord

Cap-Vert
Gambie
Lesotho
Djibouti
Mozambique
Guinée-Bissau
Somalie
Comores
Sierra Leone
Ethiopie
Burkina Faso
Togo
Sénégal
Bénin
Rwanda
Mali
Mauritanie

Haïti
Nicaragua
Rép. Dominicaine

Samoa
Bangladesh
Cambodge
Afghanistan
Népal
Laos
Sri Lanka
Maldives

Egypte
Yémen
Soudan


L'analyse s'appuie sur des estimations macro-économiques et des prévisions à court terme pour les deux groupes de pays, préparées par le FMI pour la FAO, et sur des prévisions du projet LINK, préparées avec le concours de la FAO, pour des variables liées à l'agriculture. L'horizon temporel étudié est 1993-1994.

TABLEAU 3B

Economies fortement tributaires des exportations agricoles

Amérique latine et Caraïbes

Extrême-Orient et Pacifique

Afrique subsaharienne

Argentine
Paraguay
Honduras
Cuba
Uruguay
Brésil
Guatemala
Costa Rica
Colombie
Saint-Vincent-et-
les Grenadines
Equateur
Guyana
Belize
Dominique
Nicaragua
El Salvador
Rép. Dominicaine
Sao Tomé-et-Principe

Sri Lanka
Thaïlande
Afghanistan
Viet Nam
Malaisie

Côte d'Ivoire
Malawi
Zimbabwe
Mali
Soudan
Madagascar
Burundi
Cameroun
Ghana
Libéria
Ouganda
Kenya
Ethiopie
Rwanda
Swaziland
Maurice
Rép. Centrafricaine
Rép.-Unie de Tanzanie
Tchad
Burkina
Faso
Somalie
Bénin
Guinée-Bissau
Gambie

Note: Les critères adoptés pour la définition de ces groupes sont expliqués dans La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1992, p. 11-12.
Les grandes tendances se dégageant de l'analyse confirment les observations générales présentées dans La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1992: les deux groupes de pays auront leur part dans l'amélioration générale des pays en développement, tant pour les résultats économiques généraux que pour les résultats de l'agriculture; toutefois, l'amélioration pour ces deux groupes sera très inégale et la croissance moyenne de leur PIB continuera d'être inférieure à celle de l'ensemble des pays en développement. Outre ces tendances générales, les prévisions pour 1993-1994 font apparaître les point marquants suivants:

Pays à faible revenu et à déficit vivrier dont la capacité à financer des importations alimentaires est extrêmement limitée.

· La croissance du PIB devrait s'accélérer pour atteindre environ 4 pour cent en 1993 comme en 1994, la valeur ajoutée de l'agriculture augmentant à un rythme un peu plus lent.

· Les importations de marchandises devraient progresser fortement par rapport aux niveaux très déprimés de 1991 -1992. Les importations de produits agricoles seraient aussi en nette progression, à un rythme plus rapide que les autres importations de marchandises dans les pays africains de ce groupe.

· La croissance des exportations de produits agricoles devrait être plus lente que celle des importations alimentaires, de sorte que le déficit du commerce agricole dépasserait le double du niveau de 1991 -19926.

6 Malgré leur forte dépendance vis-à-vis des importations alimentaires, ces pays sont aussi fortement tributaires des exportations agricoles, qui fournissent quelque 28 pour cent de leurs recettes d'exportation totales.
· Malgré une forte expansion des recettes d'exportation (8 à 9 pour cent, soit à peu près le double des deux années précédentes), la valeur des importations devrait représenter encore plus du double de celle des exportations. Néanmoins, des transferts sans contrepartie (principalement sous forme de projets ou d'assistance technique officiels, au profit notamment de pays africains) contribueraient à ramener le déficit des opérations courantes à moins de la moitié de celui de 1989-1990.

· Les termes de l'échange et, en particulier, le pouvoir d'achat des exportations, devraient donner quelque signe d'amélioration, abandonnant ainsi une tendance négative. Le pouvoir d'achat se renforcerait grâce à une augmentation importante du volume des exportations, car les valeurs unitaires des produits exportés n'augmenteraient que modérément.

Economies fortement tributaires des exportations agricoles.
· La croissance du PIB devrait s'accélérer légèrement, pour atteindre près de 3 pour cent en 1993 et en 1994, l'agriculture progressant plus vite que les autres secteurs.

· L'activité économique serait stimulée par une expansion prononcée des exportations totales et des exportations agricoles; ces dernières marqueraient ainsi une reprise par rapport aux mauvais résultats de 1992.

· Outre la forte croissance des exportations, il y aurait une légère amélioration des termes de l'échange des marchandises en 1993 comme en 1994, ce qui mettrait fin à une longue tendance baissière. De 1981 à 1992, les termes de l'échange se sont dégradés pratiquement chaque année. Le raffermissement attendu des prix des produits au cours des prochaines années expliquerait en grande partie l'amélioration des termes de l'échange prévue pour ces pays.

· Contrastant avec l'évolution défavorable des termes de l'échange, le pouvoir d'achat des exportations a affiché dans l'ensemble une croissance positive durant les 10 dernières années du fait de l'augmentation des volumes d'exportation et il devrait augmenter encore sensiblement en 1993-1994. Toutefois, les pays subsahariens appartenant à ce groupe ne sont pas concernés par cette tendance favorable, et on ne prévoit qu'un faible renforcement du pouvoir d'achat de leurs exportations en 1993-1994.

· Les importations de marchandises devraient progresser encore plus vite que les exportations, aggravant le déficit commercial qui est apparu en 1991 et contribuant à une nouvelle dégradation du solde des opérations courantes; toutefois, l'excédent commercial agricole devrait augmenter sensiblement et par conséquent contribuer à atténuer les difficultés financières.

Figure 4

CROISSANCE DU PIB RÉEL DE CERTAINS PAYS ET DE L'ENSEMBLE DES PAYS EN DEVELOPPEMENT (variation en pourcentage par rapport à l'année précédente)

Source: FMI et FAO
Figure 5A

PAYS À FAIBLE REVENU ET À DÉFICIT VIVRIER DOTÉS D'UNE CAPACITÉ TRÈS LIMITÉE DE FINANCEMENT DES IMPORTATIONS DE PRODUITS ALIMENTAIRES (1982 = 100)

Figure 5B

ÉCONOMIES FORTEMENT TRIBUTAIRES DES EXPORTATIONS AGRICOLES (1982 = 100)

Source: FAO
Un des traits saillants ressortant de l'analyse ci-dessus est la capacité des deux groupes de pays à contrecarrer l'évolution défavorable des termes de l'échange grâce à l'accroissement des volumes de produits exportés. Dans le cas des économies fortement tributaires des exportations agricoles, les termes de l'échange ont subi une dégradation globale de 27 pour cent entre 1981 et 1992, mais le pouvoir d'achat de leurs exportations (dont les produits agricoles constituent ordinairement les deux tiers) a augmenté globalement de 53 pour cent. En effet, alors que la valeur unitaire de leurs exportations est tombée de quelque 5 pour cent, les volumes d'exportation ont augmenté de près de 80 pour cent durant la même période de 12 ans.

Parmi les facteurs généraux expliquant cette vigoureuse expansion du volume des exportations - qui contribue elle-même à faire baisser les prix - citons: des mesures de promotion des exportations, souvent associées à des programmes de stabilisation et d'ajustement; des améliorations de la productivité, conduisant à une plus grande compétitivité sur les marchés mondiaux, et une participation générale à l'expansion mondiale du commerce. L'étude du poids relatif de ces facteurs et d'autres facteurs en jeu est très intéressante du point de vue politique. Cette question sera examinée à nouveau dans La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1994, qui sera axée sur l'évolution des pays tributaires des exportations agricoles.

ENCADRÉ 2
SPÉCIALISATION ET COMPÉTITIVITÉ

Les pays fortement tributaires des exportations agricoles se spécialisent dans la production et l'exportation de matières premières agricoles. On pourrait donc penser qu'ils sont mieux placés pour devenir plus compétitifs sur les marchés agricoles mondiaux que les pays pour lesquels les exportations agricoles présentent moins d'importance.

Or, les données rétrospectives réfutent cette hypothèse simpliste: les pays exportateurs de produits agricoles ont perdu une part du marché agricole dans l'ensemble et, qui plus est, les pays d'Afrique et d'Amérique latine appartenant à ce groupe ont aussi perdu du terrain par rapport à d'autres pays en développement dont les exportations sont plus diversifiées.

Tout en identifiant les facteurs qui ont causé ces tendances, on peut approfondir la recherche aux niveaux de pays et de marchés de produits spécifiques, et on est ainsi amené à constater que la spécialisation dans les exportations agricoles - qui pour de nombreux pays n'a pas été un choix mais le fait d'un hasard - n'est pas en soi une garantie de compétitivité. Celle-ci dépend davantage de la situation économique générale des pays concernés. Les pays fortement tributaires des exportations agricoles sont, à quelques exceptions près, des pays assez pauvres qui ne sont guère en mesure d'adopter des améliorations technologiques, d'investir ou de fournir un soutien financier et technique. Leur compétitivité au niveau international risque ainsi d'être réduite, même dans les activités commerciales auxquelles ils sont particulièrement propres, compte tenu des pertes artificielles de productivité qu'ils subissent en raison du protectionnisme pratiqué dans le domaine agricole par de nombreux pays plus riches.


Part des pays exportateurs de produits agricoles


1969-1971

1979-1981

1989-1991

(..............................%..............................)

Part des pays exportateurs de produits agricoles dans:


- les exportations de produits agricoles de tous les pays en développement

49

56

51


- les exportations mondiales de produits agricoles

18

17

14

Part des pays exportateurs de produits agricoles, par région, dans les exportations agricoles de tous les pays en développement


- Afrique

14

12

9


- Asie et Pacifique

10

13

15


- Amérique latine et Caraïbes

31

36

28


QUELQUES QUESTIONS IMPORTANTES


Poursuite des objectifs de la conférence internationale sur la nutrition
Baisse des prix réels des produits agricoles et des recettes d'exportation
Les négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay round
Problèmes actuels d'aménagement des pêcheries
Problèmes actuels concernant les forêts
Les biotechnologies: problèmes et possibilités pendant les années 90

Cette section étudie quelques questions qui sont importantes ou commencent à l'être pour l'agriculture. Il s'agit de ce qui a été fait et ce qui reste à faire en matière d'accès à la nourriture et de nutrition, dans le cadre de l'action consécutive à la Conférence internationale sur la nutrition (CIN); de la baisse des prix des produits et de l'état actuel des négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay Round; des forêts et des industries forestières, de leur place dans les économies en phase de transition et des questions liées au commerce des produits forestiers; de la pêche en haute mer et des pêcheries des zones côtières; enfin, des possibilités et problèmes liés au développement et à l'application des biotechnologies à l'agriculture.

Poursuite des objectifs de la conférence internationale sur la nutrition


Progrès accomplis et nouveaux objectifs
Placer la nutrition au coeur du développement
Mesures à prendre pour améliorer la nutrition

La Déclaration mondiale sur la nutrition et le Plan d'action pour la nutrition ont été adoptés à l'unanimité à la CIN tenue à Rome en décembre 1992. Leur adoption a été le couronnement de plus de deux ans de préparatifs et de collaboration aux niveaux national, régional et international. Elle a également permis de relancer les efforts énergiques entrepris à tous les niveaux pour réduire la faim et la malnutrition dans le monde et améliorer le bien-être nutritionnel de toutes les populations.

Avec l'adoption de la Déclaration mondiale sur la nutrition, les gouvernements et autres parties intéressées se sont engagés à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour faire disparaître avant la fin de la présente décennie: la famine et les décès qu'elle entraîne; l'inanition et les maladies dues à des carences nutritionnelles dans les communautés éprouvées par des catastrophes naturelles ou causées par l'homme; et les grands problèmes de santé liés aux carences en iode et en vitamine A. Ils se sont également engagés à réduire substantiellement l'inanition et la faim chronique généralisée; la sous-alimentation, spécialement chez les enfants, les femmes et les personnes âgées; les autres carences en micronutriments, notamment en fer; les maladies transmissibles et non transmissibles liées au régime alimentaire; les obstacles sociaux et autres à un allaitement maternel optimal; les mauvaises conditions d'hygiène, y compris l'eau de boisson non potable.

La CIN a reconnu que la pauvreté, les inégalités sociales et le manque d'instruction sont les causes premières de la faim et de la malnutrition et a souligné que l'amélioration du bien-être de l'homme, notamment au plan nutritionnel, doit être au centre des efforts menés en faveur du développement social et économique. Elle a préconisé une action concertée pour diriger les ressources vers ceux qui en ont le plus besoin afin d'accroître leurs capacités productives et leurs chances au plan social. Elle a également insisté sur la nécessité d'assurer le bien-être nutritionnel des groupes vulnérables en menant des actions spécifiques immédiates, selon que de besoin, tout en élaborant des solutions applicables à plus long terme.

Progrès accomplis et nouveaux objectifs

On estime que 20 pour cent des habitants du monde en développement souffrent de dénutrition chronique, car ils consomment trop peu d'aliments pour couvrir leurs besoins énergétiques minimaux7. Quelque 192 millions d'enfants de moins de 5 ans sont atteints de malnutrition protéino-énergétique aiguë ou chronique; durant les périodes de pénuries alimentaires saisonnières et en temps de famine et de conflits sociaux, ce nombre moyen est dépassé. Selon certaines estimations, près de 13 millions d'enfants de moins de 5 ans meurent chaque année de maladies imputables directement ou indirectement à la faim et à la malnutrition. En outre, plus de 2 milliards de personnes, surtout des femmes et des enfants, présentent une carence en un ou plusieurs micronutriments: il y a encore des enfants qui naissent avec une arriération mentale par suite d'une carence en iode; d'autres enfants perdent la vue et meurent du fait d'une carence en vitamine A et un nombre considérable de femmes et d'enfants souffrent d'une carence en fer. Des centaines de millions de personnes souffrent également de maladies provoquées par des aliments ou de l'eau contaminés.

7 Personnes dont la ration calorique quotidienne estimée pour un an est inférieure à l'apport nécessaire pour maintenir le poids corporel et assurer une activité modérée.
Parallèlement, depuis quelques dizaines d'années, des progrès remarquables ont été accomplis dans le monde entier pour ce qui concerne les approvisionnements alimentaires, la santé et les services sociaux. On estime que le nombre de personnes des régions en développement souffrant de malnutrition chronique a sensiblement diminué (tombant de 941 millions à 786 millions entre 1969-1971 et 1988-1990), tout comme le pourcentage de personnes souffrant de malnutrition (qui est passé de 36 à 20 pour cent), alors même que la population mondiale a augmenté. Par ailleurs, dans la plupart des pays en développement l'espérance de vie croît régulièrement, principalement du fait que de moins en moins de personnes jeunes meurent de maladies infectieuses et que les taux de mortalité chez les enfants ont également baissé.

Les disponibilités alimentaires moyennes par habitant dans les pays en développement ont augmenté dans les années 70 et 80, mais le rythme d'augmentation ralentit. A la fin des années 80, quelque 60 pour cent des habitants de la planète vivaient dans des pays disposant de plus de 2 600 kcal par habitant et par jour. Les disponibilités alimentaires mondiales (à condition d'être distribuées selon les besoins individuels) étaient suffisantes pour couvrir très largement les besoins énergétiques.

Les progrès accomplis dans un certain nombre de pays montrent que les objectifs de la CIN, certes ambitieux, sont réalisables. En Thaïlande, par exemple, au cours des 10 dernières années, l'incidence de la malnutrition protéino-énergétique (MPE) chez les enfants d'âge préscolaire a considérablement baissé, passant de 50,8 pour cent à 17,1 pour cent, les formes graves et modérées disparaissant presque complètement. En Indonésie, les disponibilités alimentaires ont augmenté, passant de 2 072 à 2 605 kcal par personne entre 1971 -1973 et 1988-1990 et l'incidence de la malnutrition baisse régulièrement.

Le Chili a réussi de façon remarquable à améliorer l'état sanitaire et nutritionnel des nourrissons et des enfants d'âge préscolaire au cours des 30 dernières années. Les taux de mortalité infantile et juvénile qui figuraient parmi les plus élevés de la région sont maintenant parmi les plus faibles; le taux de malnutrition infantile est passé de 37 à 8,5 pour cent.

En Inde, les famines ont complètement disparu au cours des 20 dernières années. Au Brésil, le taux moyen national d'enfants présentant une insuffisance pondérale est tombé de 18,4 à 7,1 pour cent de 1975 à 1989. Au Zimbabwe, l'état nutritionnel des enfants d'âge préscolaire s'est beaucoup amélioré et les taux de mortalité infantile ont fortement baissé. Au Botswana, malgré la sécheresse persistante qui sévit aujourd'hui, il n'y a plus de décès imputables à la famine ou à l'inanition.

L'exemple de ces pays montre que l'état nutritionnel peut être sensiblement amélioré par la volonté politique, la formulation de politiques bien conçues et une action concertée aux niveaux national et international. Pour la communauté internationale, il s'agit dans l'immédiat de s'appuyer sur les résultats déjà obtenus et d'accélérer l'amélioration de l'état nutritionnel de toutes les populations.

Placer la nutrition au coeur du développement

La malnutrition atteint principalement les pauvres et les défavorisés qui ne peuvent produire ou se procurer suffisamment de nourriture, vivent généralement dans des milieux marginaux ou malsains sans accès à l'eau saine ni aux services essentiels, et ont difficilement accès à l'éducation et à l'information pour améliorer leur état nutritionnel. En outre, une santé précaire liée à la malnutrition réduit les ressources et l'aptitude à exercer une activité rémunératrice chez les ménages déjà pauvres, qui voient donc s'aggraver leurs problèmes économiques et sociaux. Cette situation contribue à ralentir encore le développement au plan humain, économique et social.

Dans les pays les plus pauvres, les problèmes nutritionnels ne peuvent être résolus uniquement au moyen de programmes de nutrition; il faut améliorer la situation sociale et économique générale de ces pays. Dans tous les pays, il est absolument nécessaire de faire en sorte que les avantages découlant du développement social et économique soient orientés vers les pauvres et ceux qui souffrent de mal nutrition. Dans bien des cas, ce sont les stratégies gouvernementales axées sur la croissance du revenu national dans l'équité qui ont le mieux réussi à réduire la malnutrition à l'échelon national.

Toutefois, les planificateurs et responsables nationaux ont souvent omis de se pencher sur les incidences nutritionnelles des politiques de développement. Partant, ces politiques n'ont pas donné tous les résultats qu'on en attendait dans le domaine nutritionnel et ont même eu, dans certains cas, un effet négatif sur le bien-être nutritionnel. Ainsi, l'application de politiques d'industrialisation défavorisant le secteur agricole a contribué dans certains cas à aggraver les problèmes de nutrition.

Les politiques macro-économiques qui tentent de corriger les déséquilibres entre l'offre et la demande globales sans se préoccuper suffisamment des conséquences au plan social et nutritionnel peuvent conduire à de graves problèmes nutritionnels, particulièrement pour les ménages pauvres et vulnérables. Même si l'amélioration de la nutrition ne figure pas toujours parmi les principaux objectifs des politiques de développement sectoriel ou sous-sectoriel, il faudrait étudier avec attention les effets potentiels de ces politiques sur la nutrition.

La stratégie clé préconisée par la CIN consiste à encourager explicitement une meilleure nutrition au moyen d'un ensemble de politiques et de programmes agricoles et de développement en insérant les objectifs relatifs à la nutrition dans le processus de planification. Des améliorations importantes de la nutrition peuvent découler de la prise en compte des aspects nutritionnels dans les politiques plus générales de croissance et de développement économiques, d'ajustement structurel, de production vivrière et agricole, de transformation, de stockage et de commercialisation des produits alimentaires, de santé, d'éducation et de développement social.

Les politiques de développement convenablement mises en oeuvre peuvent améliorer l'état nutritionnel en instaurant un environnement économique favorable à la croissance (création d'emplois et de revenus) ou en influant sur les prix des biens et des services, notamment des aliments. Les politiques sectorielles peuvent également maintenir ou renforcer la productivité des ressources, directement au moyen de politiques agricoles et de l'environnement ou indirectement au moyen de politiques de la santé qui renforcent la productivité de la main-d'œuvre. De plus, les politiques relatives au secteur public qui développent les services tels que la vulgarisation agricole, les dispensaires, les crèches, les écoles, les centres de fourniture d'intrants agricoles, les routes, les ponts, les puits et la distribution d'eau potable peuvent toutes avoir des effets bénéfiques sur la nutrition.

C'est le secteur agricole qui offre le plus de possibilités de développement socio-économique et permet, par conséquent, d'améliorer durablement l'état nutritionnel des populations rurales pauvres. Dans de nombreuses zones rurales, les problèmes nutritionnels primordiaux sont plus étroitement liés au manque d'emplois qu'au manque de nourriture. Souvent, le plus urgent est de créer des emplois, dans l'exploitation et en dehors, par le biais d'activités liées à l'agriculture. Les politiques agricoles peuvent influer positivement sur la nutrition en améliorant la production, les disponibilités, la transformation et la commercialisation des produits alimentaires et en accroissant les emplois.

Les politiques agricoles influent également sur l'utilisation du temps, de la main-d'œuvre et de l'énergie, l'état de l'environnement, les conditions de vie et la teneur en nutriments des aliments. En abordant le problème du développement dans une optique plus large, les planificateurs pourraient être en mesure d'encourager une distribution et une consommation plus équitables des aliments, tout en renforçant le pouvoir d'achat des groupes de population pauvres et défavorisés au plan nutritionnel.

Si l'on veut sauvegarder le bien-être nutritionnel des pauvres, il est indispensable que les politiques macro-économiques ne soient pas défavorables aux secteurs alimentaire et agricole ni aux zones rurales, où les pauvres sont souvent nombreux. Les investissements publics dans les services de santé et de salubrité publique, notamment les réseaux d'adduction d'eau et d'assainissement, peuvent améliorer sensiblement la santé et la nutrition. L'investissement dans les infrastructures, notamment les routes et les transports, en vue de faciliter le bon fonctionnement du marché et la communication d'informations sur les marchés sont aussi de nature à favoriser un accès équitable aux incitations économiques.

Un environnement économique extérieur favorable à la croissance joue aussi un rôle essentiel dans l'amélioration de l'état nutritionnel des pauvres. Les politiques dans ce domaine comprennent l'amélioration de l'environnement commercial international, l'allégement du problème de la dette extérieure et l'augmentation des flux de ressources extérieures. Au niveau national, l'accroissement démographique rapide est un obstacle sérieux au relèvement durable du niveau de vie. Les politiques démographiques ont donc des incidences importantes sur la nutrition, particulièrement dans les pays à déficit vivrier où la croissance démographique rapide se poursuit et où l'urbanisation progresse.

L'éducation offre de meilleures chances et de meilleures conditions de vie qui peuvent entraîner une amélioration de la santé et de la nutrition. L'éducation et l'alphabétisation des mères, en particulier, ont un impact important sur le taux de survie, la santé et le bien-être nutritionnel des enfants. L'éducation et l'alphabétisation influent sur le développement et le revenu qui, à leur tour, contribuent à améliorer la nutrition. Il peut être utile d'instruire et de former les individus dans le but de résoudre les problèmes liés à l'alimentation et à la nutrition aux niveaux communautaire et régional dans les zones manquant de personnes instruites et formées.

Les politiques de l'environnement jouent aussi un rôle majeur en agissant sur l'état nutritionnel des pauvres. Ces politiques devraient viser à instaurer un environnement économique dans lequel il est plus avantageux de gérer et de conserver les ressources naturelles que de les détruire.

Le dialogue intersecteurs, fondé sur l'engagement ferme et la volonté politique des gouvernements, est indispensable pour encourager des actions rationnelles et complémentaires visant à améliorer la nutrition. Aux niveaux local et régional, une structure est nécessaire pour identifier les actions à entreprendre par les divers secteurs afin d'améliorer la nutrition, et pour formuler de meilleurs objectifs opérationnels pour de telles actions; par exemple, faire profiter des avantages du développement de préférence ceux qui en ont le plus besoin.

Mesures à prendre pour améliorer la nutrition

La plupart des pays ont déjà travaillé activement à identifier les problèmes les plus urgents, à étudier ou préparer des plans et établir des mécanismes intersectoriels d'action. De nombreux pays, dont certains très pauvres, ont adopté des mesures en vue de renforcer les programmes relatifs à l'alimentation, à la nutrition, à l'agriculture, à l'éducation, à la santé et au bien-être des familles qui ont considérablement réduit la faim et la malnutrition. Beaucoup de pays ont également réussi à améliorer l'état nutritionnel de leurs populations par le biais de comités intersectoriels sur l'alimentation et la nutrition et de politiques alimentaires, nutritionnelles et sanitaires intégrées. Les exemples suivants illustrent ces succès.

Le succès de la Thaïlande est attribué en grande partie à ses plans quinquennaux d'action sociale, de santé, d'alimentation et de nutrition, et plus particulièrement à son Plan de réduction de la pauvreté. Lancé en 1982, ce plan est en fait un programme d'investissements ruraux visant à améliorer la qualité de la vie de 7,5 millions de pauvres dans les régions du nord, du nord-est et du sud du pays. Il tendait essentiellement à relever le niveau de vie des populations vivant au niveau de subsistance et à fournir des services essentiels minimaux dans les zones rurales les plus pauvres.

Le Plan mettait l'accent sur la participation communautaire maximale et les techniques bon marché donnant aux individus les moyens de se prendre en charge eux-mêmes. Quatre programmes clés ont été mis en oeuvre: création d'emplois en milieu rural; projets ou activités de développement des villages; fourniture de services de base et programme de production agricole. On estime que le soutien politique très vigoureux dont a bénéficié le Plan pendant sa mise en oeuvre ainsi que la grande importance accordée à la participation communautaire ont joué un rôle déterminant dans sa réussite.

En Indonésie, les plans de développement à long terme sont centrés sur une politique et des programmes alimentaires et nutritionnels considérés comme prioritaires pour la valorisation des ressources humaines et la réduction de la pauvreté. Au niveau national, la conception et la planification des programmes d'alimentation et de nutrition sont coordonnées et approuvées par un Bureau national de la planification du développement. La croissance économique rapide et équitable et l'accroissement des disponibilités alimentaires ont permis d'améliorer la nutrition. Ainsi, l'Indonésie couvre elle-même ses besoins en riz depuis le mi lieu des années 80.

Le Chili a réussi de façon remarquable à améliorer l'état nutritionnel de la population grâce à une politique nationale intégrée d'alimentation, de nutrition et de santé qui prévoit la participation directe de certains ministères de différents secteurs, et à des politiques et programmes bien ciblés en matière de santé, d'assainissement, d'éducation et de production vivrière. Diverses activités ont été entreprises: des interventions alimentaires ciblées en faveur de familles vivant dans une pauvreté extrême; des centres de traitement pour les enfants souffrant de malnutrition avancée; l'éducation nutritionnelle dispensée par les écoles et les services de santé; le développement de l'instruction primaire, notamment pour les filles; et un programme d'assainissement en faveur des populations urbaines dans tout le pays.

Les mesures agricoles lancées au milieu des années 70 ont révolutionné le secteur, et la production vivrière a augmenté rapidement. Le succès du secteur agricole a conduit à une forte diminution des importations alimentaires et, qui plus est, à une augmentation très sensible de l'emploi et des revenus ruraux et, par conséquent, à une amélioration marquée de la santé et de la nutrition.

Au Botswana, le gouvernement s'est clairement engagé à améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition au niveau du pays et des ménages et a accompli des progrès impressionnants pour ce qui est de la situation économique et sociale et de l'état nutritionnel de la population. Un cadre intersectoriel a été mis en place pour améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition, d'une part, et pour s'occuper des programmes de développement général, d'autre part.

Le Botswana s'attaque au problème chronique de la sécheresse en organisant un système d'alerte rapide efficace et en prenant une série de mesures d'urgence pour atténuer l'effet de la sécheresse sur l'état nutritionnel de la population. Ces mesures associent la fourniture directe de compléments nutritionnels à la création d'activités rémunératrices pour les ménages vulnérables. Les objectifs du Comité technique d'alerte rapide sont d'améliorer le suivi de la sécheresse et d'aider le pays à se préparer à faire face à tout moment à cette situation.

L'élimination complète de la famine en Inde a été réalisée grâce aux politiques adoptées par le gouvernement en matière de sécurité alimentaire depuis 20 ans. L'accroissement global des disponibilités alimentaires attribuable aux technologies de la révolution verte et la réduction notable de la pauvreté ont libéré toute la population de l'Inde de la menace de la faim. Les interventions menées pour renforcer la sécurité alimentaire, en particulier le Système de distributions publiques et le Programme national d'emploi rural, démontrent l'utilité des interventions du gouvernement pour améliorer la nutrition et la nécessité de mieux cibler ces programmes.

Nombre d'autres pays ont obtenu des résultats importants, offrant ainsi des exemples de moyens efficaces d'atténuer la faim et la malnutrition. Toutefois, les ressources, les besoins et les problèmes varient selon les pays et les régions du monde et à l'intérieur de ces pays et régions. Il est nécessaire d'évaluer la situation dans chaque pays ou chaque région afin d'établir des priorités pour la formulation de plans d'action nationaux et régionaux spécifiques, concrétisant les engagements pris au niveau politique en vue d'améliorer le bien-être nutritionnel de la population. Il faudrait notamment examiner l'impact nutritionnel des plans de développement général et des politiques de développement sectoriel pertinentes.

Les plans d'action nationaux relatifs à la nutrition doivent être lancés ou révisés en fonction des buts et objectifs de la Déclaration mondiale sur la nutrition et du Plan d'action pour la nutrition. Ces plans d'action nationaux devraient fixer des buts, des objectifs et des délais appropriés, identifier des domaines d'action et des programmes prioritaires, indiquer les ressources techniques et financières disponibles, ainsi que celles qui sont encore nécessaires pour l'élaboration et la mise en oeuvre des programmes, et promouvoir une coopération intersectorielle permanente.

Baisse des prix réels des produits agricoles et des recettes d'exportation

Depuis 10 ans au moins, les prix des produits agricoles ont tendance à baisser sur les marchés internationaux alors que ceux des produits manufacturés ont tendance à monter. Ces mouvements contraires ont entraîné une dégradation des termes nets de l'échange entre les exportations de produits agricoles et les importations de produits manufacturés et de pétrole brut. En 1992, la baisse a été de 2 pour cent. Si l'on compare les trois années 1990-1992 avec les années 1979-1981, on constate une diminution de 30 pour cent, soit un taux annuel moyen de 3 pour cent. La baisse a atteint près de 40 pour cent pour les exportations de produits agricoles des pays en développement et 20 pour cent pour celles des pays développés8. Certains pays ont enregistré des accroissements de productivité suffisants pour compenser la baisse des prix réels (termes de l'échange des marchandises) mais, pour beaucoup, la baisse a entraîné une réduction des recettes par hectare de terre cultivée (termes de l'échange factoriels simples). En outre, la baisse des prix mondiaux a été si importante qu'elle a généralement contrebalancé l'expansion de la production, réduisant en fait les recettes globales (termes de l'échange-revenu).

8 Ces données sont tirées des indices Nations Unies des prix mondiaux à l'exportation des produits primaires.
On trouvera au tableau 4 des exemples du degré auquel les augmentations de rendements des cultures et de la production sont annulées par l'évolution défavorable des termes de l'échange. En général, les exportateurs de café ont été les grands perdants, car les légers accroissements des rendements et de la production ont été largement compensés par la forte dégradation - 66 pour cent - des termes de l'échange du café sur le marché international. Les pertes ont également été importantes pour le cacao, le caoutchouc naturel, le sucre, le riz et le maïs.

L'accroissement de la production enregistré malgré l'évolution très mauvaise des termes de l'échange s'explique en partie par la survie des plantations et d'autres investissements faits durant les années précédentes, qui avaient été plus favorables. En fait, juste avant 1980 - vers 1977-1978 - les termes de l'échange pour le café et le cacao avaient plus que doublé par rapport à 1979-19819. Le prix réel du caoutchouc avait atteint un record au début des années 50; les plantations encouragées parce record et par les années de prix favorables qui ont suivi expliquent que la production se soit maintenue. Le niveau des incitations à la production pendant les années antérieures expliquerait également l'accroissement de la production d'huile de palme, qui a été substantiel dans les années 80.

9 FAO. 1987. Instability in the terms of trade of primary commodities, 1900-1982. FAO Economic and Social Development Paper No. 64, p. 172. Rome.
TABLEAU 4

Variations des rendements, de la production et des termes d l'échange pour certains produits, 1979-1981 à 1990-1992

Produit

Variations du rendement

Variations de la production

Variations des termes de l'échange

Marchandises

Factoriel simple

Revenu

(.....................................................%.....................................................)

TOUS PAYS

Café

3

14

-66

-65

-61

Cacao

18

42

-66

-60

-52

Thé

27

36

-28

-8

-2

Coton fibre

36

34

-33

-9

-10

Caoutchouc naturel

12

34

-44

-37

-25

Sucre

10

27

-55

-50

-43

Soja

16

26

-36

-26

-19

Riz

29

32

-48

-33

-31

Blé

36

29

-35

-12

-16

Maïs

15

18

-35

-25

-23

PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Coton fibre

53

52

-33

2

2

Sucre

9

43

-55

-51

-36

Soja

21

66

-36

-23

7

Riz

30

34

-48

-32

-30

Blé

44

53

-35

-6

-1

Maïs

28

41

-35

-17

-8

Note: Termes de l'échange des marchandises = prix à l'exportation (des produits agricoles) corrigés en fonction des prix à l'importation (des produits manufacturés et du pétrole brut); termes de l'échange-revenu = recettes d'exportation corrigées en fonction des prix à l'importation; termes de l'échange factoriels simples = termes de l'échange des marchandises corrigés compte tenu des variations de la productivité (rendements à l'hectare).

Source: FAO.

Pour certains produits, il y a eu aussi une expansion de la production dans des zones avantagées par de faibles coûts de production, dus souvent à des accroissements de productivité supérieurs à la moyenne. Le maintien et l'accroissement des superficies consacrées à certaines cultures s'expliqueraient aussi par les changements advenus dans les rapports entre les cours internationaux et les prix à la production. Ainsi, dans de nombreux pays en développement, avant le milieu des années 80, les recettes d'exportation des producteurs baissaient souvent en raison de la surévaluation de la monnaie nationale, de la fiscalité et de mécanismes commerciaux coûteux. Ces restrictions aux incitations, et donc à la production, touchaient une part importante de la production de café et de cacao et quelques autres produits agricoles exportés par les pays en développement. Dans les années 80, ces restrictions ont été fortement réduites dans certains grands pays exportateurs, ce qui a fait monter les prix payés aux agriculteurs par rapport aux cours des marchés internationaux.

Au contraire, du fait que le secteur agricole bénéficiait de l'appui et de la protection du gouvernement, dans bien des cas, les incitations offertes à la production agricole dans les pays développés dépassaient celles offertes par le marché international. Cette protection a augmenté dans la plupart des pays développés durant les années 80. L'équivalent subvention à la production (ESP) mesurant cette protection s'est accru, passant d'une moyenne générale de 30 pour cent en 1979-1981 à 44 pour cent en 1990-1992 pour 22 pays membres de l'OCDE. Le supplément de production qui a suivi est allé s'ajouter aux disponibilités du marché international, souvent avec l'emploi de fonds publics pour faciliter les exportations. La subvention implicite ou explicite de ces exportations signifiait également que les prix des produits en question sur les marchés internationaux étaient souvent inférieurs aux prix à la production dans le pays exportateur et étaient aussi inférieurs aux coûts intérieurs de production dans certains pays importateurs.

On peut aussi expliquer la baisse des prix réels à l'exportation de certains produits dans les années 80 par l'allégement ou la suppression des clauses économiques dans les accords internationaux sur les produits. L'abolition des clauses de ce genre figurant dans l'Accord international sur le café en juillet 1989 a été suivie d'une forte chute des prix de ce produit. Auparavant, les clauses économiques des accords sur le cacao et le sucre avaient cessé d'être appliquées.

Le manque de dynamisme de la demande et de la consommation dans les pays développés a aggravé la situation. L'expansion démographique dans ces pays n'était que de 0,7 pour cent par an. En outre, la consommation par habitant, déjà élevée en général, n'a guère été renforcée par la hausse du revenu qui n'était que de 3 pour cent par an. Le café a particulièrement souffert de la lenteur de la croissance des marchés, car les pays développés représentaient 70 pour cent du marché mondial. Il en a été de même pour le cacao et le caoutchouc naturel, pour lesquels les pays développés représentaient plus de 60 pour cent des débouchés mondiaux. L'évolution des techniques utilisées par les industries de transformation a également réduit la demande pour plusieurs produits, notamment le caoutchouc naturel et le sucre. Toutefois, il y a eu un formidable essor du marché des aliments du bétail, en particulier des tourteaux et farines d'oléagineux, des fourrages non céréaliers et, dans certains cas, des céréales. Cet essor s'est ensuite ralenti en raison du recul de la production animale en Europe de l'Est comme en Europe de l'Ouest, et dans l'ex-URSS.

Figure 6

PRIX À L'EXPORTATION DE CERTAINS PRODUITS (dollars/tonne)

Source: FAO
Les augmentations de la consommation par habitant dues à des réductions de prix sont en général assez faibles dans les pays développés. Ainsi, pour de nombreux produits, le volume consommé est toujours resté plus faible que le volume produit, bien que la baisse des cours internationaux ait atteint 66 pour cent pour certains produits depuis le début des années 80. Les baisses liées à des taux élevés d'accroissement de la production ont été modérées pour des produits dont la consommation réagissait mieux aux prix internationaux, par exemple les aliments du bétail dans les pays développés et les produits vendus en grandes quantités dans les pays en développement, comme le thé.

Les négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay round

Depuis le début de 1992, les négociations se poursuivent suivant quatre volets10. Dans le premier, les négociations sur l'accès aux marchés ont eu lieu sur des bases bilatérales, plurilatérales et multilatérales. De même, dans le deuxième volet les négociations ont été menées sur les engagements initiaux concernant les services. Dans le troisième volet, les travaux ont porté sur la conformité juridique et la cohésion interne du projet d'accord constituant le projet d'Acte final. Enfin, le Comité des négociations commerciales a tenu plusieurs réunions, ce qui constitue le quatrième volet.

10 Les faits nouveaux survenus jusqu'au début de 1992 sont exposés dans La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1992.
Il convient de mentionner, en particulier, les échanges de vues bilatéraux entre la Commission des Communautés européennes et les Etats-Unis qui ont abouti à l'accord dit de Blair House de novembre 199211, dans lequel les parties déclarent avoir obtenu les résultats nécessaires pour parvenir à un accord sur les principaux éléments bloquant les pourparlers de Genève, notamment en ce qui concerne l'agriculture, les services et l'accès aux marchés. Concernant l'agriculture, les parties ont réglé leurs divergences de vues sur les principaux éléments du soutien intérieur, les subventions à l'exportation et l'accès aux marchés. Elles sont aussi tombées d'accord sur la manière de régler le différend relatif aux graines oléagineuses. Les principales différences entre le projet d'Acte final et l'Accord de Blair House concernent la possibilité que des volumes d'exportations subventionnés soient réduits de 21 pour cent au lieu de 24 pour cent et que la réduction de 20 pour cent dans la mesure globale du soutien s'applique non pas à des produits individuels, comme le prévoyait le projet d'Acte final, mais à l'agriculture en tant que secteur. En outre, toutes les subventions découplées de la production seraient exemptes de réduction, c'est-à-dire qu'elles seraient incluses dans la catégorie «case verte».
11 Document du GATT MTN.TNC/W/103 du 20 novembre 1992.
Par la suite, au cours de diverses réunions internationales, dont celle du Conseil de la FAO, des appels ont été lancés pour que l'Uruguay Round aboutisse à un résultat positif et complet. Un nouvel élan a été donné aux négociations par l'accord auquel sont parvenus les sept grands pays industrialisés en juillet 1993 pour réduire ou éliminer les droits de douane sur une vaste gamme de produits manufacturés.

Problèmes actuels d'aménagement des pêcheries


Pêches des zones côtières et participation des populations locales à l'aménagement
Pêche en haute mer

Pêches des zones côtières et participation des populations locales à l'aménagement

Depuis de nombreuses années, la FAO encourage la participation des populations locales à l'aménagement des pêcheries. Bien que le chapitre 17 du programme Action 21 de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) traite la question de façon plus large, notamment les aspects concernant la protection de l'environnement et de l'habitat, les principes fondamentaux de la participation communautaire restent applicables et les observations et directives pour l'aménagement piscicole présentées ci-après sont tout à fait valables dans cette optique plus large.

Confier la responsabilité de l'aménagement aux populations locales est souvent un processus graduel qui est lié à la capacité de la communauté de gérer ses propres affaires avec efficacité. A cet égard, il faut étudier attentivement les systèmes d'aménagement traditionnels ou coutumiers qui pourraient déjà être en place pour la gestion des différentes ressources. Reconnaître et, le cas échéant, légaliser ces systèmes pourrait constituer un bon point de départ pour l'aménagement au niveau local.

Des droits de propriété locaux bien définis concernant les ressources peuvent faciliter le suivi et l'application des règlements, avec l'autodiscipline, et donc rendre l'aménagement plus efficace. Ils pourraient également faciliter la planification et la mise en oeuvre de mesures d'aménagement spécifiques grâce à la connaissance traditionnelle des ressources, de leurs caractères saisonniers et d'autres caractéristiques que possèdent les utilisateurs locaux.

Bon nombre des ressources les plus vulnérables des zones côtières sont accessibles sans restriction. Ce libre accès suppose que l'utilisation des ressources n'a pas de prix, puisque quiconque souhaite le faire peut les exploiter gratuitement. Cela n'a pas posé de problèmes dans le passé quand les ressources étaient abondantes par rapport aux techniques d'exploitation disponibles et à la demande. Toutefois, l'expansion démographique et le progrès technologique ont considérablement modifié la situation, de sorte que les ressources des zones côtières qui peuvent être exploitées librement sont mal utilisées et se dégradent. La liberté d'accès est souvent particulièrement mal acceptée par les communautés locales qui vivent de ces ressources. En l'absence d'un contrôle au niveau local, des individus venant de l'extérieur profitent de cette liberté d'accès et, disposant de moyens financiers et techniques supérieurs, réussissent souvent à s'approprier d'une grande partie de ces ressources au détriment des utilisateurs locaux. Des conflits ont fréquemment surgi, par exemple entre les artisans pêcheurs locaux et les flottilles industrielles internationales. Certains pays ont pris des mesures établissant des droits locaux sur les ressources locales; c'est ainsi qu'aux Philippines des communes ont obtenu des droits exclusifs sur les eaux côtières jusqu'à 15 km de distance du rivage.

Pêche en haute mer

La communauté internationale s'inquiète de plus en plus au sujet de l'utilisation durable des ressources halieutiques mondiales, notamment de la manière dont sont menées les opérations de pêche en haute mer. Cette question a été examinée par plusieurs instances internationales, entre autres la Conférence internationale sur la pêche responsable, la CNUED et la Consultation technique sur la pêche en haute mer (FAO), qui se sont toutes déroulées en 1992.

La CNUED a recommandé, en particulier au chapitre 17 du programme Action 21, de convoquer une conférence intergouvernementale sous les auspices des Nations Unies afin d'étudier les mesures et les mécanismes qui pourraient être adoptés au niveau international pour mieux gérer les stocks de poisson qui chevauchent plusieurs zones et de grandes espèces migratrices. La première session de cette conférence s'est tenue en 1993.

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Convention de 1982) ne contient pas de dispositions détaillées sur la pêche en haute mer, de sorte que l'aménagement des ressources biologiques de haute mer a souvent été inefficace. Contrairement à l'aménagement des ressources relevant de la juridiction des Etats côtiers, il n'y a pas de régime global reconnu au niveau international pour la gestion des ressources de la haute mer.

Quand le principe de la juridiction étendue a été adopté par la plupart des pays dans les années 70, on prévoyait qu'il y aurait une forte réduction de la capacité des flottilles de pêche. Or, cette réduction n'a pas eu lieu et la capacité a continué de croître. Les navires qui ne pouvaient avoir accès aux zones économiques exclusives (ZEE) des Etats côtiers disposant de stocks halieutiques excédentaires ont été obligés de transférer leurs activités en haute mer. Selon les estimations de la FAO, dans les années 70,5 pour cent des prises mondiales provenaient des zones situées au-delà de la limite de 200 milles, alors qu'en 1990 ce pourcentage aurait atteint 8 à 10 pour cent.

Grâce aux subventions accordées par les gouvernements, de nombreuses flottilles de pêche nationales exploitant les ressources de haute mer se sont développées depuis l'extension de la juridiction. Ces subventions, estimées à 54 milliards de dollars par an, ont permis aux flottilles de poursuivre leurs opérations qui, dans des conditions normales, n'auraient pas été rentables. En effet, on estime que pour revenir au taux de capture par navire de 1970, il faudrait réduire d'au moins 30 pour cent le tonnage actuel de la flottille de pêche mondiale.

La nécessité de mécanismes d'aménagement convenus au niveau international pour l'exploitation rationnelle des ressources de haute mer est reconnue à la fois par les Etats côtiers et par les Etats pêchant en eaux lointaines. La FAO participe à la formulation du Code international de conduite pour la pêche responsable et du projet d'Accord sur l'attribution de pavillons aux navires pêchant en haute mer. Ces accords exigeraient un consensus sur les limites d'exploitation générale des stocks et la répartition des ressources. Pour que les mécanismes d'aménagement assurent une utilisation durable des ressources, il sera indispensable que les mesures convenues par les parties contractantes soient appliquées. Par ailleurs, il est à craindre que l'efficacité des mécanismes soit réduite par les Etats non-parties aux conventions.

Problèmes actuels concernant les forêts


Le recyclage dans les industries forestières
Les forêts et les industries forestières dans les pays en phase de transition économique
Commerce et aménagement durable des forêts

Le recyclage dans les industries forestières

La récupération et le recyclage des résidus ont joué un rôle majeur dans le développement des industries forestières au cours des 50 dernières années. Le recyclage se fait de différentes manières: utilisation des résidus de grumes transformés à la scierie pour la production de copeaux pour la pâte et le papier et les panneaux de particules; emploi du petit bois abandonné auparavant dans la forêt; utilisation de l'écorce et d'autres résidus pour la production d'énergie; enfin, récupération des vieux papiers pour la fabrication de papier.

Plus de 95 pour cent du bois industriel récolté dans les pays développés sert à la production primaire ou secondaire. Environ 70 pour cent entrent dans la composition des fibres du produit final et 20 pour cent sont récupérés ou recyclés à partir du résidu final pour l'obtention d'énergie dans l'industrie. La récupération des résidus du bois est beaucoup moins poussée dans les pays en développement, où seulement 65 pour cent du bois industriel récolté sont réellement utilisés et 58 pour cent du bois récolté entrent dans la composition du produit. Ainsi, il reste l'équivalent de quelque 30 pour cent des résidus de bois industriel qui pourraient être récupérés.

A mesure que les préoccupations écologiques se renforçaient, la question du recyclage des fibres a attiré de plus en plus l'attention des groupes écologistes et des médias. L'industrie du papier, en plein essor ces 10 dernières années, a considérablement augmenté le volume de fibres recyclées utilisé. Elle a aussi amélioré sensiblement le contrôle des effluents et des émissions ainsi que le rendement énergétique.

De 1980 à 1991, la consommation mondiale de papier et carton est passée de 170 millions à 245 millions de tonnes, tandis que la consommation mondiale par habitant passait de 38 à 45 kg par an. Pour répondre à la demande croissante de papier, l'industrie compte sur trois grandes sources de fibres: la pâte de bois, les pâtes d'autres fibres et les vieux papiers. Durant la période 1980-1991, la consommation de pâte de bois est passée de 126 millions de tonnes à 155 millions de tonnes, progressant de près de 2 pour cent par an. La consommation de vieux papiers a augmenté beaucoup plus vite, passant de 50 millions à 88 millions de tonnes, soit un taux de 5,3 pour cent par an. La consommation mondiale de pâtes d'autres fibres - 16 millions de tonnes - est essentiellement le fait des pays en développement, en premier lieu la Chine.

Les vieux papiers recyclés sont aujourd'hui une matière première importante pour la papeterie. Représentant 40 pour cent des fibres utilisées dans les pays développés et les pays en développement, leur utilisation a atteint 88 millions de tonnes en 1992. Douze millions de tonnes font l'objet d'échanges internationaux, les Etats-Unis assurant environ 50 pour cent des exportations totales, principalement à destination des pays en développement d'Asie.

Toutefois, le monde dispose de 150 millions de tonnes supplémentaires de vieux papiers, qui constituent une part importante des 500 millions de tonnes totales de déchets solides produits chaque année. L'élimination de cette énorme masse de déchets est devenue un problème matériel majeur pour les autorités locales. Divers moyens ont été envisagés afin de réduire les volumes de vieux papiers à éliminer, notamment l'intensification du recyclage et l'incinération pour la production d'énergie.

La récupération des vieux papiers pour réemploi est économiquement viable dans certaines conditions. Quand ils ne contiennent pas de contaminants, ces papiers de rebut peuvent être réemployés comme pâte, ce qui permet de faire des économies de matières premières et d'énergie. Néanmoins, s'ils sont contaminés, ils ont besoin d'être nettoyés. En particulier, il faut éliminer les encres, les colles, les enduits, les mastics et les additifs. Ce processus est coûteux car il nécessite un matériel spécial et produit souvent des résidus et des effluents nocifs. Par ailleurs, le recyclage provoque une légère détérioration et une petite perte de fibres.

Il est plus rentable de recycler les vieux papiers lorsqu'il n'est pas nécessaire de les transporter sur de longues distances ou quand l'usine de papeterie se trouve près de l'endroit où ils sont collectés. Cela est généralement le cas dans les pays très peuplés où la consommation de papier par habitant est élevée, comme l'Allemagne, le Japon, les Pays-Bas et quelques autres pays européens où les taux de récupération sont supérieurs à 50 pour cent.

Dans certains pays, les autorités locales et nationales ont adopté des mesures pour encourager ou améliorer le recyclage. Toutefois, les mesures imposant l'utilisation d'une certaine proportion de papiers recyclés peuvent amener à transporter les vieux papiers jusqu'à des usines éloignées, ce qui rend l'opération moins rentable. En outre, elles peuvent avoir pour effet d'inonder le marché de quantités excessives de papier récupéré. Elles risquent aussi d'imposer le recours à des procédés de recyclage extrêmement coûteux pour récupérer du papier de qualité médiocre ou fortement contaminé. Dans les cas où le coût du recyclage est élevé, l'incinération des vieux papiers avec d'autres déchets urbains pour la production d'énergie peut être plus économique et moins nuisible à l'environnement.

En général, le recyclage contribue à l'utilisation plus efficace des matières premières brutes et à la réduction du volume des déchets urbains. Son développement entraînera des changements dans la demande de matières premières ligneuses provenant des forêts et conduira à des ajustements dans l'aménagement forestier. En fait, la baisse de la demande de petites grumes, qui sont surtout destinées à l'industrie de la pâte à papier, pose un problème particulier car elle réduit le marché des produits de coupe intermédiaire (éclaircie), opération nécessaire pour améliorer la qualité du produit final.

Les forêts et les industries forestières dans les pays en phase de transition économique

Les réformes orientées vers l'économie de marché qui sont en cours en Europe de l'Est et dans l'ex-URSS ont abouti initialement à des réductions considérables de la production, des échanges et de la consommation de produits forestiers. Cette production a baissé par rapport aux années où elle avait atteint des records - du milieu des années 80 jusqu'en 1991 - d'environ 30 à 40 pour cent pour les produits mécaniques du bois, et de plus de 45 pour cent dans le cas du papier.

La désorganisation de l'ancien système de commerce et de distribution et le remplacement des niveaux de production et des prix fixés à l'avance par des prix déterminés par le marché ont provoqué une très forte montée des prix réels des produits ligneux et une diminution de la demande intérieure. En Pologne, les prix réels des produits ligneux ont augmenté de 50 pour cent de 1987 à 1991, tandis que la consommation de sciages par habitant, déjà très inférieure à celle de l'Europe de l'Ouest, a chuté de 60 pour cent. Des réductions semblables ont été enregistrées par la consommation par habitant de produits forestiers en Bulgarie et en Roumanie.

Les échanges de produits forestiers entre ces pays ont également subi le contrecoup de l'abandon des accords commerciaux conclus dans le cadre du Conseil d'assistance économique mutuelle (CAEM) et de la fixation des prix en monnaies convertibles. Les exportations vers d'autres régions ont aussi été touchées, en raison des problèmes de qualité et de compétitivité rencontrés sur les marchés occidentaux ainsi que des incertitudes provoquées par les changements des mécanismes commerciaux établis de longue date. Ainsi, les exportations totales de bois de sciage des pays d'Europe de l'Est et de l'ex-URSS sont tombées de 10,5 millions de m3 en 1987 à 6,4 millions de m3 en 1991.

L'industrie du papier, grande utilisatrice d'énergie et de produits chimiques, a beaucoup pâti du bouleversement des échanges intrarégionaux d'intrants et de produits, d'une part, et de l'insuffisance et de la vétusté du matériel, d'autre part. En Estonie, les difficultés rencontrées pour importer de l'énergie de la Fédération de Russie et la nécessité de payer les matières premières en devises fortes ont pratiquement paralysé l'industrie de la papeterie. La vétusté du matériel et les problèmes de pollution ont pratiquement obligé à fermer les usines de pâte à papier dans l'ex-République démocratique allemande.

En 1993, les conditions semblaient plus favorables pour les industries du bois en Hongrie, en Pologne, dans la République tchèque et en Slovaquie. Dans ces pays, les premiers signes de reprise économique ont commencé à stimuler les investissements dans des activités locales utilisant du bois. Les autres pays, moins avancés dans le processus de transformation économique, voient se poursuivre le recul de la production, des échanges et de la consommation de produits forestiers. En 1933, la production de sciages de résineux dans la Fédération de Russie devrait continuer de baisser en raison des problèmes financiers auxquels sont confrontés producteurs et organisations commerciales et de l'incertitude du régime légal.

La privatisation des biens et des entreprises est considérée comme un pas important pour accélérer le processus de transition. Etant donné la complexité des problèmes politiques, juridiques et administratifs concernant la propriété foncière, la privatisation des terres forestières a été généralement lente et inégale selon les pays. En Hongrie, on s'attend à ce que 60 pour cent des terres forestières restent propriété de l'Etat, tandis que 30 pour cent environ deviendront propriété privée ou passeront à des associations forestières. En République tchèque, des sociétés en commandite par actions devraient être créées pour devenir propriétaires des forêts domaniales, alors qu'en Slovaquie les entreprises forestières publiques financées par le budget de l'Etat seront la norme. En Pologne, les forêts domaniales continueront de fournir le potentiel de base tant en termes économiques qu'en termes écologiques, mais les anciens propriétaires dont les terres forestières ont été nationalisées seront indemnisés. Aux termes de la loi roumaine sur les terres de 1992, l'Etat devrait restituer aux anciens propriétaires 300 000 ha de terres forestières sur un total de 6 millions d'hectares. En Estonie, seulement 55 000 ha de terres forestières ont été privatisés depuis 1991, mais la moitié de ces terres (1,8 million d'hectares) pourrait être privatisée dans l'avenir.

Quelques progrès remarquables ont été accomplis dans l'important domaine de la privatisation des industries forestières. En Hongrie, où le processus est le plus avancé, environ 55 pour cent du capital de l'industrie de la pâte et du papier avaient été privatisés à la fin de 1991, avec 23 pour cent de participations étrangères. La décentralisation de l'industrie forestière en République tchèque et en Slovaquie devrait être suivie de la privatisation des entreprises du bois les plus performantes et de la création de petites sociétés privées. En Pologne, quelques scieries ont été privatisées, mais des complications sont survenues à la suite des revendications d'anciens propriétaires; dans l'industrie polonaise des panneaux à base de bois, la plus importante en Europe de l'Est, huit scieries ont été privatisées, tandis que dans le secteur de la pâte et du papier les coentreprises privées à capitaux étrangers ont porté sur sept grandes entreprises. Une évolution importante s'est aussi produite dans certains des Etats baltes. En 1993, l'Estonie a lancé un grand programme de privatisation des propriétés de l'Etat, ouvert aux capitaux étrangers, qui comprenait la mise en vente de 11 complexes industriels forestiers, dont trois usines de pâte et de papier. Dans certains pays, en Roumanie par exemple, la privatisation du secteur se poursuit avec beaucoup de lenteur; ainsi, en 1992, les opérateurs privés ont acheté seulement 100 000 m3 de bois, sur un total de 2 millions de m3 récoltés. Toutefois, à l'avenir les opérations de récolte en Roumanie pourraient être confiées à des entrepreneurs, et les entreprises du bois pourraient être transformées en sociétés commerciales à capital public, mixte ou privé.

Commerce et aménagement durable des forêts

On reconnaît généralement qu'il faudrait mettre tout en oeuvre pour que les forêts soient aménagées de façon durable pour leur permettre de survivre, mais les opinions divergent quant aux moyens à choisir pour atteindre cet objectif.

De toute évidence, le commerce ne figure pas parmi les causes principales de la déforestation et, de ce fait, les politiques commerciales ne sauraient à elles seules assurer l'aménagement durable des forêts. Une faible partie seulement du bois récolté entre effectivement dans les échanges mondiaux et les liens entre les politiques commerciales et l'aménagement forestier sont loin d'être directs. Pour ce qui est des forêts tropicales, environ 6 pour cent seulement du bois récolté entre dans les échanges mondiaux sous la forme de produits divers, et un tiers seulement du bois d'œuvre tropical produit (grumes, sciages et panneaux de bois massif) est vendu sur les marchés internationaux.

En conséquence, les interventions dans le secteur commercial ne peuvent jouer qu'un rôle secondaire pour résoudre le problème de la déforestation. Au mieux, elles peuvent renforcer des actions plus directes; au pire, elles peuvent accélérer et non ralentir le processus de déforestation. Le moyen le plus direct et le plus efficace d'assurer un aménagement forestier durable est d'améliorer les politiques forestières et les pratiques d'aménagement forestier adoptées dans les pays en développement, et c'est sur ce point que les pays en développement producteurs concentrent leurs efforts, avec l'appui de nombreux organismes, dont la FAO.

Néanmoins, un certain nombre de mesures touchant le secteur commercial ont été proposées par les pays développés, qui sont des marchés importants pour les pays en développement. Malgré de fortes divergences sur les mesures à prendre de préférence, et notamment sur l'impact réel que les mesures commerciales peuvent avoir sur un aménagement forestier durable, les questions commerciales suscitent un intérêt de plus en plus vif. Cet intérêt porte principalement sur les forêts tropicales et le commerce du bois d'oeuvre tropical et, depuis peu, également sur le bois d'œuvre des régions tempérées.

Bon nombre des propositions relatives au secteur commercial tentent de lier le commerce du bois d'oeuvre à l'aménagement durable des ressources forestières. Il s'agit d'encourager les utilisateurs à n'acheter que des produits à base de bois d'oeuvre récolté dans des forêts sous aménagement durable, ou d'essayer d'obliger les producteurs à pratiquer l'aménagement durable sous peine de perdre leurs marchés.

De l'avis des groupes soutenant ces programmes commerciaux, il est indispensable que les acheteurs puissent distinguer parfaitement les bois produits selon des pratiques d'aménagement durable des autres bois. On propose à cette fin de délivrer des certificats aux pays producteurs ou aux entreprises forestières pratiquant l'aménagement durable et d'apposer des étiquettes sur les produits pour en informer les acheteurs et les utilisateurs.

Des groupes de consommateurs, des groupes écologistes privés, des gouvernements, des groupes de négociants en bois d'oeuvre et un petit nombre de producteurs travaillent activement dans ce domaine, mais même ceux qui soutiennent le principe général ne sont pas d'accord sur la forme que ces programmes devraient revêtir. On trouvera ci-après quelques exemples d'actions en cours: des groupes allemands faisant le commerce du bois d'oeuvre étudient des règlements qui permettraient d'identifier le bois tropical provenant de sources qui pratiquent l'aménagement forestier conformément aux directives pour l'aménagement durable de l'Organisation internationale des bois tropicaux; le Gouvernement hollandais propose d'encourager les importateurs et les négociants à ne traiter que du bois d'oeuvre tropical produit conformément aux règles d'aménagement durable à partir de 1995 et étudie la faisabilité de l'étiquetage; une proposition d'étiquetage formulée par une organisation non gouvernementale du Royaume-Uni s'occupant d'environnement, qui concernerait tous les bois d'oeuvre, comporte la mise en place d'un organisme qui accréditerait les agences chargées de l'étiquetage; le Ghana délivre des certificats indiquant que le bois d'oeuvre provient d'un pays qui suit des pratiques forestières rationnelles; enfin, l'Organisation du bois d'oeuvre africain a proposé, pour le bois d'oeuvre africain, une étiquette portant la mention «origine contrôlée».

A ce jour, seul le Gouvernement autrichien est intervenu officiellement en faisant voter une loi exigeant que tous les bois tropicaux et produits dérivés vendus sur le marché autrichien portent l'étiquette «bois tropical». Par la suite, la loi prévoira également l'identification des produits provenant de ressources gérées de manière durable. Cette mesure unilatérale, jugée par beaucoup préjudiciable aux bois tropicaux, a été par la suite modifiée car toute référence au bois d'oeuvre tropical a été supprimée.

Malgré toutes ces initiatives, il reste de nombreux problèmes, souvent interdépendants, à résoudre concernant ces politiques.

· Ces mesures, qui sont prises principalement par les pays développés importateurs, nuisent-elles aux intérêts des pays producteurs et compromettent-elles leur droit à prendre eux-mêmes des décisions commerciales au sein de systèmes de marché libre?

· Les programmes d'étiquetage ou de certification peuvent-ils, en réalité, promouvoir effectivement l'aménagement forestier durable, étant donné que toute mesure fermant les marchés peut en fait réduire la valeur des forêts et accélérer la conversion des terres boisées à d'autres usages?

· Ces programmes sont-ils discriminatoires et sont-ils vraiment contraires aux règles commerciales internationales en vigueur aujourd'hui, comme celles du GATT, qui sont fondées sur le concept du libre-échange considéré comme un moyen efficace de promouvoir le bien-être économique et social?

· Ces programmes seront-ils efficaces seulement si tous les marchés ou la plupart d'entre eux suivent des politiques semblables; seront-ils appliqués sur de nombreux marchés?

· Un programme fiable et réalisable d'étiquetage ou de certification, accepté par tous, est-il possible, compte tenu des difficultés pratiques qu'il comporte, particulièrement pour décider comment et par qui le niveau d'aménagement doit être évalué?

Ces questions doivent être étudiées avec attention avant que des politiques commerciales comme celles qui sont indiquées ci-dessus soient mises en oeuvre.

Les biotechnologies: problèmes et possibilités pendant les années 90


Application et potentiel
Objectifs et problèmes

Durant les 40 dernières années, la production mondiale dans les secteurs de l'agriculture, des forêts et des pêches a augmenté plus rapidement que la population; toutefois, ce résultat a été bien souvent obtenu aux dépens de la base de ressources naturelles.

Les gains de productivité résultant des accroissements des rendements de la production végétale et animale ont été obtenus au moyen de technologies nécessitant d'énormes quantités d'intrants qui ont utilisé au maximum la capacité des terres. Les biotechnologies, ensemble d'instruments fondés sur les connaissances biologiques, pourraient jouer un rôle important dans le renversement de cette tendance. Elles offrent en outre de nouvelles possibilités de vaincre les maladies, d'améliorer la sécurité alimentaire et de réduire la pollution de l'environnement. Au sens large, les biotechnologies sont toutes les techniques utilisant des organismes vivants pour fabriquer ou modifier un produit, pour améliorer végétaux et animaux, ou pour mettre au point des micro-organismes destinés à des usages spécifiques. Les biotechnologies traditionnelles sont appliquées en agriculture depuis le début de la civilisation pour l'amélioration animale et végétale et la transformation des produits alimentaires. Les biotechnologies modernes ont eu leur impact le plus fort dans le domaine de la santé humaine grâce à la mise au point de produits pharmaceutiques, de méthodes de diagnostic et d'autres produits médicaux nouveaux, et elles offrent encore d'autres possibilités de mise au point de médicaments, de moyens de diagnostic et de vaccins.

L'application des biotechnologies offrira de nombreux avantages à l'agriculture: nouveaux produits agricoles améliorés, permettant d'obtenir des aliments et des fibres de meilleure qualité; accroissement des rendements des cultures; animaux plus résistants; enfin, nouveaux emplois pour les produits agricoles. En outre, les biotechnologies devraient permettre de gérer plus efficacement les systèmes agricoles, notamment le maintien de la productivité des sols et la gestion de l'eau; d'améliorer les méthodes de diagnostic pour mieux garantir l'innocuité des aliments; et de lutter contre les agents microbiens nuisibles.

De nombreux pays industrialisés estiment que les biotechnologies modernes sont le moyen clé de devenir plus compétitifs et d'obtenir des avantages comparatifs dans de nombreux domaines, y compris celui de l'alimentation et de l'agriculture. Dans ces pays, surtout pour des raisons économiques, la recherche est financée, exécutée et dirigée essentiellement par le secteur privé.

On demande désormais aux instituts de recherche du secteur public de financer une part substantielle de leur budget au moyen de fonds non gouvernementaux, par le biais de contrats de recherche, licences et de redevances. Cette situation tend à accentuer le caractère secret des recherches et à entraver la libre communication scientifique. Les professeurs d'université, les chercheurs et les scientifiques des instituts d'Etat ont de plus en plus l'esprit d'entreprise et entrent dans le secteur privé.

Autre tendance importante: les grandes sociétés multinationales rachètent des sociétés de semences et de biotechnologies plus petites et diversifient leurs actifs, ce qui leur permet de vendre en bloc produits chimiques, semences et équipement.

La forte participation du secteur privé et les considérations de marché influent fortement sur le choix des thèmes et des produits de recherche. De grands produits, cultures et systèmes d'exploitation qui présentent une grande importance socio-économique pour les pays en développement, mais sont peu intéressants pour le commerce international, ne sont pas inscrits aux programmes de recherche biotechnologique des pays industrialisés. En outre, ces pays sont désireux de réduire leurs coûts de production, d'accroître le rendement, la qualité et la valeur de leurs produits et, ainsi, d'améliorer leur compétitivité globale sur le marché mondial.

D'autre part, bien que des services de biotechnologies soient actuellement mis en place dans la plupart des pays en développement, le niveau de la recherche, du développement et de l'utilisation des biotechnologies dans les domaines agricole, forestier et halieutique de ces pays est généralement bien inférieur à celui des pays industrialisés. La situation varie considérablement d'un pays à l'autre. Quelques pays tels que le Brésil, la Chine, l'Inde, le Mexique et la République de Corée se sont efforcés de se doter d'une gamme complète de moyens scientifiques et techniques, notamment dans le domaine des biotechnologies agricoles. Nombre de pays en développement sont confrontés à certains problèmes: orientation peu précise des recherches; pénurie de personnel hautement qualifié; accès limité à l'information; absence de politiques et priorités appropriées; insuffisance des fonds pour les activités opérationnelles; liens trop faibles entre recherche, développement et vulgarisation. En outre, la participation du secteur privé est négligeable, ce qui rend encore plus difficile de porter une attention suffisante aux biotechnologies.

Application et potentiel

Dans le secteur agricole et les secteurs apparentés, ce sont la production et la santé animales qui ont tiré le plus grand profit des biotechnologies, même si l'utilisation pratique des animaux transgéniques n'est encore qu'une perspective lointaine (on qualifie de transgéniques les organismes - animaux ou végétaux - dont l'ADN héréditaire a été accru par l'adjonction d'ADN provenant d'une source autre que le matériel génétique parental). L'utilisation généralisée des anticorps monoclonaux à des fins de diagnostic, qui permet d'appliquer des traitements spécifiques et sans danger aux maladies des animaux constitue une innovation importante. Le génie génétique renforce l'efficacité et l'innocuité des vaccins pour la prévention des maladies virales, bactériennes et parasitaires du bétail. Il existe des vaccins spécifiques contre la diarrhée porcine, la bursite du poulet et les maladies des bovins transmises par les tiques. La mise au point de vaccins spécifiques est un objectif intéressant. Les vaccins visant les glandes endocrines qui ont pour objet de stimuler la mise bas de jumeaux chez les bovins de boucherie, la castration immunologique, la stimulation de la croissance du bétail, et les vaccins qui compensent diverses pertes de production liées au stress offrent d'autres possibilités intéressantes.

Les progrès du génie génétique faciliteront également la production de populations exclusivement mâles de lucilies bouchères, de mouches tsé-tsé, de tiques et autres ectoparasites, en vue du lâcher d'insectes stériles à des fins de lutte ou d'éradication. En outre, des cultures de tissus de mammifères pourraient, dans les années 90, être utilisées à la place des animaux vivants pour tester la toxicité de certains produits chimiques. La technique des cultures peut aussi être appliquée à l'étude et à l'analyse du métabolisme des pesticides et à la présélection des herbicides. Les techniques de fertilisation in vitro et de sexage des embryons ont considérablement accru l'application des techniques de transfert d'embryon pour la sélection et le commerce des bovins. Cette méthode sera encore plus intéressante si les techniques de clonage des embryons peuvent être employées en toute sécurité. Le traitement microbien et enzymatique des fourrages grossiers et l'application du génie génétique aux bactéries du rumen offrent tous deux de grandes possibilités d'améliorer la nutrition animale. Les hormones de croissance peuvent être produites avec des micro-organismes modifiés génétiquement en grandes quantités et à faible coût, ce qui permet de les utiliser largement pour accélérer et accroître la production de lait et de viande maigre. Les biotechnologies (culture d'embryons, clonage des gènes, etc.) peuvent également servir à conserver les ressources génétiques.

Les plantes cultivées constituent l'autre groupe de produits agricoles qui bénéficient déjà et bénéficieront de plus en plus de l'application des biotechnologies modernes, grâce auxquelles l'amélioration génétique des plantes peut gagner en rapidité et en précision. Des végétaux transgéniques ont déjà été établis pour 40 plantes de culture, dont le maïs, le riz, le soja, le coton, le colza, la pomme de terre, la betterave à sucre, la tomate et la luzerne, mais les nouvelles variétés n'ont pas encore été mises sur le marché. Des possibilités d'exploitation commerciale dans un avenir proche existent pour des légumes et des fruits (pomme de terre, tomate, concombre, melon et courge), puis des légumineuses (luzerne) et des oléagineux (colza). Bon nombre de végétaux transgéniques sont résistants aux herbicides et leur utilisation généralisée est quelque peu controversée.

A l'heure actuelle, les techniques de culture tissulaire sont largement utilisées pour la micropropagation des clones supérieurs et l'élimination des agents pathogènes du matériel végétal. Les anticorps monoclonaux servent également d'auxiliaires de diagnostic pour le dépistage et l'identification des virus/viroïdes. Les cultures d'anthères et de microspores donnant naissance à des haploïdes sont utilisées pour l'amélioration des variétés afin de faciliter et d'accélérer la sélection (les haploïdes sont des organismes ou des lignées de cellules qui ne possèdent que la moitié des chromosomes présents dans un organisme normal). Les cartes et les marqueurs moléculaires sont largement utilisés pour identifier les gènes intéressants de façon à accélérer les programmes classiques de sélection. On modifie génétiquement les systèmes biologiques de fixation de l'azote et les souches en vue d'utiliser efficacement les éléments nutritifs du sol. Parmi les autres objectifs à long terme figurent les manipulations génétiques du schéma de photosynthèse et la production de semences hybrides par apomixis (reproduction asexuée au moyen de semences). On envisage également la possibilité tout à fait lointaine de doter les céréales d'une capacité de fixation de l'azote.

L'application des biotechniques dans le sous-secteur des forêts présente également un intérêt considérable. Elle offre des solutions utiles pour l'amélioration des arbres forestiers, même si les avantages ne doivent apparaître qu'à long terme. La cryoconservation, technique qui consiste à conserver les produits biologiques à des températures extrêmement basses, vient s'ajouter aux autres méthodes de conservation du matériel génétique pour des variétés à cycle long, ligneuses et à semences résistantes. Elle permet de stocker pendant de nombreuses années des tissus et des organes cultivés en milieu froid ou chaud, en ralentissant leur développement. Il y a trois domaines dans lesquels l'application du stockage des cultures sera particulièrement précieuse: stockage du matériel génétique, maintien des caractères juvéniles et transport du matériel génétique.

La micropropagation est une autre technologie qui offre d'énormes possibilités. Parmi les réussites de l'emploi de cultures tissulaires, il faut citer la micropropagation du palmier à huile pour les grandes plantations commerciales en Malaisie et en Indonésie. Des taux de stérilité atteignant parfois 30 pour cent ont été enregistrés dans ces pays par les plantations fondées sur des plants in vitro; mais des efforts de recherche permettraient peut-être de surmonter cette difficulté. Ces deux pays assurent les trois quarts de la production mondiale d'huile de palme, et le palmier à huile est une de leurs principales ressources économiques. Par conséquent, toute amélioration de la productivité et de la production du palmier à huile dans ces pays a une grande importance pour l'économie mondiale des huiles alimentaires. D'autres pays comme l'Inde et la Thaïlande se lancent aussi dans les techniques de micropropagation du palmier à huile. Une croissance rapide avec multiplication par voie végétative a également été obtenue avec des essences d'eucalyptus au Brésil, au Congo et au Zimbabwe.

En ce qui concerne l'application du génie génétique, des végétaux, dont les peupliers, transformés à l'aide de gènes pour devenir résistants aux insectes et aux virus et tolérants vis-à-vis de divers types d'herbicides, sont déjà dans les circuits commerciaux ou le seront sous peu. La variation somaclonale est une autre application des biotechnologies ayant une valeur pratique pour les forêts, mais elle n'a pas encore fait l'objet d'essais fructueux; elle permet d'obtenir des variations pendant les cultures de cellules ou de callus pour de nombreuses variétés. Pour certains végétaux, on a obtenu des variantes qui présentent des caractéristiques intéressantes au plan économique, comme la résistance aux maladies et à une teneur supérieure en sel. La technique du marquage moléculaire permet de sélectionner des espèces dont les modes de variation génétique ne sont pas bien définis, par exemple pour les essences feuillues tropicales peu connues et les essences non industrielles. Le contrôle in vitro de l'état de maturation et les techniques de sauvetage des embryons in vitro sont des domaines où la recherche peut encore progresser.

Dans le secteur des pêches, les principales applications de la biotechnologie concernent les espèces marines et l'aquaculture. Les biotechnologies marines englobent en gros les activités de recherche et de développement dans les sciences biologiques, chimiques et environnementales applicables en mer ou des domaines connexes.

Pour exploiter le potentiel biotechnologique des organismes marins, il faut avoir la capacité de manipuler ces organismes génétiquement. Cela impose l'étude de la régulation aux niveaux génétique, biochimique et physiologique, recherche qui devrait fournir des outils puissants de diagnostic pour étudier les organismes marins dans leurs milieux naturels et, par là, aider à interpréter les interactions complexes entre les processus physiques, chimiques et biolologiques dans les océans. Les organismes marins fournissent toute une gamme de protéines et d'autres matériaux polymères qui sont utiles ou pourraient avoir une valeur commerciale.

Les organismes marins se sont dotés d'organelles sensorielles complexes dont certaines pourraient peut-être servir à la mise au point de biocapteurs. Par exemple, on tire des antennes du crabe bleu des fibres nerveuses chimioréceptives qui ont été incorporées dans des biocapteurs pour mesurer les acides aminés. Des études ont été réalisées sur le métabolisme primaire et secondaire des plantes, des animaux et des micro-organismes afin d'obtenir les bases de nouveaux composés pharmaceutiques, de matériaux pour la recherche médicale, d'enzymes et d'autres produits chimiques.

La biotechnologie marine offre également des approches rationnelles qui ont de nombreuses applications industrielles dans le domaine de la prévention des processus de destruction et de la lutte contre ces processus.

Le milieu marin pourrait ouvrir de nouvelles voies biologiques pour la transformation et la dégradation d'une grande variété de substances naturelles et artificielles. La recherche en matière de biotransformation et de biocorrection fournit de nouvelles méthodes pour traiter les déchets dangereux; par exemple, des bactéries prélevées dans les estuaires ont été adaptées pour être utilisées dans les bioréacteurs afin de purifier les eaux salées provenant des industries.

En aquaculture, l'élevage d'organismes marins dans un milieu contrôlé permet d'obtenir des produits intéressants au plan écologique comme des agents pharmaceutiques, des additifs pour les aliments de l'homme et du bétail, des produits chimiques enrichis à l'aide d'isotopes, des polymères, des lipides qui pourraient remplacer le pétrole et certaines denrées alimentaires. Des microbes modifiés génétiquement peuvent servir à produire des hormones de croissance des poissons, qui serviraient elles-mêmes à améliorer le taux de conversion des aliments et la croissance. Des hormones de reproduction synthétiques produites sur des bases commerciales sont utilisées pour régler la fécondité, les cycles de reproduction, les taux de croissance et la détermination du sexe chez certaines espèces élevées en aquaculture. Afin d'améliorer des qualités souhaitables comme le taux de croissance, la résistance aux maladies, la tolérance aux températures et les qualités commerciales, des poissons transgéniques contenant des gènes d'autres espèces ont été produits à titre expérimental.

Objectifs et problèmes

Les biotechnologies modernes sont très prometteuses pour ce qui est de l'accroissement du rendement, de la qualité, de la transformation et de l'utilisation rationnelles des produits; de la réduction de l'utilisation des produits agrochimiques et d'autres intrants extérieurs; et de l'amélioration de la conservation et de l'emploi des ressources génétiques et des autres ressources naturelles. Toutefois, la mise au point et l'application des biotechnologies modernes ont amené à se demander si elles ne constituent pas une source potentielle de déséquilibre dans les domaines socio-économique, institutionnel et écologique.

Les grandes questions à régler sont les suivantes: les systèmes de protection des droits de propriété intellectuelle (DPI), la prévention des risques biotechnologiques et d'autres problèmes relatifs à l'environnement, la substitution des exportations des pays en développement, l'égalité sociale et l'écart croissant entre pays développés et pays en développement en matière d'exploitation des nouvelles technologies.

L'adaptation des lois sur les droits de propriété intellectuelle aux normes internationales est de plus en plus largement considérée comme un préalable important à la participation à l'économie mondiale, car les pays développés poussent ainsi les pays en développement à revoir leurs lois concernant le régime des droits de propriété intellectuelle. La plupart des pays développés ont élargi ces lois aux processus et aux produits biotechnologiques afin de stimuler et de protéger la recherche.

Toutefois, dans ces conditions, i1 sera de plus en plus difficile pour les pays peu développés d'absorber et de diffuser les nouvelles technologies pour leur développement. En outre, l'application stricte des régimes de DPI pourrait entraîner pour ces pays des coûts élevés et des obstacles au développement.

Indépendamment du cadre juridique, on se préoccupe des risques que pourraient comporter les biotechnologies pour l'environnement et la santé, notamment du fait des essais de terrain et de la dissémination d'organismes et de végétaux modifiés génétiquement. Alors qu'on ne dispose pas encore de don nées suffisantes pour l'évaluation de ces risques et que des méthodes valables d'évaluation sont encore à l'étude, il est tentant d'utiliser les pays ayant adopté des mesures de réglementation et de contrôle inadéquates comme banc d'essai d'organismes et de végétaux modifiés génétiquement suivant des méthodes interdites dans d'autres pays.

Les biotechnologies peuvent être utiles au secteur agricole; l'emploi direct des biotechniques pour l'amélioration génétique des végétaux pourrait permettre d'accroître fortement la productivité des cultures et la production vivrière globale dans les pays en développement. Mais il y a un revers de la médaille: ces technologies peuvent aussi creuser l'écart, d'une part, entre les agriculteurs disposant de peu de ressources et les gros exploitants agricoles et, d'autre part, entre pays en développement et pays développés.

Les biotechnologies pourraient compromettre les exportations des pays en développement. Pour un pays dont les exportations sont constituées principalement de produits agricoles, la mise au point de produits de substitution fabriqués à l'aide de biotechnologies dans ses principaux marchés d'exportation constitue une menace. La vanille fabriquée en laboratoire pourrait bientôt menacer les moyens d'existence de 700 000 producteurs de vanille de Madagascar, et il est permis de penser que les consommateurs pourront bientôt choisir entre du café du Kenya AA et du café biologique fabriqué aux Etats-Unis. La biotechnologie pourrait bloquer des marchés d'exportation pour de nombreux pays africains. Les exportations de sucre, de café, de vanille, de cacao et de coton sont déjà menacées par la mise au point d'un amidon de maïs fermenté, d'un café produit par multiplication clonale, d'une vanille de laboratoire, d'un beurre de cacao à base d'émulsions artificielles et de caractéristiques qualitatives introduites par des moyens biotechnologiques dans les fibres de coton.

En Côte d'Ivoire, les produits agricoles représentent environ 80 pour cent des exportations. La substitution sur une grande échelle du café et du cacao - principales sources de devises du pays - ainsi que de l'huile de palme et du caoutchouc aurait des conséquences désastreuses pour l'économie ivoirienne. Par conséquent, chaque pays se doit de prévoir les effets négatifs éventuels des biotechnologies sur son économie. Si cette substitution entrave les exportations vers les pays développés, il faut que les pays tributaires des exportations de matières premières encouragent les industries de transformation nationales, l'utilisation au niveau local des produits finis, et la diversification de leurs marchés d'exportation. Les marchés régionaux peuvent être intéressants à cet égard, mais la question n'a pas encore été étudiée à fond.

Un des aspects les plus intéressants des biotechnologies végétales pour les pays en développement est qu'elles pourraient réduire la dépendance vis-à-vis d'un petit nombre de cultures d'exportation et permettre la diversification de l'agriculture. Par exemple, la Côte d'Ivoire est un des rares pays d'Afrique à exporter des plantes d'ornement. Les techniques de micropropagation in vitro et la diversification du matériel génétique grâce à l'hybridation somatique et la variation somaclonale aideront à développer la production et la commercialisation de ces plantes. Ces méthodes sont de plus en plus utilisées en Thaïlande et dans d'autres pays de l'Asie du Sud et du Sud-Est.

La FAO a contribué activement à traduire les préoccupations relatives aux effets des biotechnologies sur le développement en actions concrètes. Elle a établi des analyses quantitatives et politiques aux niveaux mondial, régional et national en vue d'identifier les problèmes que pose le développement des biotechnologies ainsi que les obstacles dans ce domaine, en étudiant les perspectives des années à venir et en définissant les actions appropriées.

Depuis 1983, la Commission des ressources phytogénétiques de la FAO est la principale instance intergouvernementale où ont lieu les débats sur les ressources phytogénétiques et les biotechnologies connexes. Parmi les accords conclus sous sa direction, citons l'Interprétation concertée de l'Engagement international en matière de ressources phytogénétiques, la résolution concernant les droits des agriculteurs et le Code international de conduite pour la collecte et le transfert de matériel génétique végétal. La Commission examine actuellement un Code de conduite pour les biotechnologies dans leurs rapports avec les ressources phytogénétiques. En collaboration avec l'ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le développement industriel), l'OMS (Organisation mondiale de la santé) et le PNUE (Programme des Nations Unies pour l'environnement), la FAO a élaboré récemment un code de conduite volontaire pour la libération dans l'environnement d'organismes modifiés génétiquement.

Les initiatives de la FAO dans ce domaine ont trait à la fois à la recherche fondamentale et à la recherche appliquée. L'Organisation attribue une priorité élevée aux biotechnologies dans son programme de travail et estime que les biotechnologies modernes devraient être utilisées en complément et non en remplacement des technologies classiques, et que leur application devrait avoir un but utilitaire et non purement technique. Avec le concours d'autres organismes concernés des Nations Unies et des instituts du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI), la FAO s'est engagée à renforcer les capacités des pays en développement afin de leur permettre d'exploiter les biotechnologies d'une manière équilibrée et équitable, notamment en favorisant les produits utilisés par les pauvres dont les besoins de recherche et de développement ne sont généralement pas pris en compte dans les programmes nationaux ou internationaux (produits «négligés»). Pour la FAO et l'humanité tout entière, l'enjeu est de maximiser les avantages et de réduire au minimum les inconvénients possibles des biotechnologies.


Page précédente Début de page Page suivante