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Module 5. L'accès aux marchés II: contingents tarifaires


5.1 Introduction
5.2 Les possibilités d'accès créées par les contingents tarifaires dans le secteur agricole
5.3 Les différentes méthodes utilisées pour gérer les contingents tarifaires
5.4 Quelques considérations sur les contingents tarifaires

R. Pearce et R. Sharma
Division des produits et du commerce international

OBJECTIF

L'objectif de ce module est de présenter les connaissances de base concernant les contingents tarifaires (CT), la manière dont ils ont été conçus, les engagements pris et le bilan sur leur utilisation et leur administration au cours de la période 1995-1997. Ce module aborde également les questions qui devront être traitées au cours du prochain cycle de négociation afin d'améliorer l'accès aux marchés

POINTS CLÉS

· L'accès courant et l'accès minimum des contingents tarifaires ont été établis dans l'Accord sur l'agriculture comme un moyen supplémentaire d'améliorer l'accès aux marchés pour les exportateurs.

· Relativement peu d'accès supplémentaire au marché a été crée du fait de la manière dont les CT ont été mis en place. En outre, tous les CT disponibles n'ont pas été effectivement utilisés.

· Les pays importateurs ont utilisé des méthodes très diverses d'allocation de leurs quotas entre pays exportateurs.

· Lors du prochain cycle de négociation, d'importants débats porteront sur le fait de savoir s'il faut, ou non, persévérer dans la voie de l'amélioration de l'accès aux marchés par le biais des CT et, le cas échéant, s'il faut mettre en place des règles plus détaillées sur l'administration des CT.

5.1 Introduction

L'une des principales réformes du commerce des produits agricoles découlant du Cycle d'Uruguay est la tarification des obstacles non tarifaires au commerce. Alors même que ce processus venait d'être engagé, on s'est rendu compte que la substitution des mesures non tarifaires par des équivalents tarifaires risquait de se traduire par un renchérissement des tarifs consolidés qui, s'ils étaient appliqués, pourraient bien empêcher toute possibilité d'échange commercial. C'est ce qui a donné lieu au concept d'«accès minimum aux marchés» qui s'appuie sur le système des «contingents tarifaires» (CT). Depuis quatre ans, le Comité de l'agriculture de l'OMC s'intéresse de très près à cette question, probablement à cause du rôle que le mécanisme des contingents tarifaires peut jouer pour créer de nouvelles possibilités d'accès aux marchés.

Ce module aborde les aspects suivants:

· La façon dont les CT ont été conçus dans le Cycle d'Uruguay pour améliorer l'accès aux marchés;

· Les différentes méthodes utilisées pour gérer les contingents tarifaires; et

· Les questions à prendre en compte concernant l'avenir des contingents tarifaires.

5.2 Les possibilités d'accès créées par les contingents tarifaires dans le secteur agricole

5.2.1 Les concepts - Accès minimum, accès courant et contingents tarifaires

Les contingents tarifaires étaient supposés encourager le commerce...

Dans le cadre de la procédure de tarification, les Membres de l'OMC étaient tenus de maintenir les possibilités d'accès courant à l'importation des produits tarifés à des niveaux équivalents à ceux de la période de base (1986-88). Lorsque cet accès «courant» était inférieur à 5 pour cent de la consommation intérieure du produit considéré pendant la période de base, une possibilité (supplémentaire) d'accès minimum devait être ouverte sur la base du principe de la Nation la plus favorisée (NPF). L'objectif était de garantir qu'en 1995, les possibilités d'accès courant et minimum représenteraient, au total, au moins 3 pour cent de la consommation de la période de base, cette part augmentant progressivement pour atteindre 5 pour cent en l'an 2000 (pour les pays développés Membres) ou 2004 (pour les pays en développement Membres).

Les procédures d'établissement de ces engagements en matière d'accès ont été consignées dans un document intitulé Modalités, qui a servi de ligne directive aux pays pour la préparation de leurs différentes propositions pendant les négociations du Cycle d'Uruguay. Avec la signature de l'Accord, seuls les engagements d'accès spécifiés par les pays dans leurs Listes sont contraignants; toutefois les modalités restent utiles pour interpréter les intentions des pays et elles ont été citées à plusieurs reprises dans la discussion sur la mise en œuvre des contingents tarifaires. Ces Listes indiquent un contingent tarifaire initial et un contingent tarifaire final pour chaque produit considéré. Jusqu'à concurrence des volumes des contingents, les échanges sont soumis à des droits de douane minimes ou faibles (inférieurs aux taux NPF), alors qu'au-delà de ce niveau, c'est le taux NPF qui s'applique. D'où l'expression contingents tarifaires, qui désigne les tarifs applicables aux volumes s'inscrivant dans les contingents.

Les engagements en matière d'accès avaient pour objectif non seulement d'encourager le développement du commerce là où il était auparavant peu dynamique ou quasi-inexistant, mais aussi de garantir le maintien des arrangements d'accès existants. Un volume considérable d'échanges s'effectuaient dans le cadre d'arrangements bilatéraux à des taux tarifaires préférentiels, non seulement entre pays développés et en développement (ex: sucre), mais aussi entre pays développés (ex: viande). L'Accord a légitimé ces échanges, dans la mesure où ils étaient inclus dans les Listes sous la forme d'engagements en matière d'accès courant.

Dans le secteur agricole, la quasi-totalité des contingents tarifaires tirent leur origine du processus de tarification du Cycle d'Uruguay (accès courant et accès minimum). Mais il existe aussi d'autres sources, notamment les contingents établis par certains pays au moment de leur accession à l'OMC, ou de manière unilatérale dans le cadre de leurs politiques d'importation. Il est parfois arrivé que des pays convertissent des échanges auparavant assujettis à des mesures d'autolimitation des exportations au régime des contingents tarifaires, en les faisant figurer dans leurs engagements en matière d'accès courant et en allouant les contingents aux mêmes pays bénéficiaires.

Enfin, il existe une différence essentielle entre les dispositions régissant l'accès minimal et l'accès courant, à savoir que le pays importateur n'était pas tenu d'offrir les contingents d'accès courant en régime NPF, alors que les contingents d'accès minimal devraient être alloués sur la base de la clause de la NPF, c'est-à-dire ouverts à tous les exportateurs intéressés, au même taux.

5.2.2 Qui a proposé les contingents tarifaires et dans quelle mesure de nouvelles possibilités d'accès ont-elles été créées?

Trente-six Membres de l'OMC ont proposé des engagements en matière de contingents tarifaires dans leurs Listes, pour un total de 1 370 contingents (tableau 1). Bien que 19 pays en développement fassent partie de ces 36 Membres, la majorité des contingents tarifaires étaient proposés par des pays développés (67 pour cent), la Norvège représentant à elle seule 17 pour cent du total.

Tableau 1: Nombre de contingents tarifaires par Membre de l'OMC

Membre

Nombre de contingents tarifaires

Membre

Nombre de contingents tarifaires

Australie

2

Malaisie

19

Barbade

36

Mexique

11

Brésil

2

Maroc

16

Bulgarie

73

Nouvelle Zélande

3

Canada

21

Nicaragua

9

Colombie

67

Norvège

232

Costa Rica

29

Panama

19

République tchèque

24

Philippines

14

Equateur

17

Pologne

109

El Salvador

11

Roumanie

12

Comm. européenne

85

Rép. slovaque

24

Guatemala

22

Slovénie

20

Hongrie

70

Afrique du Sud

53

Islande

90

Suisse

28

Indonésie

2

Thaïlande

23

Israël

12

Tunisie

13

Japon

20

Etats-Unis

54

Corée, Rép.

67

Venezuela

61

Total pour les 36 Membres - 1 370 contingents tarifaires.

Source: OMC (1998), Tableau 2.
... mais assez peu d'accès aux marchés supplémentaires ont été créés

En 1995, le volume total des contingents tarifaires, en pourcentage des échanges mondiaux d'un produit donné, est généralement compris entre 3 et 7 pour cent. Pour quelques produits seulement - produits laitiers, produits carnés et sucre - ce niveau dépasse 10 pour cent. Il aurait sans doute été plus révélateur de connaître la ventilation de l'accès total, entre les volumes d'accès courant et minimal, étant donné que l'accès minimal doit être ouvert à tous les exportateurs sur la base du principe de la NPF, alors que l'accès courant est essentiellement alloué à des fournisseurs déterminés. Malheureusement cette information n'est pas disponible. Ce que l'on connaît, c'est le niveau des engagements d'accès supplémentaire qui correspond à la différence entre les contingents finaux (en 2000 ou 2004) et les contingents initiaux (1995). Ces données montrent que les nouvelles possibilités d'accès sont d'une manière générale limitées, le plus souvent inférieures à 3 pour cent du total des échanges mondiaux, hormis pour les produits laitiers, pour lesquels ce pourcentage est de 17 pour cent (tableau 2).

Tableau 2: Nombre de contingents tarifaires et augmentation de l'accès estimée pour quelques-uns des principaux produits

Produits

Contingents tarifaires

Augmentation de l'accès

nombre

en milliers de tonnes

en % des échanges mondiaux de 1995

Céréales

215

3 640

1.8


Blé

-

807

0.9


Riz

-

1 076

6.0


Céréales secondaires

-

1 757

2.0

Produits laitiers

183

729

17.3

Produits carnés

249

421

3.0

Fruits et légumes

350

485

0.9


Fruits

-

130

0.4


Légumes

-

355

2.1

Produits oléagineux

124

236

0.4


Tourteaux et oléagineux

-

126

0.4


Huiles végétales

-

110

0.4

Sucre et produits dérivés

50

292

0.8

Source: Carson (1998), Josling (1998), et OMC (1998), sur la base des Notifications à l'OMC.
5.2.3 Parmi les contingents tarifaires, combien ont été utilisés?

Le tableau 3 indique les «taux de remplissage» des contingents tarifaires, c'est-à-dire le volume des importations effectivement soumises aux contingents tarifaires par rapport au niveau des engagements pris en la matière1. Ces taux étaient à peine supérieurs à 60 pour cent, tant en 1995 qu'en 1996, pour tous les produits agricoles pour lesquels ont été ouverts des contingents tarifaires, et inférieurs à 50 pour cent en 1997 - probablement parce que les notifications pour 1997 ont été beaucoup moins nombreuses (voir note en bas du tableau 3). On note d'amples variations des taux de remplissage selon les groupes de produits. Le taux de remplissage, qui est le principal indicateur quantifiable de la pénétration du marché dans le cadre de ce régime, est évidemment un sujet auquel le Comité de l'agriculture de l'OMC s'est considérablement intéressé. Le résultat inférieur aux engagements a été expliqué de diverses manières qui seront discutées plus tard.

1Les taux de remplissage sont des moyennes simples - tous les échanges ont le même poids, quels que soient leur volume ou leur valeur. De plus, il n'a pas été tenu compte des «dépassements», c.à.d. des cas où les importations excédaient 100 pour cent des contingents tarifaires.
Tableau 3: Contingents tarifaires - moyenne simple des taux de remplissage, par catégorie de produit, 1995-97


Moyenne simple des taux de remplissage (%)1/

1995

1996

1997

Céréales

64

63

43

Produits oléagineux

65

63

30

Sucre et produits dérivés

76

71

55

Produits laitiers

64

63

49

Produits carnés

60

56

62

Œufs et ovoproduits

41

44

36

Boissons

57

66

37

Fruits et légumes

72

69

46

Tabac

85

76

72

Fibres agricoles

45

72

n.a.

Café, thé, épices et produits agricoles transformés à partir d'ingrédients divers

61

57

40

Autres produits agricoles

68

53

30

Moyenne pour tous les produits

65

63

46

1/ Sur un total approximatif de 1 370 lignes de contingents tarifaires, les moyennes simples ont été calculées sur la base de 996 lignes pour 1995, 989 lignes pour 1996 et 163 lignes pour 1997.

Source: OMC (1998). Tariff and Other Quotas, Background paper by the Secretariat.

5.3 Les différentes méthodes utilisées pour gérer les contingents tarifaires

Il n'y a aucune règle spécifique en ce qui concerne l'administration des contingents tarifaires dans l'Accord sur l'agriculture. En revanche, ces règles sont couvertes par l'Article XIII du GATT de 1994 - Application non discriminatoire des restrictions quantitatives2, qui stipule ce qui suit: «...dans l'application des restrictions à l'importation d'un produit quelconque, les Membres s'efforceront de parvenir à une répartition du commerce de ce produit se rapprochant dans toute la mesure du possible de celle que, en l'absence de ces restrictions, les divers Membres seraient en droit d'attendre...». Dans la pratique, il n'est cependant pas toujours possible de prévoir quelle serait cette part, de sorte que cette disposition fait surtout office de directive générale, d'autant plus que les paragraphes suivants laissent un pouvoir discrétionnaire relativement grand pour administrer les contingents. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que plusieurs méthodes aient été utilisées pour allouer les contingents tarifaires.

2Etant donné que la plupart des méthodes d'allocation des contingents tarifaires prévoient l'attribution de licences, sous une forme quelconque, on peut également se référer aux dispositions de l'Accord sur les procédures de licences d'importation.
Le tableau 4 décrit les principales catégories de méthodes, et le tableau 5 présente quelques conditions supplémentaires exigées par les pays3. Les tableaux indiquent aussi le nombre de contingents tarifaires alloués selon chacune des méthodes. Les tableaux sont suivis d'un bref commentaire sur quelques méthodes.
3Les deux tableaux sont extraits dans leur intégralité d'un document du Secrétariat de l'OMC qui décrit les différentes méthodes utilisées pendant la période 1995-97. Voir OMC (1997).
Tableau 4: Principales catégories de méthodes utilisées pour l'administration des contingents tarifaires

Description de la méthode

Nombre de contingents tarifaires

1995

1996

Tarifs appliqués - Pas de parts allouées aux importateurs. Les importations sont autorisées sans limitations du volume, au taux de droit applicable au contingent ou à un taux inférieur.

649

646

Premier arrivé-premier servi - Pas de parts allouées aux importateurs. Les importations sont autorisées à entrer au taux relevant du contingent jusqu'à atteinte du contingent tarifaire; ensuite le tarif plus élevé s'applique automatiquement. L'importation physique du produit détermine l'ordre d'arrivée et, partant, le tarif applicable.

102

104

Licences sur demande - En général, les parts des importateurs sont allouées, ou les licences attribuées, en fonction des quantités demandées et souvent avant le début de la campagne d'importations. Font partie de cette catégorie les méthodes comportant la délivrance de licences dans l'ordre des demandes («premier arrivé, premier servi») et les systèmes dans lesquels les demandes de licences sont attribuées au prorata, en cas de dépassement des quantités disponibles.

306

314

Mise aux enchères - Les parts des importateurs sont allouées, ou les licences délivrées, sur la base d'une mise aux enchères ou d'un appel d'offres.

32

30

Transactions antérieures - les parts des importateurs sont allouées, ou les licences délivrées, principalement en fonction des importations passées du produit considéré.

65

76

Importations effectuées par des organismes commerciaux d'Etat - La totalité ou la majorité des parts d'importation sont allouées à un organisme commercial d'Etat qui importe (ou dispose d'un contrôle direct sur les importations faites par des intermédiaires) le produit considéré.

22

22

Groupements ou associations de producteurs - La totalité ou la majorité des parts d'importation sont allouées à un groupement ou à une association de producteurs qui importe (ou dispose d'un contrôle direct sur les importations faites par des intermédiaires) le produit considéré.

8

8

Autre - Modes d'administration ne rentrant dans aucune des catégories qui précèdent.

20

21

Méthodes d'allocation mixtes - Modes d'administration impliquant une combinaison des méthodes décrites plus haut, aucune n'étant dominante.

46

47

Non spécifié - Contingents tarifaires pour lesquels aucune méthode d'administration n'a été notifiée.

11

10

Source: OMC (1997), Tableaux 1 et 3.
Tableau 5: Les catégories de conditions supplémentaires pour l'administration des contingents tarifaires

Description des conditions supplémentaires

Nombre de contingents tarifaires

1995

1996

Prescriptions concernant les achats intérieurs - condition additionnelle exigeant l'achat ou l'absorption de la production intérieure du produit considéré pour pouvoir prétendre à une part du contingent tarifaire.

39

39

Limitations des parts du contingent tarifaire, par allocation - condition additionnelle exigeant que soit spécifiée une part ou une quantité maximale du contingent tarifaire par importateur ou par expédition.

102

111

Certificats d'exportation - condition additionnelle exigeant que soit présenté un certificat ou une licence d'exportation délivré par le pays exportateur concerné pour pouvoir prétendre à une part du contingent tarifaire.

25

25

Transactions commerciales antérieures - condition additionnelle limitant le droit à obtenir une part du contingent tarifaire aux importateurs confirmés du produit considéré, même si les allocations ne sont pas proportionnelles aux parts dans les échanges passés.

58

58

Pas d'autres conditions - aucune des conditions qui précèdent n'a été identifiée.

3

3

Source: OMC (1997), Tableaux 2 et 4.
Comme il a été précédemment précisé, l'Article XIII donne des directives générales pour l'allocation des contingents et laisse aux pays une grande liberté dans le choix des méthodes. Etant donné que chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients, les avis sont extrêmement partagés à leur sujet et les méthodes ont été jugées sur la base d'un ou plusieurs des critères suivants:
· le caractère non discriminatoire de la méthode, c'est-à-dire les possibilités d'accès égales pour tous les exportateurs potentiels;

· la transparence, prévisibilité et sécurité du mécanisme;

· les taux de remplissage passés et les raisons de la non-atteinte ou du dépassement des contingents;

· la facilité d'administration et le coût de la mise en œuvre de la méthode; et

· la possibilités de renforcer la compétitivité du commerce.

Même si près de 50 pour cent des contingents ont été administrés suivant la méthode des tarifs appliqués (tableau 4), il s'agit d'un régime simple basé uniquement sur des droits de douane. Le fait que cette méthode ait si souvent été suivie signifie peut-être simplement que, bien qu'ils aient spécifié des engagements en matière de contingents dans leurs Listes, les pays importateurs ont décidé d'autoriser des importations au taux applicable aux quantités contingentées, sans limitation de volume. Il n'y a donc pas lieu de s'étendre sur ce sujet.

Les méthodes reposant sur des règles ont l'avantage d'être prévisibles...

Les avantages de la méthode premier arrivé - premier servi, ou PAPS, sont sa simplicité et son caractère, en principe, non discriminatoire. Cette caractéristique est particulièrement importante car elle permet à de nouveaux exportateurs (ou pays) de concurrencer sur un pied d'égalité les fournisseurs antérieurs. Il s'ensuit que les rentes du contingentement sont réparties plus équitablement que si les allocations étaient basées sur les transactions antérieures. Les inconvénients tiennent principalement aux problèmes pratiques liés au fonctionnement de ce système. Ainsi, par exemple, si le volume du contingent tarifaire est faible et la demande élevée, les pays risquent de se précipiter pour importer dès l'ouverture des contingents tarifaires, ce qui peut favoriser la hausse des importations, désorganiser les marchés et probablement aussi augmenter les coûts d'entreposage. Pour bien gérer cette méthode, il faut également faire en sorte que tous les exportateurs potentiels aient accès en temps voulu aux informations sur les contingents, à savoir la date de leur ouverture, le volume, etc. Un pays importateur qui a plusieurs postes de douane a également besoin d'un bon système d'information pour que les autorités douanières connaissent le moment exact où les contingents ont été atteints.

La méthode consistant à allouer les contingents sur la base des transactions antérieures a l'avantage de maintenir et de renforcer les relations commerciales antérieurement établies - ce qui n'est pas négligeable pour les produits pour lesquels le marketing et la publicité sont importants. Ce mécanisme peut également être nécessaire pour maintenir des arrangements d'accès courant, ce qui est aussi un avantage dans la mesure où c'est un objectif de l'Accord sur l'agriculture. Pour de nombreux pays en développement, les allocations spécifiques basées sur les transactions antérieures peuvent être indispensables pour conserver l'accès aux marchés des pays développés, par exemple avec les systèmes d'accès préférentiels. Le principal inconvénient de cette méthode est son caractère discriminatoire: l'attribution de contingents en fonction des parts historiques ou sur la base des transactions antérieures prive les autres pays exportateurs potentiels d'une possibilité d'entrer en concurrence et d'accéder aux contingents sur un pied d'égalité. Au cours du temps, la structure des échanges finit par être faussée et par perdre son efficacité, ce qui est contraire au principe de l'Article XIII.

L'allocation des contingents au moyen d'une forme quelconque de tirage au sort est un autre mécanisme possible. S'il évite les rigidités de la méthode basée sur les transactions antérieures et les difficultés d'administration du système PAPS, il peut manquer de transparence et, par conséquent, être une porte ouverte aux pratiques discriminatoires. Il peut aussi attirer les spéculateurs et créer un marché parallèle avec les rentes qu'il procure.

... mais les méthodes fondées sur le marché risquent de reproduire les comportements commerciaux habituels...

Les avantages et les inconvénients de la mise aux enchères des contingents tarifaires sont similaires à ceux du mécanisme du tirage au sort, à ceci près que les rentes économiques procurées par les contingents sont transparentes et reviennent au gouvernement, car elles correspondent au prix payé pour la licence d'importation. Lorsque le processus est réellement transparent, il exclut la possibilité de l'intérêt de capturer des rentes de manière directe ou indirecte par des activités associées. En outre, étant donné que la licence est payante, les enchères ont des chances d'attirer des commerçants qui feront de leur mieux pour exploiter toutes les possibilités d'importation (ou d'exportation) et créer un contexte dans lequel les contingents auront plus de chances d'être atteints.

Comme c'est le cas avec la méthode du tirage au sort et le système PAPS, l'un des inconvénients de la mise aux enchères des contingents est qu'il fait potentiellement perdre les relations commerciales antérieures. Il y a également un risque de manipulation par des groupements de producteurs et d'autres intéressés directs. Le procédé des enchères n'a encore jamais été contesté à l'OMC mais sa conformité aux règles de l'institution peut être contestée, ce qui finalement constitue le principal problème de cette méthode. Si en effet un importateur inclut dans le prix du produit importé le coût des droits d'enchères, ce qui a priori serait logique, et que le prix intérieur se retrouve de ce fait supérieur au niveau qui résulterait de l'application du taux consolidé maximal, alors cet importateur contrevient à l'Article II du GATT 1994 car le droit effectif excède le taux consolidé.

...tandis que les procédures administratives laissent une grande marge discrétionnaire

L'allocation à des entreprises commerciales d'Etat (ECE): dans cette méthode, la décision est basée sur des considérations administratives et non commerciales, ce qui peut conduire à une sous-utilisation des contingents. Bien que cette pratique ait été critiquée, il est difficile de dire si l'éventuelle sous-utilisation est uniquement imputable au fait que les contingents ont été attribués à des entreprises commerciales d'Etat, ou si d'autres facteurs sont entrés en jeu. D'autres mécanismes du même genre peuvent aboutir à de faibles taux de remplissage, notamment l'attribution de licences à des organisations de producteurs. De par leur nature même, ces organisations n'ont guère intérêt à importer le produit. Enfin, dans certains cas, des licences ont également été attribuées à des industriels, ou à la condition que le produit importé dans le cadre des contingents tarifaires soit destiné à une retransformation - dans les deux cas, l'importation de produits à valeur ajoutée ne présente pratiquement aucun intérêt.

En pratique, l'analyse des méthodes administratives de remplissage des quotas par le Secretariat de l'OMC ne corrobore pas les expectatives théoriques. Par exemple, les taux de remplissage des quotas sont sensiblement plus élevés pour l'allocation basée sur les transactions antérieures et les entreprises commerciales d'Etat que pour l'allocation par la mise aux enchères, ce qui est en contradiction avec ce qui a été dit ci-dessus. Cela tient peut-être au fait que la méthode choisie pour administrer les contingents tarifaires n'est pas indépendante des conditions du marché. Skully (1999) est arrivé à la conclusion que plus les importations d'un produit sont sensibles au niveau politique, plus la probabilité est grande que leur gestion fasse intervenir des choix discrétionnaires. Pour ces produits, les prix intérieurs excèdent largement les prix mondiaux, et comme il y aurait eu peu d'accès aux marchés avec l'ouverture des contingents tarifaires, il est vraisemblable que les contingents tarifaires seront remplis. De tels contingents tarifaires sont souvent administrés par les ECE ou par les organisations de producteurs. En outre, les méthodes discrétionnaires tendent à être examinées activement par les exportateurs potentiels et les contingents tarifaires gérés de cette manière sont mieux contrôlés et généralement renforcés. Pour les produits moins sensibles, où les contingents tarifaires régis par les lois du marché ou quasi-marché, les prix intérieurs premium au-dessus des prix mondiaux pourraient ne pas être aussi attractifs aux exportateurs potentiels et ainsi les quotas disponibles pourraient ne pas être remplis.

5.4 Quelques considérations sur les contingents tarifaires

Comme on l'a déjà précisé, la question des contingents tarifaires avait tenu une place considérable dans les débats officiels et officieux du Comité de l'agriculture ainsi que les difficultés associées à leur mise en œuvre. De nombreuses questions, comme celles examinées plus haut, ont été soulevées et quelques autres sont résumées dans les paragraphes qui suivent.

Les contingents tarifaires devront-ils perdurer au-delà du prochain cycle?

Le rôle des contingents tarifaires dans les années à venir - L'une des questions fondamentales est de savoir si cette disposition en matière d'accès aux marchés doit être considérée comme une mesure «transitoire» qui a probablement été indispensable pendant le Cycle d'Uruguay pour maintenir les échanges après le processus de tarification, mais qui doit être supprimée, par exemple, au cours du prochain cycle. Dans l'affirmative, comment peut-on procéder? Progressivement ou d'un seul coup? Deux options sont possibles: l'une serait d'augmenter les niveaux des contingents tarifaires au point que la majorité des échanges s'effectuent au taux de droits relevant du contingent, qui deviendrait ensuite un taux NPF de fait. L'autre consisterait à abaisser brusquement les crêtes tarifaires NPF actuelles sur les produits soumis aux contingents tarifaires, auquel cas le système des contingents tarifaires perdrait toute efficacité pratique. De nombreux pays retirent un avantage direct du système des CT - notamment les exportateurs qui peuvent actuellement accéder plus facilement aux contingents (et aux rentes de contingentement), mais probablement aussi quelques pays importateurs qui préfèrent cet instrument pour réglementer les échanges commerciaux aux niveaux qu'ils souhaitent. Il y en a bien entendu quelques autres, par exemple certains exportateurs compétitifs qui ont actuellement des difficultés à accéder aux contingents et qui voudraient que le système soit supprimé. Pour se préparer au prochain cycle, chaque pays devrait examiner ce que lui a apporté le système des contingents tarifaires et ce qu'il peut en attendre, par exemple par rapport à un régime commercial basé uniquement sur des droits de douane, et sur le plein respect du principe de la NPF.

Les problèmes concernant l'administration des contingents tarifaires - Comme il a été discuté dans la section précédente, chaque méthode d'allocation des contingents tarifaires a ses avantages et ses inconvénients qui influencent le choix des pays. Après plus de quatre ans de fonctionnement de ce système, on dispose désormais de suffisamment d'éléments pour analyser l'efficacité des différentes formules d'allocation des contingents sur la base de quelques-uns des critères énumérés dans la section précédente. Cela n'a malheureusement pas encore été fait. Pour se préparer au prochain cycle, chaque pays doit donc entreprendre cet examen sur la base de sa propre expérience. Chacun pourrait notamment se demander s'il doit privilégier les méthodes d'allocation des contingents tarifaires basées sur les mécanismes du marché (ex: mise aux enchères) ou celles fondées sur des considérations administratives (ex: allocation basée sur les parts historiques).

La «non-atteinte» des contingents tarifaires et ses raisons - Il s'agit d'une autre question extrêmement discutée. Le taux de remplissage global moyen d'environ 60 pour cent pour l'ensemble des produits atteint pendant la période 1995-97 peut-être considéré comme satisfaisant ou faible, selon les points de vue. Les problèmes ne sont sans doute pas à ce niveau mais à celui des groupes de produits et des produits pris individuellement dont les taux de remplissage sont bas (moins de 50 pour cent). Plusieurs explications ont été données pour ces faibles taux de remplissage. La plupart mettent en cause les modalités par lesquelles les contingents ont été allouées - par exemple, fourniture tardive des informations, période autorisée pour atteindre les contingents, taille des expéditions, systèmes d'attribution de licences, volume réduit des contingents NPF par rapport au total, allocation à des groupements de producteurs locaux n'ayant pas intérêt à importer, regroupement des produits, taux tarifaires applicables au contingent plus élevés etc. En outre, il a été établi que la faible demande d'importation était, dans de nombreux cas, un facteur du taux de remplissage bas. Dans le cadre des règles actuelles, les pays ne sont pas obligés d'atteindre les contingents tarifaires - ils sont seulement tenus de fournir la possibilité d'accès. Alors que la nature du problème est claire - comment utiliser intégralement les contingents tarifaires - il reste à identifier les améliorations à apporter aux règles et aux procédures pour y parvenir.

Quelques considérations intéressant en particulier les pays en développement - Il conviendrait d'évaluer les avantages potentiels du système des contingents tarifaires par rapport à l'alternative de leur suppression. La suppression entraînerait inévitablement la perte de l'accès aux marchés et des rentes de contingentement pour les pays qui détiennent actuellement cet accès. Toutefois, au moins en théorie, elle devrait se traduire par une augmentation de la taille globale du marché mondial, accessible à tous les pays, y compris ceux en développement, et par un relèvement des cours mondiaux, en particulier pour les produits limités par des contingents. Le deuxième aspect qui mérite d'être examiné est l'amélioration des méthodes administratives actuellement employées pour allouer les contingents. On pourrait envisager d'autres méthodes moins complexes et moins accaparantes pour les pays en développement, compte tenu de leurs capacités administratives. Un troisième point à considérer est de savoir si les pays en développement devraient envisager une forme de Traitement Spécial et Différencié (TSD) en leur faveur, par exemple un plus grand accès aux contingents tarifaires.

BIBLIOGRAPHIE

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Croome, J. 1998. The Present Outlook for Trade Negotiations in the World Trade Organisation. Economic Research Service, US Department of Agriculture.

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