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4 Coûts de commercialisation

Plan du chapitre 4

Coûts de commercialisation

  • Coûts de conditionnement des produits
  • Nettoyage
  • Tri
  • Vannage
  • Emballage
  • Coûts de manutention
  • Emballage et déballage
  • Chargement et déchargement
  • Stockage et déstockage
  • Coûts de transport
  • Carburant, entretien et réparations du camion
  • Permis et taxes routières
  • Péages et droits d'accès au marché
  • Pertes
  • Pertes de poids relatives aux taux d'humidité
  • Fuite des grains des sacs troués ou mal fermés
  • Vol
  • Pertes au cours du nettoyage
  • Pertes dues aux ravageurs
  • Coûts de stockage et de transformation
  • Coûts des investissements (ou des capitaux)

Un commerçant achètera plus volontiers dans un village
où les céréales à vendre sont groupées en un seul endroit
et où il n'est pas obligé de visiter tous les agriculteurs

PRINCIPAUX COÛTS DE COMMERCIALISATION1

La séquence des opérations entreprises pour acheminer le produit de l'exploitation agricole jusqu'au consommateur constitue ce que l'on appelle la chaîne de commercialisation. Tout au long de cette chaîne se déroulent des activités qui génèrent des coûts. Il est important pour les encadreurs agricoles de connaître ces coûts ou de pouvoir les calculer. Ils pourront ainsi expliquer aux paysans pourquoi les prix offerts par le commerçant diffèrent de ceux pratiqués en ville.

Les principaux coûts de commercialisation sont les suivants:

Coûts de préparation et de conditionnement des produits

Le conditionnement réalisé par l'agriculteur doit normalement être considéré comme un coût de production lorsque le produit est vendu aux commerçants directement bord champ. Si, en revanche, l'agriculteur apporte lui-même le produit au marché, parce qu'il estime en obtenir ainsi un meilleur prix, le conditionnement fait alors partie de ses coûts de commercialisation. Dans ce cas, le premier de ces coûts porte sur la préparation du produit qui comprend entre autres le nettoyage, le tri et le vannage.

À ce premier coût vient s'ajouter, pour la plupart des agriculteurs et\ou des commerçants, le coût de l'emballage. L'emballage utilisé pour le conditionnement des céréales est généralement le sac (en jute ou fibres synthétiques). Il existe plusieurs manières de tenir compte des emballages dans les conditions de vente. Le commerçant peut proposer deux prix à l'achat: un prix pour les céréales en vrac et un prix plus élevé pour les produits conditionnés ensachés; il peut aussi fournir les sacs vides en début de campagne mais il s'expose au risque de chapardage.

Les agriculteurs peuvent exiger du commerçant la restitution du sac qui, dans ce cas, n'est pas inclus dans le prix; certains prélèvent des frais de consignation pour obliger les commerçants à retourner le sac.

Coûts de manutention

À tous les stades de la chaîne de commercialisation, le produit devra être emballé et déballé, chargé et déchargé, stocké et déstocké.

Les opérations de manutention les plus courantes sont les suivantes:

Les opérations de manutention, considérées isolément, ne coûtent pas cher mais les coûts totaux peuvent être élevés. Certains porteurs prennent un prix fixe par sac. Dans les cas où il n'y a pas de prix fixe, le coût par objet manutentionné devra alors être calculé en divisant le salaire de l'employé par le nombre de sacs manipulés. Dans le cas d'une main-d'œuvre occasionnelle payée à l'heure (sur un marché, par exemple), ce calcul est relativement facile.

Coûts de transport

Une fois le produit emballé, son mode de transport dépend des quantités ou des distances. Plusieurs moyens sont utilisés: portage par tête, bicyclette ou motocyclette, charrette, camion, etc. Le portage par tête et le transport par charrette sont souvent le fait de petits producteurs vivant à proximité d'un marché et concerne de faibles quantités. Les commerçants et les grands producteurs utilisent les camions des lignes régulières des marchés ou des véhicules de location.

Lorsque le camion est loué, il faudra payer l'aller-retour même si le camion est vide à l'aller ou à demi plein au retour. Lorsque les céréales sont livrées aux minoteries ou à certaines unités industrielles, les camions peuvent devoir attendre longtemps (parfois plusieurs jours) devant l'usine, ce qui entraîne des pertes de temps pour le commerçant ou le producteur qui devra incorporer cet élément dans le calcul de ses coûts de transport. Ces derniers varient en fonction de la distance qui sépare la zone de production du marché. Mais ils dépendent aussi de la qualité des routes. Un agriculteur vivant à proximité d'une route principale aura probablement des coûts de transport beaucoup moins élevés qu'un autre dont l'exploitation n'est accessible que par une mauvaise route où le camion peut tomber en panne.

Parfois, les coûts de transport sont évidents parce qu'ils impliquent le paiement direct par unité transportée au propriétaire du camion. Ces coûts sont moins apparents quand le négociant ou l'agriculteur possède et conduit son propre véhicule. Lorsque le produit est transporté à la pièce, il suffit de diviser le coût de l'unité emballée par le nombre de kilogrammes dans chaque emballage. Lorsque le camion est loué ou que le négociant utilise son propre véhicule, le calcul est plus difficile car le véhicule peut être utilisé pour des produits différents contenus dans des emballages différents. Il faudra alors estimer le volume des emballages utilisés pour chaque produit. L'espace disponible dans le camion (moins un pourcentage inutilisable en raison de la forme de l'emballage, etc.) est ensuite divisé par le volume de l'emballage individuel, de façon à obtenir le coût par kilogramme.

D'une manière générale, les éléments constitutifs des coûts de transport sont comme suit:

Lorsqu'on calcule le coût annuel d'utilisation d'un camion, il faut inclure non seulement le coût des intérêts bancaires payés sur le prêt, mais aussi la dépréciation annuelle (ou la perte de valeur) du camion. Lorsque les routes sont mauvaises, les camions ne durent que quelques années et la dépréciation représente alors un coût important.

Pertes

Les pertes sont fréquentes dans la commercialisation des produits agricoles et se situent à divers stades de l'opération. Telles sont:

Pertes de poids dues à la baisse du taux d'humidité. Il y a une perte de poids lorsqu'au moment de la vente le produit pèse moins qu'au moment de son achat. Les pertes de poids dues à la baisse du taux d'humidité ont lieu le plus souvent pendant le stockage; elles sont d'autant plus élevées que les céréales sont récoltées précocement avec des taux d'humidité supérieurs aux normes usuelles. Si le temps entre l'achat et la vente est relativement court, les pertes sont faibles, mais si le commerçant entrepose les céréales en vue de les sécher ou d'améliorer leur qualité commerciale par d'autres moyens, les pertes de poids peuvent être considérables. Pour certaines céréales comme le maïs, on a enregistré dans les magasins des offices publics de commercialisation des pertes de poids de l'ordre de 30 pour cent après un stockage à long terme (deux ans au moins).

Les pertes dues à la fuite des grains. Les fuites des grains hors des sacs sont observables lorsque l'on utilise de vieux sacs troués ou si les sacs ne sont pas correctement fermés. En outre, une manutention brutale, consistant par exemple à lancer les sacs du haut du camion, et les chocs qu'ils subissent au cours du transport sur une piste mal entretenue aggravent le problème.

Vol. Ils interviennent le plus souvent pendant le transport ou au moment du stockage lorsque ces opérations ne sont pas surveillées. Les commerçants qui n'accompagnent pas leur chargement risquent le chapardage de petites quantités, soit par le conducteur du camion, soit par les passagers. Ces petites quantités peuvent former un volume important si les vols sont fréquents. Il faudra tenir compte de ce risque et l'incorporer dans le calcul des prix sur la base d'une estimation raisonnable.

Le maïs endommagé par les insectes pendant le stockage peut subir de fortes pertes de poids.

Pertes au cours du nettoyage. Nous avons vu que les produits livrés par les paysans contiennent souvent beaucoup d'impuretés et que le commerçant doit procéder à leur nettoyage avant de pouvoir les vendre en ville. Les opérations de nettoyage comportent l'élimination des cailloux, des morceaux de bois ou d'autres objets lourds contenus dans les sacs, d'où une nouvelle perte de poids.

Pertes causées par les insectes, les rongeurs et d'autres ravageurs. Lorsque les conditions de stockage des céréales ne sont pas adéquates (locaux mal fermés ou absence de fumigation), les produits sont soumis aux attaques des insectes, des rongeurs et des oiseaux. Les pertes peuvent être considérables lors du stockage à long terme. Le traitement des pertes dans le calcul des coûts de commercialisation est une question relativement complexe. Indépendamment des quantités perdues, il peut y avoir des pertes de qualité qui seront prises en compte dans le calcul du prix de vente du produit. La meilleure façon de calculer les pertes consiste à comparer la quantité de produits revendue avec la quantité achetée à l'agriculteur. Cette méthode est la plus exacte car elle inclut les coûts d'emballage, de transport, de manutention et d'entreposage des produits perdus.

Coûts de stockage

Le stockage des céréales représente un coût important. Il a pour but principal de prolonger la disponibilité du produit sur une période relativement longue. Le stockage commercial repose toujours sur l'hypothèse qu'au moment de la vente des produits les prix seront suffisamment élevés pour couvrir les coûts d'entreposage. Les éléments qui composent les coûts de stockage sont:

Coûts de transformation

Lorsque le producteur ou le commerçant fait subir aux céréales un traitement (traditionnel ou artisanal) pour améliorer leur valeur commerciale, des coûts relativement importants peuvent en découler. Des céréales comme le riz doivent être traitées. On a trop souvent tendance à oublier, par exemple, que le prix payé à l'agriculteur pour un kilo de riz paddy n'est pas directement comparable à celui payé par le consommateur pour un kilo de riz blanchi ou étuvé, parce qu'il ne s'agit pas du même produit.

Les agriculteurs doivent savoir qu'il convient de récolter le riz paddy pour réduire le nombre de grains brisés et de le faire sécher correctement (sur une plate-forme de séchage ou une natte en évitant le contact avec des impuretés) afin de faciliter les opérations de transformation. La transformation commerciale du sorgho et du petit mil n'est pas très répandue, car d'une part ces produits sont généralement destinés à la consommation de la famille et, d'autre part, le coût de leur transformation peut être relativement important. Voici quelques exemples de transformation primaire:

Dans les coûts de transformation il faudra aussi inclure le séchage des produits par des méthodes simples.

Pour calculer l'incidence des coûts de transformation sur la rentabilité du prix de vente, il faut connaître le taux de conversion, la quantité de sous-produit, la valeur du sous-produit et les coûts de transformation.

Coût des capitaux

Les coûts des capitaux ne sont pas très visibles mais ils peuvent être très importants. Pour travailler, un commerçant peut avoir à emprunter de l'argent à une banque, à un proche ou à un usurier. L'intérêt qu'il paie pour cet emprunt représente un coût. Si un négociant utilise son propre capital, il doit aussi calculer la perte représentée par le montant des intérêts qu'il aurait pu gagner si son argent avait été placé à la banque. Les économistes appellent cela le coût d'opportunité.

Encadré 3

Inflation

Par souci de simplification, le calcul des coûts présentés ici ne prend pas en compte l'inflation. Plusieurs pays connaissent une flambée persistante des prix et ce facteur joue un rôle important dans les décisions que doivent prendre les agriculteurs concernant le choix des céréales à cultiver, l'éventualité d'un stockage prolongé et le choix du moment de la vente.

Beaucoup d'agriculteurs et les encadreurs eux-mêmes ne savent pas très bien ce qu'est l'inflation. Pour les aider nous utiliserons la notion de prix réel*.

Prenons un exemple simple:

Prix du maïs en mai:               100 FCFA
Prix du maïs en novembre:    150
Accroissement du prix:            50  
Coût du stockage:                    20
Bénéfice dû au stockage:       30 FCFA

* Pour calculer le prix réel, on divise le prix effectif par le pourcentage de hausse plus 100 et on multiplie le résultat par 100. Dans notre exemple nous aurons: (FCFA 150 ÷ 130%) X 100 = 115.

On peut conclure que le stockage a été une bonne opération commerciale.

Considérons maintenant que la hausse des prix dans la région, autrement dit l'inflation, s'est située autour de 60 pour cent par an et que, de mai à novembre, elle a été de 30 pour cent.

Prix du maïs en mai:                             100 FCFA
Prix du maïs en novembre:                  150
Prix "réel" du maïs en novembre:       115
Accroissement du prix "réel"               15
Coût du stockage:                                 20
Perte due au stockage pour 6 mois: 5 FCFA

Ainsi l'inflation peut changer une activité apparemment bien rentable en une situation moins rentable, voire une perte.

Prenons un autre exemple:

Deux choix peuvent se présenter à un agriculteur qui veut vendre son riz. Il peut vendre à un client qui lui donnera 100 FCFA dans l'immédiat ou vendre à crédit à un autre qui lui donnera 110 FCFA dans deux mois.

Si le taux d'inflation est de 5 pour cent par mois, le prix «réel» au bout de deux mois sera de 100 FCFA. Le paysan n'aura donc aucun intérêt à vendre à crédit.

Les encadreurs peuvent aider les agriculteurs à comprendre en quoi consiste l'inflation en se basant sur le rapport entre les quantités et les prix relatifs à deux périodes données.

Par exemple: Le paysan vend un sac de riz de 100 kg à 10 000 FCFA au mois de mai; quelles quantités de riz pourra-t-il acheter en novembre avec la même somme?

Dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, les taux d'intérêt pratiqués par les banques sur les prêts destinés à la commercialisation sont très élevés. Pour éviter de payer trop d'argent à la banque, les commerçants ont donc intérêt à vendre leurs céréales aussi rapidement que possible, notamment s'ils ne sont pas certains que les gains de stockage couvriront largement les différents coûts. Dans bien des cas, le commerçant ne peut disposer rapidement de l'argent nécessaire pour rembourser ses prêts. Ce cas se présente quand il est obligé de consacrer beaucoup de temps à la collecte des produits dans des villages éloignés. C'est aussi le cas s'il livre ses produits à une unité de transformation (minoterie ou usine) qui tarde à payer.

Les commerçants connaissent bien ce problème quand ils vendent les céréales aux offices de gestion des stocks de sécurité dans les pays sahéliens ou à certaines administrations pour le compte de leurs travailleurs. Les paiements se font souvent avec des retards considérables dus essentiellement aux lourdeurs administratives.

Commissions, redevances et paiements non officiels

Les coûts décrits ci-dessus sont les principaux coûts liés à la commercialisation des produits agricoles. Mais il en existe beaucoup d'autres dont il faut tenir compte lorsqu'on calcule la totalité des frais supportés pendant les activités commerciales. Ces coûts peuvent être faibles dans un cas et représenter un pourcentage élevé des frais totaux dans un autre. Les personnes utilisant les marchés doivent payer des droits d'accès; dans certains marchés, les courtiers ou magasiniers demandent des commissions. Il ne faut pas non plus oublier les impôts à payer et les pots-de-vin servant à l'ouverture des barrages routiers pendant le transport du produit, ou à obtenir l'autorisation de gérer une affaire. Tous ces coûts doivent être pris en considération dans les calculs.

CALCUL DES COÛTS DE COMMERCIALISATION

Une fois que tous les coûts ont été calculés, il faut les additionner pour obtenir les coûts totaux de commercialisation. Le calcul varie selon la complexité de la chaîne de commercialisation, selon qu'il y a ou non transformation et selon le nombre des intermédiaires. La figure 3 (voir page 56) donne un exemple de ce calcul.

En évaluant le bénéfice brut du collecteur et du détaillant, on devra prendre en compte tous les coûts qui ne peuvent être calculés par kilogramme. Ces coûts sont répartis tout le long de l'année et ne peuvent être attribués que très difficilement à des produits particuliers. Lorsqu'on les déduit du bénéfice brut, on obtient le bénéfice net: ce bénéfice sera donc bien inférieur au bénéfice brut.

Figure 3

Calcul des coûts de commercialisation

Supposons que des producteurs de sorgho attendent sur le marché du village que des commerçants collecteurs viennent leur acheter leurs céréales. Ils transportent sur la place du village le sorgho qu'ils vendent à 40 FCFA le kilogramme. Les commerçants reconditionnement le sorgho dans des grands sacs de 130 kg et le transportent sur un marché de ville où il est vendu aux commerçants détaillants à 60 FCFA le kilogramme. Les commerçants détaillants transfèrent à leur tour le produit dans des sacs de 60 kg qui sont transportés jusqu'aux différents points de vente où la vente s'effectue en partie par sac de 60 kg et en partie, après un autre reconditionnement, par sachet de 5 kg. Les pertes sont considérables. En ce qui concerne les commerçants collecteurs, elles peuvent atteindre 10 pour cent, si bien qu'ils ne vendent en définitive que 0,9 kg pour chaque kilogramme acheté au producteur. Les détaillants, quant à eux, perdent encore 10 pour cent de ce qu'ils achètent, de sorte qu'ils ne vendent que 0,81 kg pour chaque kilogramme acheté par le collecteur à l'agriculteur.

Le prix de vente au détail moyen est de 80 FCFA le kilogramme.

 

Par kg acheté à l'agriculteur en FCFA

Achat au producteur 1 kg x 40

40,00 F

Emballage (400 sacs de 120 kg)

3,33

Manutention pour emballer,charger et décharger (60 F/ sac de 120 kg)

0,50

Transport jusqu'au marché de ville (400 F/sac de 120 kg)

4,0

Frais en route tels que barrages routiers

0,1

Droits d'accès au marché

0,1

Honoraires du courtier

0,2

Coûts totaux

48,23 F

Revenu brut (0,9 kg x le prix de vente 60 F par kg)

54,00

Bénéfice brut du collecteur

9,77 F

Prix d'achat du détaillant (60 x 0,9 kg)

54,0

Droit d'accès au marché

0,1

Emballage pour le transport du marché au magasin

2,5

Rémunération des porteurs sur le marché

0,5

Transport jusqu'au magasin (50 F/sac de 60 kg)

0,83

Pesage, coût des sacs additionnels pour la vente au détail (pour 0,81 kg)

1,5

Coûts totaux pour le détaillant

53,43F

Produit de la vente de 0,81 kg (0,9 kg x 0,9) pour un prix de vente de 80 F le kg

64,80

Bénéfice brut du détaillant

11,37 F

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