2. Résultats

2.1. Estimation de la superficie des massifs d’eucalyptus

2.1.1. La couverture totale

L’échine centrale de l’île, entre 800 et 1800m d’altitude, a été la plus plantée en eucalyptus (124'000 hectares). Sur l’étage montagnard (supérieur à 1800m) on a inventorié 15'700 hectares. Les zones côtières sous 800m ne comptent que 7'300 hectares. On en déduit que la couverture totale, toutes zones et espèces confondues, se chiffre à 147'000 hectares d’eucalyptus, soit 46,5% des peuplements forestiers artificiels (figure 1).

2.1.2. La répartition des peuplements d’eucalyptus par domaine de végétation

Les 147'000 hectares d’eucalyptus sont également répartis dans les 5 domaines principaux de formations végétales naturelles comme le suggère la figure 2.

Le domaine de l’Est et du Sambirano ne regroupe que 7'300 hectares (figure 2), soit 5% du total. Ce sont des plantations de Eucalyptus robusta, E. camaldulensis (syn. E. rostrata), E. citriodora, et d’E. grandis. En dessous de 800m d’altitude, les seuls peuplements importants sont ceux des stations forestières plantées au moment des recherches sur les espèces exotiques adaptées pour la couverture rapide des basses collines orientales (Andranomanitra, Ambanja (Antsiranana), Toamasina, Brickaville : ancien reboisement du ferrochrome, Fanjahira-Fort-Dauphin).

Dans le domaine du Centre, les plantations sont les plus importantes : 122'000 ha en étage de moyenne altitude sur versants orientaux (83%), 13'000 ha en étage des montagnes (9%) et 2'200 ha en étage de moyenne altitude sur versants occidentaux (1%).

Le domaine de l’Ouest ne comprend que deux grands massifs (Antanimieva et Andranovory – Toliary) s’étendant sur 2'900 ha (2%).

2.1.3. La répartition des peuplements d’eucalyptus selon le type de végétation naturelle dans le domaine de l’Est et du Sambirano

La majeure partie des plantations ont été installées le long de la côte orientale, dans les stations de l’Administration forestière (6'500 ha) (figure 3). C’est une zone où la forêt naturelle prédomine et où les reboiseurs sont très rares. Les quelques 450 ha qui colonisent les jachères, lambeaux forestiers et prairies graminéennes sont en grande partie constitués par l’ancien grand reboisement du ferrochrome de Mahaela (Brickaville – Toamasina). La composition en espèces est très variée mais E. camaldulensis (syn. E. rostrata), E. robusta et E. citriodora sont les plus courantes.

De nombreux travaux de recherche en génétique des pins ont été entrepris dans ce domaine et constituent une surface relativement importante en ce qui concerne la couverture en exotiques de reboisement. Enfin, il y a lieu de retenir que Grevillea banksii colonise quelques milliers d’hectares dans ce domaine et produit du bon bois énergie.

2.1.4. La répartition des plantations d’eucalyptus selon le type de végétation naturelle dans le domaine du Centre (versants orientaux, étage de moyenne altitude)

Les versants orientaux du domaine du centre constituent la vraie région à eucalyptus de plantation (122'000 ha). Ce sont principalement des peuplements plantés sur savane (figure 4).

Sur les basses collines orientales, E. robusta et E. camaldulensis (syn. E. rostrata) forment en tout 1'900 ha, de Toamasina à Mahanoro. La majeure partie de ces plantations sont sur savane, reboisées en stations forestières ou durant les dix premières années de l’après colonisation pendant lesquelles les opérations étaient du devoir national.

E. grandis et E. robusta sont installées dans la zone de la forêt dense humide sempervirente (800 ha). Il s’agit des premières introductions de ces espèces dans la zone (fin des années 1950) et des premières extensions par les planteurs privés. E. grandis est gérée en futaie de grands arbres, parfois de plus de 60 mètres tandis que E. robusta est traitée en taillis pour bois énergie.

Des deux côtés de la Route Nationale 44 Moramanga-Ambatondrazaka et le long de la voie ferrée, les futaies et taillis d’E. robusta côtoient la voie ferrée et les pins du reboisement industriel de la FANALAMANGA, dans des lambeaux de forêt naturelle et des formations graminéennes. Plus au nord, la grande majorité des peuplements avaient pour vocation la protection des bassins versants dominant le grenier à riz. Ce sont donc de vieilles futaies quasiment inexploitées mais régulièrement parcourues par les feux de brousse annuels. L’ensemble des peuplements couvrent 35'500 ha.

L’axe Anjozorobe-Manjakandriana-Tsiazompaniry constitue la plus importante zone de prédilection de E. robusta (64'000 ha).

Sur la moitié nord (Anjozorobe-Ankazondandy), les futaies prédominent. Elles fournissent du bois d’œuvre pour la ville d’Antananarivo et concurrencent les bois de forêt naturelle comme l’Ocotea du versant ouest de la falaise. Les produits des taillis contribuent encore très peu à l’approvisionnement de la ville, le trafic étant très peu important pour le transport des produits (petits bois, charbon et bois de chauffe) et le bois d’œuvre, plus rémunérateur, intéressant encore plus les transporteurs.

Sur la moitié sud, les futaies sont devenues très rares. Les seules importantes sont celles très mal desservies ou celles qui sont sujettes à des conflits d’héritage. Les taillis fournissent du bois énergie (chauffe et charbon) et assurent pour plus de 70%, l’approvisionnement de l’agglomération urbaine qui consomme plus de 150'000 tonnes annuelles de ces sources d’énergie domestique. Les taillis sont exploités à des rotations de 2 à 5 ans.

Au centre, et sur l’axe RN4-RN7, depuis Andriba jusqu’à Fianarantsoa, en passant par Antananarivo et Antsirabe, les peuplements d’E. robusta s’étendent sur une longue bande, entrecoupée de zones dénudées ou d’agglomérations urbaines. La vigueur et la longévité exceptionnelles de l’espèce semblent motiver les reboisements des terrains domaniaux ou privés sur savanes ou pseudosteppes, afi n de constituer une preuve de mise en valeur, condition nécessaire à l’appropriation par les privés, des terrains domaniaux incultes. Plus tard, les massifs sont devenus les plus importantes sources de bois de tous usages pour l’approvisionnement des centres urbains (en particulier, bois énergie et de service).

2.1.5. La répartition des plantations d’eucalyptus selon le type de végétation naturelle dans le domaine du Centre (versants orientaux, étage des montagnes)

C’est une partie de la zone précédente mais enclavée dans les hautes montagnes d’Antananarivo et d’Antsirabe (figure 5). Elle est très difficile à desservir (5’600 ha sur prairies altimontaines et 7'200 ha sur savanes). Aussi tous les peuplements d’E. robusta sont-ils parfois de vieilles futaies très sélectivement exploitées, ou des taillis à perches et très peu de bois énergie quand la desserte est trop difficile.

2.1.6. La répartition des plantations d’eucalyptus selon le type de végétation naturelle dans le domaine du Centre (versants occidentaux, étage de moyenne altitude)

C’est une zone très difficile à reboiser en eucalyptus à cause des feux de brousses annuels très violents qui détruisent les plants dès le jeune âge. Toute cette zone du moyen ouest peut néanmoins être plantée en E. camaldulensis qui d’ailleurs est la seule espèce vulgarisée. Toutes les plantations (52'200 ha) sont dans des zones relativement protégées, sur formations graminéennes ou sur savanes (figure 6).

Les formations sont toutes des futaies âgées de plus de 30 ans. Le bois est toutefois mal prisé par la population et les exploitations en sont très rares. E. camaldulensis pourrit très vite et est attaqué par les termites. On préfère acheter très cher les ressources des forêts galeries ou des reliques de forêt naturelle.

A part le bois de chauffe qu’on achemine, par transport local (charrettes), vers les marchés les plus proches, on fait venir le charbon de bois de très loin (Antananarivo ou Antsirabe).

La région est également une zone d’élevage où les bovins se nourrissent du pâturage naturel renouvelé par les feux annuels qui laissent très peu de chance de réussite aux actions de reboisements hors des agglomérations. Le sol est sujet à l’érosion qui diminue progressivement la fertilité des tanety intensivement exploités pour les cultures sèches.

2.1.7. La répartition des plantations d’eucalyptus selon le type de végétation naturelle dans le domaine de l’Ouest

La zone de l’Ouest, aux conditions climatiques très dures, est la plus grande région déficitaire en bois. Seules deux espèces exotiques se sont adaptées à ces conditions : Azadirachta indica (Neem) et Eucalyptus camaldulensis. Les quelques 3'000 ha d’eucalyptus sur savanes (figure 7), constituent deux grands massifs implantés durant les années du Reboisement devoir national, dans des chantiers à gestion publique (Antanimieva et Andranovory).

Le bois d’eucalyptus, comme pour toute la zone occidentale de l’île, n’est pas prisé par la population, même comme bois énergie. On préfère de loin le bois noble comme le palissandre à ce bois qui produit trop de fumée et qui se consume très vite. De plus, on estime que le bois est très peu durable et est facilement attaqué par les insectes.

2.2. Estimation de la production en volume des massifs d’eucalyptus et mode de gestion

Il a été nécessaire de répartir les surfaces globalement calculées, par domaine, par types de peuplements (régime) et de gestion (âge, rotation adoptée par le gestionnaire). Ce qui a conduit à une répartition de la couverture en eucalyptus en 21 zones significativement différentes (Annexe 2).

D’une manière générale :

les grands massifs du type «futaie 1 » (voir tableau 1 et suivants) sont domaniaux, gérés par l’Administration forestière (stations forestières, arboreta et collection, points d’essais de la Recherche). Ils sont très rarement livrés à l’exploitation. Leur âge varie de 30 à 40 ans.

Les «futaies 2 » sont soit des peuplements gérés par l’Administration, soit des peuplements privés à exploitation très sélective, soit des peuplements qui restent inexploités à cause des conflits sur la forme légale de l’appropriation du terrain ou à cause de la difficulté d’accès. Leur âge moyen est de 20 ans.

Les taillis (types 1, 2, 3) sont les vrais peuplements privés qui produisent surtout le bois énergie destiné à l’approvisionnement des centres urbains ou d’agglomérations importantes. La classe «taillis 1 » de 10 ans fournit du bois de chauffe ou des perches (bois de service). Les taillis du type 2 et 3, exploités à des rotations de 2 à 5 ans sont desservis par les axes routiers principaux (routes nationales, provinciales ou communales). Soumis à des pressions diverses (demande des consommateurs urbains, profit rapidement assuré pour les producteurs), ces derniers courent le risque de dépérissement.

Les calculs de volumes sont déduits des tables de production (Randrianjafy ; Deleporte, 1998) pour E. robusta et des tables de cubage de Chauvet (1971) pour E. camaldulensis. Il n’a pas été possible d’aller plus loin dans l’estimation des catégories de produits donnés par l’arbre. Aussi les cubages présentés donnent-ils les volumes totaux sur pied et sur écorce et les catégories «bois d’œuvre », «bois de service » et «bois énergie » déduits du mode de gestion du peuplement à son âge.

2.2.1. La réserve de bois produits par les peuplements d’eucalyptus dans le domaine de l’Est et du Sambirano

Dans les 3 formations de 7'300 ha, la réserve de bois sur pied s’élève à plus de 3 millions de mètres cube (Zones 01, 02 et 03, tableau 1) :

Les 2,4 millions de m³ sont immobilisés dans les stations forestières ou dans les reboisement s communaux qui ne sont pas exploités sauf cas de force majeure comme les besoins en reconstruction des habitations après les cataclysmes (cyclones, incendies). Il y a toutefois lieu de noter que la station forestière de Fanjahira (Zone 01) a été dernièrement ouverte à l’exploitation pour fournir des poteaux de ligne à la Société nationale de production d’énergie électrique ;

Le reste (0,6 millions de m³) ne sera probablement jamais exploité que par les riverains.

2.2.2. La réserve de bois produits par les peuplements d’eucalyptus dans le domaine du Centre (versants orientaux, étage de moyenne altitude)

17,6 millions de m³ de bois d’eucalyptus sont répartis sur 122'000 ha (tableau 2).

Zone 04 : Dans la forêt naturelle de Périnet, Moramanga et Sandrangato, la réserve de bois est constituée de grands arbres d’E. grandis d’anciennes sociétés dont le reboisement était une activité annexe. Le bois d’œuvre est plutôt du bois de construction (135'000 m³). 1,2 millions de m³ de poteaux de ligne peuvent encore être soutirés des peuplements.

Zones 05 et 06 : Une partie attenante à la partie ouest de la forêt naturelle et longeant la route nationale 44 et la voie ferrée (Mantadia-Fierenana-Didy) a été plantée de belles futaies d’E. robusta. On peut en soutirer près de 3,3 millions de m³ de bois d’œuvre ou de construction, 2,3 millions de m³ de bois de service (poteaux et perches) et 0,5 millions de m³ de bois énergie.

Zone 07 : Les taillis sont exploités à 5 ans et plus. Le bois est utilisé pour du charbon parfois acheminé vers Antananarivo. La réserve est constituée de près de 1,5 millions de m³.

Zones 08 à 11 : Les taillis prédominent. Deux axes routiers contribuent et facilitent la desserte et l’écoulement des produits (RN2 et l’axe Anjozorobe-Manjakandriana-Tsiazompaniry). La réserve immédiatement mobilisable peut fournir 1,8 millions de m³ de bois d’œuvre, 1,3 millions de m³ de bois de service et 3,5 millions de m³ de bois énergie exploités entre 2 et 5 ans de rotation.

Zones 12 à 14 : Sur les RN 4 et 7, d’Andriba à Fianarantsoa en passant par la Capitale et la deuxième grande ville du Centre (Antsirabe), les peuplements sont des vieilles futaies de moindre importance anciennement installées pour la lutte contre les effets des feux de brousse ou l’érosion des sols et constituant une réserve globale de 0,9 millions de m³ de bois d’œuvre et de 0,3 millions de m³ de bois de service. Le type intermédiaire n’existe plus et les taillis sont destinés à la consommation de bois énergie (0,6 millions de m³).

2.2.3. La réserve de bois produit par les peuplements d’eucalyptus dans le domaine du Centre (versants orientaux, étage des montagnes)

Au moins 3 millions de m³ de bois d’eucalyptus se trouvent enclavés dans les montagnes du centre, sur plus de 12'000 ha (tableau 3, zones 15 à 18). L’exploitation est difficile et les produits sont acheminés vers les centres consommateurs (surtout urbains) en complément de ceux des peuplements de flanc ou de bas de pente. Il y a près de un million de m³ qui peuvent être utilisés comme bois d’œuvre, 1,8 millions de m³ comme bois de service et moins de 0,4 millions de m³ comme bois énergie.

2.2.4. La réserve de bois produit par les peuplements d’eucalyptus dans le domaine du Centre (versants occidentaux, étage de moyenne altitude)

La zone 19 du Moyen Ouest est la moins boisée du domaine du Centre. Les peuplements d’eucalyptus couvrent près de 2'000 ha, sur des sites très localisés constitués d’anciens reboisements de protection ou communaux. Les peuplements souffrent des feux de renouvellement de pâturage mais E. camaldulensis, une fois libérée de cette concurrence, résiste bien.

La réserve est estimée à près 0,9 millions de m³ de bois d’œuvre et de moins de 100'000 m³ de bois énergie (tableau 4).

2.2.5. La réserve de bois produit par les peuplements d’eucalyptus dans le domaine de l’ouest

Les peuplements d’E. camaldulensis de l’Ouest sont des anciennes démonstrations et restent la propriété de l’Administration (zones 20 et 21, tableau 5). Ils n’ont jamais fait l’objet d’exploitation et d’ailleurs le bois n’est encore estimé ni comme bois d’œuvre ni comme bois énergie. La réserve est pourtant assez importante, avoisinant un million de m³. Les massifs sont en outre, très éloignés des centres et agglomérations urbains, consommateurs potentiels.

2.3. Conclusion

La réserve de bois d’eucalyptus est partout importante. Les futaies d’E. camaldulensis vieillissent sur les régions côtières. Les espèces de forêt naturelle y sont encore plus estimées et disponibles. Les peuplements d’E. robusta du Centre sont par contre soumis à des exploitations intenses.